En Chine populaire, sur le continent, les monastères catholiques de vie contemplative sont à ce jour encore officiellement interdits. Seule l’Eglise diocésaine a droit de cité. On peut toutefois noter que la première abbaye trappiste à avoir été fondée en Asie l’a été en Chine. C’était en 1883, lorsque Notre-Dame de Consolation fut fondée à Yangjiaping, au nord-ouest de Pékin, qui essaima en 1928 avec le monastère Notre-Dame de Liesse, installé près de Zhengding, dans la province du Hebei. Dispersées après 1949, ces communautés se replièrent en partie à Hongkong où, en 1950, elles fondèrent Notre-Dame de Joie, sur l’île de Lantau, un monastère qui a été élevé au rang d’abbaye en 1999. Plus récemment, en 2010, des trappistines venues d’Indonésie ont fondé une communauté à Macao. Cette absence relative des ordres contemplatifs en Chine populaire interroge. De Michel Chambon sur le site « Eglises d’Asie » :
"Les éternelles négociations qui se poursuivent entre Rome et Pékin révèlent en contraste une approche de l’Eglise en Chine qu’il serait temps de questionner. Du fait d’une focalisation sur la nomination des évêques en Chine, on est tenté de penser que l’Eglise est uniquement une affaire de diocèses et d’évêques. De même, les multiples analyses et statistiques sur l’Eglise en Chine se préoccupent d’abord du nombre d’évêques, de prêtres, de séminaristes, de religieuses, du découpage des diocèses et des paroisses, ou encore du développement et de l’impact des services sociaux portés par l’Eglise. Mais toutes ces informations laissent dans l’ombre une partie de l’Eglise à laquelle la Tradition accorde pourtant la plus haute importance : la présence monastique.
Il est surprenant de constater combien la majorité des réflexions sur l’Eglise en Chine considère le corps du Christ uniquement sous son angle séculier. Les seuls religieux évoqués sont les religieuses apostoliques, toutes engagées dans l’administration des paroisses et les services sociaux (maisons de retraite, jardins d’enfants). Dès lors, le risque est que l’Eglise apparaisse seulement comme une administration encadrant des populations – ce qui ne peut qu’inquiéter l’administration officielle et légitime : le gouvernement chinois.
Où est donc passée l’Eglise régulière ? Pourquoi la vie monastique en Chine préoccupe si peu nos analystes et responsables ?
Du côté de l’Eglise catholique universelle, les impulsions données par le Concile de Trente puis par Vatican II ont massivement orienté l’Eglise romaine à se structurer sur une base territoriale et administrative. Contrairement à l’Eglise grégorienne qui donnait la priorité aux réseaux des monastères conçus tels des centres de rayonnement spirituel attirant les croyants (tradition encore vive chez certaines Eglises orthodoxes et orientales), l’Eglise catholique moderne est devenue une entité soucieuse de couvrir des territoires, de tenir des registres détaillés et d’encadrer les populations via de multiples services sociaux.
En Europe, et particulièrement en France, cette restructuration du catholicisme n’a pourtant pas provoqué la disparition des monastères. Aujourd’hui encore, à l’heure où les clergés diocésains sont en crise profonde, les monastères attirent, rayonnent et fécondent bien au-delà de leur clôture.





Quand on regarde l’évolution des choses dans la société européenne contemporaine, au-delà même des questions démographiques, on ne peut pas nier un phénomène qui est la déchristianisation, y compris dans des terres qui sont restées catholiques très longtemps, telle que la Flandre il y a encore trente ou quarante années. Je sais que vous avez une conception qualitative en quelque sorte du catholicisme. Vous préférez un catholique fervent, cohérent et intense, plutôt qu’une dizaine de personnes qui, finalement, sont dans le simulacre du rite. Mais est-ce que, dans le cadre européen, ce recul quantitatif massif de l’Eglise catholique est à caractériser comme un échec, fut-il ponctuel et temporaire, ou pas ?
« Il y a beaucoup de chose à répondre sur une telle question. C’est un échec et en même temps c’est une chance. Dans les décennies qui ont précédé, où nous avons connu dans pas mal de pays d’Europe, notamment la Belgique , un catholicisme très marquant dans la société, faisant même parfois un peu la pluie et le beau temps – et parfois un peu trop –cela avait ses avantages – on avait une société qui était très imprégnée de la foi et des valeurs chrétiennes, mais il manquait peut-être une conviction très personnelle. On était mis sur des rails dès l’enfance : la paroisse, l’école, la famille, les mouvements de jeunesse. C’était beau, mais qu’y avait-il derrière, dans les profondeurs du cœur et de l’âme humaine ? Aujourd’hui, dans cette situation que l’on peut qualifier d’échec, car marquée par un recul quantitatif, il y a l’aspect positif que, si quelqu’un désormais est catholique, il le sera davantage par un choix personnel. Cela, c’est un gain. Donc, oui, il y a un échec, mais un échec qui correspond aussi à une chance qui est offerte.
Le voyage du pape François à Lund et Malmö pour le lancement du 5° centenaire de la Réforme nous remet en mémoire la question fondamentale de l’ecclésiologie à laquelle se réfèrent les communautés protestantes et de savoir exactement sur quoi on « dialogue » lorsqu’on parle d’œcuménisme.