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L’« évêque d’Arabie » regrette la « faiblesse du christianisme en Europe »
Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie du Sud, basé à Abou Dhabi, dans les Émirats arabes unis, témoigne dans un livre paru en allemand, de sa longue expérience avec l’islam.
Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie du Sud. / Alessia GIULIANI/CPP/CIRIC/
« Paul Hinder, als Bischof in Arabien ». Tel est le titre du témoignage que Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie du Sud (AVOSA) depuis douze ans, vient de publier aux éditions allemandes Herder Verlag, à Fribourg-en-Brisgau. Un livre qu’il a dédié aux quatre Sœurs de Mère Teresa assassinées le 4 mars 2016 à Aden, au Yémen.
Ce capucin suisse – il est originaire du canton de Thurgovie – a été ordonné en janvier 2004, dans la « cathédrale » d’Abou Dhabi, évêque pour le vicariat apostolique d’Arabie du Sud, correspondant aux Émirats arabes unis, au sultanat d’Oman et au Yémen, soit une superficie de plus de 3 millions de km².
Au moins 2,5 millions de catholiques
De passage en Suisse cet été, et interviewé par l’agence kath.ch, Mgr Hinder rappelle que 85 % de la population des Émirats arabes unis sont des étrangers, principalement des Indiens, des Philippins, des Pakistanais et des Sri-Lankais de condition modeste. Parmi ces immigrés, les chrétiens représentent environ 3 millions (10 %) de la population totale (sans oublier les Libanais, Palestiniens, Irakiens, Syriens ou Égyptiens), dont au moins 2,5 millions de catholiques.
Avec le développement économique de la région, l’Église voit une augmentation constante du nombre de ses fidèles. « Les chrétiens ont le même statut que les autres étrangers ; nous sommes là pour un temps limité et pour travailler. Les visas sont délivrés pour une durée maximale de trois ans et doivent être renouvelés. »
Le manque de lieux de culte
Dans les Émirats et dans le sultanat d’Oman, la liberté religieuse existe, mais « avec des restrictions », souligne Mgr Hinder. On ne peut pas, par exemple, célébrer une messe n’importe où. Le problème du manque de lieux de culte et de locaux paroissiaux est réel. Ainsi, pour les sept petits États des Émirats arabes unis, il n’y a que huit paroisses pour près d’un million de catholiques. « Nous serions très heureux de pouvoir trouver des locaux à louer mais ce n’est pas si facile ! »
De même les édifices religieux dans les Émirats sont soumis à certaines contraintes architecturales et sont obligatoirement dépourvus de croix et de cloches. « Si quelqu’un se comporte de façon inappropriée, par exemple en distribuant des bibles ou en cherchant à convertir des musulmans, il est aussitôt expulsé du pays. J’aurais parfois des choses à dire, mais j’évite de le faire… En pays d’islam, le travail missionnaire a une tout autre signification et tout prosélytisme est interdit. Et quand des évangéliques s’affranchissent de ces règles strictes, cela retombe alors sur les autres chrétiens. »
Prendre soin des racines chrétiennes de l’Europe
Interrogé sur la présence musulmane de plus en plus forte en Europe, « l’évêque d’Arabie », comme on le surnomme, estime que « le problème n’est pas la force de l’islam, mais plutôt la faiblesse du christianisme en Europe ». Il invite ainsi les Européens à se poser la question de leurs racines : « ce patrimoine chrétien n’est pas sculpté dans le granit une fois pour toutes : il peut s’évaporer ».
Certes, admet-il, des valeurs séculières comme la solidarité ou la non-violence appartiennent aussi à ces racines, mais peuvent-elles subsister quand la religion chrétienne qui les a produites n’est plus maintenue ? « Vous pouvez laisser un terrain en friche pendant un certain temps. Mais arrive un moment, si vous ne vous en occupez pas, où une forêt se constitue… Prendre soin de ses racines et de son patrimoine signifie, par exemple, que l’on transmet des connaissances sur la Bible et le christianisme. »
Après le nouveau massacre qui a fait 42 morts en République démocratique du Congo (RDC), le pape François a dénoncé le « silence honteux » de l’opinion mondiale. Lors de l’angélus du 15 août 2016, place Saint-Pierre, le pape a aussi déploré les « conflits persistants » dans diverses parties du monde.
