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« Benoît XVI, suivi notamment par le cardinal Robert Sarah, invite les deux formes du rite romain à « s’enrichir réciproquement ». De quoi s’agit-il précisément ? Explications.
Dans la Lettre aux évêques qui accompagne le Motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, Benoît XVI estime que « les deux formes d’usage du rite romain peuvent s’enrichir réciproquement ». Dans l’intention du pape, la réintroduction, dans le cadre paroissial, du missel promulgué par saint Jean XXIII, devrait susciter une émulation liturgique de telle sorte que chaque forme intègre certains aspects positifs de l’autre. Dans un message adressé aux organisateurs des dix-huitièmes rencontres liturgiques de Cologne (29 mars-1er avril 2017), le cardinal Sarah, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, a repris à son compte ce thème de l’enrichissement mutuel des formes rituelles. Trois questions.
UN OGM LITURGIQUE ? S’agit-il d’aboutir à une synthèse entre les deux usages liturgiques, espèce de messe « hybride » brillamment préconisée en son temps par l’abbé Bryan Houghton ? À lire attentivement tout ce que le cardinal Ratzinger a écrit sur la question, il semble clair que, pour lui, la liturgie ne se prête pas à ce genre de manipulation génétique ! Quand J. Ratzinger évoquait cette fameuse « réforme de la réforme » lors des « Journées liturgiques » qui se tenaient en l’abbaye de Fontgombault en juillet 2001, il entendait que l’ancien Missel fût maintenu comme « point de référence », « critère », « sémaphore », parce que ce rite est « vénérable » et signifie « l’identité permanente de l’Église ». En se concentrant sur la réforme du Missel de Paul VI, il appert que Benoît XVI s’intéressait avant tout au bien commun de l’Église, c’est-à-dire à la forme ordinaire à laquelle participent habituellement la grande majorité des fidèles.
Est-ce à dire que la forme extraordinaire est intangible ? Ce serait méconnaître profondément l’essence de la liturgie : un corps organique fruit d’un développement continu. Surtout pas une fabrication artificielle à la manière d’une production technique, mais un processus vivant de croissance, hors duquel le rite se fossilise jusqu’à devenir ce « cadavre embaumé » évoqué par Louis Bouyer. En ce sens, on peut bien parler d’un apport mutuel de l’un à l’autre usage liturgique. La condition sine qua non, c’est que les deux formes se côtoient.
Je suis enclin à penser que, pour envisager les choses de façon positive en termes de complémentarité et non de façon dialectique en termes d’opposition, il est souhaitable que les mêmes prêtres célèbrent les deux formes dans un même lieu : la paroisse, puisque le Motu proprio Summorum Pontificum redonne la main aux curés dans cette affaire. Quel dommage qu’une compréhension partielle et unilatérale du sentiment de Benoît XVI sur ce sujet fasse balayer d’un revers de main par des prêtres de certaines communautés Ecclesia Dei ce passage de la Lettre du pape aux évêques : « Évidemment, pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté. » L’enrichissement réciproque, c’est l’herméneutique de la continuité liturgique !
