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Théologie - Page 36

  • "Querida Amazonia" suscite critiques, interrogations et commentaires (mise à jour 22/2)

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    Comme ces divers commentateurs traduits sur le site "Benoît et moi" le laissent entendre :

    Roberto de Mattei commente « à chaud » l’exhortation apostolique Querida Amazonia, à la lumière non pas de ce qu’elle contient (qui finalement n’intéresse personne et sera vite oubliée, selon moi) mais de ce qu’elle ne contient pas. Et cette absence aura sans doute des conséquences pour le Pontificat car, on le sait, un processus révolutionnaire est […]

    Reçu d’un lecteur vigilant: « Le Père Raymond J. de Souza, un prêtre canadien (*) semble avoir un œil bien perçant concernant cette nouvelle Exhortation Apostolique. Il y voit une manœuvre papale déjà utilisée avec Amoris Laetitia« , et à relier avec la Constitution Apostolique Episcopalis Communio promulguée par François le 15/9/2018 (**). Résumé. (*) Mes lecteurs […]

    Elle non plus ne pense pas que l’exhortation classe définitivement le problème du célibat sacerdotal, et elle souligne le fait, très significatif, que dès l’exorde, le Pape enjoint de lire le Document Final du Synode en entier (1), investissant ainsi ce texte confus et ennuyeux d’une autorité qui ne lui appartient pas… … Mais le […]

    Avec l’exhortation, l’élan réformateur du pontificat a été stoppé net, les progressistes ont cessé d’avoir le vent en poupe, et le Pape est plus isolé que jamais. Mais surtout, il se retrouve en contradiction flagrante avec lui-même, car c’est lui qui a voulu ce débat sur le célibat des prêtres, et qui l’a orienté dans […]

    Pour Aldo Maria Valli (qui vient de publier un livre sur le synode et que je rejoins complètement ici), les catholiques « conservateurs » n’ont pas vraiment de quoi se réjouir du contenu de Querida Amazonia. Le Pape y élève l’incertitude (sous couvert de synodalité) au rang de magistère, mettant ainsi l’Eglise en une sorte d’état de […]

    Ce serait presque drôle si ce n’était si grave. Stefano Fontana s’est « amusé » (pardon si le mot ne convient peut-être pas totalement à la matière!) à relever toutes les contradictions incluses dans la réception de l’Exhortation apostolique. Au final, on ne sait pas vraiment si le Document final « ouvrant » à l’ordination d’hommes mariés est – […]

    Voici celle (plus autorisée que d’autres!) de don Nicola Bux, cité par Marco Tosatti. Loin de mettre un point final au débat, l’Exhortation, de l’aveu même de conseillers proches de François, a entr’ouvert une porte. Un document qui aurait dû réunir le peuple de Dieu (et qui finalement aurait rempli sa mission si personne n’en […]

    La majorité des observateurs s’accordent à dire que la publication de l’Exhortation apostolique Querida Amazonía a provoqué un tremblement de terre spirituel. Dans son Exhortation apostolique, le Pape François n’a pas ouvert la porte à l’ordination des hommes mariés qualifiés de viri probati. Le pape a également rejeté la proposition d’ordonner sacramentellement les femmes au diaconat permanent...

  • François sur l’Amazonie : le pape est-il « panthéiste et idolâtre » ?

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    La lettre du pape François sur l’Amazonie est-elle « panthéiste et idolâtre » ? (19 mn)

    Réponse aux critiques des Sédévacantistes.

    Il est intéressant de regarder les critiques venant des oppositions au pape François.

    Il y a d’abord celles des « progressistes » comme le père Duigou sont faites de déception pastorale : « Pas d’ordination diaconale des femmes et sacerdotales des hommes mariés… Mais François n’a pas interdit non plus. » On devine donc l’étape de leur prochain combat et leur désir ne s’arrêtera pas là. L’ordination épiscopale de femmes lesbiennes et divorcées est déjà un rêve accompli chez les Anglicans.

    Il y a ensuite celle des « intégristes » de type « sédévacantiste (le pape de Rome est un antipape) » qui sont doctrinales et croient repérer deux hérésies. D’abord le « panthéisme » (Dieu et le monde sont uns) dans cette phrase (N°74) : « Le Christ est glorieux et mystérieusement présent dans le fleuve, dans les arbres, dans les poissons et dans le vent » et dans celle-ci n° 56 : « Il faut entrer en communion avec la forêt ». L’autre accusation est celle d’idolâtrie à cause de ce propos : « 79. Il est possible de recueillir d’une certaine manière un symbole autochtone sans le qualifier nécessairement d’idolâtrie. Un mythe chargé de sens spirituel peut être utilisé et pas toujours être considéré comme une erreur païenne (…), bien qu’un lent processus de purification ou de maturation soit requis. » Cette video montre comment doivent être comprises ces paroles du pape, selon la méthode demandée par son prédécesseur Benoît XVI, à savoir « dans une herméneutique de la continuité avec les dogmes de toujours». Peut-on trouver Dieu dans le fleuve, la forêt, les poissons ? Bien sûr que oui. C’est ce que fait tout homme qui prie dans la nature et sent la présence de son Créateur dans la créature. Est-ce à dire que le poisson est Dieu ? Bien sûr que non. Peut-on trouver des annonces de Jésus Christ dans les mythes des paganismes ? Bien sûr que oui. C’est ce qu’a toujours fait l’Eglise catholique en remplaçant les cultes des idoles par le culte des saints et des anges qui leur ressemblaient par quelque événement de leur vie. On en trouvera un exemple ici avec la saint Valentin : La vie de saint Valentin, évêque de Terni, patron des amoureux (160-203) (19 mn) (14 février) https://youtu.be/FnHMBn8PMLE

  • Réflexions d'un lecteur : on ne peut incriminer le pontificat actuel en oubliant les orientations des pontificats précédents

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    "Un lecteur" nous fait part de ses réflexions au sujet de la crise actuelle dont il refuse de faire porter la responsabilité au seul pontife régnant en oubliant que les orientations prises sous les pontificats précédents y ont largement contribué... Nous le remercions de nous les partager et nous les livrons à nos lecteurs dont elles permettront sans nul doute d'approfondir la réflexion.

    I.

    1. Disons en quelques mots que je ne suis pas de ceux qui s'imaginent que, au sortir de deux décennies de décervelage, dans les années 1960-1970, presque tout serait allé de mieux en mieux, dans l'Eglise catholique, de l'automne 1978 à l'hiver 2013, grâce à Jean-Paul II puis grâce à Benoît XVI, jusqu'à ce que l'élection du pape François puis le déroulement du pontificat de François provoquent l'interruption ou la remise en cause de trois décennies d'un recentrage doctrinal, liturgique, pastoral et spirituel, qui aurait été de plus en plus orthodoxe et réaliste, des années 1980 à l'année 2012.

