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Ethique - Page 301

  • A quelles conditions pratiquer le dialogue interconvictionnel ?

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    De l'abbé Stéphane Seminckx sur didoc.be :

    Les conditions du dialogue interconvictionnel

    Que pouvons-nous attendre d’un dialogue interconvictionnel ? Voilà le titre d’un colloque organisé le 13 mai dernier, à l’ULB, par « La Pensée et les Hommes ». Il a réuni des représentants des grandes religions et de la laïcité. Dans son intervention, l’abbé Stéphane Seminckx a voulu présenter trois brèves réflexions sur les conditions de ce dialogue. 

    Vérité et dialogue

    Le dialogue n’est pas un simple échange d’idées, au risque de se réduire à un bavardage. Le dialogue vise à se comprendre, sur base d’une ambition commune de recherche de la vérité.

    Il est risqué — voire déplacé — d’évoquer ici la notion de vérité comme condition essentielle du dialogue. Aujourd’hui, se réclamer de la vérité — au singulier — est plutôt perçu comme un affront au dialogue, comme de la prétention et de l’arrogance, comme un manque d’ouverture à l’autre et à sa vérité.

    Nous parlons bien entendu ici de convictions, c'est-à-dire de vérités fondamentales (Dieu existe ou n’existe pas ; Jésus-Christ est Dieu ou ne l’est pas ; après la mort, soit il y a quelque chose, soit il n’y a rien). Dans ces domaines, la vérité est une, non modulable, et elle nous précède : nous ne la produisons pas. On peut dire de façon tout à fait légitime « Pour moi, Dieu n’existe pas » ou « Pour moi, il existe », mais le fait est que soit il existe, soit il n’existe pas : c’est la réalité qui nous intéresse, pas la perception que nous en avons. En bonne philosophie, la vérité est l’adaequatio rei et intellectus.

    Si quelqu’un est prêtre de l’Eglise catholique — avec tout ce que cela suppose comme engagement —, ce n’est pas en vertu d’une perception subjective ou d’un vague sentiment, mais en vertu d’une ferme adhésion à une réalité que l’intelligence, éclairée par la foi, perçoit comme certainement vraie.

    Cet homme de Dieu est-il pour autant un être arrogant, fondamentaliste, intolérant, foyer potentiel de conflit et de violence ? Si quelqu’un peut le penser, c’est probablement dû à différents malentendus, très répandus aujourd’hui.

    Le premier : pourquoi la revendication de la vérité est perçue aujourd’hui comme arrogante ? La réponse est bien connue : le climat post-moderne, écœuré par les grandes idéologies des derniers siècles, qui ont provoqué des désastres, est devenu allergique à cette revendication. La seule vérité admise dans beaucoup de cercles aujourd’hui est celle des sciences dites exactes. Les convictions sont réduites au rang des opinions, elles relèvent du goût et des couleurs.

    On est donc écœuré par les idéologies. Mais la religion relève-t-elle de l’idéologie ? Les idéologies sont des constructions humaines, alors que les grandes religions revendiquent pour elles-mêmes d’être une révélation venue d’en haut. S’il en est vraiment ainsi, accueillir la vérité d’en-haut n’est pas de l’arrogance, mais de l’humilité, et la partager devient un devoir de solidarité.

    C’est ici qu’intervient une réflexion fondamentale de Benoît XVI, cité ici non pas tant comme autorité religieuse que comme l’un des plus grands penseurs de notre époque. La religion peut prêter le flanc à l’idéologie. Nous le savons : on déclenche des guerres et on pose des bombes au nom de Dieu. Pour éviter ce danger, dit le pape, la religion doit être passée au crible de la raison. Ce qui est authentiquement divin est conforme à la raison, car Dieu se révèle comme le Logos, la parole, la raison créatrice. C’est le sens de son discours à Ratisbonne (12-9-06).

    Un corollaire de ce premier malentendu : la raison ne doit pas exclure la possibilité de la vérité qui vient d’en haut. Ce serait irrationnel, car il est raisonnable de penser qu’il y a des vérités qui sont au-delà de la raison, tout en restant conformes à la raison. Et non seulement ce serait irrationnel, mais cette exclusion du fait religieux serait un nouveau foyer de violence. On connaît tant de régimes qui, au nom de leur athéisme, ont déclenché — et fomentent aujourd’hui — de terribles persécutions religieuses.

    Benoît XVI ajoute encore une troisième considération propre à la foi catholique : la foi, dit-il, n’est pas un simple package de vérités à croire, elle est une grâce, une force divine, une lumière surnaturelle, un pouvoir de guérison pour notre raison humaine, souvent si faible et limitée. La foi permet à la raison de redevenir pleinement elle-même, ce qui est un message porteur d’une énorme espérance.

    La foi sauve. Elle sauve aussi la raison. C’est le message exactement opposé à ce que pense une certaine laïcité, mais aussi une certaine frange d’hommes de science qui vont jusqu’à penser que la foi empoisonne la raison et qu’elle doit donc être bannie de l’espace public ou du travail académique.