Après l’angélus de la fête de l’Assomption de la Vierge Marie, le pape a confié à la Reine de la paix « les inquiétudes et les douleurs des populations qui dans de nombreuses parties du monde sont victimes innocentes de conflits persistants. »
« Ma pensée va aux habitants du Nord-Kivu, a-t-il ajouté, dans la République démocratique du Congo, récemment touchés par de nouveaux massacres qui sont perpétrés depuis longtemps dans un silence honteux, sans même attirer notre attention. »
« Ils font malheureusement partie des nombreux innocents qui n’ont pas de poids sur l’opinion mondiale », a insisté le pape François. Et de formuler ce vœu : « Que Marie obtienne pour tous des sentiments de compassion, de compréhension et un désir de paix, de concorde. »
Le massacre perpétré à Beni, à l’est de la RDC, dans la nuit du 13 au 14 août, a fait au moins 42 victimes selon les derniers bilans. Les autorités militaires ont désigné des rebelles islamistes ougandais, les Forces démocratiques alliées (ADF), comme responsables de cette attaque.
Aujourd’hui les ADF islamistes, hier la Lord’s Army , avant-hier les mulélistes ou les maï-maï et ainsi de suite : des guérillas endémiques déstabilisent l’Est du Congo depuis plus d’un demi-siècle : la RDC ne s’est jamais remise de l’effondrement de cet Etat au lendemain même d’une indépendance octroyée par la Belgique dans des conditions inadmissibles. Et, depuis lors, les appels à la compassion pour les « innocents qui n’ont pas de poids sur l’opinion mondiale » se répètent comme une histoire qui bégaie sous les yeux de la MONUSCO. Pour mémoire, la première "implication" des Nations-Unies date du mois de juillet 1960.
Aux journaux télévisés de la mi-journée ce quinze août 2016, la RTBF et RTL signalaient l’affluence aux célébrations de l’assomption de Marie en Belgique francophone. Et il semble qu’Outre-Quiévrain on ne soit pas en reste : extrait de l'homélie de Dom Coureau, père abbé de l’abbaye bénédictine de Triors, dans la Drôme, publié sur le blog « Salon beige » :
"La piété populaire est plus tenace qu’il n’y paraît, toute fragile qu’elle soit et parfois même bien ambiguë. Elle devance souvent la réflexion de la sagesse théologique qui sort enfin de sa léthargie. Malgré les apparences, la fête de ce jour reste bien ancrée au cœur des masses, plus chrétiennes qu’il n’y paraît. Le journal « La Croix » le reconnaissait récemment (12 août) : près d’un Français sur deux déclare prier la Vierge Marie, indice d’une réelle popularité mariale du pays. Cette popularité n’a jamais cessé, soutient un prêtre, spécialiste en la matière. Elle n’a pratiquement pas suivi les fluctuations de la pratique religieuse qui, elle, s’est affaissée. Les pratiques de piété mariale restent vivaces, chapelet des groupes du Rosaire, pèlerinages et processions de la Vierge vers les hauts-lieux mariaux qui sont considérables et extraordinaires. On pense bien sûr à Lourdes ou à Fourvière, mais aussi à tant de sanctuaires et d’églises, où la Vierge Marie rassemble enfants, adolescents, hommes, femmes, grands-parents, personnes d’origine populaire ou bourgeoise. Marie rebat les cartes des inégalités sociales, souligne encore cet article, avec le fait significatif que Marie apparaît le plus souvent à des gens qui ne sont généralement pas admirés par la société civile : des enfants, des malades, des personnes d’origine sociale plutôt populaire. Avec elle, les petits deviennent grands, conclut-il avec bonheur.
Récemment les évêques de France ont prescrit de jeûner, avant d’instaurer une neuvaine de prière pour la paix, clôturée ce matin par la sonnerie des cloches de nos églises. Cet humble acte de foi et de confiance entend arracher les fidèles à la peur panique que cherche à instaurer le terrorisme actuel : Prière et pénitence, prescrivait déjà Notre Dame à Lourdes. L’archevêque de Rennes voit là une nécessaire réponse à cette « guerre mondiale par morceaux » dont parle souvent le pape François. Prier pour la France, poursuit Mgr d’Ornellas, c’est prier pour que se lèvent des prophètes qui maintiennent en éveil la conscience de la dignité de l’être humain et de sa dimension religieuse. Prier pour la France signifie s’inscrire dans une tradition chrétienne multiséculaire de charité, pour que celle-ci continue d’irriguer les manières de relever de nouveaux défis. La charité n’est pas naïve : elle appelle à un surcroît d’intelligence créatrice et d’engagement social et politique. Charité et justice sont la trace concrète de l’œuvre de l’Esprit en notre histoire chaotique.