« Une chose qu’il faudrait impérativement supprimer dans les messes actuelles : le “mot d’accueil”. Contrairement à ce beaucoup pensent, le missel romain actuel, en effet, ne prévoit nulle part de “mot d’accueil”. A la messe, le célébrant n’est pas chargé d’accueillir les fidèles ; ce sont les fidèles réunis sous la présidence du prêtre qui “accueillent” dans leur cœur, par le “Confiteor”, le Christ. Le “mot d’accueil”, tel qu’il est fait un peu partout, est donc totalement contraire à la raison d’être de la liturgie. En outre, les “mots d’accueil” sont souvent une mini-homélie ou, dans certains cas, une marque de courtoise à l’adresse de tel concélébrant de passage. Quel intérêt d’annoncer ce qui sera développé au cours de l’homélie qui suit l’Evangile ou de présenter tel ou tel ministre de l’autel comme s’il était la vedette du moment ? Mais alors, que prévoit le missel ? Dans la Présentation générale, on lit : « Lorsque le chant d’entrée est fini, le prêtre, debout à son siège, fait le signe de la croix avec toute l’assemblée. Ensuite, en saluant la communauté rassemblée, il lui signifie la présence du Seigneur. Cette salutation et la réponse du peuple manifestent le mystère de l’Eglise rassemblée. Après la salutation au peuple, le prêtre, ou le diacre, ou un ministre laïc, peut, par quelques mots très brefs, introduire les fidèles à la messe du jour. » On peut - ce ne doit pas être fait de façon systématique - par quelques mots très brefs, introduire... Les mots doivent être “très brefs” pour ne pas casser le rythme de la célébration ; ils doivent “introduire à la messe du jour” : c’est-à-dire éclairer la raison d’être de la célébration. Par exemple, le 17 mars : « Nous célébrons saint Patrick qui, au Ve siècle et selon la tradition, fut sacré évêque par S. Germain d’Auxerre. Il passa sa vie à christianiser l’Irlande, notamment en prêchant le mystère de la Sainte Trinité. » Conclusion : demandons à nos prêtres de ne plus faire ces “mots d’accueil” que les fidèles, généralement, n’écoutent que d’une oreille distraite en espérant que la messe puisse reprendre le plus vite possible son cours normal. »
[...]
"Le Missel romain issu de Vatican II laisse parfois la porte ouverte “options” : « On fera... on pourra aussi faire... ». Or cette idée d’ “option” est très souvent mal comprise. Aussi faut-il en préciser le sens lorsqu’elle s’applique à la liturgie. Contrairement à ce qu’on croit, l’optionnel, en liturgie, ne signifie jamais - insistons sur le mot “jamais” - un choix laissé au célébrant. En effet, la liturgie obéit à une règle essentielle qui est celle-ci : il y a une “norme” objective qui doit impérativement être suivie. C’est seulement lorsque cette norme ne peut pas être suivie, pour des raisons indépendantes du célébrant, que des “options” peuvent entrer en jeu. L’erreur la plus courante que font aujourd’hui de très nombreux célébrants est celle-ci : ils commencent par considérer les “options”, les “choix” possibles, puis, à partir de là, reconstruisent ou agencent la liturgie. Ce qui a pour résultats d’obtenir des célébrations plus ou moins conformes à la norme, des célébrations bancales et hybrides faite de bric et de broc et dépourvues d’unité. Or, c'est exactement le contraire qu’il faut faire : il faut partir de la norme et, dans la mesure où celle-ci ne peut pas être suivie, voir au cas par cas ce qu’autorisent les “options” légitimes. Telle a toujours été la règle de base en liturgie. Elle a du reste été rappelée dans la Lettre “Dominicae Cenae” de S. Jean-Paul II. Des “options” ont toujours existé, même bien avant le Concile Vatican II. Seule différence : on ne parlait alors pas d’ “options” mais de “permissions” ou de “dérogations” ponctuelles à la règle générale. Pour encore mieux comprendre cette notion d’ “option”, prenons la Présentation générale du Missel romain et voyons comment doit se dérouler le début d’une messe (cf. nn. 47 à 52) : Texte : « Lorsque le peuple est rassemblé, tandis que le prêtre entre avec le diacre et les ministres, on commence le chant d’entrée (introït). (...) Il est exécuté alternativement par la chorale et le peuple ou, de la même manière, par le chantre et le peuple, ou bien entièrement par le peuple ou par la chorale seule. On peut utiliser ou bien l’antienne avec son psaume qui se trouvent soit dans le Graduale romanum soit dans le Graduale simplex ; ou bien un autre chant accordé à l´action sacrée, au caractère du jour ou du temps, et dont le texte soit approuvé par la Conférence des évêques. » Commentaire : on voit ici qu’il y a une gradation. Il est d’abord demandé de chanter l’antienne d’entrée grégorienne donnée dans le “Graduel romain”. Si personne ne peut l’exécuter, on prendre l’antienne donnée le “Graduale simplex”. Et si cette dernière antienne est encore trop difficile à exécuter, alors - mais seulement alors - on peut prendre un chant dont les paroles, est-il précisé, doivent être accorées au sens de la liturgie du jour et approuvées par la conférence des évêques. La gradation se poursuit dans le texte de la Présentation générale : « S’il n’y a pas de chant pour l’entrée, on fait réciter l’antienne que propose le Missel, soit par les fidèles, soit par certains d’entre eux, soit par un lecteur ou, autrement, par le prêtre lui-même, qui peut aussi l’adapter sous forme de monition d’ouverture. » Conclusion : il faut commencer par faire son possible pour que l’antienne grégorienne soit chantée et non pas se contenter systématiquement d’un cantique faisant office de chant d’entrée. La norme est le chant grégorien : on doit tout faire pour le favoriser. Cette fausse compréhension de l’idée d’ “option” montre qu’un missel, quel qu’il soit, mis entre les mains de prêtres peu ou mal formés, conduit à la création de liturgies fausses, décousues, ennuyeuses car manquent d’unité et de cohérence.