    Enfin, il faut lever un dernier malentendu : proclamer et vivre une conviction religieuse, quelle qu’elle soit, tant qu’elle ne porte pas atteinte au bien commun, constitue une liberté fondamentale, le premier droit de l’homme, car l’aspiration la plus profonde de l’homme est précisément de pouvoir adhérer librement à la vérité, et en premier lieu à la vérité la plus haute. Et donc, comme Voltaire, il nous faut être disposés à donner notre vie pour que chacun puisse vivre sa conviction, même si nous ne la partageons pas, avec comme seule réserve qu’elle ne porte pas atteinte au bien d’autrui.

    Liberté et autonomie

    Ceci nous amène à ma deuxième réflexion, sur le statut de la liberté. On vient de parler de liberté religieuse et de vérité sur l’homme.

    Les grands débats bioéthiques sont par essence très liés au dialogue entre convictions. Or ce dialogue est pratiquement impossible aujourd’hui, par exemple sur les questions de l’euthanasie et de l’avortement.

    Benoît XVI, parlant au Bundestag, le 22-9-11, en évoquant l’écologie, a précisé : Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est — me semble-t-il — largement négligé : il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine.

    Si la liberté est comprise comme une sorte d’autonomie absolue, d’émancipation de la nature humaine pour réinventer l’homme, comme dans l’idéologie du gender, si cette émancipation permet d’ériger notre désir en norme du bien et du mal, il n’y a plus de nature commune entre les hommes, il n’y a plus de vérité ni de liberté, plus de bien commun. Il n’y a plus que des individualités qui s’affrontent, il n’y a plus de force de loi, mais la loi du plus fort.

    Le droit à la vie n’est pas le fruit du dialogue ou d’un consensus démocratique. Il en est le préalable, la condition sine qua non. Si on ne dit pas « Un homme, une vie », on ne peut pas dire « Un homme, une voix ».

    Amitié

    La dernière considération est peut-être banale, mais sans doute pas inutile.

    Une conviction n’est pas un simple donné intellectuel dont on peut débattre. Une conviction configure une personne : on ne peut comprendre un croyant en faisant abstraction de la foi qui l’habite. Le contraire est vrai aussi : on ne peut comprendre une conviction qu’à travers son fruit, c'est-à-dire la personne que cette conviction a forgée. De fait, le chrétien n’est pas en première instance l’homme qui a été conquis par la puissance intellectuelle d’un catéchisme, mais par la personne de Jésus-Christ.

    Nos convictions s’échangent et nous enrichissent mutuellement par le dialogue académique — comme dans ce colloque — mais aussi par des expériences communes, par le temps partagé ensemble, par le travail conjoint au service d’idéaux communs, par l’appréciation sincère de l’autre, par la bienveillance, en un mot par l’amitié. Les grandes amitiés peuvent déplacer des montagnes.

    C’est une chose que, personnellement, j’ai apprise du fondateur de l’Opus Dei, saint Josémaria. Dès la fin des années 1940, il a demandé au Saint-Siège de pouvoir admettre comme coopérateurs de l’institution des non-catholiques, des juifs, des musulmans, des bouddhistes, des athées, etc. Il a dû insister par trois fois pour obtenir cette permission, car c’était inédit dans l’Eglise. Saint Josémaria était persuadé qu’au-delà des convictions, on pouvait toujours travailler et vivre ensemble entre hommes et femmes de bonne volonté.

    Stéphane Seminckx est prêtre, docteur en médecine et en théologie.

  • Que penser du transhumanisme, une nouvelle publication du Père Xavier Dijon

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  • La position du Saint-Siège face aux flux migratoires

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    De Constance Roques sur zenit.org :

    « Pacte mondial pour une migration sûre », par le p. Czerny (traduction complète)

    Et pour un développement humain intégral chez soi

    Le p. Czerny, sous-secrétaire de la Section Migrants et Réfugiés du Saint-Siège, est intervenu à la conférence de l’ONU, « Pour une migration sûre, ordonnée et régulière », à Genève, le 19 juin 2017, dans le groupe 1 intitulé : « Coopération internationale et gouvernance de la migration sous tous ses aspects ».

    Il a plaidé pour une « coopération systématique, globale et active entre les États, la société civile, les organisations internationales et le secteur privé » en matière de migration.

    Mais il a aussi souligné que cette coopération doit « tenir compte non seulement du mouvement ordonné des personnes et considérer l’aide humanitaire à court terme, mais aussi les pays d’origine » dont les conditions économiques et sociales ne laissent souvent pas d’autre option que l’émigration.

    Voici notre traduction du discours du p. Michael Czerny, prononcé en anglais.

    CR

    Déclaration du p. Michael Czerny

    Ma délégation souhaite accueillir de nouveau les deux co-facilitateurs et le Représentant spécial pour les migrations internationales. Je tiens également à remercier les membres du panel pour leurs présentations réfléchies.

    Le Saint-Siège a souligné à plusieurs reprises la conviction que, avant les divisions des frontières, nous sommes une seule famille humaine et a appelé à une plus grande humanisation du mouvement mondial des personnes. Comme le pape François nous le rappelle, « la migration, si elle est traitée avec l’humanité, est une opportunité pour tous de se rencontrer et de grandir » (Interview sur les épreuves des migrants et des réfugiés, 28 mars 2017). En effet, c’est une opportunité pour tous, car dans le monde d’aujourd’hui, la mobilité humaine touche de nombreux aspects de notre vie !

