Du Père Emmanuel Perrier, dominicain, cette conférence donnée il y a quelques années mais qui reste d'une parfaite actualité... (source)
Foi et indifférence religieuse. Comment croire dans une société sécularisée ?
Conférence donnée par le frère Emmanuel Perrier, o.p. de la Province de Toulouse
L’atmosphère religieuse de notre époque peut aisément se ramener à deux mots : crise de la foi et sécularisation, qui sont comme les deux faces, religieuse et sociale, d’un même phénomène. Nous faisons en effet tous l’expérience, en tant que parents, catéchistes, prêcheurs, mais aussi par les discussions que nous pouvons avoir avec notre entourage de ce que parler de la foi, transmettre la foi est en notre temps une tâche ingrate. La réceptivité n’est pas là. On aimerait, et l’on pourrait attendre de la foi, qu’elle soit plus aisée à communiquer. Mais elle se heurte à un mur à la fois mou et apparemment inébranlable : l’indifférence. Ce qui devrait être important, ce qui est objectivement le plus essentiel à la vie humaine, n’est pas considéré comme tel. Ainsi de Pâques : s’il est vrai comme nous l’affirment des témoins, que Jésus-Christ est apparu vivant à ses disciples pendant quarante jours après avoir été supplicié jusqu’à la mort, s’il est vrai qu’ils ont touché et vu ce même corps qu’ils avaient déposé dans un tombeau, alors la simple annonce de cette résurrection devrait suffire à faire dresser l’oreille. Que des questions surgissent, que des doutes s’élèvent, que des demandes d’explication et de vérification s’expriment, rien de plus normal. Mais précisément, ce n’est pas là la réponse dominante aujourd’hui car la réponse dominante, c’est l’indifférence. L’annonce d’un remède à la mortalité humaine, qu’y a-t-il de plus important pour l’homme ? Elle ne suscite pourtant ni l’intérêt ni même la curiosité.
S’interroger sur la foi dans un monde sécularisé revient donc principalement à s’interroger sur le phénomène de l’indifférence à la foi, de l’indifférence individuelle autant que collective. Il importe d’en comprendre mieux les raisons si l’on souhaite y apporter la bonne réponse. Qu’est-ce qui cloche dans notre vieille Europe pour qu’elle ait ainsi développé une attitude aussi massive et généralisée ?
Cela dit, deux autres points sont directement liés à cette première question : en premier lieu, s’il y a certainement des causes à aller chercher du côté de nos sociétés, il ne faut pas oublier que l’indifférence à la foi est d’abord une maladie de la foi elle-même. À quel niveau la foi est-elle affectée ? Est-ce grave docteur ? De ce point de vue, l’indifférence actuelle nous conduit à réfléchir sur ce qu’est la foi et sur ce qui la contrarie.
En second lieu, et cela se prête particulièrement à une réflexion de Carême, l’indifférence à la foi, croire dans un monde sécularisé, ce n’est pas seulement le problème des autres. Nous appartenons à ce monde sécularisé, nous en respirons l’air chaque jour, et nous serions bien inconscients si nous prétendions être immunisés contre le mal de notre époque. Lorsque survient à l’orée de l’hiver le virus de la grippe, chacun se protège avec tous les moyens à disposition. Par quels moyens pouvons-nous nous prémunir contre le virus de l’indifférence ?
Trois parties dans cet exposé, donc. Nous commencerons par rappeler quelques éléments essentiels de la vie de la foi en tout homme (I). Puis nous verrons comment on peut caractériser l’indifférence de nos sociétés à la foi (II). Enfin, nous en tirerons quelques enseignements pour notre vie chrétienne (III).