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  • « Identitaire » : la nouvelle invective facile ?

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    D'Elisabeth Geffroy sur le site de La Nef  (décembre 2024):

    « Certaines plumes et certaines voix semblent en ce moment trouver un « identitaire » derrière chaque pierre. Les catholiques ne font pas exception, et les « catholiques identitaires » sont de plus en plus pointés du doigt. Or d’une part le recours excessif à cet épithète manifeste une paresse intellectuelle qui fait obstacle à l’exercice normal de la pensée et à la tenue honnête du débat politique. D’autre part, l’urgence devrait être à sauver cet adjectif plutôt qu’à le salir, et à redonner aux « identités » leur lettres de noblesse et leur rôle social.

    Il en va des insultes comme des tables basses ou des chapeaux : elles sont sujettes à certains effets de mode, et il est plus ou moins plaisant de les regarder défiler. Nous sommes actuellement les témoins quelque peu désabusés de la percée opérée par un nouveau favori : « identitaire ». L’épithète peut être fier, il est devenu incontournable, et certains esprits peinent désormais à écrire plus de cinq lignes d’éditorial ou de chronique sans recourir à lui pour qualifier l’adversaire identifié. Certains catholiques se sont empressés de transposer cette invective dans leur champ propre, guettant partout les « catholiques identitaires ». Le couperet tombe vite, et chacun mettra le curseur où il le veut – c’est là un privilège des termes mal définis. Plus important, plus révélateur que le sens véritable du mot, est son usage. La magie du terme réside dans son double effet simultané. En reléguant un interlocuteur dans les ténèbres identitaires, vous faites d’une pierre deux coups : d’une part, vous le marquez d’un sceau d’infamie et le sortez du cercle de la raison et de la respectabilité, d’autre part, et c’est tout l’enjeu, vous vous mettez à distance de lui et envoyez un signal très clair, qui manifeste votre propre appartenance à l’honorabilité intellectuelle et politique. En un seul mot, vous compromettez votre adversaire tout en vous mettant à l’abri du soupçon. Notons que ce manège est rarement l’indice d’un esprit libre et courageux.

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  • Le catholicisme est-il encore acceptable pour les élites technocratiques de notre époque laïque et post-chrétienne ?

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    De Casey Chalk sur le CWR :

    I Came To Cast Fire (Je suis venu jeter le feu) présente aux lecteurs l'œuvre unique de René Girard
    La race, l'ethnie, le sexe et le genre sont les catégories identitaires que l'Occident post-chrétien utilise pour déterminer qui est le plus digne de notre sympathie et de notre célébration, ce que le philosophe catholique français appelle un « masque séculier de l'amour chrétien ».

    29 novembre 2024


    Le catholicisme est-il encore acceptable pour les élites technocratiques de notre époque laïque et post-chrétienne ?

    Certainement pas la prétention catholique de connaître et de sauvegarder de manière unique la vérité absolue sur la foi et la morale. Ni dans la répudiation par l'Église catholique de la revendication par la révolution sexuelle de « droits » universels à la liberté sexuelle, à la contraception ou à l'avortement. Non, la seule façon sûre de représenter sa foi catholique sur la place publique aujourd'hui est d'affirmer sa sympathie pour la victime : le pauvre, la veuve, le membre opprimé d'une classe minoritaire.

    Si l'on met de côté l'incohérence flagrante de ce sentiment - pourquoi la vie intra-utérine n'est-elle pas une victime digne d'être protégée ? Tant que l'Église catholique organise des réunions d'alcooliques anonymes, parraine des collectes de nourriture et de vêtements ou apporte son aide aux victimes de catastrophes naturelles, elle peut être célébrée, même par les personnes sans religion.

    Pourquoi en est-il ainsi ?

    Une réponse convaincante réside dans la pensée du philosophe catholique français René Noël Théophile Girard. I Came to Cast Fire : Une introduction à René Girard, par le père Elias Carr, chanoine régulier de Saint-Augustin, offre une excellente introduction accessible à ce célèbre, bien que parfois énigmatique, anthropologue de renommée Johns Hopkins et Stanford.