    Par la Déclaration de New York (NYD), les États ont reconnu « une responsabilité partagée de gérer les grands mouvements de réfugiés et de migrants d’une manière humaine, sensible, compatissante et axée sur les personnes », réaffirmant que « la coopération internationale entre les pays d’origine ou de nationalités, de transit et de destination n’a jamais été aussi importante; la coopération « gagnant-gagnant » dans ce domaine présente de profonds avantages pour l’humanité » (NYD, 19 septembre 2016, paragraphe 11).

    À cette fin, le pape François a encouragé la mise en œuvre de programmes de coopération internationale sans intérêts partisans, et de programmes de développement transnational qui impliquent les migrants comme protagonistes actifs et qui sont fondés sur la dignité et la centralité de la personne humaine (cf. Discours du pape François au Forum international sur les migrations et la paix, 21 février 2017).

    Monsieur le Président

    En effet, l’ampleur des mouvements migratoires est telle que seule une coopération systématique, globale et active entre les États, la société civile, les organisations internationales et le secteur privé peut être efficace pour gérer de manière adéquate de tels mouvements. À cet égard, l’expérience de l’Église catholique, grâce à son réseau d’associations bien établi sur le terrain dans le monde entier, par exemple la ICMC et Caritas, a fait des efforts considérables pour répondre à l’appel du pape François à une « mondialisation de la solidarité ».

    Mais pour être fructueux à long terme, comme le reconnaît le rapport de Sutherland, « la coopération internationale dans ce domaine doit prendre les intérêts de tous les acteurs légitimes … Tant qu’il y a des parties prenantes pour lesquelles le système ne fonctionne pas, au mieux elles l’ignoreront et, au pire, elles le saperont » (cf. Rapport du Représentant spécial du Secrétaire général sur les migrations, 3 février 2017, n. 90). « Les États auront beaucoup plus de chance de réaffirmer le contrôle de ceux qui entrent et restent sur leur territoire s’ils travaillent ensemble plutôt que de façon unilatérale, facilitant ainsi la migration sécuritaire et légale » (Ibid, Résumé).

    À cet égard, c’est un impératif moral que nous soyons tous unis pour empêcher les contrebandiers et les trafiquants d’êtres humains de profiter des personnes dans des situations désespérées et vulnérables. Ces réseaux criminels, qui exploitent la souffrance de beaucoup, sont un affront à la dignité humaine. Le Saint-Siège encourage les voies juridiques élargies pour les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés. C’est seulement si nous pouvons présenter aux gens une option réelle pour une migration sûre, régulière et ordonnée, et si nous nous efforçons de créer les conditions appropriées pour un développement humain intégral « à la maison », que nous finirons par vaincre ces trafiquants de chair humaine.

    En effet, la mobilité humaine est une réalité de notre temps et elle doit être abordée et gérée de manière prospective par la coopération internationale et dans un esprit de solidarité et de compassion profondes. Une telle coopération doit tenir compte non seulement du mouvement ordonné des personnes et considérer l’aide humanitaire à court terme, mais aussi les pays d’origine, encourageant à « créer de meilleures conditions économiques et sociales à la maison, de sorte que l’émigration ne soit pas la seule option laissée pour ceux qui recherchent la paix, la justice, la sécurité et le plein respect de leur dignité humaine » (cf. Pape François, Message pour la 100ème Journée mondiale des migrants et des réfugiés, 5 août 2013).

    Monsieur le Président

    Le nombre accru de personnes en déplacement est un signe d’une mondialisation non réglementée, de déséquilibres socioéconomiques et, malheureusement, souvent liés à la violence. Grâce à la coopération internationale, fondée sur des valeurs communes et sur la complémentarité des politiques et des décisions, le potentiel et les talents des migrants peuvent être ouverts au profit de tous.

    Merci, Monsieur le Président.

    © Traduction de Zenit, Constance Roques

  • Quand l'infidélité devient un produit commercial banal

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    De Martin Van Breusegem en Carte blanche sur le site du Vif :

    L'infidélité, un business juteux

    La nouvelle campagne publicitaire de Gleeden, le site Web qui commercialise l'adultère, se déploie depuis quelques jours dans les principales gares de Belgique. La réalité cachée derrière la pub est loin d'être reluisante...

    Apparue sur la toile en 2009, cette plateforme offre à ses utilisateurs "d'entrer en contact en toute sécurité avec les infidèles du monde entier". La pomme à moitié croquée qui envahit les panneaux d'affichage est aussi brillante que celles de nos supermarchés -société de consommation oblige. La réalité qu'elle cache est quant à elle, loin d'être reluisante.

    Tout est à vendre

    Le Marché s'est emparé de nos chambres à coucher. La révolution numérique n'a fait qu'accélérer ce phénomène, donnant aux géants du Net, les clefs de nos alcôves. La pornographie, qui sature nos écrans et formate nos imaginaires, en est peut-être l'exemple le plus criant. Aujourd'hui, l'industrie du sexe, modifiée comme de nombreux autres secteurs par l'ubérisation, pèse plusieurs centaines de milliards.

