SOURCE - Présent - Abbé Claude Barthe - 16 février 2013
Une approche dont belgicatho épouse l'analyse et fait sien le diagnostic :
— Comment un Pape « démissionne»-t-il ? Quels sont les exemples historiques et que dit le droit (canon 221 de l’ancien CIC-17, et canon 332 du CIC-83) ?
— Quelles en sont les raisons ? Le Pape a évoqué sa fatigue ; peut-on supposer qu’il n’a pas trouvé le soutien qu’il a représenté lui-même auprès de Jean-Paul II ?
Il a donné l’impression d’hésiter en lui-même pour savoir ce qu’était la vraie « ligne Ratzinger », celle du théologien conciliaire qui avait participé à renverser la Curie de Pie XII, ou bien celle de l’auteur de L’Entretien sur la foi, qui durant près de 25 ans, comme Préfet de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, avait tenté d’encadrer le torrent du Concile et qui avait, on peut le dire, pensé intellectuellement le processus de restauration engagé par Jean-Paul II. Les nominations curiales de Benoît XVI ont été majoritairement, au moins du point de vue symbolique, dans la ligne deL’Entretien sur la foi (entre autres : Burke, Piacenza, Sarah, Cañizares, Ranjith, ce dernier restant à des milliers de kilomètres – Colombo – un homme de Curie). Mais il y a eu aussi des nominations faites pour ainsi dire par le premier Ratzinger : Hummes, durant un certain temps, à la Congrégation du Clergé, Müller, l’an passé, à l’ex- Saint-Office, Ravasi, surtout, un exégète semi-libéral.
Etait-ce tout le problème de ce pontificat qui s’achève comme un concert au milieu de la partition ? L’opposition au pape, diverse mais féroce, a constamment cherché à le pousser à la démission morale. Mais on a l’impression que c’est l’ensemble des « bons » qui, avec le pape, ont été intimidés, ankylosés. Que se serait-il passé si ces hommes nommés par lui, dont certains excellents, avaient exercé un pouvoir de substitution comme le firent sous Jean-Paul II, certes dans le désordre, les Sodano, Re, Sandri, qu’on peut estimer préjudiciables, ou comme les Medina, Castrillón, un vrai « fonceur », et aussi comme… le cardinal Ratzinger ? Pape âgé, ménageant ses forces au maximum, devenu quasi inaccessible (la plupart des chefs de dicastères n’avaient pas de conversations régulières avec lui), couvé par un entourage dominé par la très sympathique personnalité de Georg Gänswein, il était convenu que toutes les décisions sensibles à prendre devaient passer entre les mains de Benoît XVI. Et elles y restaient des mois et des mois.
— N’y a-t-il pas, désormais, le risque d’une « fracture », entre partisans de l’ancien et du nouveau pape, si l’on peut dire. Et, plus philosophiquement, celui d’un relativisme, contre lequel Benoît XVI s’est si souvent élevé ?
Alors, en effet, on verrait non pas ressurgir, car il est toujours bien là, mais reprendre un certain nombre de postes de commande à tous les niveaux, un progressisme, qui est en réalité un libéralisme mortifère. Le soulagement qu’il manifeste depuis l’annonce de la renonciation montre qu’il pense que son heure est revenue. J’imagine un immense découragement, d’une part de ceux que l’on appelle les membres des forces vives (traditionalismes divers, communautés nouvelles, jeunes prêtres col romain, communautés religieuses qui recrutent, familles, mouvements de jeunesse, etc.), mais aussi un découragement des libéraux eux-mêmes, car leur retour en force ne ferait qu’accentuer la désertification des diocèses, des paroisses, des congrégations. Alors, le relativisme contre lequel s’est élevé Benoît XVI reprendrait ad intra tous ses droits. Ce qui provoquerait le risque d’une fracture dans l’Eglise, demandez-vous ? Non pas un risque, mais une salutaire fracture.
Heureusement, l’hypothèse qui sous-tend votre question n’est pas la seule.
— Quelle serait l’autre hypothèse?
— Si d’ailleurs Benoît XVI a le sentiment que la situation se délite (je ne parle pas de la question physique), n’est-il pas envisageable qu’il préfère que l’élection ait lieu maintenant, plutôt que plus tard ?
— Que deviendra Benoît XVI ? Quel rang aura-t-il ?