De Jeanne Smits sur Réinformation TV :
La vérité n’est plus ce qu’elle était : une adéquation de l’intelligence avec la réalité. C’est en tout cas ce que l’on peut déduire de l’entretien accordé le 6 août au site d’information du Vatican, VaticanNews, par Mgr Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation. Une interview de grande importance dans le contexte actuel, puisque on le considère comme un bras droit du pape et qu’au nom de sa tâche d’évangélisation du monde moderne, il confirme la dérive relativiste dans la présentation actuelle de la doctrine catholique. Il assure dans l’entretien qu’« Il n’y a aucun fondement à la contestation du magistère du pape François à la lumière du magistère antérieur », s’en prenant durement à ceux qui s’appuient selon lui à tort sur Veritatis splendor pour ce faire. Il conteste carrément la « dimension fixiste de la vérité » à laquelle ces personnes critiquant le pape adhèrent, alors qu’il faudrait en avoir une « conception dynamique ».
L’entretien a été accordé à l’occasion des 25 ans de l’encyclique Veritatis splendor. L’archevêque, chargé comme on l’a dit de promouvoir la « nouvelle évangélisation », y semble relativiser l’importance de ce texte de Jean-Paul II dont on attribue l’architecture intellectuelle au cardinal Ratzinger, son futur successeur, en soulignant que l’encyclique « présentait les points fermes (…), les points fondamentaux qui restent comme des rappels pour la doctrine chrétienne », « dans un contexte culturel transformé, très déterminé par la sécularisation et les conséquences d’un fort relativisme philosophique ».
Mgr Rino Fisichella réinvente la vérité
Le choix de l’imparfait, la formulation elle-même semblent désigner le côté en quelque sorte opportuniste, voire dépassé de cette encyclique, marquée par son contexte et dont la nécessité aurait été dictée par des circonstances particulières. Attention : ces mots sont bien ceux de Mgr Fisichella, contrairement à ce que l’on peut lire sur la version française de l’entretien publiée par Vatican News, qui les attribue au journaliste Amedeo Lomonaco. La version italienne les attribue correctement à l’archevêque mais fait disparaître l’usage de l’imparfait. On peut vérifier tout cela ici.
En réalité, c’est tout l’ensemble de l’entretien qui laisse comprendre le parti pris de Fisichella, au nom de sa fidélité au pape François, en faveur d’une vérité qui ne serait que partiellement immuable, et capable au moins pour partie d’évoluer, comme on parle de la théorie de l’évolution. D’où le choix du mot « fixiste », habituellement utilisé pour dénigrer ceux qui ne croient pas en cette théorie.
C’est ainsi qu’il dit : « Avant toute chose, quand nous parlons de la vérité, nous devons toujours en avoir une conception dynamique. La vérité n’est pas une dimension fixiste. La vérité, pour les chrétiens, est avant tout cette Parole vive que le Seigneur nous a laissée », une « rencontre personnelle » où la vérité ouvre toujours plus à la découverte du mystère révélé, dit-il. Les choses se corsent lorsqu’il précise : « II y a quelques points fondamentaux qui restent comme des pierres miliaires dans l’enseignement dogmatique et moral de l’Eglise. Ce sont des éléments qui demeurent dans leur immutabilité. » Il en tire l’idée que le principe, « la norme immuable qui se fonde sur la vérité de l’Evangile », toujours sujet au travail et à l’interprétation des théologiens, « doit toujours être ouvert à la découverte de la vérité de la parole de Dieu » comme si celle-ci s’en distinguait de quelque manière.