    2. Pourquoi ne suis-je pas de ceux qui s'imaginent cela ? Voici, tout d'abord, la première raison pour laquelle je n'en suis pas : la vérité oblige à dire que Jean-Paul II n'a pas impulsé ni incarné un recentrage orthodoxe et réaliste dans tous les domaines : Jean-Paul II a été beaucoup plus conciliaire, plus libéral ad extra (dans l'acception philosophique et théologique de l'adjectif libéral), que Paul VI, dans le domaine du dialogue interconfessionnel, et, surtout, le même Jean-Paul II a été infiniment plus conciliaire, plus libéral ad extra, que le même Paul VI, dans celui du dialogue interreligieux. (Il s'agit ici, globalement, de l'acception philosophique post-kantienne et de l'acception théologique post-schleiermachienne de l'adjectif libéral.)

    3. En d'autres termes, le moins que l'on puisse dire est que, dans ces domaines, de la fin des années 1970 au début des années 2010, sous Jean-Paul II puis sous Benoît XVI, la poursuite du décentrement, souvent iréniste et parfois utopiste, l'a amplement emporté sur un recentrage orthodoxe et réaliste qui aurait dû être à contre-courant ad extra, mais aussi ad intra, face à la conception dominante, d'inspiration quasiment protestante libérale, du dialogue interconfessionnel, et face à la conception dominante, d'inspiration quasiment panchristique et postmoderne, du dialogue interreligieux.

    4. Si l'on préfère, je ne suis pas de ceux qui portent en eux la nostalgie ou le souvenir d'un pape Jean-Paul II qui aurait pensé puis mené la totalité de son pontificat sur le registre du recentrage conservateur dans tous les domaines (alors que je n'ignore pas que beaucoup de catholiques, notamment parmi ceux qui auront entre 30 et 60 ans, en 2020, portent en eux, encore aujourd'hui, cette nostalgie ou ce souvenir), parce que j'ai bien conscience du fait que ce pape a fonctionné à grande distance, sinon aux antipodes, du recentrage conservateur, dans le cadre de chacun de ces deux dialogues. ( UN document, je dis bien UN document : Dominus Iesus, ne saurait faire oublier les CENTAINES de documents, je dis bien les CENTAINES de documents, que l'on doit au pape Jean-Pape II, et dans lesquels le même pape laisse entendre à peu près le contraire de ce que l'on lit dans Dominus Iesus, ou prend bien soin de ne pas faire entendre à peu près l'équivalent de ce que l'on lit dans Dominus Iesus. Si vous ne me croyez pas, lisez ce livre : https://www.librairie-emmanuel.fr/le-dialogue-interreligieux-dans-lenseignement-officiel-de-leglise-catholique-p-36755 )

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  • François et le schisme d’Allemagne. Chronique d’un cauchemar

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    Lu sur le site de notre confrère « diakonos.be » :

    François et marx.jpg

    « Ce synode sur l’Amazonie est le second d’affilée dans lequel François a déçu les attentes de ceux qui attendaient des innovations qu’il avait lui-même avait laissé entrevoir.

    Au cours du synode de 2018 sur les jeunes, c’était autour de la question de l’homosexualité que s’étaient cristallisées les attentes et les controverses. Le document de travail des débats, au paragraphe 197, admettait explicitement un changement possible de paradigme dans le jugement porté sur les « couples homosexuels ».

    Et en revanche, rien. Au cours du synode, le Pape François a imposé et obtenu le silence sur le sujet. On n’en a parlé ni pendant les débats en séance, ni dans le document final, et encore moins dans l’exhortation pontificale post-synodale « Christus vivit ». Et c’est ainsi que le synode sur les jeunes – une fois vidé de son ingrédient le plus piquant – est devenu le synode le plus inutile et ennuyeux de l’histoire.

    L’année suivante, avec le synode sur l’Amazonie et surtout avec les événements qui ont suivi, la déception des novateurs a été encore plus grande.

    Parce que cette fois, il y avait bien eu débat pendant le synode sur le changement le plus attendu et le plus polémique qu’était l’ordination d’hommes mariés. Dans le document final, la proposition était passée avec plus de deux tiers des voix. Et début janvier encore, beaucoup étaient persuadés que François se la serait appropriée et l’aurait autorisée dans l’exhortation synodale qui devait sortir d’un jour à l’autre.

    C’est alors qu’est arrivé le livre-choc du pape émérite Benoît XVI et du cardinal Sarah en défense du célibat sacerdotal, qui a été accueilli par les novateurs comme un mauvais présage.

    Et de fait, l’exhortation post-synodale « Querida Amazonia » est tombée peu après comme une douche froide, avec un silence total de François sur le sujet. Il ne restait plus aux novateurs qu’à s’agripper – comme l’a fait l’évêque et théologien argentin Victor Manuel Fernández –  à la faible lueur d’espoir des quelques lignes introductives dans lesquelles le pape invite à « lire intégralement » aussi le document final du synode dans lequel « Dieu veuille que toute l’Église se laisse enrichir et interpeller » et où il recommande que « les pasteurs » d’Amazonie « s’engagent pour son application ».

    Mais à part cette dernière planche de salut laissée par François à disposition des novateurs, qu’est-ce qui a bien pu pousser le pape à ces coups de frein à répétition sur des matières pour lesquelles il s’était lui-même montré disposé à innover par le passé ?

    La réponse est à aller chercher en Allemagne.

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  • Cardinal Sarah : "L’ordination d’hommes mariés est un fantasme d’universitaires occidentaux en mal de transgressions"

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    Une interview du cardinal Sarah par Edward Pentin parue sur le National Catholic Register et traduite en français sur le site de l'Homme Nouveau :

    Cardinal Sarah : « Les adversaires du sacerdoce ne veulent pas entrer dans le fond du débat. »

    Cardinal Sarah : « Les adversaires du sacerdoce <br>ne veulent pas entrer dans le fond du débat. »

    Vaticaniste reconnu, Edward Pentin a publié dans National Catholic Register, le 8 février dernier, un entretien important avec le cardinal Robert Sarah, portant sur le livre que ce dernier a cosigné avec le pape émérite, Benoit XVI. Un texte qui n’a rien perdu de son actualité, la meilleure synthèse sur cet ouvrage important. Il méritait donc d’être connu aussi en France, d’autant que les adversaires du célibat sacerdotal préfèrent tenter de discréditer Des profondeurs de nos cœurs plutôt que d’entrer dans des questions de fond.

    Eminence, pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre ?

    Parce que le sacerdoce chrétien est en danger de mort ! Il traverse une crise majeure.