    Dans cette nébuleuse, les sites de rencontre, qu'ils soient payants ou non, permettent à leurs utilisateurs de trouver l'âme soeur... ou un plan Q. Si des couples se créent sur Internet, ils peuvent désormais s'y défaire. Avec Gleeden c'est en effet l'adultère qui fait l'objet d'un business.

    L'individu (presque) libre

    Qu'on ne s'y trompe pas : là où Meetic ou Tinder mettent en contact, Gleeden sépare. Dédié aux femmes et hommes mariés, le site se propose de remplacer la réalité du lien marital par l'illusion, de surcroît virtuelle, de l'aventure extra-conjugale. Symptôme de l'indivudalisme ambiant, il participe pleinement à la "dissolution de tous les liens sociaux", dénoncée par Guy Debord dans la Société du spectacle.

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  • Les silences du pape François

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    Une interview  de l’abbé Claude Barthe, théologien et analyste de la vie de l’Eglise, réalisée le 21 juin par Philippe Maxence pour le bi-mensuel « L’Homme nouveau » :

    « Mardi 20 juin a été rendue publique la lettre que les quatre cardinaux, auteurs des dubia adressées au Pape François à propos de l'interprétation d'Amoris laetitia, ont envoyée au Souverain Pontife au mois d'avril dernier pour lui demander une audience. Dans les deux cas, les cardinaux n'ont reçu aucun réponse. Rappelons que les dubia répondent à une procédure habituelle dans l'Église, prenant la forme de questions écrites de façon très précises afin de conduire à une réponse sans équivoque. Elles sont adressées par des inférieurs auprès de l'autorité légitime et constituent, de soi, une reconnaissance, non seulement de cette autorité et de sa légitimité, mais aussi du fait qu'elle seule peut apporter les éclaircissements demandés. N'ayant pas obtenu de réponses à ces dubia, les cardinaux ont donc demandé une audience. L'absence de réponse les a conduits à rendre publique cette demande d'audience. C'est ce qui permet au quotidien La Croix de parler étrangement de « cardinaux frondeurs ». Après l'interprétation qu'a donnée de cette démarche le philosophe moraliste Thibaud Collin, nous avons demandé à l'abbé Claude Barthe, spécialiste des questions touchant à l'Église en général et au Vatican en particulier, de décrypter pour nous cet événement.

    Le fait que la lettre au Pape des cardinaux Caffarra, Burke, Meisner, Brandmüller, pour lui demander audience soit restée sans réponse, provoque des réactions indignées partout dans le monde, spécialement en Italie et en France. Comment analysez-vous cet événement ?

    Il y a deux aspects, que relèvent d’ailleurs les vaticanistes italiens. D’une part, le silence du pape, qui ne répond pas aux cardinaux qui l’ont interrogé au sujet de la rupture magistérielle du chapitre 8 d’Amoris lætitia, et qui ne répond pas aujourd’hui à leur demande d’audience, est un silence assourdissant. D’autre part, les cardinaux (ceux qui apparaissent dans cette démarche et ceux qui les soutiennent) ont choisi de rendre publiques leurs interventions : ce qui laisse penser qu’il y aura une suite dans la ligne de la « correction fraternelle », respectueuse mais ferme, sur laquelle ils se sont ainsi placés.

    C’est là une situation toute nouvelle ?

    Une situation nouvelle pour eux, c’est vrai, mais pour bien d’autres c’est une vieille histoire. Certains aspects ecclésiologiques du concile Vatican II avaient provoqué une grande commotion dans l’Église, avec beaucoup de réactions de « non-réception ». En revanche, la morale conjugale, qui semblait devoir être entraînée dans le même tourbillon, est restée quant à elle solide : Humanæ vitæ, de Paul VI, en premier lieu, et tout le corpus d’enseignement moral qui a été élaboré comme une sorte de suite de l’encyclique, et aussi comme une suite de l’enseignement de Pie XII, l’instruction Donum vitæ, les encycliques Evangelium vitæ, Veritatis splendor, l’exhortation Familaris consortio, les parties morales du Catéchisme de l’Église catholique. Il faut noter que le cardinal Caffarra, qui assume aujourd’hui une position de pointe, a été, comme Président de l’Institut Pontifical Jean-Paul II d’Études sur le Mariage et la Famille, à l’Université du Latran, l’un des grands artisans de cet enseignement dit « de restauration ». Mais voilà qu’aujourd’hui cette digue morale cède elle aussi avec Amoris lætitia. Les défenseurs du magistère moral antérieur se trouvent dès lors exactement dans la situation qui fut celle des défenseurs du magistère ecclésiologique antérieur : on ne leur répond pas. Sauf que les questionneurs d’aujourd’hui sont cardinaux de la Sainte Église romaine.