Trop d’options, même déclinées sous forme de priorités graduées, engendrent inévitablement des dérives qui nuisent à l’aspect répétitif et codifié sacralisant un rit(e) quel qu’il soit, le comble étant qu’actuellement le rit romain comporte désormais deux formes, l’une ordinaire et l’autre extraordinaire. De la messe de Paul VI, le fidèle lambda retient finalement l’impression qu’elle n’est pas très ritualisée et de la messe de Pie V, celle qu’elle est trop rigide.
In medio virtus. Pour mettre un peu d'ordre, le pape Benoît XVI et le Cardinal Sarah ont plaidé pour une « réforme de la réforme » réunifiant en ce sens les deux formes du rite romain. Mais le pape actuel, peu ritualiste, ne partage pas ce point de vue, craignant qu’il soit porté atteinte à l’esprit libéral prévalant aujourd’hui dans les célébrations ordinaires de la messe, qui sont l’immense majorité.
Prédication pour le 2e dimanche de carême, dimanche de la Transfiguration (archive du 4 mars 2012) par le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine (Mc 9, 2-10)
Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s'entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu'ils avaient vu, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d'entre les morts ».
Dans cette Lettre, Mgr Jean-Pierre Delville commente les visites pastorales qu’il vient d’effectuer dans son diocèse. Comme fil conducteur de son texte, l’évêque de Liège a choisi un superbe médaillon en cuivre et émaux colorés du XIIe siècle appartenant au Trésor de la Collégiale Notre-Dame de Huy. Ce médaillon représente un arbre fruitier poussant au bord d’une rivière bleue ; l’arbre est présenté par deux anges et porte des pommes mûres. Au centre, on voit une phrase de l’Apocalypse : Qui vicerit dabo illi edere de ligno vitae » (au vainqueur, je donnerai à manger de l’arbre de la vie) Ap.2.7. Sous l’arbre, apparaît la légende « Lignum Vitae » et sur le pourtour du médaillon, on peut lire : « Universae viae Domini misericordia et veritas » (toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité) Ps 24.10.