    La découverte du grand nombre d’abus sexuels commis par des prêtres voire des évêques en est un symptôme indiscutable. Le Pape émérite Benoît XVI avait déjà pris fortement la parole à ce sujet. Mais alors, sa pensée avait été déformée et ignorée. Comme aujourd’hui on a tenté de le réduire au silence. Comme aujourd’hui, des manœuvres de diversion ont été montées pour détourner l’attention de son message prophétique. Pourtant, je suis persuadé qu’il nous avait dit l’essentiel : ce que personne ne veut entendre. Il avait montré qu’à la racine des abus commis par des clercs, il y a un défaut profond dans leur formation. Le prêtre est un homme mis à part pour le service de Dieu et de l’Église. Il est un consacré. Toute sa vie est mis à part pour Dieu. Or on a voulu désacraliser la vie sacerdotale. On a voulu la banaliser, la rendre profane, la séculariser. On a voulu faire du prêtre un homme comme les autres. Certains prêtres ont été formés sans mettre concrètement au centre de leur vie, Dieu, la prière, la célébration de la messe, la recherche ardente de la sainteté.

    Comme le disait Benoît XVI, « Pourquoi la pédophilie a-t-elle atteint de telles proportions ? En dernière analyse, la raison en est l’absence de Dieu. C’est seulement là où la Foi ne détermine plus les actions de l’homme que de tels crimes sont possibles. »

    On a formé des prêtres sans leur enseigner que le seul point d’appui de leur vie est Dieu, sans leur faire expérimenter que leur vie n’a de sens que par Dieu et pour lui. Privé de Dieu, il ne leur est resté que le pouvoir. Certains ont sombré dans la logique diabolique des abus d’autorité et des crimes sexuels. Si un prêtre ne fait pas quotidiennement l’expérience qu’il n’est qu’un instrument entre les mains de Dieu, s’il ne se tient pas constamment devant Dieu pour le servir de tout son cœur, alors il risque de s’enivrer d’une sensation de pouvoir. Si la vie d’un prêtre n’est pas une vie consacrée, alors il est en grand danger d’illusion et de déviation.

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  • 'Querida Amazonia' : quand le Pape agit en Pape

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    De Pietro de Marco sur Settimo Cielo (Sandro Magister) en traduction française sur Diakonos.be :

    « Querida Amazonia ».  Quand François agit finalement en pape

    Je reçois et je publie.  L’auteur, ancien professeur de sociologie des religions à l’Université de Florence et à la Faculté théologique d’Italie centrale est philosophe et historien de formation et est bien connu et apprécié par les lecteurs de Settimo Cielo depuis plusieurs années.
    Sandro Magister

    Le tournant de l’exhortation.  Le Pape François entre dérive synodale et primauté

    de Pietro De Marco

    En réfléchissant ces derniers jours sur le riche événement constitué par l’exhortation « Querida Amazonia » et par son écho en Europe, je suis arrivé à la conviction qu’il s’agit du premier acte dans lequel le pontife suprême François ait exercé son « munus ».

    Comme on le sait, le « munus » des papes, c’est-à-dire faire office de vicaires du Christ, est à la base de l’Église universelle (« tamquam saxum immobile » pour saint Ambroise), et donne des gardiens et des maîtres de la foi et de la vérité.

    Comme j’ai pu l’observer moi aussi, le pape François a largement exercé sa « potestas legifera, iudicialis et exsecutiva » selon un projet sur lequel les avis divergent, à mon sens, parce qu’il vise surtout à construire un corps épiscopal dans le monde et, au centre, un corps de fonctionnaires ordonnés à la réalisation de son programme de réformes et de ses positions idéologiques postconciliaires personnelles sous couvert de pastorale et d’évangélisation.  Un programme et des positions dans lesquelles le « bonum ecclesiae » était et demeure difficile à voir, étant donné qu’il est systématiquement sous-entendu et brouillé.  C’est-à-dire que l’exercice même des « potestates » est apparu comme séparé des obligations du « munus » et de la conscience même d’en être porteur.

    Le jugement sur la signification de l’exhortation « Querida Amazonia » se conçoit sur le fil du paradoxe, on a besoin du contexte pour pouvoir y déchiffrer l’ « intentio auctoris » (pour ne pas dire du « legislatoris »), tant elle semble être conçue pour contrarier le juriste.  Mais permettez-moi de rappeler ce « dictum » de Carl Schmitt : « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle ».  La conjoncture ecclésiastique (au niveau universel) a été en effet marquée entre l’été 2019 et le mois de février 2020 par une émergence dramatique dont Benoît XVI, c’est-à-dire l’évêque émérite Joseph Ratzinger, et le cardinal Robert Sarah, se sont fait les interprètes.  Pendant ce temps, au niveau de l’Église universelle, imprégnée par une pression médiatique étrangère à toute logique institutionnelle et surnaturelle, on se perdait en radotages niais sur l’opposition entre innovateurs et réactionnaires, entre progrès et fermeture.  Des catégories étrangères à la vie de l’Église et qui ne peuvent qu’induire en erreur (en soi il n’y a aucun progrès dans l’Église, comme il n’y en a pas dans le dogme), surtout quand elles sont utilisées en interne.

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  • Querida Amazonia : vers une Eglise "laïcisée" ?

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    Du Père Pio Pace sur le blog Rorate Caeli en traduction française sur Res Novae (site de l'Homme Nouveau) :

    Querida Amazonia : pour une sorte d’« Église laïque »

    Querida Amazonia : <br>pour une sorte d’« Église laïque »

    Va-t-on ordonner des viri probati mariés ? Cette question, avant pendant et après l’assemblée du Synode sur l’Amazonie, a polarisé toute l’attention, les évêques du Synode allemand se tenant comme en embuscade, prêts à s’emparer du thème pour la transformation institutionnelle de l’Église. Pour toutes sortes de raisons politiques et tactiques, l’exhortation apostolique tant attendue n’en parle pas. Elle ne rejette pas la possibilité, comme on l’a dit trop hâtivement : elle n’en parle pas. En fait, elle va plus loin, vers une Église laïcisée, où le sacerdoce commun des baptisée absorbe largement le ministère sacerdotal en se confondant avec lui.

    Car le texte, sous des allures modestes, est très ambitieux. Il faut lire avec beaucoup d’attention le début de l’Exhortation : elle se présente comme « un cadre de réflexion », qui est une invitation à lire le document final du Synode (qui parle d’ordonner des diacres mariés), mais en s’élevant à des considérations plus fondamentales et assurément plus radicales. Le passage central concerne « l’inculturation de la ministérialité » (nn. 85-90), suivi de considérations sur les communautés (nn. 91-98), puis sur le rôle des femmes (nn. 99-103).

    Le rédacteur principal (parmi les hypothèses, ce pourrait être le subtil P. Spadaro, jésuite, directeur de La Civiltà Cattolica) propose au nom du Pape une vision laïcisée de l’Église, fondamentalement hostile au « cléricalisme », et qui, par le fait, dépasse, et éventuellement inclut, la problématique des prêtres mariés dans une perspective plus large.