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  • Amoris Laetitia : les cardinaux qui ont fait état de leurs doutes n'ont pas reçu de réponse à leur demande d'audience au pape

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    De Philippe Maxence sur le site de l'Homme Nouveau :

    Dubia : les cardinaux ont demandé audience au pape :
    réaction et analyse du philosophe Thibaud Collin

    Les cardinaux, qui avaient émis des dubia au pape à propos de l'interprétation de l'exhortation post-synodale Amoris laetitia, dubia qui n'ont pas reçu de réponse, viennent de rendre publique la lettre de leur demande d'audience auprès du Saint-Père pour évoquer cette question primordiale pour l'Église. Cette lettre, datée du 25 avril dernier et signée du cardinal Caffarra, n'a toujours pas reçu de réponse. Pourquoi un tel silence ? Dans quel contexte s'inscrit-il ? C'est ce que nous avons demandé au philosophe moraliste Thibaud Collin qui a participé récemment, à Rome, à un colloque pour le premier anniversaire d'Amoris Laetitia.

    Thibaud Collin, vous faites partie des six laïcs, venus du monde entier qui, pour appuyer les démarches des quatre cardinaux concernant Amoris lætitia, ont participé à un séminaire d’études, à Rome, le 22 avril dernier. Le cardinal Caffarra l'évoque justement dans sa lettre. Quel était votre propos ?

    La plupart des commentateurs du chapitre 8 de l'exhortation affirment qu'il est dans la continuité du magistère antérieur. Mais cette unanimité de façade se fissure dès que l'on rentre dans le détail des lectures proposées. Pour certains, Amoris laetitia ne change rien à la discipline sacramentelle concernant les divorcés et remariés civilement. C'est par exemple l'interprétation de l'Institut Jean-Paul II. Pour d'autres, il y a changement entre Amoris laetitia et Familiaris consortio (dans certains cas, les personnes en état d'adultère pourraient communier) mais ce changement serait un développement homogène de la doctrine. Le plus délicat est que de nombreux théologiens et évêques qui tiennent cette ligne utilisent des arguments qui avaient été produits par les théologiens contestataires de l'encyclique Humane vitae sur la régulation des naissances (1968). Rappelons qu'une bonne partie du travail doctrinal et pastoral de saint Jean-Paul II a consisté à réfuter de tels arguments et à donner une assise anthropologique, morale et spirituelle à l'encyclique du Bienheureux Paul VI. Il me semble donc que ceux qui comprennent le changement de la discipline sacramentelle comme étant un développement homogène par rapport à Familiaris consortio se trompent. Un développement homogène ne peut pas entrer en contradiction avec le magistère antérieur (1). S'il y a un développement homogène dans Amoris laetitia, il ne peut s'opposer à la discipline sacramentelle dont les fondements dans le magistère antérieur sont clairs. Il me semble qu'il porterait davantage sur les modalités de l'accueil et de l'accompagnement des fidèles dans des situations objectives de péché grave. Il y a sûrement une inventivité pastorale à mettre en œuvre. Mais la pastorale ne consiste pas à proportionner « un évangile crédible » aux capacités humaines. Dieu donne toujours la grâce de ce qu'Il commande par amour pour nous. Le pasteur a à aider le fidèle à se disposer à recevoir pleinement cette grâce.

    Les cardinaux ont présenté leur dubia le 19 septembre 2016, sans avoir de réponse. Ils ont demandé une audience le 25 avril dernier, sans avoir davantage de réponse. Par cette publication de leur demande d’audience non accordée, les cardinaux préparent-ils d’autres démarches ?

    Il faudrait leur demander directement ! Ce qui est sûr, c'est que le silence du pape que certains trouvent normal apparaît à d'autres de plus en plus étrange. Comment un pasteur qui par définition a charge d'âmes peut-il laisser dans l'incertitude ses brebis sur des points si importants ? Je parle de l'incertitude concernant le sens de certains passages puisque ces mêmes passages ont reçu des interprétations contradictoires. La responsabilité d'un auteur n'est-elle pas de s'assurer que sa pensée a bien été comprise ? Un texte pastoral offrant des lectures contradictoires contribue objectivement à la relativisation de la vérité pratique. Il en va ici du salut des âmes.

    Les cardinaux sont les électeurs du pape, qui semblent lui rappeler qu’ils l’ont élu pour « confirmer ses frères ». Ne vont-ils pas un peu loin ?

    Il me revient en tête ces mots très forts du bienheureux Paul VI dans son homélie prononcée en la fête de saint Pierre et saint Paul (29 juin 1972) :

    «  Nous voudrions, aujourd'hui plus que jamais, être capables d'exercer la fonction, confiée par Dieu à Pierre, de confirmer nos frères dans la foi. Nous voudrions vous communiquer ce charisme de la certitude que le Seigneur donne à celui qui le représente sur cette terre, quelle que soit son indignité. »

    Espérons que notre Saint-Père fasse mémoire des paroles de son prédécesseur, prononcées dans une période elle aussi de grande confusion !

    Beaucoup de bruit se fait actuellement également autour d’une réintéprétation possible, à la lumière d’Amoris laetita, d’Humanae vitae, la célèbre encyclique de Paul VI, préparée en partie par le cardinal Wojtyla, futur Jean-Paul II. Ne serions-nous pas ici dans une logique inverse de l’herméneutique catholique qui implique que le texte plus récent soit conforme ou rendu conforme à la Tradition et non l’inverse ?