Il n’est pas possible de reproduire ici toutes les déclinaisons thématiques concrètes que l’évêque tire de ce médaillon pour les appliquer aux thèmes de ses pérégrinations diocésaines. Retenons celles qu’il consacre à l’Eucharistie et au Baptême :
« L’arbre de vie présente les fruits de la vie et ces fruits correspondent à l’hostie de l’eucharistie. Le médaillon s’inspire sans doute de Rupert de Deutz (1070-1129), ce moine de Saint-Laurent à Liège, devenu abbé de Deutz près de Cologne et grand théologien de son temps. Il a écrit de nombreux commentaires de l’Ecriture, en particulier de l’Apocalypse , et il vivait quelques années avant la confection du médaillon de Huy. Il identifie l’arbre de la vie au Christ et la nourriture qui en provient à la communion au Corps du Christ (*) ; ‘Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour (Jn 6.54). Le Christ, en effet est l’arbre de vie, grâce auquel les saintes âmes sont restaurées, tant dans le paradis céleste, par la vision [de Dieu] que dans l’Eglise présente par le Corps [du Christ]’ (**). Il ajoute : ‘Cet arbre de vie, qui est le Christ, nous restaure par son corps et son sang ; et déjà maintenant il ressuscite notre âme de la mort du péché, et il ressuscitera notre chair au dernier jour’(***) C’est donc dès aujourd’hui que nous recevons la vie éternelle, selon l’Evangile de Jean (Jn 6, 54), que nous sommes restaurés en notre corps et que nous sommes ressuscités dans notre âme, selon Rupert, dans la ,perspective de la résurrection générale à la fin des temps. La grandeur de cette restauration de nos vies et de cette résurrection de nos âmes est présente dans toutes les Eucharisties que nous célébrons et j’ai de merveilleux souvenirs de celles que j’ai présidées au cours de mes visites pastorales, des plus simples dans une chapelle de semaine jusqu’aux plus solennelles dans les collégiales […].
Et si le sacrement de l’Eucharistie est évoqué sur notre médaillon par les fruits de l’arbre de vie, on peut dire que le sacrement du Baptême est suggéré par le cours d’eau qui coule au pied de l’arbre de vie. L’eau vive est symbole du passage de la mort à la vie. Le Baptême est une nouvelle vie. C’est aussi ce que suggère l’Apocalypse : ‘Puis l’ange me montra l’eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal […]. Entre les deux bras du fleuve, il y a un l’arbre de vie qui donne des fruits douze fois ; chaque mois il produit son fruit’ (Ap. 22, 1-2). Le texte suggère que l’eau du fleuve fait produire de nouveaux fruits à l’arbre. L’eau du baptême rend les baptisés semblables aux fruits de l’arbre de vie. Durant ce Carême, de nombreux baptêmes d’adultes sont en préparation et seront célébrés à Pâques. Ce sacrement de l’initiation chrétienne est préparés par différentes étapes, qui s’égrènent tout au long du carême et se réalisent avec la participation de toute l’assemblée chrétienne. Le baptême est donc un passage de la mort à la vie qui concerne toute la communauté […].
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(*) Rupert de Deutz, Commentaire sur l’Apocalypse, dans Patrologia latina, t. 169, col. 879
(**) « Qui manducat, inquit, carnem meam et bibit meum sanguinem habet vitam aeternam et ego resuscitabo eum in novissimo die [Jn 6, 54]. Christus namque lignum vitae est, cuius et in caelesti paradyso visione, et in praesenti Ecclesia corpore, sanctae reficiuntur animae »
(***) « Hoc autem lignum vitae, quod est Christus, dum nos corpore et sanguine suo reficit, iam nunc resuscitat animam a morte peccati, et carnem nostram in novissimo die resuscitabit ».
Publié sous le titre « L’arbre de vie : symbole du Christ et emblème de l’écologie », le document complet (français/allemand) est disponible à l’évêché et à la librairie Siloë (40, rue des Prémontrés à Liège). Les prix dépendent du nombre d’exemplaires commandés.
Lu sur le site du Père Simon Noël, moine de l’abbaye de Chevetogne:
Jésus après son baptême s'est rendu au désert. Dans le jeûne il s'est préparé à sa mission publique. Il a certainement longuement prié et vécu dans l'intimité de son Père. Il a aussi affronté Satan et a triomphé des tentations et des suggestions diaboliques. En ce carême, nous sommes invités à aller au désert en compagnie du Christ pour y rencontrer Dieu et vaincre les forces du mal.