    L’inculturation explique-t-il, doit aussi s’exprimer dans « l’organisation ecclésiale et la ministérialité ». Le ministère sacerdotal doit être repensé. Il ne se réduit pas au prêtre-clerc, dont le pouvoir spécifique est de consacrer et de pardonner les péchés, lequel est indispensable pour assurer « une plus grande fréquence de la célébration de l’Eucharistie, même dans les communautés les plus éloignées et cachées ». En revanche, le pouvoir hiérarchique dans l’Église, qui appartient au ministère sacerdotal, n’est pas propre au ministère ordonné : des laïcs, restant laïcs, pourront exercer cette autre face du ministère sacerdotal et « annoncer la Parole, enseigner, organiser leurs communautés, célébrer certains sacrements, chercher différentes voies pour la piété populaire et développer la multitude des dons que l’Esprit répand en eux ».

    Certes, les communautés auront besoin de la célébration de l’eucharistie et du pardon des péchés, car « il est urgent d’éviter que les peuples amazoniens soient privés de cet aliment de vie nouvelle et du sacrement du pardon ». C’est ici, au n. 90, qu’intervient ce qui a été ressenti – à tort – comme une douche froide par toutes les instances progressistes et comme un immense soulagement par les conservateurs : le Pape, au lieu de parler d’ordination de diacres mariés, invite seulement à prier pour les vocations sacerdotales, tout en précisant qu’il convient de « réviser complètement la structure et le contenu tant de la formation initiale que de la formation permanente des prêtres, afin qu’ils acquièrent les attitudes et les capacités que requiert le dialogue avec les cultures amazoniennes »

    Mais, continue-t-il, il faut des diacres permanents plus nombreux, des religieuses et des laïcs qui assument des responsabilités importantes pour la croissance des communautés. Il faut que ces laïcs « arrivent à maturité dans l’exercice de ces fonctions grâce à un accompagnement adéquat ». Au-delà donc de l’« objectif limité » d’une plus grande présence de ministres ordonnés pouvant célébrer l’eucharistie, il s’agit de promouvoir des laïcs « mûrs » qui, eux aussi ministres sacerdotaux mais comme laïcs, prendront en charge la communauté. Ceux qui font une fixation sur l’ordination d’hommes mariés sont en somme accusés de cléricalisme, alors qu’il est beaucoup plus important de promouvoir une sorte d’« Église laïque » : cela demande « une capacité d’ouvrir des chemins à l’audace de l’Esprit, pour faire confiance et pour permettre de façon concrète le développement d’une culture ecclésiale propre, nettement laïque [souligné dans le texte] ».

    Rien n’exclut cependant que, parmi ces laïcs pleinement « mûrs », on puisse juger utile d’en ordonner certains pour les besoins de l’Eucharistie. Mais comme le faisait remarquer Élodie Blogie, dans le quotidien belge Le Soir, du 12 février, le Pape fait « une réponse très jésuite », et sur cette question, « très subtilement », ne dit ni oui, ni non : il ne dit rien, et en fait il dit plus.

    Et de manière un peu semblable, il remarque que les femmes baptisent, annoncent la Parole, sont missionnaires, et qu’elles doivent exercer des pouvoirs. D’abord comme femmes laïques, avec toute leur féminité. Mais, « penser qu’on n’accorderait aux femmes un statut et une plus grande participation dans l’Église seulement [c’est moi qui souligne] si on leur donnait accès à l’Ordre sacré » serait « réductionniste ». Cela « limiterait les perspectives, nous conduirait à cléricaliser les femmes »

    Sur ce point, tout de même, on touche peut-être à la part un peu « réactionnaire » de la pensée du Pape qui, en présentant le projet d’une recomposition (amazonienne, puis allemande, etc.) du visage de l’Église dont serait éradiqué le cléricalisme, fait la leçon aux féministes, qu’il supporte fort mal : il ne faut pas « nous enfermer dans des approches partielles sur le pouvoir dans l’Église » ; les femmes qui doivent prendre en charge l’Église, et sans laquelle l’Église s’effondrerait, doivent le faire de manière féminine. 

  • "Ce texte est une exhortation apostolique au sens propre : un encouragement à être des apôtres"

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    Une interview du Père Thomas Michelet o.p. par Marie-Lucile Kubacki sur le site de La Vie :

    Thomas Michelet : “Pour le pape, l’Amazonie est un laboratoire pour l’évangélisation”

    12/02/2020

     
	Alessia GIULIANI/CPP/CIRIC

    Alessia GIULIANI/CPP/CIRIC

    Avec son exhortation apostolique Querida Amazonia, quel message François envoie-t-il à toute l’Église catholique ? Le dominicain Thomas Michelet, professeur d'ecclésiologie et de théologie sacramentaire à l’Angelicum, à Rome, et auteur de la somme Les Papes et l’écologie (Artège, 2016), en décrypte les enjeux.

    Le pape François a signé son exhortation apostolique post-synodale sur l’Amazonie à… Saint-Jean de Latran. Comment interprétez-vous cela ?

    Jusqu’à présent, les documents étaient effectivement signés « près de saint Pierre de Rome », donc cette signature est assez inhabituelle. Autrefois, beaucoup de documents étaient signés du Latran, car c’est là que le pape habitait, mais depuis plusieurs siècles tout ou presque était signé du Vatican. Cependant, l’exhortation apostolique qui avait suivi le synode sur les jeunes et les vocations, Christus Vivit, déjà, indiquait « à Lorette », insistant sur la dimension de sanctuaire et de religiosité populaire à laquelle il est attachée. Cette fois, en signant « près de Saint-Jean du Latran », peut-être le pape a-t-il voulu se présenter davantage comme évêque de Rome. On pourrait le voir comme un signe de synodalité. Cela ne signifie pas qu’il soit moins pape qu’il ne l’est, car il est successeur de Pierre comme évêque de Rome, et les deux sont toujours liés. Mais il se place comme évêque parmi les autres évêques, avec une place particulière : c’est ce que signifie l’expression « cum Petro et sub Petro » (« avec Pierre et sous l’autorité de Pierre », ndlr.) On pourrait dire que la signature à Saint-Jean du Latran met l’accent sur le « cum Petro », même si le « sub Petro » lui est corrélé.

    Ce qui peut être vu comme un geste œcuménique…

    Il est possible en effet d'y voir la mise en œuvre d'une nouvelle manière d’exercer le ministère du pape qui ne soit plus un obstacle pour les orientaux, ainsi que l’avait déjà formulé Jean Paul II. Plus on insistera sur la synodalité, plus les orientaux seront à l’aise, même si l’unité passera aussi par le fait de se sentir en communion avec le successeur de Pierre.

    Querida Amazonia est publiée le 12 février, anniversaire de la mort de Sœur Dorothy Stang, assassinée en Amazonie il y a 15 ans, en raison de son engagement auprès des opprimés, mais il est signé du 2 février : quel est le sens de cette autre date pour le texte ?