Prier Marie dans sa gloire est donc le réflexe de beaucoup en ce temps de menace. Il faut l’entretenir. De même il faut adorer le Saint-Sacrement, surtout là où il est exposé à la piété des fidèles. N’ayez pas peur, continue de nous y dire Jésus. Prions pour nos persécuteurs potentiels, prions pour leur conversion, afin que notre doux Père des cieux leur fasse connaître son Fils tel qu’il est et non tel qu’ils l’imaginent. Il se peut d’ailleurs que les musulmans de bonne foi soient légion, aptes à être intégrés dès lors dans la communion des saints, spécialement ceux d’entre eux qui seraient au Purgatoire ; aptes à être intégrés alors dans l’unique plan du salut, car il n’y a pas d’autre nom que Jésus pour nous sauver (Act. 4,10). Avec eux alors, nous supplions le Bon Dieu par sa Mère glorieuse que le monde ne devienne pas un enfer, car tel n’est pas du tout le plan de Dieu. Par sa miséricorde, il veut au contraire que nous désirions aller au ciel avec Marie qui voit et adore Jésus, amen."
Etudiant en Allemagne, un jésuite argentin découvre un tableau représentant la Vierge qui dénoue les nœuds du genre humain. Il fera connaître cette image, avant d’être élu pape. Un texte de Eric de Beukelaer.
Bavière, fin du XVIIe siècle. L’abbé Jérôme Langenmantel est effondré, parce que son grand-père veut se séparer de son épouse. Le prêtre demande alors à un confrère jésuite de l’aider à l’en dissuader. Ce dernier - le père Jakob Rem - se souvient d’un écrit de saint Irénée de Lyon (130-202) : "Par sa désobéissance, Eve a créé le nœud qui a étranglé le genre humain. Par son obéissance, Marie l’a dénoué. Ce que la vierge Eve a noué par son incrédulité, la Vierge Marie l’a dénoué par sa foi." (Contre les hérésies. III, 22 - 4). Le jésuite prie donc la Vierge Marie de dénouer les nœuds qui étouffent l’amour au sein de ce couple. Sa prière est exaucée. En remerciement, l’abbé Langemantel fera réaliser vers 1700 par Johann Schmidtner, une peinture baroque pour l’église Saint-Pierre à Augsbourg. Celle-ci représente la Vierge en train de dénouer les nœuds du genre humain.
Bavière, années 80 du siècle dernier. Un jésuite argentin étudie en Allemagne et tombe sur ce tableau. L’image le touche au plus profond de son âme. Ce quadragénaire porte-t-il en son cœur des nœuds, qu’il demande à Marie de dénouer ? Nul ne sait, mais rentré au pays, il n’aura de cesse de faire connaître cette image. Il envoyait une reproduction de celle-ci dans chacune de ses correspondances. Nommé évêque, la peinture sera l’image-souvenir de son ordination. Comme cardinal-archevêque de Buenos Aires, il répandra toujours plus la dévotion à "Marie qui dénoue les nœuds". Aujourd’hui, elle est largement diffusée en Amérique latine. A un point tel, que le journal britannique "The Guardian" consacra au phénomène un article, le 24 décembre 2001 : "Vous êtes dans la confusion ? Stressé ? Malheureux ? Dites une prière à Marie qui défait les nœuds", écrit le journaliste Alex Bellos. "En Argentine et au Brésil, la dernière mode religieuse est de vénérer une peinture allemande du XVIIIe siècle […] quasiment inconnue dans son pays d’origine. Mais en Amérique latine, cette image est devenue une icône catholique omniprésente. Au moins deux églises lui furent consacrées l’année dernière, des images en sont distribuées sur les rues et il est même possible d’acheter un "kit" de "Marie qui défait les nœuds", contenant la neuvaine, une feuille de prière, un collier et bracelet."
Le journaliste poursuit en expliquant que la dévotion fut récemment introduite en Amérique latine, où elle connut un immense succès. Ce qu’il omet de préciser, c’est le nom du jésuite qui en fut le promoteur. Il ne pouvait deviner que Jorge Bergoglio serait élu pape douze années plus tard, sous le nom de "François".
