Depuis les premières manifestations qui ont éclaté en Egypte, en Tunisie et à travers tout le Magreb, nos médias et nos oracles bien-pensants (ô BHL!) se sont esbaudis, criant au miracle de ces foules aspirant à la démocratie, à la liberté, au Progrès inéluctable. Nous sommes même volés au secours de la Révolution en difficulté en Libye et nous nous sommes réjouis au spectacle de la chute de tous ces despotes, accueillis hier dans nos capitales avec moult égards et universellement décriés aujourd'hui.
Faut-il vraiment se réjouir devant ce "printemps" des peuples arabes? L'avenir est-il vraiment à la démocratie? L'état d'esprit de ces populations les porte-t-il vraiment à jouer le jeu du parlementarisme et de la transparence politique? Ce que l'on peut dire aujourd'hui, c'est que les premières élections organisées conduisent au pouvoir les Frères musulmans en Egypte et ce qu'on appelle euphémistiquement les "Islamistes modérés" au Magreb. Et demain que se passera-t-il en Syrie, alors que les minorités chrétiennes tremblent à l'idée que leur protecteur, Bachir al-Assad, pourrait être renversé par ceux que nos médias considèrent comme des champions des droits de l'homme?
Je crains bien que nous ne projetions sur ce qui se passe dans ces pays des visions illusoires qui ne coïncident absolument pas avec la réalité des faits. Quand le chef du parti "islamiste modéré" au Maroc revendique la "liberté" pour les femmes de porter le voile, je ne suis pas sûr que nous soyions vraiment sur la même longueur d'ondes. Ce que nous voyons aujourd'hui dans l'un de nos prétoires à l'occasion d'un crime d'honneur dont une jeune femme a été victime alors qu'elle refusait d'être mariée contre son gré n'est-il pas monnaie courante dans ces pays et cela changera-t-il vraiment grâce à ce "printemps des peuples"? Lorsqu'on parle de faire de la charia le socle des constitutions nouvelles, peut-on claironner pour célébrer l'avènement de la démocratie?
Cela fait penser au "printemps des peuples" européens de 1848, salué par les esprits romantiques de l'époque, qui a conduit au triomphe de Bismarck en Allemagne, de Napoléon III en France et de divers gouvernements autoritaires dans les autres pays, le tout se terminant de la façon que l'on sait, en 1914.
Il reste à espérer que nos portes seront ouvertes demain pour accueillir ceux qui, appartenant à des minorités menacées - chrétiennes, par exemple - viendront chercher refuge chez nous...