D'abord ce carême est un temps où nous devons revenir à Dieu de tout notre cœur. Le carême est le temps liturgique par excellence de la retraite de l’Église. Voici ce qu'on peut lire dans le prophète Osée : Maintenant je vais la séduire ; je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. Dieu ici parle à son peuple, personnifié par l'épouse infidèle. Le carême doit être pour chacun d'entre nous un temps de solitude et de silence. Nous devons passer ce temps dans la solitude de la prière, un cœur à cœur avec le Seigneur. Nous devons cultiver le silence intérieur afin d'entendre la voix de Dieu qui nous parle au plus intime de notre conscience. Le cardinal Sarah, venu visiter récemment notre pays, a écrit un livre intitulé La Force du silence. Si nous ne savons pas faire taire en nous toutes les voix du monde et de la chair, nous ne serons pas capables de communier avec Dieu dans l'écoute de sa Parole. Or c'est ce que Dieu veut pour nous, que nous puissions l'entendre nous dire l'essentiel, l'éternel. Cet essentiel est qu'il nous aime et veut nous donner le vrai bonheur, la vraie vie, la vie éternelle. Et qu'il attend de nous en retour notre amour et notre fidélité.
Une chose particulièrement recommandée durant le carême, c'est de méditer et de contempler la Passion du Christ. Relisons les récits de la Passion dans les 4 évangiles. Prions et méditons. Accompagnons le Sauveur dans les différentes phases de ses souffrances, depuis son agonie à Gethsémani jusqu’à sa mise au tombeau. Prenons le temps de nous arrêter pour contempler l'amour que Jésus a eu pour nous en souffrant pour nous sauver et nous obtenir le salut et le bonheur éternel. Apprenons ainsi à haïr le péché qui a été la cause de tant de souffrances pour le Fils de Dieu.
Mais dans ce temps de désert qu'est le carême, il est fort à parier que nous aussi nous rencontrerons la tentation. Si nous cherchons à nous rapprocher de Dieu, cela va exciter le diable contre nous. Jésus a été tenté juste après son baptême. Dans notre cas, le baptême ne nous préserve pas des tentations de la vie. Au contraire la vie du chrétien est une lutte permanente contre les convoitises de la chair et des séductions du monde. Voici selon l'épître aux Galates, une série de tentations qui menacent tout chrétien et ne croyons pas trop vite que cela ne nous concerne pas : Les œuvres de la chair sont bien connues : c'est l'impudicité, l'impureté, la débauche, l'idolâtrie, les maléfices, les haines, les discordes, l'envie, les emportements, les querelles, les divisions, les cabales, les jalousies, l'ivrognerie, les orgies et les choses semblables. Saint Paul ajoute ce grave avertissement : Je vous en avertis, ceux qui font pareille chose n'hériteront pas du Royaume de Dieu. Par contre voici comment le même saint Paul décrit la vie chrétienne : Quant au fruit de l'Esprit, c'est la charité, la joie, la paix, la longanimité, l'affabilité, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance.
Le carême est un temps de prière et de combat spirituel, afin de nous préparer à la fête de Pâques, en ressuscitant avec le Christ à une vie nouvelle, une vie selon l'Esprit et non selon la chair. C'est un temps favorable, un temps de grâce pour travailler à la rédemption de notre âme. Nous sommes nés dans le péché mais Dieu nous offre sa grâce pour nous racheter et nous amender. Puisque nous sommes encore au début de ce temps, si nous ne l'avons pas encore fait, examinons soigneusement où nous en sommes dans notre vie spirituelle, notre vie de relation avec Dieu, et quels sont les efforts précis que nous avons à faire pour vivre davantage notre vocation chrétienne. Prenons des résolutions bien pratiques et bien concrètes, en nous demandant en conscience ce que Dieu attend de nous, au point où nous en sommes dans notre vie. Que notre fervente prière nous obtienne la grâce de ne pas nous décourager et de persévérer tout au long du carême, pour que la fête de Pâques soit pour nous celle de la victoire et du triomphe ».