    La théorie de Girard, qui a influencé des personnalités aussi éminentes que J.D. Vance et Peter Thiel, propose une grande analyse de l'histoire humaine, de la préhistoire ancienne à nos jours, définie par trois étapes. La première d'entre elles est ce qu'il appelle la mimesis, dans laquelle les humains développent des désirs mimétiques, ou imitatifs des désirs des autres, un processus qui se produit par l'observation d'autres humains, ainsi que par des histoires partagées. Ces désirs mimétiques facilitent les rivalités, car les individus ne peuvent s'empêcher de rivaliser pour les objets de ces désirs : possessions, intérêts romantiques, gloire.

    Au fur et à mesure que ces rivalités s'accumulent, elles s'intensifient et menacent de détruire la communauté de l'intérieur. C'est alors qu'intervient la deuxième étape du développement humain : le bouc émissaire, qui est tenu pour responsable de la crise à laquelle la société est confrontée. Le bouc émissaire, qu'il s'agisse d'un individu ou d'un groupe, est une minorité au sein de la communauté, une personne qui en vient à être considérée comme ne faisant pas vraiment partie de la communauté et qui peut donc être diabolisée, expulsée ou détruite. Selon Girard, les sociétés ne comprenaient pas ce phénomène, elles le pratiquaient simplement afin d'expérimenter une sorte de catharsis ; ou bien elles ne le pratiquaient pas et s'effondraient en raison de violences intestines.

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  • Cardinaux : faisons le compte

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    De Brendan Hodge sur le Pillar :

    Compter les cardinaux

    29 novembre 2024

    Le pape François créera 21 nouveaux cardinaux lors du consistoire du Vatican qui se tiendra le 7 décembre prochain.

    L'un d'eux, Mgr Angelo Acerbi, a 99 ans et sera donc dès le début membre sans droit de vote du Collège des cardinaux.

    Les 20 restants seront à partir de ce jour éligibles pour voter lors d'un conclave papal — à moins qu'ils n'atteignent 80 ans avant le décès ou la démission du pape, ils seront parmi les hommes qui choisiront le prochain pape.

    Qui sont-ils et que nous apprend l’évolution du profil du Collège des cardinaux sur l’Église d’aujourd’hui ?

    Le Pillar regarde les chiffres.

    Le droit canon prévoit que le nombre de cardinaux ayant le droit de vote devrait normalement être de 120, même si les papes sont libres d’en nommer davantage s’ils le souhaitent. Le matin du 7 décembre, avant que le consistoire ne nomme officiellement les nouveaux cardinaux, il y aura déjà exactement 120 cardinaux en âge de voter.

    Alors pourquoi le pape François en ajoute-t-il 20 autres ?

    Il s’avère que l’année à venir sera riche en 80 ans pour les membres du collège. Le cardinal Oswald Gracias de l’archidiocèse de Bombay fêtera ses 80 ans la veille de Noël, quelques semaines seulement après le consistoire. Treize autres cardinaux fêteront leur 80e anniversaire en 2025, dont des cardinaux bien connus comme le cardinal Christoph Schönborn, le 22 janvier, et le cardinal Robert Sarah, le 15 juin.

    Le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque émérite de Ouagadougou, au Burkina Faso, termine l'année en ayant 80 ans le 31 décembre 2025.

    Alors que le nombre de cardinaux en âge de voter atteindra brièvement 140, d'ici la fin de 2025, il reviendra à 126, car l'un des cardinaux que le pape François créera lors du prochain consistoire, le père Timothy Radcliffe, OP, aura également 80 ans en 2025.

    Et si le pape François attend l’été 2026 pour organiser un autre consistoire, le collège sera alors réduit à 120 membres.

    Ces chiffres indiquant un renouvellement générationnel parmi les votants du Collège des cardinaux, il n'est pas surprenant qu'après 11 ans de pontificat du pape François, ce corps soit de plus en plus marqué par ses choix.

    A l'approche du consistoire du mois prochain, 76% des cardinaux en âge de voter sont des hommes élevés au rang de cardinal par le pape François. Les 20 cardinaux supplémentaires de décembre porteront cette proportion à 79%.