    Le 2 février, c’est la Présentation de Jésus au Temple, la Chandeleur, le Christ comme lumière des nations – d’où le titre au concile Vatican II de la constitution dogmatique Lumen Gentium, l’Église étant lumière de toutes les nations, et pas seulement des catholiques. C’est une manière de dire que l’Amazonie aussi est lumière des nations, car elle reçoit la lumière des nations qu’est le Christ. Ainsi, ce document sur l'Amazonie exprime non pas un mondialisme où tout le monde serait pareil, mais un respect des cultures. Au fond, le pape développe une conception écologique de la culture, il promeut une biodiversité culturelle : si l’on perd une culture, on perd quelque chose de la diversité humaine. Dans la foulée de Laudato si’, on voit se déployer une écologie intégrale qui n’oppose pas crise sociale, crise écologique et crise culturelle.

    Le pape développe une conception écologique de la culture, il promeut une biodiversité culturelle.

    Dans son texte, le pape dit vouloir « présenter » le document final du synode des évêques – où était proposé, notamment d’ordonner prêtres des diacres permanents mariés et de réfléchir au diaconat féminin –, il en recommande la lecture, mais… il ne lui donne pas valeur magistérielle. Qu’est-ce que cela signifie ?

    François ne veut pas répéter ce qui a déjà été dit dans le document du synode, mais il y fait référence. Il « invite » à lire le document du synode. Il en « reprend » les conclusions, dans le double sens du mot : il assume certaines, mais il corrige d’autres, comme la piste de l’ordination d’hommes mariés et celle du diaconat féminin. Car il ne se contente pas de ne pas en parler. Il rentre dans le problème et il distingue ce qui est réservé au prêtre et ce qui peut être assumé par des laïcs, en invitant à une réflexion sur l’articulation des deux sacerdoces, baptismal et sacerdotal. Pas question, par exemple, de « cléricaliser » les femmes en ordonnant des diaconesses alors qu’il faut déjà « décléricaliser » les clercs en ne réduisant pas le ministère à une question de pouvoir. En partageant davantage la gouvernance, on évite l’un comme l’autre.

    Quel est pour vous le fil rouge de sa réflexion sur l’Église ?

    Ce qui préside à sa réflexion c’est avant tout l’évangélisation, la proclamation de l’Évangile à toute la Création, sans quoi, écrit-il, l’Église se transformera en ONG. Il est très intéressant qu’il cite l’évangile selon saint Marc, qui parle de l’annonce de l’Évangile à toute la Création, et non pas Matthieu, qui parle de l’annonce de l’Évangile à toutes les nations. D’une certaine manière, il s’agit d’annoncer aussi aux animaux et aux plantes ! Cela signifie que l’Évangile touche notre rapport à la Création. Il ne s’agit pas seulement du salut de l’homme, mais de l’homme comme grand frère des toutes les créatures. Et ce n’est pas seulement symbolique. Dans la foulée, le pape invite à éviter deux écueils, au fond : réduire l’Église à une œuvre sociale en renonçant à annoncer le Christ ou annoncer le Christ en renonçant à annoncer la justice et la paix. Il rappelle que l’Église se définit d’abord par l’annonce du Christ, mais cette annonce du Christ doit aller jusqu’à transformer la société.

    Ce texte est une exhortation apostolique au sens propre : un encouragement à être des apôtres.

    Cette exhortation apostolique sur l’Amazonie est adressée « au monde entier » : comment le monde entier doit-il se l’approprier ?

    Tout le monde doit se sentir concerné, pas seulement parce que l’Amazonie est un écosystème ou parce que c’est le poumon de la planète, ou encore parce que c’est une culture intéressante, mais parce que dans l’évangélisation de l’Amazonie se joue quelque chose d’universel. On a accès à l’universel par le particulier, explique le pape –voilà pourquoi, aussi, il aime à se présenter comme évêque de Rome, car cette Église locale est à la fois signe de l’universel et du particulier. L’Amazonie est, dans son approche, une sorte de laboratoire pour l’évangélisation, une évangélisation qui, parfois, ne s’est pas faite si bien que cela. Cette idée était déjà à l’origine de la nouvelle évangélisation en Amérique latine il y a quelques années : on considérait que la première évangélisation avait imposé une culture européenne à des peuples qui ne l’étaient pas. Là aussi, François rappelle qu’il s’agit d’éviter deux écueils : imposer aux amazoniens de devenir européens ou considérer que, l’Amazonie n’étant pas chrétienne, pour respecter les amazoniens il faudrait renoncer à annoncer le Christ. Le pape lance même un appel d’offre à des missionnaires ! Ce texte est une exhortation apostolique au sens propre : un encouragement à être des apôtres.

  • Querida Amazonia : une exhortation plus ambiguë qu'il n'y paraît ?

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    C'est ce qui ressort des commentaires de plusieurs commentateurs (dont les positions sont très éloignées des nôtres) :

    cfr "Le Soir" de ce 13 février, p. 5 : 

    La réponse de jésuite au célibat des prêtres

    Pour Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du quotidien catholique La Croix , il faut en effet lire le point 87 de cette exhortation, dans ce qu’il dit et ne dit pas. D’emblée, cette partie postule que « la manière de configurer la vie et l’exercice du ministère des prêtres n’est pas monolithique, et acquiert diverses nuances en différents lieux de la terre ». Le texte se poursuit en pointant ce qui est spécifique au prêtre et ne peut être délégué à autrui : en l’occurrence l’eucharistie. « Il n’ouvre pas la porte à l’ordination d’hommes mariés, c’est clair, mais il ne la ferme pas non plus », traduit la journaliste, également autrice de biographies sur Benoît XVI et François. « Selon lui, c’est localement qu’il faut s’organiser. Ce qui pourrait vouloir dire que les ministères locaux peuvent eux-mêmes prendre des initiatives en fonction de leurs besoins. Il ne dit jamais qu’un prêtre doit être célibataire. » Pour Christian Terras, rédacteur en chef de la revue catholique progressiste Golias , le texte « remarquable sur le plan politique, écologique », se révèle en effet très « ambivalent », et « habile » voire « alambiqué » et « décevant » en ce qui concerne la partie ecclésiale. « Il élude la question », tranche-t-il. « Mais c’est quand même une fin de non-recevoir à la motion que les évêques amazoniens ont voté à une très large majorité. »

    Pour Jeanne Smits, sur son blog, l'exhortation est "plus ambiguë qu'il n'y paraît" :

    Querida Amazonia, chère Amazonie, l'exhortation du Pape François plus ambiguë qu'il n'y paraît

    Poésie, envolées lyriques, rêves – ils sont au nombre de quatre –, l'exhortation apostolique post-synodale publiée ce mercredi sous la signature du pape François a pris une forme étonnante et remarquable. C'est une liste de souhaits, de recommandations entrecoupée de citations littéraires, sans visée révolutionnaire immédiatement visible. Les viri probati sont passés à la trappe (mais le texte ne parle en fait pas du tout du célibat sacerdotal ni du mariage des prêtres) ; les femmes n’auront pas de ministère ordonné et c'est à travers leur génie propre qu'elles serviront (comme elles l'ont d’ailleurs toujours fait) le Christ, son Eglise et son troupeau. Ouf. Ou plutôt : grâce à Dieu.
     