Le plus long « trait » de l’année liturgique (psaume 90) se chante au 1er dimanche de carême (à écouter, demain 18 février 2018 à 10h.00, en l’église du Saint-Sacrement à Liège et interprété ci-dessous en "vieux romain"). Le trait se substitue à l’alléluia durant les temps de pénitence:
Qui habitat in adjutorio Altissimi, in protectione Dei caeli commorabitur
Celui qui se repose sur le secours du Très-Haut, sous la protection du Dieu du Ciel demeurera!
Dicet Domino: susceptor meus es, et refugium meum, Deus meus: sperabo in eum.
Il dira au Seigneur: "mon asile et mon refuge, c'esttoi, mon Dieu": j'espérerai en lui.
Quoniam ipse liberavit me de laqueo venantium et a verbo aspero.
Car c'est lui qui m'a libéré du filet des chasseurs, et de la parole haineuse.
Scapulis suis obumbrabit tibi, et sub pennis eius sperabis.
De ses ailes, il te couvrira et sous ses plumes tu espéreras
Scuto circumdabit te veritas eius: non timebis a timore nocturno,
Sa fidélité t'entourera d'un bouclier: tu n'auras rien à craindre de la terreur de la nuit,
a sagitta volante per diem, a negotio perambulante in tenebris, a ruina et daemonio meridiano
de la flèche qui vole pendant le jour, du complot qui se trame dans les ténèbres, de l'assaut que livrera le démon du plein jour.
Cadent a latere tuo mille et decem millia a dextris tuis: tibi autem non appropinquabit
Il en tombera mille à ton côté, et dix mille à ta droite; mais l'ennemi ne gagnera rien sur toi.
Quoniam angelis suis mandavit de te, ut custodiant te omnibus viis tuis.
Car à ses anges il a recommandé pour toi qu'ils te gardent en toutes tes démarches.
In manibus portabunt te, ne unquam offendas ad lapidem pedum tuum.
Sur leurs mains ils te porteront, pour que jamais tu ne heurtes la pierre avec ton pied.
Super aspidem et basiliscum ambulabis, et conculcabis leonem et draconem.
Sur l'aspic et le basilic tu marcheras et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon.
Quoniam in me speravit, liberabo eum: protegam eum, quoniam cognovit nomen meum
Parce qu'en moi il a mis son espérance, je le délivrerai: je le protégerai parce qu'il connaît mon Nom
Invocabit me et ego exaudiam eum: cum ipso sum in tribulatione.
Il m'invoquera et moi je l'exaucerai: je suis avec lui dans la tribulation.
Eripiam eum et glorificabo eum: longitudine dierum adimplebo eum, et ostendam illi salutare meum.
Je le délivrerai, je le glorifierai: d'une longue suite de jours, je l'assouvirai et je lui ferai voir mon salut.
Il y a deux manières, vous le savez, d’accomplir le cours de son existence. Il y a la manière de la feuille morte: à la surface des eaux, elle se laisse emporter, ballotter, au gré des courants et, finalement, elle échoue, inutile, sur le rivage. Et puis il y a la manière du poisson: il sait où il va et il se dirige en fonction de ce but, utilisant les courants, parfois même à contre courant.
Eh bien, frères et sœurs, que sommes-nous: feuille morte ou bien poisson? C’est-à-dire: nous laissons-nous porter passivement par le flux des événements contradictoires ou bien, avec la grâce de Dieu, essayons-nous de nous prendre en main, de construire notre vie chrétienne de façon responsable? Cette dernière hypothèse – qui est la bonne – implique fondamentalement un choix, le choix résolu de suivre Jésus-Christ envers et contre tout, le choix de ne rien préférer à l’amour du Christ, comme le demande saint Benoît. Tant que cette décision de base ne sera pas prise, nous n’avancerons pas d’un pouce, nous stagnerons, nous tournerons en rond.