Aujourd’hui, le sanctuaire brésilien de Campinas - consacré à "Marie qui défait les nœuds" - rassemble chaque jour 2 000 personnes. Et des églises qui lui sont dédiées s’ouvrent de par le monde (France Ukraine, Autriche, Suisse…).
Cette dévotion est théologiquement solide : L’Esprit est la Liberté. Et Marie se fit accueil du Souffle d’En-Haut, au cœur même de son humanité. Il est donc juste que la Mère de Dieu soit celle qui aide à dénouer les conditionnements du corps et du cœur, qui nous empêchent d’être pleinement nous-même. En cette fête de l’Assomption, prions donc Marie et confions-lui les nœuds qui encombrent notre vie et étouffent notre liberté spirituelle. Prions aussi pour notre Pape et sa mission. Peut-être est-ce justement là que se niche le secret de son pontificat : le pape François ne cherche pas à gouverner à gauche ou à droite. Il veut par-dessus tout contribuer à dénouer les nœuds qui empêchent l’Eglise de témoigner avec authenticité du Christ et de son Evangile. Ô Marie qui défait les nœuds, nous te confions notre Pape et l’Eglise de ton Fils. Puissent les nœuds qui enserrent la barque de Pierre se défaire, afin que l’humanité découvre davantage encore qu’elle est aimée d’un Dieu qui veut - non pas lier - mais délier.
De La Lettre de Paix liturgique n°555 du 12 août :
CARDINAL SARAH (2) : QUELLE ÉTAIT L’INTENTION LITURGIQUE DES PÈRES DU CONCILE VATICAN II ?
Voici la deuxième partie de l'allocution prononcée le 5 juillet 2016 par le cardinal Robert Sarah, Préfet de la Congrégation du culte divin et de la discipline des sacrements, lors des journées Sacra Liturgia 2016. Rappelons que le propos du cardinal est de proposer des pistes concrètes pour « une authentique mise en œuvre de Sacrosanctum Concilium ». Pour ce faire, comme il s'y attache ici, il convient de préciser l'intention avec laquelle les Pères conciliaires ont envisagé la réforme liturgique. En gras figurent des paragraphes non prononcés à Londres mais rajoutés par Son Éminence sur le thème très disputé de « l'inculturation » : les paroles d'un Africain parviendront-elles aux oreilles et, mieux encore, au cœur, des liturgistes européens ?
Nous devons examiner les intentions des Pères du Concile dans le détail, surtout si notre volonté aujourd’hui est de leur être plus fidèles. Qu’ont-ils voulu apporter à travers la Constitution sur la Sainte Liturgie ?
Commençons par le tout premier article de Sacrosanctum Concilium : « Puisque le saint Concile se propose de faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles ; de mieux adapter aux nécessités de notre époque celles des institutions qui sont sujettes à des changements ; de favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ, et de fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Église. »
Souvenons-nous que lorsque le Concile s’ouvrit, la réforme liturgique avait imprégné la réflexion de la décennie qui l’avait précédé, et les Pères en étaient très familiers. Sur cette question, ils n’avaient pas des vues purement théoriques, détachées de tout contexte. Ils espéraient poursuivre le travail déjà commencé et étudier les altiora principia, les principes fondamentaux les plus importants de la réforme liturgique qu’avait évoqués saint Jean XXIII dans le Motu proprio Rubricarum Instructum du 25 juillet 1960.
(source) Jean naquit dans le Brabant, à Diest, en 1599. Il s'adonna aux études classiques à partir de 1612 à Malines ; c'est là qu'il entra dans la Compagnie en 1616.
Envoyé à Rome en 1618 pour y poursuivre ses études, au terme d'une courte maladie, il rendit le dernier soupir dans la joie le 13 août 1621. Sa piété sincère, sa charité sans détours, sa constante bonne humeur l'avait rendu cher à tous. Il a été canonisé par Léon XIII en 1888.
Lettre de saint Jean Berchmans, religieux :
Je m'offre de tout cœur à Jésus-Christ
À l'âge de 17 ans, saint Jean Berchmans, désirant se consacrer à Dieu le plus tôt possible et éviter que ses parents ne fassent obstacle à ses désirs, décida de révéler à ces derniers la résolution qu'il avait prise au fond de son cœur ; aussi leur écrivit-il de Malines la lettre suivante :
« Vénéré père et très chère mère, Il y a déjà trois ou quatre mois que Dieu frappe à la porte de mon cœur, et, jusqu'à un certain point, je la lui ai tenue fermée jusqu'ici. Mais ayant ensuite réfléchi que, soit pendant que j'étudiais, soit que je prenais quelque délassement, que j'allais à la promenade ou que je faisais n'importe quoi, aucune chose ne me venait plus souvent à l'esprit que la pensée de me fixer fermement un état de vie, je me décidai à la fin, et même après beaucoup de communions et de bonnes œuvres préparatoires, je fis vœu de servir, avec sa grâce, Dieu notre Maître, en religion.