    En fait, Querida Amazonía prend tout le monde à contre-pied. Les évêques d’outre-Rhin, qui dans leur majorité, derrière le cardinal Marx, pensaient que le synode sur l'Amazonie allait ouvertement permettre l'introduction d'innovations impossibles au sein de l'Eglise, à telle enseigne que Mgr Overbeck put annoncer que “rien ne serait plus jamais comme avant”, ont pris une douche froide d'une rare violence. Totalement inespérée au cours de ce pontificat.

    Cela n'a pas empêché le cardinal Marx de dire que l'ordination des hommes mariés n'avait pas été écartée par le texte, et il me semble qu'il n'a pas tort.


    Le cardinal Hummes, rapporteur général du synode, a d'ailleurs boudé la présentation de l'Exhortation en restant au Brésil, à moins qu'il n’ait pas été invité. Quand on sait que c'est lui qui a fait circuler une première version de l'Exhortation avec une mention explicite du paragraphe 111 du Document final prévoyant  la possibilité de l'ordination sacerdotale des diacres permanents, on peut imaginer qu'il l’ait mauvaise.

    Toutes les expressions les plus contestables qui ont émaillé des divers documents officiels encadrant le synode, depuis le document préparatoire de 2018 jusqu'au document final en passant par l’Instrumentum laboris brillent plutôt par leur absence. Pensez : il n'est même pas question de la « Terre-Mère », sinon dans une citation et indirectement, par le biais d’une note de bas de page !

    Quant aux contestataires, tous ceux qui ont été consternés par la cérémonies païennes aux jardins du Vatican, la présence de statuettes de la Pachamama jusque dans la basilique Saint-Pierre et tant d'autres manifestations inacceptables, en sont-ils pour autant pour leurs frais ? Peut-on dire au contraire qu'ils ont « gagné » dans ce qui apparaît assez clairement comme le résultat d'une lutte d'influences sur un homme qui semble avoir renoncé à sa manière habituelle de s'exprimer ?

    Disons d'abord ceci. En n’allant pas explicitement dans la direction souhaitée par le riche et puissant épiscopat allemand dans sa quasi-totalité, pour ce qui est des deux éléments les plus spectaculaires mis en évidence autour de ce synode, à savoir l'ordination sacerdotale d’hommes mariés et la possibilité d'un ministère ordonné pour les femmes, et ce en termes francs, le pape a sauvé quelque chose d'important et de primordial. Il a choisi de ne pas installer une confusion encore plus grande que celle régnant aujourd’hui ; il n'a pas touché à ces fondamentaux. Cette confusion aurait pu mener à une fracture irréversible. Même si à certains égards le propos reste ambigu.

    Lire la suite sur le blog de Jeanne Smits

    Lire également :

  • Le Pape ne se prononce pas pour l’ordination d’hommes mariés

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    Dans  «Chère Amazonie», il ne fait pas siennes toutes les conclusions du synode des évêques. De Jean-Marie Guénois sur le site web du « Figaro » :

    pape Francois 89485_pape-francois-pardon.jpg"Dans son document de conclusion du synode sur l’Amazonie, publié le 12 février par le Vatican, intitulé «Chère Amazonie» le pape François, à la surprise générale, ne reprend pas la proposition, pourtant votée à l’unanimité lors de ce synode des évêques à Rome en octobre 2019, d’ordonner prêtres des hommes mariés, diacres permanents, en vue de pallier le manque de prêtres. Le texte de 33 pages, très attendu et signé de François, ne fait strictement aucune allusion à cette possibilité.

    Dans cette même exhortation apostolique post-synodale, le Pape ferme, encore plus nettement, la porte à la perspective d’ordonner diacres des femmes, ce serait «cléricaliser les femmes».

    Les questions sociales, écologiques et culturelles

    Cette synthèse du synode sur l’Amazonie aborde aussi les questions sociales et écologiques. Il faut «s’indigner» contre les «intérêts colonisateurs», dit le Pape, qui parle d’un «désastre écologique». Sur le plan culturel, François demande aussi que soient mieux respectées les religions traditionnelles et leurs rituels, mais toujours dans une perspective d’évangélisation.

    Pour répondre dans un premier temps à la carence de prêtres dans les régions très isolées d’Amazonie, le pape demande plutôt que soient rapatriés les prêtres natifs d’Amazonie qui ont fui ces zones pour vivre aux Etats-Unis ou en Europe: «Il y a plus de missionnaires» issus d’Amazonie «pour l’Europe et pour les Etats-Unis» note François que pour «aider leurs propres vicariats», c’est-à-dire, leurs propres diocèses d’origine.

    Un recul du Pape?

    Car le pape insiste sur «l’urgence» de la célébration de l’Eucharistie pour les communautés les plus reculées d’Amazonie» et la nécessité de «trouver un moyen d’assurer ce ministère sacerdotal». Mais il se refuse à revenir sur la piste ouverte par le synode d’octobre d’ordonner prêtres des diacres permanents mariés contenue dans «les propositions» votées en fin de synode et qui lui ont été transmises en vue de la rédaction de ce document final, l’exhortation postsynodal. Même si, en introduction de son texte, le Pape invite à «lire intégralement» ces propositions que son texte «ne remplace pas, ni ne répète».

    Andréa Tornielli, en charge de la ligne éditoriale de tous les médias du Vatican, commente ce qui pourrait être interprété comme un recul du pape François sur cette mesure - ordonner prêtres des hommes mariés - très fortement promue par l’aile progressiste de l’Eglise catholique: «Avec son exhortation, le pape François témoigne d’un regard qui va au-delà des diatribes dialectiques qui ont fini par représenter le Synode presque comme un référendum sur la possibilité d’ordonner prêtres des hommes mariés.» C’est ainsi qu’ «après avoir prié et médité, a décidé de répondre sans prévoir de changements ou de nouvelles possibilités de dérogations par rapport à celles déjà prévues par la discipline ecclésiastique actuelle, mais en demandant de repartir de l’essentiel: d’une foi vécue et incarnée, d’un élan missionnaire renouvelé, fruit de la grâce. Autrement dit, il s’agit de laisser place à l’action de Dieu, et non à des stratégies de marketing ou des techniques de communication des influenceurs religieux.»

    Le cardinal Michael Czerny, en charge de la présentation officielle de cette exhortation à la presse ajoute: «Le Pape déclare dans son Exhortation que la question n’est pas une affaire de nombre, et qu’encourager une plus grande présence des prêtres ne serait pas suffisant. Ce qu’il faut, c’est une nouvelle vie dans les communautés, un nouvel élan missionnaire, de nouveaux services assumés par des laïcs, une formation continue, de l’audace et de la créativité. Ce qu’il faut, c’est une présence locale de laïcs animés d’un esprit missionnaire, capables de représenter le visage authentique de l’Église amazonienne. Il semble ainsi nous indiquer que ce n’est que de cette manière que les vocations reviendront.»