Bref, en un mot comme en mille, il faut choisir. Or, c’est bien connu, choisir, c’est sacrifier. S’engager dans une direction, c’est s’éloigner d’autant des autres. Choisir d’épouser Juliette, c’est renoncer à Cunégonde, qui pourtant n’était pas mal non plus. Or notre problème, c’est que nous avons peur et que nous ne voulons rien lâcher. Au fond, nous voudrions, comme on dit, avoir et le beurre et l’argent du beurre. La Vie éternelle, d’accord… mais à condition de ne rien laisser passer des petits plaisirs de ce monde. Au cas où… Hommes de peu de foi, nous sommes comme ces israélites à l’âme partagée qui, ne pouvant se décider, balançaient entre Dieu et Baal, car il est plus sûr, n’est-ce pas? d’avoir deux fers au feu. » Jusqu’à quand, leur reproche le prophète Élie, clocherez-vous des deux jarrets. Si le Seigneur est Dieu, suivez-le; si c’est Baal, suivez-le » (I R 18, 21). Nul ne peut servir deux maîtres à la fois. Il faut choisir.
Et c’est d’ailleurs dans ce choix que s’affirme la vraie liberté. Parfois, on s’imagine (bien à tort, mais vous l’entendrez souvent) que la liberté c’est de ne pas choisir, de ne pas s’engager, de dire » non « . On » garde sa liberté « . Mais la source qui jaillit de terre, si elle ne s’engage pas dans une direction déterminée, va très vite transformer tout le sol en bourbier. De même notre liberté. Car, en fait, la liberté, c’est cette aptitude étonnante que nous avons à pouvoir nous donner, nous engager, dire » oui « , non pas sous la pression des contraintes extérieures mais du plus profond de nous-mêmes. C’est donc en choisissant, en se donnant, qu’on exerce vraiment sa liberté et à tout vouloir garder, on risque de tout perdre. On se retrouve alors au milieu ou, pire, au soir de sa vie, les mains vides et le coeur triste, parce qu’on n’a rien donné, rien construit, sous prétexte de préserver sa liberté. Et de toute manière, le temps a choisi pour nous.
Homélie du pape François (14 février 2018) (source)
Le temps du Carême est un temps favorable pour corriger les accords dissonants de notre vie chrétienne et accueillir l’annonce de la Pâque du Seigneur toujours nouvelle, joyeuse et pleine d’espérance. L’Église dans sa sagesse maternelle nous propose de prêter une attention particulière à tout ce qui peut refroidir et rouiller notre cœur de croyant.
Les tentations auxquelles nous sommes exposés sont nombreuses. Chacun d’entre nous connaît les difficultés qu’il doit affronter. Et il est triste de constater comment, face aux vicissitudes quotidiennes, profitant de la souffrance et de l’insécurité, se lèvent des voix qui ne savent que semer la méfiance. Et si le fruit de la foi est la charité – comme aimait le répéter Mère Térésa de Calcutta -, le fruit de la méfiance est l’apathie et la résignation. Méfiance, apathie et résignation : ces démons qui cautérisent et paralysent l’âme du peuple croyant.
Le Carême est un temps précieux pour débusquer ces dernières, ainsi que d’autres tentations et laisser notre cœur recommencer à battre au rythme du cœur de Jésus. Toute cette liturgie est imprégnée par ces sentiments et nous pourrions dire que cela fait écho à trois expressions qui nous sont offertes pour «réchauffer le cœur du croyant»: arrête-toi, regarde et reviens.
Arrête-toi un peu, laisse cette agitation et cette course insensée qui remplit le cœur de l’amertume de sentir que l’on n’arrive jamais à rien. Arrête-toi, laisse cette injonction à vivre en accéléré qui disperse, divise et finit par détruire le temps de la famille, le temps de l’amitié, le temps des enfants, le temps des grands-parents, le temps de la gratuité… le temps de Dieu.
Arrête-toi un peu devant la nécessité d’apparaître et d’être vu par tous, d’être continuellement à “l’affiche ”, ce qui fait oublier la valeur de l’intimité et du recueillement.
Arrête-toi un peu devant le regard hautain, le commentaire fugace et méprisant qui naît de l’oubli de la tendresse, de la compassion et du respect dans la rencontre des autres, en particulier de ceux qui sont vulnérables, blessés et même de ceux qui sont empêtrés dans le péché et l’erreur.