Il est vrai que les amis et les parents éprouvent certaine répugnance à se détacher de leurs enfants. Mais, en moi-même, je considère autre chose : si je voyais devant moi, d'un côté mon père, ma mère, ma sœur, etc. et de l'autre côté Dieu notre Maître avec sa Mère, qui est aussi, je l'espère, ma Mère bénie, et que les premiers me diraient : "Ne nous abandonne pas, cher enfant, nous t'en prions par les peines et les fatigues que nous avons endurées pour toi" tandis que, d'autre part, Jésus me dirait : "Suis-moi plutôt, je naquis pour toi, pour toi, je fus flagellé, couronné d'épines et enfin crucifié. Vois-tu ces cinq plaies sacrées, n'est-ce pas pour toi que je les aie reçues ? Et ne sais-tu pas que jusqu'à présent j'ai nourri ton âme de ma chair sainte et je l'ai vivifiée par mon sang sacré ? Et maintenant tu te montrerais si ingrat ?" Ah ! mes très chers parents, quand je considère tout cela, je m'enflamme de telle manière que, s'il m'était possible, je volerais tout de suite en religion, et mon âme et mon cœur ne se donneraient de repos avant qu'ils n'eussent trouvé mon Bien-Aimé.
Ainsi donc, je m'offre de tout cœur à Jésus-Christ et je désire combattre ses combats dans la Compagnie. J'espère que vous ne serez pas à ce point ingrats pour vous opposer à Jésus-Christ.
Je me recommande à vos saintes prières et supplie Dieu, notre Maître, qu'il veuille me donner persévérance jusqu'à la fin de ma vie et qu'il nous accorde, à vous et à moi, la vie éternelle. Le fils obéissant de Jésus-Christ et le vôtre. Jean Berchmans. »
(Lettre du mois d'août 1616 à ses parents. Texte original en flamand dans T. Séverin, s.j., Saint Jean Berchmans, ses écrits . Louvain, 1931, pp. 35-38 ; trad. fr. dans K. Schoeters, s.j., Saint Jean Berchmans, adaptation française par A. Sonet, s.j., Bruxelles, 1949, pp. 67-68.).
Homélie de la messe du lundi 15 août 2005 prononcée par Benoît XVI dans l’église de la paroisse pontificale « San Tommaso da Villanova » de Castelgandolfo :
« […]
Marie a été élevée au ciel corps et âme: même pour le corps, il y a une place en Dieu. Le ciel n'est plus pour nous un domaine très éloigné et inconnu. Dans le ciel, nous avons une mère. C'est la Mère de Dieu, la Mère du Fils de Dieu, c'est notre Mère. Lui-même l'a dit. Il en a fait notre Mère, lorsqu'il a dit au disciple et à nous tous: "Voici ta Mère!". Dans le ciel, nous avons une Mère. Le ciel s'est ouvert, le ciel a un coeur.
Dans l'Evangile, nous avons entendu le Magnificat, cette grande poésie qui s'est élevée des lèvres, et plus encore du coeur de Marie, inspirée par l'Esprit Saint. Dans ce chant merveilleux se reflète toute l'âme, toute la personnalité de Marie. Nous pouvons dire que son chant est un portrait, une véritable icône de Marie, dans laquelle nous pouvons la voir exactement telle qu'elle est. Je voudrais souligner uniquement deux points de ce grand chant. Celui-ci commence par la parole "Magnificat": mon âme "magnifie" le Seigneur, c'est-à-dire "proclame la grandeur" du Seigneur. Marie désire que Dieu soit grand dans le monde, soit grand dans sa vie, soit présent parmi nous tous. Elle n'a pas peur que Dieu puisse être un "concurrent" dans notre vie, qu'il puisse ôter quelque chose de notre liberté, de notre espace vital, par sa grandeur. Elle sait que si Dieu est grand, nous aussi, nous sommes grands. Notre vie n'est pas opprimée, mais est élevée et élargie: ce n'est qu'alors qu'elle devient grande dans la splendeur de Dieu.
