Homélie de l'abbé Christophe Cossement pour le 3ème dimanche du Carême (archive 2010) :
Tu viens à moi par des chemins inattendus
Luc 13,1-9
Les contemporains de Jésus avaient tendance à croire que le bonheur et le malheur sont des choses qui se méritent. De nos jours encore, nous trouvons assez rassurant de penser que si quelqu’un connaît le malheur c’est que pour une part il l’a voulu ou en est responsable. Et cette idée se renforce en considérant qu’il y a vraiment moyen de faire par soi-même son malheur.
Pourtant les événements heureux ou malheureux de nos vies ne sont pas des récompenses ou des punitions du ciel. Jésus insiste sur ce thème : « Pensez-vous que ces Galiléens [massacrés] étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien non, je vous le dis ! » Et les dix-huit victime de l’effondrement de la tour de Siloé non plus. Que ce soit la maladie, le licenciement, les catastrophes naturelles, rien n’est envoyé du ciel pour nous punir. Et même, il faut aller plus loin : bien souvent rien ne relève en cela de notre faute.
Le mal n’est donc pas un instrument du ciel, mais pourtant, par la façon dont notre cœur se situe devant lui, il peut devenir occasion d’un changement salutaire. Après avoir écarté la punition de la tête des Galiléens et des pauvres victimes de la tour de Siloé, Jésus poursuit : « et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux. » Le mal et la souffrance sont absurdes en eux-mêmes, mais chacun pour lui-même peut y appliquer un sens, et c’est un sens de conversion, de changement, d’ouverture à l’amour. Le week-end passé j’ai eu la chance d’entendre le témoignage d’une dame qui, après avoir connu l’épreuve d’une séparation — et on pourrait assimiler ce drame à ceux évoqués par Jésus — puis la révolte et aussi le doute de soi, est arrivée à se laisser toucher par Dieu au moment d’une grave maladie. Et finalement elle a choisi le chemin de séparée fidèle et y a trouvé une grande pacification. Quand l’épreuve nous désarme, ne nous réarmons pas, mais laissons notre cœur bouleversé crier vers Dieu avec le sentiment que c’est un moment décisif, où se joue notre vie, où se joue plus de vie.
Quand vient l’épreuve, puissions-nous rapidement dépasser ce mouvement plutôt païen en nous qui nous fait demander des comptes à Dieu. Puissions-nous le dépasser pour accueillir l’appel fulgurant de Jésus : « si tu ne te convertis pas, tu périras comme eux. » C’est un appel à rebondir, un appel à choisir la vie, contre toutes les forces de mort, d’absurdité ou de déni.