    Ref. Le Pape ne se prononce pas pour l’ordination d’hommes mariés

    JPSC

     

  • Célibat des prêtres : le pape François a rendu justice au plaidoyer fervent de Benoît XVI et du Cardinal Sarah

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    papi.jpgLu sur le site de notre confrère « diakonos.be » :

    « Ce qui frappe le plus, dans l’exhortation apostolique post-synodale « Querida Amazonia » qui a été rendue publique aujourd’hui 12 février 2002, c’est son silence total sur la question la plus attendue et la plus controversée : celle de l’ordination d’hommes mariés.

    La parole « célibat » n’y figure même pas. Le Pape François souhaite bien que « la ministérialité se configure de telle manière qu’elle soit au service d’une plus grande fréquence de la célébration de l’Eucharistie, même dans les communautés les plus éloignées et cachées » (n°86) ». Mais il répète (au n°88) que seul le prêtre ordonné peut célébrer l’eucharistie, absoudre les péchés et administrer l’onction des malades (parce qu’elle aussi est « intimement liée au pardon des péchés », note 129). Et il ne dit rien sur l’extension de l’ordination aux « viri probati ».

    Aucune nouveauté non plus pour les ministères féminins. « Si on leur donnait accès à l’Ordre sacré », écrit François au n°100, « cette vision nous conduirait à cléricaliser les femmes » et à « réduire notre compréhension de l’Église à des structures fonctionnelles ».

    La question qu’on se pose d’emblée à la lecture de « Querida Amazonia », c’est donc de savoir dans quelle mesure le livre-bombe du Pape émérite Benoît XVI et du cardinal Robert Sarah en défense du célibat des prêtres sorti mi-janvier a pu influencer l’exhortation, en particulier sur son silence concernant l’ordination d’hommes mariés.

    Dans ce but, il nous faut donner quelques informations supplémentaires par rapport aux articles que nous avions publiés à l’époque pour retracer ce qui s’était passé au cours des journées tumultueuses qui ont suivi la publication du livre.

    La séquence déjà connue des faits a été reconstituée par Settimo Cielo dans les trois « post scriptum » en bas de cet article datant du 13 janvier :

    > Encore dans le livre choc de Ratzinger et Sarah. Avec un compte rendu d’une nouvelle rencontre entre les deux

    Mais selon plusieurs sources indépendantes entre elles, Settimo Cielo a été successivement informé d’au moins quatre événements supplémentaires, d’une importance majeure.

    *

    Le premier s’est déroulé le matin du mercredi 15 janvier

    Pendant toute la journée du mardi 14, l’attaque menée par les courants radicaux contre le pape Ratzinger et le cardinal Sarah est allée crescendo de manière dévastatrice, alimentée dans les faits par les démentis à répétition du Préfet de la maison pontificale Georg Gänswein concernant la coresponsabilité du pape émérite dans la rédaction et dans la publication du livre, allant jusqu’à demander le retrait de sa signature. Et ce malgré la réplique du cardinal Sarah qui publié en vain la reconstruction précise et détaillée de la genèse du livre par ses deux auteurs.

    Donc, la matinée du mercredi 15 janvier, pendant que le pape François tenait son audience générale hebdomadaire et que Mgr Gänswein était assis à ses côtés dans la salle Paul VI, comme c’est l’usage, c’est-à-dire loin du monastère Mater Ecclesiae où réside le pape émérite dont il est le secrétaire, Benoît XVI a pris personnellement son téléphone pour appeler le cardinal Sarah d’abord chez lui, sans succès, et ensuite à son bureau, où le cardinal a répondu.

    Affligé, Benoît XVI a fait part au cardinal Sarah de toute sa solidarité. Il lui a confié qu’il ne parvenait pas à comprendre les raisons d’une agression à ce point violente et injuste. Et il a pleuré. Et le cardinal Sarah a pleuré également. Leur conversation téléphonique s’est terminée alors qu’ils étaient tous les deux en larmes.

    *

    Le second événement dont nous donnons l’information en primeur ici s’est passé pendant la rencontre entre le cardinal Sarah et le pape Ratzinger, dans la résidence de ce dernier, le soir du vendredi 17 janvier.

    Ce soir-là, le cardinal a fait référence à cette entrevue dans trois tweets dans lesquels il a confirmé que le pape émérite et lui-même étaient totalement sur la même ligne en ce qui concernait la publication du livre.

    Mais ce qu’il n’a pas dit, c’est qu’au cours de ce même entretien – qui s’est en réalité déroulé à deux moments distincts, d’abord à 17h et ensuite à 19h – Benoît XVI avait rédigé avec lui un communiqué concis qu’il avait l’intention de publier avec la signature du seul pape émérite, afin d’attester de la pleine harmonie entre les deux co-auteurs du livre et de demander que cessent toutes les polémiques.

    Afin que cette déclaration soit publiée, Mgr Gänswein a donc transmis le texte – dont Settimo Cielo est en possession et dans lequel on reconnaît clairement le style personnel, quasi autobiographique du pape Ratzinger – au substitut du secrétaire d’État, Mgr Edgar Peña Parra. Et il est raisonnable d’émettre l’hypothèse que ce dernier en ait informé son supérieur direct, le cardinal Pietro Parolin, ainsi que le Pape François en personne.

    *

    Quoi qu’il en soit – et c’est la troisième information jusqu’ici inédite -, cette déclaration du pape émérite n’a jamais vu le jour. Mais elle a vraisemblablement été à l’origine de la décision de François de se passer, dès ce moment, de la présence visible du Préfet de la maison pontificale Gänswein à ses côtés.

    Sa dernière apparition publique remonte au matin de ce même vendredi 17 janvier, à l’occasion de la visite au Vatican du président de la République Démocratique du Congo. Après quoi, Mgr Gänswein n’est plus apparu aux côtés du pape, ni aux audiences générales du mercredi, ni aux visites officielles du vice-président américain Mike Pence, du président irakien Barham Salih et du président argentin Alberto Fernández.

    Aux yeux de François, la déclaration de Benoît XVI avait effectivement confirmé le manque de crédibilité des dénégations répétées de Mgr Gänswein à propos de la coresponsabilité du pape émérite dans la rédaction du livre.

    Pour le dire autrement, l’opposition du pape émérite à ce que son successeur cède aux courants radicaux sur le front du célibat ecclésiastique apparaissait purement et simplement, sans plus aucune atténuation.

    Et tout cela à quelques jours de la publication d’une exhortation post-synodale dans laquelle de nombreuses personnes à travers le monde s’attendaient à lire une ouverture de François à l’ordination d’hommes mariés.