Le fait que nos ancêtres pensaient le contraire, constitua le noyau du péché originel. Ils craignaient que si Dieu avait été trop grand, il aurait ôté quelque chose à leur vie. Ils pensaient devoir mettre Dieu de côté pour avoir de la place pour eux-mêmes. Telle a été également la grande tentation de l'époque moderne, des trois ou quatre derniers siècles. On a toujours plus pensé et dit: "Mais ce Dieu ne nous laisse pas notre liberté, il rend étroit l'espace de notre vie avec tous ses commandements. Dieu doit donc disparaître; nous voulons être autonomes, indépendants. Sans ce Dieu, nous serons nous-mêmes des dieux, et nous ferons ce que nous voulons". Telle était également la pensée du fils prodigue, qui ne comprit pas que, précisément en vertu du fait d'être dans la maison du père, il était "libre". Il partit dans des pays lointains et consuma la substance de sa vie. A la fin, il comprit que, précisément parce qu'il s'était éloigné du père, au lieu d'être libre, il était devenu esclave; il comprit que ce n'est qu'en retournant à la maison du Père qu'il pouvait être véritablement libre, dans toute la splendeur de la vie. Il en est de même à l'époque moderne. Avant, on pensait et on croyait que, ayant mis Dieu de côté et étant autonomes, en suivant uniquement nos idées, notre volonté, nous serions devenus réellement libres, nous aurions pu faire ce que nous voulions sans que personne ne nous donne aucun ordre. Mais là où Dieu disparaît, l'homme ne devient pas plus grand; il perd au contraire sa dignité divine, il perd la splendeur de Dieu sur son visage. A la fin, il n'apparaît plus que le produit d'une évolution aveugle, et, en tant que tel, il peut être usé et abusé. C'est précisément ce que l'expérience de notre époque a confirmé.
Ce n'est que si Dieu est grand que l'homme est également grand. Avec Marie, nous devons commencer à comprendre cela. Nous ne devons pas nous éloigner de Dieu, mais rendre Dieu présent; faire en sorte qu'Il soit grand dans notre vie; ainsi, nous aussi, nous devenons divins; toute la splendeur de la dignité divine nous appartient alors. Appliquons cela à notre vie. Il est important que Dieu soit grand parmi nous, dans la vie publique et dans la vie privée. Dans la vie publique, il est important que Dieu soit présent, par exemple, à travers la Croix, dans les édifices publics, que Dieu soit présent dans notre vie commune, car ce n'est que si Dieu est présent que nous pouvons suivre une orientation, une route commune; autrement, les différences deviennent inconciliables, car il n'existe pas de reconnaissance de notre dignité commune. Rendons Dieu grand dans la vie publique et dans la vie privée. Cela veut dire laisser chaque jour un espace à Dieu dans notre vie, en commençant le matin par la prière, puis en réservant du temps à Dieu, en consacrant le dimanche à Dieu. Nous ne perdons pas notre temps libre si nous l'offrons à Dieu. Si Dieu entre dans notre temps, tout notre temps devient plus grand, plus ample, plus riche.
Une seconde observation. Cette poésie de Marie - le Magnificat - est entièrement originale; toutefois, elle est, dans le même temps, un "tissu" composé à partir de "fils" de l'Ancien Testament, à partir de la Parole de Dieu. Et ainsi, nous voyons que Marie était, pour ainsi dire, "chez elle" dans la Parole de Dieu, elle vivait de la Parole de Dieu, elle était pénétrée de la Parole de Dieu. Dans la mesure où elle parlait avec les paroles de Dieu, elle pensait avec les paroles de Dieu, ses pensées étaient les pensées de Dieu. Ses paroles étaient les paroles de Dieu. Elle était pénétrée par la lumière divine et c'est la raison pour laquelle elle était aussi resplendissante, aussi bonne, aussi rayonnante, d'amour et de bonté. Marie vit de la Parole de Dieu, elle est imprégnée de la Parole de Dieu. Et le fait d'être plongée dans la Parole de Dieu, le fait que la Parole de Dieu lui est totalement familière, lui confère également la lumière intérieure de la sagesse. Celui qui pense avec Dieu pense bien, et celui qui parle avec Dieu parle bien. Il possède des critères de jugement valables pour toutes les choses du monde. Il devient savant, sage, et, dans le même temps, bon; il devient également fort et courageux, grâce à la force de Dieu qui résiste au mal et promeut le bien dans le monde.
