L'évêque de Liège, Mgr Jean-Pierre Delville, est licencié en histoire de l’université de Liège, théologien diplômé en sciences bibliques de l’ Université grégorienne à Rome et de l’Université catholique de Louvain (U.CL.), où il fur professeur ordinaire chargé du cours de l’histoire de l’Eglise et du christianisme ; il aussi obtenu un prix d’orgue au conservatoire royal de Liège.
Pour la revue trimestrielle « Canticum novum » (in n°71, décembre 2014), organe de l’ « académie de chant grégorien » (Belgique), Jacques Zeegers a interviewé Monseigneur Delville sur la place des mélodies grégoriennes dans les rites latins de la liturgie catholique :
- Que représente pour vous le chant grégorien ? Comme prêtre et évêque tout d’abord ?
- Comme prêtre et évêque, c'est-à-dire comme homme d’Eglise, je considère le chant grégorien comme le chant fondamental de l’Eglise. Dans des célébrations plurilingues, par exemple, c’est le chant grégorien qui peut faire l’unité. C’est évidemment le cas dans les liturgies du Vatican, mais aussi en d’autres occasions, dans de grandes rencontres internationales, par exemple. Cela postule bien sûr qu’on ait appris le répertoire par ailleurs car on ne peut avoir la maîtrise du chant uniquement pour ces occasions-là. Mais comme ces occasions sont médiatisées, elles sont aussi porteuses de formation. Cela, c’est l’aspect pratique du chant grégorien, à savoir la référence commune. Mais il y a aussi un aspect plus fondamental lié à son style : c’est un chant méditatif qui porte à la contemplation et qui est donc bien adapté à l’objectif de la liturgie. Il a donc une qualité importante au niveau spirituel.
- Et comme historien ?
- Comme historien, je pense que le chant grégorien constitue un patrimoine extraordinaire, tant au niveau des paroles qu’au niveau des mélodies. Il déborde d’ailleurs de la liturgie actuelle car pas mal de pièces n’y sont plus chantées aujourd’hui, par exemple celles qui faisaient partie des rites locaux. J’y vois le témoignage de la créativité de notre Eglise. Je pense aussi au Dies irae qui est l’expression d’une vision de foi, d’une vision dramatique. Tant les paroles que les mélodies reflètent l’histoire de l’Eglise. Sans doute le Dies irae ne correspond-il plus à notre mentalité contemporaine. C’est en tout cas le sentiment qu’on a eu en le supprimant de la liturgie dans la mesure où il insistait plus sur la condamnation (le jour de colère) que sur la miséricorde qui y est pourtant présente. Mais quand on parle du jugement, on ne peut s’exprimer que par métaphores et ce n’est pas parce que les métaphores ont un côté violent qu’elles n’ont pas une signification pour la vie spirituelle ; elles ne sont pas une photographie des réalités spirituelles mais des images qui doivent être interprétées et éveiller la vie spirituelle.
Pas mal de pièces du répertoire ne sont plus utilisées, mais il est important de les redécouvrir par d’autres biais, que ce soit par la recherche musicale ou par des enregistrements de caractère plus historique. Il est aussi intéressant de voir comment, à certaines époques, on a ajouté de nouveaux textes, par exemple les intercessions à l’intérieur du kyrie (les tropes dont on retrouve la trace dans les titres du Kyriale) qui permettent d’apprécier la créativité de chaque époque.
Kyrie tropé "orbis factor":