    *

    En corollaire de tout cela, il faut également révéler le rôle joué par le cardinal Parolin dans cette affaire.

    En effet, le mercredi 22 janvier, quand l’éditeur Cantagalli a publié un communiqué concernant la sortie imminente du livre en Italie, avec des modifications mineures et marginales par rapport à l’original en français, on n’a pas dit que ce communiqué avait été au préalable relu et corrigé dans les moindres détails par le cardinal secrétaire d’État, qui en avait finalement vivement encouragé la publication.

    Un communiqué qui définit le livre du pape Ratzinger et du cardinal Sarah comme étant « un ouvrage d’une grande valeur théologique, biblique, spirituelle et humaine, assurée par l’envergure de ses auteurs et de leur volonté de mettre à la disposition de tous le fruit de leurs réflexions respectives, manifestant ainsi leur amour pour l’Église, pour Sa Sainteté le pape François et pour toute l’humanité ».

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

    Ref. Le silence de François, les larmes de Ratzinger et sa déclaration jamais publiée

    JPSC

  • L'exhortation postsynodale "Querida Amazonia" : le meilleur document qu'on pouvait espérer dans le contexte actuel

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    De Jean Kinzler sur le Forum Catholique :

    TEXTE INTEGRAL DE QUERIDA AMAZONIA EN ANGLAIS.

    Commentaire de Rorate Caeli

    Concernant le sacerdoce et l'Eucharistie, nous attirons votre attention en particulier sur les paragraphes 82-98.

    Aucune ouverture n'a été faite pour l'ordination des hommes mariés / viri probati à la prêtrise. Au contraire, dans l'esprit de clarifier le cléricalisme qui n'est pas central, l'accent est mis sur le ministère laïc comme "laïc distinctement" (cf. paragraphe 94).

    Les paragraphes sur les femmes (99-103) n'ont pas non plus de contenu révolutionnaire.

    Les paragraphes 104 à 105 indiquent clairement que la voie à suivre ne devrait pas être un ou / ou une solution, au-delà des conflits du passé.

    Un point particulièrement intéressant est celui du paragraphe 18, avec de nombreuses références historiques dans la note de bas de page 17, expliquant clairement la sollicitude permanente de l'Église, à travers divers pontificats, et depuis les premiers jours de la présence chrétienne dans le Nouveau Monde, pour le bien-être des populations indigènes. Une référence spécifique est faite même aux lois des Indes (Leyes de las Indias), promulguées par la Couronne espagnole avec des protections spécifiques pour les populations indigènes. Le texte de 1909 de l'un des premiers évêques d'Amazonas (Manaus), Brésil, Frederico Benicio, nommé par Saint Pie X sur ce vaste territoire, est expressément cité.

    Malgré tous les problèmes, nous pouvons dire à juste titre qu'il s'agit du meilleur document possible que nous aurions pu espérer dans le pontificat actuel et à l'époque actuelle. Ce n'est pas le meilleur document (ce serait impossible dans le moment présent), mais c'est, de manière leibnizienne, le meilleur texte possible ...https://rorate-caeli.blogspot.com/2020/02/apostolic-exhortation-querida-amazonia.html

    Voir aussi cet article en espagnol:
    Dans l'exhortation apostolique fruit du Synode de l'Amazonie, «Chère Amazone», le pape François rejette l'ordination des hommes mariés et l'ordination des femmes.

    Enfin, nous laissons des doutes. Le pape François n'a pas cédé aux désirs de certains secteurs de l'Église et ne touchera pas au célibat ecclésiastique. Elle ne cédera pas non plus à l'ordination des diaconesses, bien qu'elles aient vu sans doute plus improbable.

    Quant aux lieux dépourvus de prêtres, la prière pour les vocations sacerdotales est proposée et pour encourager ceux qui ont une vocation missionnaire à entrer dans la région amazonienne. Donc, rien à commander aux hommes mariés:

    89. Dans les circonstances spécifiques de la région amazonienne, en particulier dans ses forêts et ses endroits plus reculés, il faut trouver un moyen de garantir ce ministère sacerdotal. Les laïcs peuvent proclamer la parole de Dieu, enseigner, organiser des communautés, célébrer certains sacrements, rechercher différentes façons d'exprimer la dévotion populaire et développer la multitude de dons que l'Esprit répand au milieu d'eux. Mais ils ont besoin de la célébration de l'Eucharistie parce que "cela fait l'Église". On peut même dire qu '"une communauté chrétienne qui ne grandit pas ou ne dépend pas de la célébration de la Sainte Eucharistie n'est pas construite". Si nous sommes vraiment convaincus que c'est le cas, alors tout doit être fait pour que les peuples amazoniens ne manquent pas de cette nourriture de vie nouvelle et du sacrement du pardon.


    90. Ce besoin urgent m'amène à exhorter tous les évêques, en particulier ceux d'Amérique latine, non seulement à promouvoir la prière pour les vocations sacerdotales, mais aussi à être plus généreux pour encourager ceux qui manifestent une vocation missionnaire à opter pour La région amazonienne. En même temps, il convient que la structure et le contenu de la formation sacerdotale initiale et continue soient soigneusement revus, afin que les prêtres puissent acquérir les attitudes et les compétences requises par le dialogue avec les cultures amazoniennes. Cette formation doit être avant tout pastorale et favoriser le développement de la miséricorde sacerdotale.

    Et en ce qui concerne l'ordination des femmes, nous pouvons lire:

    Un tel réductionnisme nous ferait croire que les femmes ne bénéficieraient d'un statut et d'une participation accrus à l'Église que si elles étaient admises à l'Ordre.

    100. Cela nous appelle à élargir notre vision, afin de ne pas limiter notre compréhension de l'Église à ses structures fonctionnelles. Un tel réductionnisme nous ferait croire que les femmes ne bénéficieraient d'un statut et d'une participation accrus à l'Église que si elles étaient admises à l'Ordre. Mais cette approche réduirait en fait notre vision; cela nous conduirait à cléricaliser les femmes, à diminuer la grande valeur de ce qu'elles ont déjà accompli et à rendre leur contribution indispensable moins efficace.

    103. Dans une église synodale, les femmes qui ont en fait un rôle central à jouer dans les communautés amazoniennes devraient avoir accès à des postes, y compris les services ecclésiaux, qui n'impliquent pas des ordres sacrés et qui peuvent mieux signifier leur rôle. Il convient de noter ici que ces services impliquent la stabilité, la reconnaissance publique et une commission de l'évêque. Cela permettrait également aux femmes d'avoir un impact réel et efficace sur l'organisation, les décisions les plus importantes et l'orientation des communautés, tout en continuant à le faire d'une manière qui reflète leur féminité.

    Pour l'anecdote, il faut dire que le Pape met dans l'exhortation un poème de Pablo Neruda, un autre de Pedro Casaldáliga et un morceau d'un prologue de Mario Vargas Llosa.
    Infovaticana