C’est le titre d’un ouvrage publié aux éditions Artège par Mgr Minnerath, archevêque de Dijon. Christophe Geffroy l’a interviewé pour le mensuel « La Nef »:
"La Nef – En quoi la liberté de religion a-t-elle été une exigence du christianisme dès l’origine ? Et cette exigence a-t-elle été propre au christianisme ?
Mgr Roland Minnerath – Il faut bien comprendre que le christianisme n’entre pas dans la catégorie « religion » telle qu’on la connaissait au temps de Jésus. Le judaïsme est la religion d’un peuple, les différents cultes gréco-romains sont des cultes familiaux et civiques. Chaque cité a sa divinité protectrice ; l’empire tout entier est sous la protection des dieux de Rome. On n’imagine pas qu’on puisse distinguer entre appartenance familiale et civique d’une part et religion d’autre part. Que demande le Christ ? Il demande la foi en lui. Les disciples du Christ se recrutent dans tous les horizons religieux : judaïsme, cultes civiques, philosophies. Ils forment une communauté qui est l’Église, laquelle ne coïncide pas avec les communautés naturelles que sont la famille et la cité. Le christianisme va réclamer la liberté de croire et de vivre sa foi sans rompre avec les attaches naturelles familiales et civiques, mais en évacuant ce que ces attaches comportaient de religieux et d’idolâtrique. Surtout au IIe siècle, les Apologistes chrétiens, Tertullien en tête, expliqueront aux autorités romaines que les chrétiens, même s’ils rejettent les rites religieux païens, n’en sont pas moins de loyaux citoyens de l’empire. Ils prient pour le salut de l’empire. « L’empereur n’est grand qu’autant qu’il est inférieur au ciel », écrivait Tertullien. Le christianisme a donc mis fin aux religions civiques et politiques, ce que regrettera Rousseau qui trouvait que la cité antique, grâce au lien religieux, dominait mieux ses citoyens. Le christianisme exige donc un espace de liberté inconnu jusque-là : celui de la démarche de la conscience et de la liberté intérieure vécue dans la participation à une communauté de foi.
L’islam ne connaît pas cette distinction, puisqu’il se réfère à une loi, la charia, qui est à la fois loi religieuse et civile obligatoire pour tous. Le christianisme porte en germe la distinction de l’ordre politique et de l’ordre religieux, mais avec le christianisme la « religion » n’a plus la même définition qu’auparavant.