    Effectivement une commission aurait été nommée dont le coordinateur serait Mgr Gilfredo Marengo. Certes, Mgr Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie, vient de le démentir, mais ce démenti est lui-même très inquiétant :

    « Il n’y a aucune commission pontificale appelée à relire ou à réinterpréter Humanæ vitæ. Cependant, nous devrions examiner positivement sur l’ensemble de ces initiatives, comme celle du professeur Marengo de l’Institut Jean-Paul II, qui ont pour but d’étudier et d’approfondir ce document en vue du 50e anniversaire de sa publication ».

    Le fait est que Gilfredo Marengo, a lui-même établi un parallèle entre Amoris laetitia et Humane vitae ; il se demande si

    « le jeu polémique “pilule oui/pilule non”, tout comme celui actuel “communion pour les divorcés oui/communion pour les divorcés non”, n'est pas la simple manifestation d'un malaise et d'une difficulté bien plus décisifs dans le tissu de la vie de l'Eglise. » (2)

    On peut s'inquiéter en lisant de tels propos quant à la volonté de cette commission de mettre en lumière la vérité libératrice de l'encyclique de Paul VI. La crise de la théologie morale contemporaine a trouvé son acmé dans la critique d'Humanée vitae. Comme je le disais plus haut les catéchèses sur la théologie du corps, Familiaris consortio et Veritatis splendor sont les jalons essentiels pour servir à la juste réception doctrinale et pastorale de l'encyclique de Paul VI. Il est évident que nous assistons aujourd'hui à un retour du proportionnalisme qui tend à émousser la radicalité de « l'Evangile du mariage », et ce aux plus hauts niveaux de l'Eglise. La pression du monde est si forte pour que l'Eglise obtempère aux nouvelles normes de la morale sexuelle de l'individualisme libéral ! Au nom d'un souci soi-disant pastoral, certains cherchent donc à noyer la radicalité de l'appel à la sainteté (et donc au bonheur) que Dieu adresse à tous, notamment aux époux. La réponse à cet appel ne peut passer que par une vie conjugale fondée sur le vrai bien des époux. « Tout est lié » nous rappelle le pape François. Malgré le travail colossal de saint Jean-Paul II, la confusion morale qui traverse des pans entiers du peuple chrétien depuis plusieurs décennies perdure. Va-t-on assister à une nouvelle étape de cette crise systémique ?

    Lire aussi : Les quatre cardinaux frondeurs réécrivent au pape Francois

  • Macron ou quand tout change pour que rien ne change

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    Pour accéder à l'article de Guillaume de Prémare paru dans le n° de Permanences de mai-juin 2017 : cliquer ICI

  • Une nouvelle configuration de l'Académie pontificale pour la Vie qui interpelle

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    Sur diakonos.be, la traduction de cet article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

    Nom par nom, la métamorphose de l’Académie pontificale pour la vie

    Finalement, après une longue attente, la liste des nouveaux membres de l’Académie pontificale pour la vie a été publiée mardi 13 juin, tous nommés par le pape.  Il manque encore la liste du conseil de direction, lui aussi nommé par le pape, ainsi que celle des membres « correspondants » dont la désignation dépend du président de l’Académie, Mgr Vincenzo Paglia.  Mais l’essentiel est fait.

    Par rapport aux 132 membres à divers titres que l’Académie comptait auparavant, tous licenciés le 31 décembre 2016, les membres actuels sont au nombre de 45, plus 5 « ad honorem ». Ceux qui ont été reconduits sont au nombre de 33, il y a 17 nouveaux membres et leurs noms, avec leurs titres respectifs, se trouvent dans cette liste diffusée par la salle de presse du Saint-Siège :

    > Nominations

    De nombreux noms ont été rayés de la liste. Parmi eux, des experts de grande renommée qui ont eu le malheur de critiquer ouvertement les nouveaux paradigmes moraux et pratiques entrés en vigueur avec le pontificat de François.

    Parmi eux, le philosophe allemand Robert Spaemann, ami de longue date de Joseph Ratzinger ; le théologien américain John Finnis, auteur avec Germain Grisez d’une « lettre ouverte » au pape François très critique à l’égard d’Amoris laetitia ; l’anglais Luke Gormally, l’autrichien Josef Maria Seifert.

    Des activistes pro-life de renommée internationale telles que la guatémaltèque Maria Mercedes Arzù de Wilson et la vénézuélienne Christine De Marcellus Vollmer n’ont pas non plus été reconduites. Elles furent parmi les premières à avoir été appelées par Jean-Paul II pour faire partie de l’Académie, aujourd’hui déforcée sur ce front.

    Disparus également trois représentants de l’Europe de l’Est formés à l’école de Karol Wojtyla et qui lui étaient restés particulièrement fidèles comme le polonais Andrzej Szostek, l’ukrainien Mieczyslaw Grzegocki et le tchèque Jaroslav Sturma, un psychologue et psychothérapeute résolument opposé à l’idéologie du « gender ».