Arrête-toi un peu devant l’obsession de vouloir tout contrôler, tout savoir, tout dévaster, qui naît de l’oubli de la gratitude face au don de la vie et à tant de bien reçu.
Arrête-toi un peu devant le bruit assourdissant qui atrophie et étourdit nos oreilles et qui nous fait oublier le pouvoir fécond et créateur du silence.
Arrête-toi un peu devant l’attitude favorisant des sentiments stériles, inféconds qui surgissent de l’enfermement et de l’apitoiement sur soi-même et qui conduisent à oublier d’aller à rencontre des autres pour partager les fardeaux et les souffrances.
Arrête-toi devant la vacuité de ce qui est immédiat, momentané et éphémère, qui nous prive de nos racines, de nos liens, de la valeur des parcours et du fait de nous savoir toujours en chemin.
Arrête-toi pour regarder et contempler!
Regarde les signes qui empêchent d’éteindre la charité, qui maintiennent vive la flamme de la foi et de l’espérance. Visages vivants de la tendresse et de la bonté de Dieu qui agit au milieu de nous.
Regarde le visage de nos familles qui continuent à miser jour après jour, avec beaucoup d’effort, pour aller de l’avant dans la vie et qui, entre les contraintes et les difficultés, ne cessent pas de tout tenter pour faire de leur maison une école de l’amour.
Regarde les visages interpellant de nos enfants et des jeunes porteurs d’avenir et d’espérance, porteurs d’un lendemain et d’un potentiel qui exigent dévouement et protection. Germes vivants de l’amour et de la vie qui se fraient toujours un passage au milieu de nos calculs mesquins et égoïstes.
Regarde les visages de nos anciens, marqués par le passage du temps ; visages porteurs de la mémoire vivante de nos peuples. Visages de la sagesse agissante de Dieu.
Regarde les visages de nos malades et de tous ceux qui s’en occupent ; visages qui, dans leur vulnérabilité et dans leur service, nous rappellent que la valeur de chaque personne ne peut jamais être réduite à une question de calcul ou d’utilité.
Regarde les visages contrits de tous ceux qui cherchent à corriger leurs erreurs et leurs fautes et qui, dans leurs misères et leurs maux, luttent pour transformer les situations et aller de l’avant.
Regarde et contemple le visage de l’Amour Crucifié qui, aujourd’hui, sur la croix, continue d’être porteur d’espérance; main tendue à ceux qui se sentent crucifiés, qui font l’expérience dans leur vie du poids leurs échecs, de leurs désenchantements et de leurs déceptions.
Regarde et contemple le visage concret du Christ crucifié par amour de tous sans exclusion. De tous ? Oui, de tous. Regarder son visage est l’invitation pleine d’espérance de ce temps de Carême pour vaincre les démons de la méfiance, de l’apathie et de la résignation. Visage qui nous incite à nous écrier: le Royaume de Dieu est possible!
Arrête-toi, regarde et reviens. Reviens à la Maison de ton Père. Reviens, sans peur, vers les bras ouverts et impatients de ton Père riche en miséricorde qui t’attend (cf. Ep. 2,4).
Reviens ! Sans peur, c’est le temps favorable pour revenir à la maison, à la maison «de mon Père et de votre Père» (cf. Jn. 20,17). C’est le temps pour se laisser toucher le cœur… Rester sur le chemin du mal n’est que source d’illusion et de tristesse. La vraie vie est quelque chose de bien différent et notre cœur le sait bien. Dieu ne se lasse pas et ne se lassera pas de tendre la main (Cf. Bulle Misericordiae Vultus, n.19).
Reviens, sans peur, pour faire l’expérience de la tendresse de Dieu qui guérit et réconcilie.
Laisse le Seigneur guérir les blessures du péché et accomplir la prophétie faite à nos pères: «Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair» (Ez. 36,26).