    Il ne reste plus que six cardinaux choisis par Jean-Paul II qui ont encore l'âge de voter, soit environ 5% du collège. Deux d'entre eux, le cardinal Schonborn et le cardinal Vinko Puljic, auront 80 ans l'année prochaine, mais l'empreinte de Jean-Paul II sur le collège des cardinaux perdurera encore quelques années. Le plus jeune cardinal qu'il ait nommé est le cardinal Peter Erdo, qui a actuellement 72 ans et n'aura pas 80 ans avant juin 2032.

    Après le consistoire de décembre, 16% des 140 cardinaux en âge de voter seront des hommes ajoutés au collège par Benoît XVI. Parmi ces 23 cardinaux, le plus jeune est le cardinal Baselios Thottunkal, 65 ans, archevêque majeur de l'Église catholique syro-malabare. Il n'atteindra pas 80 ans avant 15 ans, soit en juin 2039.


    L’un des aspects les plus souvent discutés du choix des cardinaux du pape François est son désir de nommer des cardinaux « des périphéries ». Six des 20 nouveaux cardinaux proviennent de sièges épiscopaux qui n’ont jamais eu de cardinal auparavant.

    Trois d'entre eux sont des évêques latins provenant de pays qui ont déjà eu des cardinaux, mais venant de sièges qui n'en avaient pas eu auparavant : l'archidiocèse de Santiago del Estero en Argentine, l'archidiocèse de Guayaquil en Équateur et le diocèse de Kalookan aux Philippines.

    Deux autres viennent de pays qui n’ont jamais eu de cardinal auparavant et qui ont une très faible population catholique.

    L'archevêque Ladislav Nemet de Belgrade, en Serbie, dirige une église locale dont l'histoire remonte au IXe siècle. Cependant, la population serbe étant majoritairement orthodoxe, le diocèse catholique romain compte actuellement moins de 20 000 catholiques, soit moins de 1 % de la population du diocèse.

    Mgr Dominique Mathieu, OFM Conv. de l'archidiocèse de Téhéran-Ispahan en Iran, dessert un pays qui n'a pas eu de population catholique significative ces dernières années. Le manuel statistique du Vatican de 2019 recensait 9 000 catholiques dans le diocèse sur une population de 83 millions de personnes sur le territoire diocésain .

    Enfin, l'évêque Mykola Bychok du diocèse catholique ukrainien des Saints-Pierre-et-Paul de Melbourne, en Australie, sert dans une ville qui a déjà eu des cardinaux - bien que Bychock ne soit pas le chef du diocèse catholique latin de la ville, mais plutôt de la communauté catholique ukrainienne qui s'y trouve.

    L'évêque Bychok est né en Ukraine, et son choix est perçu par certains comme un symbole du désir du Vatican de reconnaître la situation critique des catholiques ukrainiens en raison de la guerre en Ukraine - bien que d'autres y aient vu une question de symbolisme politique interecclésiastique.

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  • Quand l'intérieur de Notre-Dame de Paris se révèle

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  • Le Dieu assassiné et les églises vides, ou les signes d'une foi qui s'évapore. Et pourtant l'espoir

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    De kath.net/news (Armin Schwibach) :

    Le Dieu assassiné et les églises vides, ou les signes d'une foi qui s'évapore. L'espoir

    Una, Sancta, Catholica et Apostolica Ecclesia. Le message du pape Benoît XVI est clair : il n'y a aucune raison de se résigner. L'évaporation de la foi n'est pas une réalité inéluctable, mais un appel au renouveau.

    29 novembre 2024

    Rome (kath.net/as) Eh bien... L'archevêque émérite de Bamberg, Ludwig Schick, a appelé à plus de créativité dans la « réaffectation des églises », a rapporté l'agence de presse catholique « KNA » mercredi 27 novembre 2024. « Je ne refuserais pas non plus un restaurant, par exemple, bien qu'il y ait des différences entre un bar et un restaurant », a déclaré M. Schick au portail Internet « domradio.de » de Cologne. Selon lui, beaucoup de choses sont compatibles avec la raison d'être des bâtiments religieux. « La médecine, les cabinets psychothérapeutiques, les soins communautaires, la musique, le théâtre », a poursuivi Schick. Ce qui crée une communauté correspond au sens des églises. La « créativité » est avant tout de mise, mais la créativité « avec des limites » : « Il ne peut pas y avoir de sex-shop dans une église », a déclaré l'archevêque. Cela serait incompatible avec le sens du bâtiment. Après tout.

