Interview de Mgr Yousif Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkuk sur le site web de l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) :
AED : votre Excellence, craignez-vous la fin de la chrétienté en Irak ?
Mgr Mirkis: Absolument. Nous sommes en train d’en disparaître, comme ce fut déjà le cas des chrétiens en Turquie, en Arabie saoudite et en Afrique du Nord. Et même au Liban, ils ne sont plus entre-temps qu’une minorité.
Qu’est-ce que l’Irak perdrait s’il n’y avait plus de chrétiens ?
L’écologie sociale serait déstabilisée. Chaque société a besoin de toutes ses composantes. C’est ce que l’on a pu observer en Allemagne il y a 80 ans : à l’époque, tout un groupe a été exclu par la société. En Irak, nous sommes actuellement témoins d’un nouveau 1933. D’ailleurs, je perçois beaucoup de parallèles avec l’Europe d’entre-guerre. Tout comme l’Allemagne d’avant 1933 était instable à cause de sa défaite dans la Première Guerre mondiale, le monde arabe a été déséquilibré depuis 1967. C’est à cette époque que nous autres Arabes avons perdu la Guerre des Six-Jours contre Israël. Jusqu’à nos jours, c’est resté un traumatisme. Tout comme la Première Guerre mondiale a engendré la Seconde Guerre mondiale, la défaite de 1967 a engendré la crise actuelle.
…dont les chrétiens souffrent particulièrement ?
Les chrétiens appartiennent à une société humiliée. Mais ils ont beaucoup travaillé. Regardez au Liban ou en Syrie. Et bien sûr ici aussi, en Irak. Il importe de savoir qu’il n’existait aucun ghetto chrétien en Irak. Les chrétiens étaient présents dans tous les domaines de la société. Ce sont eux qui démontrent le plus haut niveau d’alphabétisation. Avant 2003, le taux de population chrétienne de l’Irak ne s’élevait qu’à environ 3 %. Pourtant, presque 40 % des médecins étaient chrétiens. La même relation se retrouvait chez les ingénieurs. Je trouve que ce n’est pas anodin. Par ailleurs, nous étions très nombreux parmi les intellectuels, écrivains et journalistes. C’étaient des personnes cultivées, ouvertes face au monde occidental. Les chrétiens constituaient le moteur de la modernisation en Irak.