La réponse de Rémi Brague (sur le Figaro Vox - Eugénie Bastié) :
"Non, la parabole du bon Samaritain ne s'applique pas aux États !"
Réagissant aux propos du Pape sur les migrants, le philosophe revient sur le dilemme des chrétiens face à l'immigration. Ceux-ci sont déchirés entre le devoir de charité universelle et l'attachement à l'État-nation.
Le Figaro Magazine : Le pape François milite pour un accueil massif de migrants, affirmant qu'il faut "faire passer la sécurité personnelle [des migrants] avant la sécurité nationale", et appelant à un accueil beaucoup plus large des migrants. Que vous inspirent ces propos ?
Rémi BRAGUE : "Accueillir" est un mot bien vague. Il dissimule mille difficultés très concrètes. Sauver des naufragés de la noyade est bien, mais ce n'est qu'un début. Encore faut-il se demander ce qui les a poussés à s'embarquer. Là-dessus, le pape dit beaucoup de choses sensées, par exemple que l'Occident a contribué à déstabiliser le Moyen-Orient. Ou que les migrants voient l'Europe comme un paradis qu'elle n'est pas. Ou que les passeurs qui leur font miroiter l'Eldorado s'enrichissent sur leur dos, etc. Il y a aussi des problèmes très pratiques : les nouveaux venus peuvent-ils être assimilés ? Ou au moins intégrés sans créer des ghettos où ils vivraient selon d'autres lois que celles des pays d'accueil ? Un exemple, qui m'a été donné récemment par une amie allemande qui s'occupe de former les immigrés et de leur trouver du travail : ceux qui ont été scolarisés dans leur pays parlent assez vite nos langues.
Les autres ont du mal à fixer leur attention et ne comprennent pas l'intérêt d'apprendre. Ne seront-ils pas presque forcés de se replier sur leur communauté d'origine ? À l'extrême opposé, s'il s'agit d'importer des personnes qualifiées, médecins, ingénieurs, etc., avons-nous le droit de priver leur pays d'origine de compétences précieuses qui leur permettraient de se développer, ce qui, de plus, diminuerait l'envie d'émigrer ?
La sécurité personnelle prime effectivement toutes les autres considérations. La garantir est le premier devoir de l'État. Mais cette sécurité concerne aussi bien les migrants que les populations déjà là. L'État a le devoir de faire en sorte que le respect soit réciproque. Il doit par exemple empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, "comme en pays conquis", qu'ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux. La sécurité nationale et celle des personnes, loin de s'opposer, vont ensemble ; la première est même la condition de la seconde.
Est-ce qu'il vous semble que le pape François est en rupture avec ses prédécesseurs, notamment Benoît XVI ?
Du temps de Benoît XVI, le problème ne se posait pas encore avec une telle acuité, et je ne sais pas s'il aurait jugé bon de se prononcer, encore moins ce qu'il aurait dit. D'une manière générale, la différence de formation et de style est suffisamment criante. Ce qu'il en est du fond est une autre histoire.



Le nonce apostolique en République démocratique du Congo a dénoncé « un Etat prédateur de son peuple » dans un entretien reproduit jeudi par plusieurs médias congolais, dans lequel il confirme que le pape ne se rendra pas à Kinshasa avant la tenue d’élection pour éviter tout « risque de manipulation ».