
Il n’est pas un passage dans l’histoire de Notre Seigneur et Sauveur qui ne soit d’une profondeur insondable et qui ne propose une matière inépuisable à la méditation. Tout ce qui Le concerne est infini, et ce que nous discernons d’abord n’est que la surface de ce qui commence et s’achève dans l’éternité. Il serait présomptueux, à quiconque n’est ni un saint ni un docteur, de chercher à commenter Ses paroles et Ses actes autrement que par voie de méditation; mais la méditation et la prière mentale sont si clairement un devoir pour tous ceux qu’anime le désir de nourrir envers Lui une foi et un amour véritables, qu’il nous sera sans doute permis, mes frères, d’arrêter notre attention et de nous étendre, en prenant pour guides les saints hommes qui nous ont précédés dans cette voie, sur des objets qui demanderaient à être adorés plutôt qu’examinés. Il est certains temps de l’année – et celui-ci (la Semaine Sainte) tout particulièrement – qui nous invitent à étudier aussi minutieusement, d’aussi près que possible, jusqu’aux passages lès plus sacrés de l’histoire évangélique. J’aime mieux voir qualifier d’insuffisante ou d’officieuse ma manière de les traiter que de manquer aux sollicitations de cette saison. C’est pourquoi je vais aujourd’hui diriger vos pensées, selon l’usage religieux de l’Eglise, sur un sujet qui pourrait faire reculer bien des prédicateurs, mais qui convient particulièrement à ce temps, et auquel un grand nombre d’entre nous, peut-être, ne pensent guère: les souffrances que Notre-Seigneur endura dans Son âme innocente et sans tache.
Vous savez, mes frères, que Notre-Seigneur et Sauveur, bien qu’il fût Dieu, était aussi parfaitement homme; qu’il avait en conséquence non seulement un corps mais aussi une âme pareille à la nôtre, quoique pure de toute souillure. Il ne revêtit pas un corps sans âme, Dieu merci ! Car ce n’eût pas été là devenir homme. Comment aurait-Il sanctifié notre nature s’il avait assumé une nature qui n’était pas la nôtre ? L’homme sans âme est au niveau de l’animal des champs; mais Notre-Seigneur venait sauver une race capable de lui rendre gloire et lui obéir, possédant l’immortalité, quoique dépossédée de l’espoir d’une immortalité de béatitude. L’homme a été créé à l’image de Dieu, et cette image est dans son âme; lors donc que son Créateur, par une condescendance inexprimable, revêtit sa nature. Il prit une âme afin de prendre un corps; Il prit une âme comme le moyen de s’unir à un corps; Il prit d’abord l’âme, puis le corps d’un homme, Il les prit tous deux ensemble, mais cependant dans cet ordre: l’âme, puis le corps, Il créa Lui-même l’âme qu’il prit, et tira Son corps de la chair de la Sainte Vierge, Sa Mère. Ainsi II devint parfaitement homme avec un corps et une âme; et comme II prit un corps de chair et de nerfs qui était sujet aux blessures et à la mort et capable dé souffrir, de même II prit une âme susceptible de ressentir cette souffrance physique, mais aussi les chagrins et les peines qui sont le propre de l’âme humaine; et Sa passion expiatoire ne fut pas seulement soufferte dans Son corps, elle fut aussi soufferte dans son âme.
Pendant les jours solennels qui vont suivre, nous serons appelés tout spécialement, mes frères, à considérer Ses souffrances corporelles, Son arrestation. Son renvoi d’un lieu à l’autre, Ses coups et Ses blessures, Sa flagellation, la couronne d’épines, les clous, la Croix. Toutes ces choses sont résumées à nos yeux dans le Crucifix ; toutes ces choses sont représentées à la fois sur Sa chair sacrée qui pend devant nous, – et leur méditation est rendue aisée par ce spectacle. Il n’en est pas de même des souffrances de Son âme, elles ne sauraient être peintes à nos yeux, elles ne sauraient même être dûment sondées: elles dépassent à la fois les sens et la pensée, bien qu’elles aient précédé Ses souffrances corporelles. L’agonie, souffrance de l’âme et non du corps, fut le premier acte de Son terrible sacrifice. « Mon âme est triste jusqu’à la mort » dit-il. Oui, s’il souffrit alors en Son corps. Il souffrit réellement en Son âme, car le corps ne faisait que transmettre la souffrance au véritable récipient et siège de l’angoisse. Il est fort à propos d’insister sur ce point ; je dis que ce n’était pas le corps qui souffrait, mais l’âme dans le corps; c’est l’âme et non le corps qui était le siège des souffrances du Verbe Eternel. Considérez qu’il ne saurait y avoir douleur réelle, même s’il y a souffrance apparente, quand il n’y a aucune sensibilité interne, aucun esprit pour en être le siège. Un arbre, par exemple, est doué de vie, il a des organes, il croît et dépérit; il peut être blessé et mis à mal; il s’affaisse et meurt; mais il ne souffre point; parce qu’il n’a point d’esprit ni de principe, sensible. Au contraire, partout où l’on peut reconnaître ce principe immatériel, la douleur est possible, et elle sera d’autant plus grande selon la qualité de ce principe. Si nous n’avions point d’esprit, nous serions aussi insensibles que les arbres; si nous n’avions pas d’âme, nous ne ressentirions pas la douleur plus vivement que la brute; mais, étant hommes, nous ressentons la douleur d’une manière qui est le privilège de ceux-là seuls qui ont une âme.