De Laurent Frémont en tribune sur le site du Figaro via le blog artofuss :
Laurent Frémont: «Avec le projet de loi sur la fin de vie, la France adopterait le texte le plus permissif au monde»…
15 mai 2024
TRIBUNE – Malgré les « précautions oratoires » du gouvernement, le projet de loi sur la fin de vie est plus laxiste que les législations étrangères, explique l’enseignant en droit constitutionnel à Sciences Po et cofondateur du collectif Tenir ta main*.
* Laurent Frémont est enseignant en droit constitutionnel à Sciences Po et cofondateur du collectif Tenir ta main, qui défend le droit de veiller sur ses proches hospitalisés et soutient les très nombreux patients laissés-pour-compte, en leur apportant une aide psychologique, juridique et matérielle.
« Un chemin possible, dans une situation déterminée » (Emmanuel Macron), des « conditions strictes » (Gabriel Attal), « un texte d’équilibre» (Catherine Vautrin)… L’exécutif redouble de précautions oratoires pour justifier son projet de loi légalisant l’euthanasie et le suicide assisté. À force d’être assénée, cette circonspection a fini par s’inscrire dans la conscience collective. Pourtant, une lecture attentive du projet de loi montre que cette prudence affichée est factice ; un effort minimal de législation comparée prouve au contraire que la loi française serait la plus permissive au monde – sans même envisager les inévitables évolutions à venir.
Les législations les plus latitudinaires ne prévoient pas des critères aussi larges et alternatifsLaurent Frémont
Première exception française : les trois principaux critères d’éligibilité seront non seulement très larges mais aussi très flous. Pour pouvoir demander la mort, la personne devra « présenter une souffrance physique ou psychologique » qui soit « réfractaire aux traitements » ou «insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements ». Les législations les plus latitudinaires ne prévoient pas des critères aussi larges et alternatifs ; même la Belgiqueou le Canada instaurent des conditions cumulatives.
De plus, la personne devra voir son pronostic vital engagé « à court ou moyen terme ». Or, chacun sait l’incapacité de la médecine à pronostiquer une mort à six mois ou un an. Aucun pays ayant légalisé l’euthanasie n’a prévu une condition aussi imprécise et subjective. Nul doute qu’elle ouvrira la porte à des dissensions insolubles, sources d’immanquables contentieux.
Enfin, les conditions de la manifestation d’une « volonté libre et éclairée» ne sont pas précisées et rien n’est prévu pour les contrôler, alors même que le rôle de la loi devrait être de prévenir les troubles du discernement et les potentiels abus de faiblesse.
Il est donc illusoire de penser que les critères seraient stricts, tant ceux-ci sont soumis à une forte subjectivité, sans référence à des échelles normées. Seuls deux critères sur cinq restent objectivables : la nationalité ou la résidence stable en France, ainsi que l’âge – mais l’on voit bien les pressions déjà à l’œuvre pour étendre la mort provoquée aux mineurs.