Un article de Sandro Magister sur Settimo Cielo :
Le procès du siècle requiert le pape au tribunal. Qui risque également un incident avec la Chine.
Parmi les documents en possession du tribunal du Vatican appelé à juger le cardinal Giovanni Angelo Becciu et d'autres accusés, dont la prochaine audience est fixée au 25 janvier, figure une note d'information au sommet de laquelle il est écrit que "lors de l'audience du 6 avril dernier, le Saint-Père a donné la permission de rendre publique la note susmentionnée". Signé : Edgar Peña Parra, Secrétaire d'État par intérim.
C'est ce que fait Settimo Cielo dans ce billet : fournir aux lecteurs les caractéristiques essentielles de ce document jusqu'ici inédit, remis par Peña Parra au tribunal du Vatican pour décrire la situation de la Secrétairerie d'État au moment de sa prise de fonction en tant que suppléant, le 15 octobre 2018, " ainsi que certains aspects du travail de la Secrétairerie d'État concernant l'immeuble du 60 Sloane Avenue à Londres ".
Le dossier compte 322 pages, avec de nombreuses annexes, mais les pages clés sont les vingt premières avec la note de Peña Parra. Il s'agit notamment d'informations qui pourraient créer un incident diplomatique avec nul autre que la Chine.
En effet, on y lit "quelques nouvelles fournies par l'archevêque de Vilnius (Lituanie) concernant l'insécurité" du système informatique du Vatican. M. Peña Parra a précisé : "Un neveu de l'archevêque, expert en la matière, avait la preuve de l'intrusion de la Chine dans notre système informatique et nous en avions la preuve".
*
Au-delà de la vulnérabilité informatique, le tableau que Peña Parra dresse de la Secrétairerie d'État et en particulier de son bureau administratif dirigé à l'époque par Mgr Alberto Perlasca est résolument critique.
"Le Saint-Père avait demandé un audit du bureau administratif et des fonds de la Secrétairerie d'État, qui aurait dû être achevé avant l'arrivée du nouveau remplaçant", c'est-à-dire Peña Parra à la place de son prédécesseur Becciu.
Mais rien de tout cela n'a été fait. M. Peña Parra a écrit que M. Perlasca a justifié son manquement en arguant que "la Secrétairerie d'État avait vécu des moments très difficiles ces dernières années avec le Secrétariat à l'économie, en raison des prétentions du cardinal George Pell à prendre le contrôle de toute l'administration du Saint-Siège, ce qui signifiait interférer dans les compétences propres de la Secrétairerie d'État dans le domaine administratif. Deuxièmement, Mgr Perlasca était d'avis que tant le précédent Auditeur général, le Dr Libero Milone, que l'actuel Auditeur général, le Dr Alessandro Cassinis Righini, n'étaient pas des personnes dignes de confiance".
Peña Parra écrit que l'auditeur et lui-même ont insisté à plusieurs reprises pour que la volonté du pape soit respectée. Mais en vain. Le bureau administratif a fait une "grève blanche", sans changer d'un iota son "modus operandi" systématique, décrit comme suit :
"C'est un mécanisme dans lequel le supérieur est mis sous pression, le poussant à agir rapidement, prévoyant des événements 'catastrophiques', tels que : 'Si vous ne signez pas immédiatement, vous risquez de perdre beaucoup d'argent'. [J'ai souvent été interrompu de manière inattendue lorsque je recevais des ambassadeurs, des évêques, etc. pour signer des documents urgents qui, selon eux, ne pouvaient pas attendre la fin des entretiens. [Le leitmotiv constant était que je ne connaissais pas la "machine" et que, par conséquent, les incertitudes que je soulevais n'étaient pas fondées et ne faisaient que ralentir le travail du bureau administratif".
La mauvaise gestion concernait également l'argent détenu par le Secrétariat d'État, déposé dans trois fonds de placement et dans pas moins de treize banques, les contrats respectifs étant "presque toujours conclus en faveur des contreparties". Sans parler des "erreurs graves" dans les comptes, qui ont "gonflé de manière injustifiée la valeur du patrimoine géré par le Secrétariat d'État", qui, à une certaine date, a été considéré comme valant 603 millions d'euros alors qu'il s'agissait en fait de 425 millions.