Réfugiés: une bombe enclenchée et oubliée
Marialaura Conte sur OASIS (19 septembre 2013)
« Savez-vous quelle est la bombe, la véritable bombe qui risque de faire sauter la poudrière qu’est le Proche-Orient ? Les réfugiés syriens ». Pascal Monin, professeur à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth en est convaincu, et profondément préoccupé : le nombre des réfugiés syriens, le plus élevé jamais enregistré, est en train de saper les équilibres déjà précaires des pays qui les accueillent : le Liban, la Jordanie, l’Irak, la Turquie.
D’habitude, les articles sur les réfugiés s’ouvrent sur une image, le visage d’un petit enfant dans les bras de sa sœur, à peine plus grande que lui, qui le porte sur la hanche pour tenter d’en alléger le poids : un flash qui bouleverse les cœurs les plus granitiques parce qu’il montre, de la manière la plus immédiate, que c’est l’innocence, la première victime de la guerre.
Et c’est là le paradoxe : peut-on voir, dans ces visages naïfs, dans ces innocents qui ont besoin de tout, une bombe, et une bombe déjà enclenchée ? Et pourtant, les chiffres parlent clair : plus de 2 millions de Syriens ont fui leur pays, dont un million au cours des six derniers mois. La moitié d’entre eux sont des enfants. Et si le trend actuel devait se poursuivre, on pourrait arriver à la fin de 2013 à dépasser le plafond des 3 millions. Actuellement, on compte 700.000 réfugiés au Liban, plus de 500.000 en Jordanie, 470.000 environ en Turquie, et 200.000 en Iraq, selon les chiffres officiels de l’UNHCR ; mais il faut y ajouter des dizaines de milliers de personnes qui, par ignorance, difficultés diverses ou de leur propre choix, ne se sont jamais enregistrées comme réfugiés.