    Mais la tragédie se dessine clairement. « Dieu est mort. Dieu reste mort. Et nous l'avons tué » - Avec cette phrase, Friedrich Nietzsche dressait déjà en 1882 dans sa “Science joyeuse” non seulement un diagnostic perspicace sur la modernité, mais révélait de manière prophétique une crise dont nous percevons aujourd'hui plus clairement que jamais la portée : L'aliénation de la société par rapport à Dieu et à la foi, une aliénation qui donne justement du fil à retordre au monde autrefois appelé occidental. Le fondement religieux, le fondement chrétien, qui portait autrefois la culture, la morale et la communauté de l'Europe, semble s'évaporer à vue d'œil - un processus lent, presque silencieux, qui se traduit par des églises vides, une diminution de la fréquentation des services religieux et un délabrement sacramentel.

    Des lieux de culte aux temples de la consommation ?

    Ce n'est un secret pour personne : le nombre de fidèles catholiques sous nos latitudes diminue rapidement. Année après année, des églises ferment leurs portes. Parfois, elles sont détruites, mais plus souvent, elles sont réaffectées. Là où l'autel s'élevait autrefois et où l'homme s'agenouillait devant ses marches avant de pouvoir s'en approcher, des rayons de supermarché invitent aujourd'hui à la consommation. Les tabernacles déjà jetés dans des pièces annexes font désormais définitivement place à des pistes de danse, et les clochers peuvent devenir des signatures d'hôtels modernes ou autres. Les espaces sacrés, qui étaient autrefois des lieux de prière et de transcendance sublime, de louange véritablement humble à Dieu et à sa présence mystique, se transforment en lieux de mondanité. S'agenouiller devant le Saint-Sacrement devient s'agenouiller devant les biens matériels dans tous les sens du terme. Autrefois, on entendait le « Te Deum laudamus », le « Symbolon », le « Credo in unum Deum, in “Unam, Sanctam, Catholicam et Apostolicam Ecclesiam”. Aujourd'hui, on ne joue que trop volontiers un Credo sur l'ordinateur enregistreur d'une caisse enregistreuse avec ses « Biep » et on présente une nouvelle « ecclésiologie » de l'espace ecclésial miséreux.

    Ce changement est plus qu'une simple adaptation « économique » à la réalité d'un nombre de membres en baisse. Elle est le signe dramatique et tragique de la grande apostasie diagnostiquée par des papes tels que Pie X, Jean-Paul II et Benoît XVI, d'une apostasie et d'un déclin de la foi qui n'ont pas été soudains, mais insidieux. Les édifices religieux eux-mêmes deviennent les « monuments funéraires du Dieu mort », les témoins d'un désert spirituel qui s'étend parce que les piliers de la foi - l'Écriture, la Tradition, le magistère et donc Rome en tant qu'ancre universelle et « katéchon » - disparaissent de plus en plus de la conscience.

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  • Saint André : une foi fondée sur la confiance

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    Homélie pour la fête de saint André, apôtre, du Père Joseph-Marie Verlinde (homelies.fr) :

    La liturgie de la fête de Saint André nous invite à faire une interruption dans notre lecture continue de Saint Luc, pour entendre l’appel des premiers disciples, dans l’Évangile de Matthieu.

    Saint Grégoire le Grand était frappé par le fait que ces hommes, Simon-Pierre et André son frère, puis Jacques et Jean, abandonnent leurs filets pour suivre Jésus dès le premier mot, sans avoir vu aucun miracle, ni entendu aucune promesse de récompense. Telle est la foi vigoureuse que Jésus attend de ses disciples : une foi qui ne se fonde pas sur des signes, mais sur la confiance absolue dans celui que nous reconnaissons, à la lumière de l’Esprit, comme notre Seigneur et Maître.