    Tout comme on a fait un croix sur le burkinabé Etienne Kaboré, parfaitement en ligne avec les positions de l’Eglise africaine sur le mariage, la famille et la sexualité, que l’on avait vu à l’œuvre durant les deux derniers synodes.

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  • Pourquoi distinguer éthique et morale ?

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    ETHIQUE OU MORALE : POURQUOI LES DISTINGUER ?

    Gènéthique vous informe

    Faut-il invoquer l’éthique ou la morale ? Si l’hésitation n’est pas nouvelle, la distinction revient en force chaque fois qu’il est question d’élargir le champ d’action de la science. Comme pour justifier certaines pratiques transgressives. François-Xavier Putallaz[1], professeur de Philosophie à l’université de Fribourg en Suisse, Membre de la Commission nationale d’éthique suisse, fait le point pour Gènéthique sur un procédé arbitraire. 

    Gènéthique : Certaines prises de position s’appuient sur une distinction entre l’éthique et la morale, pourquoi la morale est-elle jugée différente de l’éthique ?

    François-Xavier Putallaz : Aujourd’hui, la morale a mauvaise presse, alors que l'éthique est à la mode. Dans un cas comme dans l’autre, ce n'est pas une bonne nouvelle. En effet, c’est exactement la même discipline, seulement, le terme « morale » a une étymologie latine, alors que l’étymologie du mot « éthique » est grecque. Imaginez n’importe quel philosophe, tel Aristote et sa remarquable « Ethique à Nicomaque », à qui on proposerait la distinction arbitraire entre « morale » et « éthique » ; il en serait pour le moins étonné, et trouverait matière à rire de cette bizarrerie irrationnelle.

    Je croirais volontiers que la raison de telles distinctions relève d’un manque de cohérence : d’un côté, chacun se rend compte de l’urgence à trouver des normes indispensables pour réguler les techniques biomédicales : car la technique n’est pas autorégulatrice. D’un autre côté, on rechigne à accepter de telles normes, car leur exigence propre remettrait trop radicalement en question notre mode de vie. En clair, on aspire à une régulation pas trop régulatrice, à des normes pas trop normatives, à des exigences pas trop exigeantes. On trouve alors ce subterfuge, en rejetant les normes du côté de la morale, en privatisant cette dernière, et en émasculant l’éthique pour en faire une sorte de bien-pensance, un consensus autour du « plus petit dénominateur commun ».

    Le résultat, c’est que « l’éthique » a tendance à cautionner les mœurs et les techniques : elle est à la mode, à la solde des intérêts les plus puissants. Tandis que la « morale » se privatise, n’ayant aucun impact social. Ce sont deux faces d’une même idéologie, qui me semble erronée.

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  • Les évêques de Grande-Bretagne promeuvent une Journée pour la Vie

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    De Radio Vatican :

    Les évêques britanniques promeuvent une Journée pour la Vie 

    (RV) «J’invoque la protection de la Madone et je lui confie à elle, la Mère du Vivant, la cause de la vie»: le Pape l’a écrit dans le message envoyé à la population d’Angleterre, du Pays de Galles et d’Écosse, en préparation à la Journée pour la Vie qui sera célébrée le 18 juin.

    Le Pape souhaite que «ceux qui croient dans le Fils puissent continuer à témoigner de la vie, et, ensemble avec les personnes de bonne volonté, puissent contribuer à témoigner de la vie, et, ensemble avec toutes les personnes de bonne volonté, puissent contribuer à une culture de la vérité et de l’amour».

    Le message a été communiqué au nouveau nonce apostolique en Grande-Bretagne, Mgr Edward Adams, et à l’évêque en charge de cette journée, Mgr John Sherrington. «Le Saint-Père assure de ses prières et adresse aux organisateurs et aux participants de la Journée pour la vie sa bénédiction apostolique», a déclaré le nonce.

    Cette année marque le 50e anniversaire de la légalisation de l’avortement en Grande-Bretagne. «La Journée pour la vie de cette année, précise la conférence épiscopale, nous offre une occasion pour prier et se souvenir de toutes les vies perdues avant la naissance, et pour offrir un support pratique et un soutien psychologique aux femmes et hommes préoccupés par une grossesse inattendue».

    Pour les femmes qui ont avorté, les prélats rappellent les paroles du Pape dans la Lettre apostolique Misericordia et Misera : «Il n’est pas de péché que la miséricorde de Dieu ne puisse rejoindre et annuler, quand on trouve un cœur repenti qui cherche à se réconcilier avec le Père». La Journée entend sensibiliser sur le sens et la valeur de la vie humaine, de la conception à la mort naturelle. Le bénéfice de la collecte qui sera effectuée à cette occasion sera destiné à des activités et des structures de l’Église en faveur de la vie, notamment l’Anscombe Bioethics Centre.

