Motu proprio « Traditionis Custodes » : Mgr Rey évêque de Toulon et Fréjus veut aussi demeurer fidèle au désir de réconciliation voulu par Benoît XVI. Une interview réalisée par Philippe de Saint-Germain et publiée sur le site web « Aleteia » :
« Pour l’évêque de Fréjus-Toulon, le pape François n'a pas aboli le missel de saint Jean XXIII, mais il veut s'assurer que ceux qui le suivent demeurent dans l’unité de l'Église universelle, et qu'ils restent fidèles au désir de réconciliation voulu par son prédécesseur Benoît XVI.
Dans le diocèse de Fréjus-Toulon, de nombreuses communautés religieuses et paroisses pratiquent la forme extraordinaire du missel romain, dans une pleine communion avec l’évêque du lieu, et la fidélité au concile Vatican II. C’est dire l’incompréhension que ces fidèles peuvent ressentir face aux restrictions apportées par le motu proprio du pape François dans l’usage de la messe tridentine. Pour Mgr Dominique Rey, qui se félicite de la « grande force missionnaire » des communautés traditionnelles dans son diocèse, le motu proprio peut contribuer à renforcer le dialogue et l’intégration de tous les fidèles à la mission évangélisatrice de l’Église, sans renoncement à une « liturgie si féconde en saints et en vocations ». Il s’en explique à Aleteia :
Aleteia : Monseigneur, comme d’autres évêques de France, vous vous félicitez de « l’esprit évangélique et de la communion ecclésiale » des fidèles et des prêtres attachés à la messe tridentine dans votre diocèse. Comprenez-vous l’émoi et l’inquiétude que le motu proprio Traditionis Custodes a suscité chez eux ?
Mgr Dominique Rey : Dans le Var, la grande majorité des catholiques attachés à la messe tridentine cherchent vraiment à s’intégrer au tissu diocésain, à tisser des relations fraternelles avec les autres fidèles et les autres prêtres et à œuvrer de concert avec eux, dans une même charité. Cette décision prise pour l’Église universelle peut donc donner l’impression de nier leur désir d’unité, vécu dans mon diocèse comme dans de nombreux autres diocèses français. Cette lettre apostolique a également pu être incomprise par de nombreux catholiques attachés au nouveau missel, qu’ils aient fréquenté ou non les richesses de l’ancien. Nous devons tous recevoir ce motu proprio dans l’obéissance et la confiance. Je crois que les fidèles attachés à la messe tridentine qui s’associeront au souci d’unité affiché par le Saint-Père montreront aux différents évêques que la forme extraordinaire a toute sa place dans leur diocèse. J’en suis déjà convaincu pour le mien.
Partagez-vous cependant la double « angoisse » du pape François devant les dérives liturgiques mais aussi devant l’attitude des catholiques qui auraient abusé de la protection de Benoît XVI pour refuser l’enseignement du concile Vatican II ?
Le pape François a raison de se méfier de toute tendance au monopole, de toute tendance à « établir sa propre justice », selon l’expression de saint Paul aux Romains (10, 3). Mais, encore une fois, ce n’est pas ce que j’ai expérimenté dans mon diocèse, où les communautés traditionalistes m’ont paru faire au contraire preuve d’une grande fidélité à tout le magistère de l’Église, et notamment au concile Vatican II. D’ailleurs, en effet, cette tendance n’est pas le propre des communautés attachées à l’ancien missel, et le pape rappelle dans Traditionis custodes que le nouveau missel est sujet à de nombreux abus. Toutes les communautés, surtout si elles suivent des règles spécifiques ou si elles ne sont pas enracinées dans la Tradition, peuvent chercher à s’arroger la loi, les sacrements et même la grâce. Mais ces biens ne sont la propriété de personne : ce sont des dons divins, et il revient à l’Église de les recevoir et de les administrer pour tous. En ce sens, la mission des chrétiens n’est pas de « s’approprier » la liturgie ou les sacrements, mais de gagner le cœur des pécheurs. L’Église est là pour tous les hommes (2 Co 12, 14) et le rôle de l’évêque et des prêtres est donc de faire en sorte qu’ils puissent s’incorporer toujours plus au Corps du Christ, pour y recevoir pleinement la vie divine.