    La promptitude, la générosité, bref la liberté avec laquelle ces simples pêcheurs répondent à l’appel de Dieu devrait nous donner honte de notre tiédeur, remarque le prédicateur qui précise : « En suivant le Seigneur, ils ont abandonné tout ce qu’ils auraient pu désirer en ne le suivant pas. Il n’y a pas ici de prix fixé ; mais le Royaume de Dieu te coûte ni plus ni moins que ce que tu possèdes. Il coûta ainsi à Zachée la moitié de ses biens, puisqu’il se réserva l’autre moitié pour rembourser au quadruple ce qu’il avait pris injustement (cf. Lc 19,8). Il coûta à Pierre et à André l’abandon de leurs filets et de leur barque. Il coûta deux piécettes à la veuve (cf. Lc 21,2), et un verre d’eau fraîche à tel autre (cf. Mt 10,42). Oui, comme nous l’avons dit, le Royaume de Dieu te coûte ni plus ni moins que ce que tu possèdes ».

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  • Saint André, apôtre (30 novembre)

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    Nous publions ci-dessous le texte intégral de la catéchèse consacrée au premier apôtre appelé par le Christ prononcée par le pape Benoît XVI au cours de l’audience générale du mercredi 14 juin 2006 (source) :

    Chers frères et sœurs,


    Dans les deux dernières catéchèses, nous avons parlé de la figure de saint Pierre. A présent nous voulons, autant que les sources le permettent, connaître d'un peu plus près également les onze autres Apôtres. C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui du frère de Simon Pierre, qui était lui aussi l'un des Douze. La première caractéristique qui frappe chez André est son nom: il n'est pas juif, comme on pouvait s'y attendre, mais grec, signe non négligeable d'une certaine ouverture culturelle de sa famille. Nous sommes en Galilée, où la langue et la culture grecques sont assez présentes. Dans les listes des Douze, André occupe la deuxième place, comme dans Matthieu (10, 1-4) et dans Luc (6, 13-16), ou bien la quatrième place comme dans Marc (3, 13-18) et dans les Actes (1, 13-14). Quoi qu'il en soit, il jouissait certainement d'un grand prestige au sein des premières communautés chrétiennes.

    Le lien de sang entre Pierre et André, ainsi que l'appel commun qui leur est adressé par Jésus, apparaissent explicitement dans les Evangiles. On y lit: « Comme il [Jésus] marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac: c'était des pêcheurs. Jésus leur dit: “Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes” » (Mt 4, 18-19; Mc 1, 16-17). Dans le quatrième Evangile, nous trouvons un autre détail important: dans un premier temps, André était le disciple de Jean-Baptiste; et cela nous montre que c'était un homme qui cherchait, qui partageait l'espérance d'Israël, qui voulait connaître de plus près la parole du Seigneur, la réalité du Seigneur présent. C'était vraiment un homme de foi et d'espérance; et il entendit Jean-Baptiste un jour proclamer que Jésus était l'« agneau de Dieu » (Jn 1, 36); il se mit alors en marche et, avec un autre disciple qui n'est pas nommé, il suivit Jésus, Celui qui était appelé par Jean « Agneau de Dieu ». L'évangéliste rapporte: ils « virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 37-39). André put donc profiter de précieux moments d'intimité avec Jésus. Le récit se poursuit par une annotation significative: « André, le frère de Simon Pierre, était l'un des deux disciples qui avaient entendu Jean Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d'abord son frère Simon et lui dit: “Nous avons trouvé le Messie (autrement dit: le Christ)”. André amena son frère à Jésus » (Jn 1, 40-43), démontrant immédiatement un esprit apostolique peu commun. André fut donc le premier des Apôtres à être appelé à suivre Jésus. C'est précisément sur cette base que la liturgie de l'Eglise byzantine l'honore par l'appellation de Protóklitos, qui signifie précisément « premier appelé ». Et il est certain que c'est également en raison du rapport fraternel entre Pierre et André que l'Eglise de Rome et l'Eglise de Constantinople se sentent de manière particulière Eglises-sœurs. Pour souligner cette relation, mon prédécesseur, le pape Paul VI, restitua en 1964 les nobles reliques de saint André, conservées jusqu'alors dans la Basilique vaticane, à l'évêque métropolite orthodoxe de la ville de Patras en Grèce, où selon la tradition, l'Apôtre fut crucifié.

