Du Cardinal Müller sur The Pillar :
Müller - "Fiducia supplicans" se contredit elle-même
21 décembre 2023
Le Vatican a suscité cette semaine un vaste débat parmi les évêques et d'autres responsables de l'Église, après la publication lundi de Fiducia supplicans, qui offre un cadre pour les bénédictions cléricales des couples de même sexe.
Si certains ont loué le texte du Dicastère pour la doctrine de la foi, d'autres ont exprimé de sérieuses inquiétudes, et certaines conférences épiscopales ont repoussé la mise en œuvre du document dans leur pays.
La Fiducia supplicans a été rédigée par le cardinal Victor Manuel Fernandez, qui a été nommé à la tête du Dicastère pour la doctrine de la foi au début de l'année.
Mais le cardinal Gerhard Müller, qui a dirigé le bureau doctrinal du Vatican de 2012 à 2017, a déclaré dans un essai jeudi que le texte est "auto-contradictoire" et "nécessite une clarification supplémentaire".
Mgr Müller a envoyé cet essai, avec une autorisation exclusive de publication, à The Pillar, ainsi qu'à des publications travaillant en italien, en espagnol et en allemand.
À la lumière du débat actuel sur la Fiducia supplicans et sur le rôle de Mgr Müller dans l'Église, The Pillar publie son essai ci-dessous, dans son intégralité :
La seule bénédiction de notre mère l'Église est la vérité qui nous libérera. Note sur la déclaration Fiducia supplicans
Cardinal Gerhard Ludwig Müller
Avec la Déclaration Fiducia supplicans (FS) sur la signification pastorale des bénédictions, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi (DDF) a fait une affirmation qui n'a pas de précédent dans l'enseignement de l'Église catholique. En effet, ce document affirme qu'il est possible pour un prêtre de bénir (non pas liturgiquement, mais en privé) des couples qui vivent une relation sexuelle en dehors du mariage, y compris des couples de même sexe. Les nombreuses questions soulevées par les évêques, les prêtres et les laïcs en réponse à ces déclarations méritent une réponse claire et sans équivoque.
Cette déclaration ne contredit-elle pas clairement l'enseignement catholique ? Les fidèles sont-ils obligés d'accepter ce nouvel enseignement ? Le prêtre peut-il pratiquer ces nouvelles pratiques qui viennent d'être inventées ? Et l'évêque diocésain peut-il les interdire si elles avaient lieu dans son diocèse ? Pour répondre à ces questions, voyons ce que le document enseigne exactement et sur quels arguments il s'appuie.
Le document, qui n'a été ni discuté ni approuvé par l'Assemblée générale des cardinaux et évêques de ce dicastère, reconnaît que l'hypothèse (ou l'enseignement ?) qu'il propose est nouvelle et qu'elle se fonde principalement sur le magistère pastoral du pape François.
Selon la foi catholique, le pape et les évêques peuvent mettre certains accents pastoraux et relier de manière créative la vérité de la Révélation aux nouveaux défis de chaque époque, comme par exemple dans le domaine de la doctrine sociale ou de la bioéthique, tout en respectant les principes fondamentaux de l'anthropologie chrétienne. Mais ces innovations ne peuvent aller au-delà de ce qui leur a été révélé une fois pour toutes par les apôtres comme parole de Dieu (Dei verbum 8). En effet, aucun texte biblique, aucun texte des Pères et des Docteurs de l'Eglise, aucun document antérieur du magistère ne vient étayer les conclusions de FS. De plus, ce que nous voyons n'est pas un développement mais un saut doctrinal. Car on ne peut parler de développement doctrinal que si la nouvelle explication est contenue, au moins implicitement, dans la Révélation et, surtout, ne contredit pas les définitions dogmatiques. Et un développement doctrinal qui atteint un sens plus profond de la doctrine doit s'être produit graduellement, à travers une longue période de maturation. En fait, la dernière déclaration magistérielle sur ce sujet a été émise par la Congrégation pour la doctrine de la foi dans un responsum publié en mars 2021, il y a moins de trois ans, et elle a catégoriquement rejeté la possibilité de bénir ces unions. Cela s'applique aussi bien aux bénédictions publiques qu'aux bénédictions privées pour les personnes vivant dans des conditions de péché.
Comment FS justifie-t-elle la proposition d'une nouvelle doctrine sans contredire le document précédent de 2021 ?
Tout d'abord, FS reconnaît que les Responsum de 2021 de la CDF et l'enseignement traditionnel, valide et contraignant sur les bénédictions ne permettent pas de bénir dans des situations qui sont contraires à la loi de Dieu, comme dans le cas d'unions sexuelles hors mariage. Cela est clair pour les sacrements, mais aussi pour d'autres bénédictions que FS appelle "liturgiques". Ces bénédictions "liturgiques" appartiennent à ce que l'Église a appelé les "sacramentaux", comme en témoigne le Rituale Romanum. Dans ces deux types de bénédictions, il doit y avoir un accord entre la bénédiction et l'enseignement de l'Église (FS 9-11).
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