  • Il faut « bannir à tout prix » la Gestation pour Autrui (GPA)

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    LA GPA ET LA « PATHOLOGISATION » DU DÉSIR D’ENFANT

    Maria de Koninck, sociologue et professeur émérite à la faculté de médecine de l’Université Laval au Québec estime qu’il faut « bannir à tout prix » la Gestation pour Autrui (GPA). Deux décisions récentes ont forcé la province à reconnaitre l’adoption de bébés par des parents québécois ayant eu recours à des mères porteuses en Asie, et le gouvernement cherche à « clarifier le flou juridique »actuel. Mais pour la sociologue, le débat nécessaire n’a pas lieu, car « la question des droits nuit beaucoup à la réflexion. Ces dernières décennies, on a développé les droits individuels, ce qui est une excellente chose, mais on est rendu à un moment où ceux-ci prennent le dessus sur la discussion autour du bien commun ». Parmi ces droits, le « droit à l’enfant » est « fortement contestable », et bloque tout débat. Elle dénonce aussi « la confusion autour du respect des droits des homosexuels dans ce dossier. Est-ce qu’interdire le recours aux mères porteuses est une négation de leurs droits parce que cette pratique leur permet d’avoir des enfants ? L’enfant n’est pourtant pas une chose à laquelle on a droit ». A la racine de ce « droit à l’enfant », il y a « une construction sociale du désir d’enfant à tout prix – de son enfant à tout prix – qui s’accompagne d’une détresse ». La sociologue la nomme « pathologisation et médicalisation du désir d’enfant. Puisque la médecine à rendu possible de se reproduire malgré l’infertilité d’un des membres du couple, les gens ne peuvent plus faire leur deuil. On peut travailler là-dessus, comme société. C’est une question délicate ... ».
     
    Sources: Québec Science, Mélissa Guillemette (1/06/2017)
  • Ce qui ressort du symposium qui s'est tenu à l’occasion des 15 ans de la loi relative à l’euthanasie

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    Du bulletin d'information de l'Institut Européen de Bioéthique :

    Belgique : symposium à l’occasion des 15 ans de la loi relative à l’euthanasie

    A l'occasion des 15 ans de la loi ayant dépénalisé partiellement l’euthanasie, adoptée par le législateur belge en 2002, un symposium s'est tenu le 11 mai dernier à l'initiative de Jean-Jacques De Gucht, parlementaire.

    A cette occasion, le Professeur Luc Deliens, Director du End-of-Life Care Research Group (Vrije Universiteit Brussel & Ghent University), a entre autres affirmé que le contrôle exercé par la Commission Fédérale de contrôle et d’Evaluation (CFCE) demeurait « marginal » et « très rudimentaire ». Le nombre d’euthanasies réelles est bien plus important, selon lui, que celles reprises dans le Rapport bisannuel de la Commission. Celle-ci en effet, ne peut se prononcer que sur les cas d’euthanasies que les médecins lui rapportent. Ce système de « Self-fulfilling prophecy » est pour lui totalement inadéquat. En 15 ans, la « pratique de l’euthanasie dans notre pays a augmenté énormément ». La clandestinité est réelle, et des médecins pratiquent l’euthanasie en toute illégalité et impunité. (Voir dossier de l’IEB : 10 ans de dépénalisation)

    De plus, il a parlé de l'existence d'une « zone grise », hors de tout contrôle, quant à la pratique de la sédation qui viserait à provoquer la mort du patient de façon abusive.

    Les critiques émises lors du symposium se sont aussi adressées au politique. Le Professeur Deliens a ainsi souligné qu’en 15 ans, aucune des quatre études réalisées par son groupe de recherche n’avait été financée par les pouvoirs publics, alors qu’aux Pays-Bas, des millions d’euros sont investis pour des études à la demande du Gouvernement. « La loi euthanasie n’est-elle pas assez importante que pour justifier un financement des recherches à ce sujet ? » a-t-il demandé. «Or, continue-t-il, nous ne savons pas ce qui se passe en Wallonie par rapport à la pratique de l’euthanasie afin d’expliquer la différence majeure avec la Flandre »
    (NDLR : 80% du total des euthanasies déclarées le sont en néerlandais).

    Lors du même symposium, et à propos d’une révision éventuelle de la loi euthanasie, la question du suicide assisté(non couvert par la loi actuelle) a par ailleurs été évoquée. Le psychiatre Koen Titeca a souligné que dans le cas de l’euthanasie, le médecin est beaucoup plus impliqué que dans le cas du suicide assisté. « Les médecins se sentent mieux après l’aide au suicide qu’après une euthanasie où ils doivent eux-mêmes injecter le produit létal » a ainsi affirmé M. Titeca. D’autres intervenants ont évoqué le fait que, bien que le respect de l’autonomie du patient était très important, les médecins devaient s’en tenir à la loi et se garder de toute pression possible venant du patient lui-même.

    Pour conclure le symposium, Jean-Jacques de Gucht (Open-VLD) a appelé à un élargissement de la loi, notamment pour les personnes atteintes de démence, et à une meilleure information sur l’euthanasie, en prévoyant par exemple un lieu d’accueil dans chaque administration communale pour aider la population à remplir les demandes d’euthanasie. Il faut aussi, a-t-il ajouté, que les médecins et les infirmières reçoivent une formation adéquate pour pratiquer l’euthanasie.

    Source : Symposium 15 jaar euthanasie, 11/05/2017, Belga, Knack.