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  • Pour en revenir à la question "tradi"

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    L'éditorial de Christophe Geffroy, numéro 375 de La Nef (décembre 2024) :

    Retour sur la question « tradi »

    Le cardinal Ratzinger, défenseur de « l’herméneutique de la réforme dans la continuité » (en 1992) © Domaine public

    ÉDITORIAL

    Christophe Geffroy revient ici sur deux points très sensibles dans un certain monde « tradi » : la réception du concile Vatican II et la réforme liturgique qui en est issue. Dans les débats qui ont cours et les légitimes discours critiques, tout l’enjeu est d’envisager le magistère sans rupture fondamentale. Quels garde-fous et quel état d’esprit devons-nous faire nôtres dans ces débats ?

    (...)

    Deux points fondamentaux

    La question « traditionaliste » tourne autour de deux points fondamentaux : celle du concile Vatican II et du magistère qui a suivi ; et celle de la réforme liturgique menée par Paul VI. Le concile marque-t-il une rupture dans l’enseignement traditionnel de l’Église, notamment sur la liberté religieuse ou l’œcuménisme ? Et la messe dite de Paul VI est-elle « déficiente » au point d’être un danger pour la foi ? Au point donc de ne pouvoir être célébrée par les prêtres et fréquentée sans dommages par les fidèles ? On sait que pour la Fraternité Saint-Pie X (FSPX), la réponse à ces deux questions est claire et nette : il y a une rupture doctrinale qui se produit avec le concile, lequel est ainsi rejeté ; et la messe réformée, qualifiée par Mgr Lefebvre de « messe de Luther », est jugée quasiment hérétique, « incélébrable », si bien que les fidèles sont appelés à rester chez eux le dimanche s’ils n’ont à disposition que cette liturgie réformée.

    Historiquement, Mgr Lefebvre ne s’est pas contenté de maintenir l’ancienne messe, il est parti en guerre contre le concile Vatican II et la réforme liturgique, c’est cela qui a braqué le pape Paul VI contre lui. Mgr Lefebvre a souvent soufflé le chaud et le froid, le « froid » atteignant parfois une violence inouïe. À maintes reprises, Paul VI a demandé à Mgr Lefebvre de rétracter sa sulfureuse déclaration du 21 novembre 1974 où il disait notamment : « Nous refusons… et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues. » Et à propos de la réforme liturgique : « Cette Réforme étant issue du libéralisme, du modernisme, est tout entière empoisonnée ; elle sort de l’hérésie et aboutit à l’hérésie, même si tous ses actes ne sont pas formellement hérétiques. Il est donc impossible à tout catholique conscient et fidèle d’adopter cette Réforme et de s’y soumettre de quelque manière que ce soit. » Mgr Lefebvre a toujours refusé de retirer ses propos et ses successeurs, encore aujourd’hui, se réclament de cette déclaration.

    Le débat dans l’Église

    En Église, cette position ne relève pas d’un débat : le refus global d’un concile œcuménique, du magistère ordinaire universel depuis plus d’un demi-siècle et d’une réforme liturgique qui serait un poison donné aux fidèles est ecclésialement injustifiable et intenable, une telle attitude ne peut que jeter un doute sur l’indéfectibilité de l’Église (cf. Mt 16, 18). Cela ne signifie pas, toutefois, qu’il est interdit d’exprimer sa perplexité ou des critiques, l’Église n’est pas une caserne et n’impose pas une obéissance aveugle. Concrètement, l’obéissance à l’Église n’exclut pas un discernement éclairé sur la cohérence du magistère avec ses enseignements constants antérieurs. Mais le questionnement adressé à l’autorité n’est pas de même nature que celui qui régit les débats dans la sphère profane ou politique (1). Son esprit est censé être animé de bienveillance à l’égard du magistère, d’obéissance a priori acquise à l’autorité légitime, et finalement de confiance surnaturelle en l’Église qui est notre Mère, par-delà les incompréhensions parfois suscitées par certain personnel ecclésiastique du moment.

    Revenons au concile et à la messe. Les communautés traditionalistes en pleine communion avec Rome forment un monde qui est loin d’être uniforme ; néanmoins leur conception sur ces sujets n’est pas celle, extrême, de la FSPX. Elles reçoivent Vatican II avec plus ou moins d’enthousiasme et acceptent, soit de célébrer la messe actuelle, soit d’y communier lors de la messe chrismale. Sur la liberté religieuse, par exemple, le Barroux et la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier ont mené des études poussées montrant la continuité du magistère. Seule, me semble-t-il, une minorité dans ce monde « tradi » tient encore une ligne proche de la FSPX en refusant le concile et la messe.

    Assurément, l’une des difficultés aujourd’hui est l’absence de culture du débat sur les questions doctrinales ouvertes : prétendre imposer de force l’acceptation du concile et de la messe réformée sans entendre les objections n’est pas la bonne méthode. Mais force est de constater que des réponses argumentées ont été apportées aux critiques des traditionalistes, aussi bien par des théologiens privés, comme on l’a vu à propos de la liberté religieuse, que par le magistère (sur le subsistit in de Lumen gentium, par exemple, ou l’œcuménisme et le dialogue interreligieux avec Dominus Jesus, sans parler du Catéchisme de l’Église catholique). Et des colloques théologiques ont été organisés par Rome entre des théologiens mandatés par l’Église et ceux de la FSPX. Le débat doctrinal existe donc bel et bien, mais il n’a rien résolu à ce jour, car l’enjeu est davantage une nécessaire conversion des cœurs, de part et d’autre, que l’acceptation d’une démonstration théologique.

    Continuité ou rupture ?

    La question n’est pas de faire ou non des « concessions doctrinales » à propos des réformes de Vatican II. La question est de savoir si l’Église est crédible et propose ainsi un magistère cohérent et sans rupture dans la durée sur ce qui relève de la foi et des mœurs, les autres aspects pouvant dépendre d’une contingence historique qui admet des discontinuités. La question posée par Benoît XVI de « l’herméneutique de la réforme dans la continuité » n’est pas anecdotique, elle est au cœur de toute la problématique actuelle. Car si l’on juge qu’il y a une rupture – pour le déplorer comme certains traditionalistes (qui estiment le magistère infidèle à la Tradition), ou pour s’en réjouir comme certains progressistes (qui abhorrent le passé forcément obscurantiste) –, il faut alors admettre que l’Église s’est trompée sur des points essentiels, soit hier, soit aujourd’hui. La seule ligne ecclésiale conforme à l’essence de l’Église est de ne voir aucune rupture magistérielle, tout en reconnaissant de réelles nouveautés s’inscrivant dans un développement doctrinal homogène, ainsi que saint John Henry Newman l’a explicité, les ruptures ne concernant alors que des points contingents de la doctrine. Cela laisse la porte ouverte à un questionnement sur tel ou tel aspect du concile, non à son rejet.

    Il en va de même pour la réforme liturgique, comme Benoît XVI l’avait affirmé dans sa magnifique lettre accompagnant le motu proprio Summorum Pontificum. Pour suivre ce pape, la défense – légitime – de la messe de saint Pie V doit être décorrélée du refus – illégitime – de la messe de Paul VI (et bien sûr du concile). Autrement dit, la défense de l’ancien Ordo ne doit pas signifier le rejet du nouvel Ordo et donc le refus de principe de le célébrer. Ces deux messes nous sont données par l’Église : il est compréhensible d’en préférer une, non d’écarter l’autre comme étant mauvaise.
    La nécessaire réconciliation liturgique est à ce prix.

    Christophe Geffroy

    (1) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la foi, Donum Veritatis « Sur la vocation ecclésiale du théologien », le 25 mai 1990.