Et ainsi, Marie parle avec nous, elle nous parle, elle nous invite à connaître la Parole de Dieu, à aimer la Parole de Dieu à vivre avec la Parole de Dieu et à penser avec la Parole de Dieu. Et nous pouvons le faire de façons très diverses: en lisant l'Ecriture Sainte, en particulier en participant à la Liturgie, dans laquelle, au cours de l'année, la Sainte Eglise nous présente tout le livre de l'Ecriture Sainte. Elle l'ouvre à notre vie et le rend présent dans notre vie. Mais je pense également au "Compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique", que nous avons récemment publié, et dans lequel la Parole de Dieu est appliquée à notre vie, interprète la réalité de notre vie, nous aide à entrer dans le grand "temple" de la Parole de Dieu, à apprendre à l'aimer et à être, comme Marie, pénétrés par cette Parole. Ainsi la vie devient lumineuse et nous possédons un critère de base pour notre jugement, nous recevons en même temps la bonté et la force.
Marie est élevée corps et âme à la gloire du ciel et avec Dieu et en Dieu, elle est Reine du ciel et de la terre. Est-elle si éloignée de nous? Bien au contraire. Précisément parce qu'elle est avec Dieu et en Dieu, elle est très proche de chacun de nous. Lorsqu'elle était sur terre, elle ne pouvait être proche que de quelques personnes. Etant en Dieu, qui est proche de nous, qui est même "à l'intérieur" de nous tous, Marie participe à cette proximité de Dieu. Etant en Dieu et avec Dieu, elle est proche de chacun de nous, elle connaît notre coeur, elle peut entendre nos prières, elle peut nous aider par sa bonté maternelle et elle nous est donnée - comme le dit le Seigneur, - précisément comme "mère", à laquelle nous pouvons nous adresser à tout moment. Elle nous écoute toujours, elle est toujours proche de nous, et, étant la Mère du Fils, elle participe de la puissance du Fils, de sa bonté. Nous pouvons toujours confier toute notre vie à cette Mère, qui est proche de tous.
Rendons grâce au Seigneur, en ce jour de fête, pour le don de la Mère et prions Marie, afin qu'elle nous aide à trouver le bon chemin chaque jour. Amen.
CARDINAL SARAH (1) : QU’EST-CE QUE LA SAINTE LITURGIE ?
Le 5 juillet 2016, le cardinal Robert Sarah, Préfet de la Congrégation du Culte divin et de la Discipline des sacrements, a prononcé une allocution, qui était la conférence inaugurale des journées Sacra Liturgia 2016, organisées cette année à Londres, et présidées par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon.
Cette allocution du plus haut intérêt, pourrait être qualifiée de ratzinguérienne et même de méta-ratzinguérienne, avec des inflexions personnelles importantes. Le cardinal Sarah y déploie un véritable programme pour reconsidérer la liturgie de Vatican II. Il s’y livre : - à une réflexion sur l’esprit de la liturgie ; - à une interprétation selon une herméneutique de continuité de la constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium sur la liturgie ; - à une critique mesurée du travail de réforme qui a suivi et à une condamnation claire des abus qui se sont alors répandus ; - il pose ensuite les principes de restauration liturgique nécessaires à une mise en œuvre plus fidèle de Sacrosanctum Concilium dans le contexte actuel ; - enfin, il lance un appel à ses frères prêtres et évêques pour qu'ils orientent leur célébration des saints mystères vers le Seigneur.
Cette invitation à célébrer versus Deum a fait l'effet d'une véritable bombe : non seulement elle concerne tous les prêtres et évêques mais, surtout, comporte surtout une échéance précise, celle du premier dimanche de l’Avent !
De fait, cette conférence a déclenché des réactions ulcérées. À commencer par celle du cardinal Nichols, archevêque de Westminster, diocèse sur le territoire duquel se tenait la conférence, qui adressa aussitôt une lettre à ses prêtres pour les enjoindre à ne pas suivre l’invitation du cardinal Sarah (la majorité des participants à Sacra Liturgia 2016 étaient des prêtres diocésains). Reçu par le Pape François le 9 juillet, à son retour de Londres, le cardinal Sarah fut l'objet, le 11 juillet, d'un stupéfiant communiqué de la Salle de Presse vaticane spécifiant qu'il « n’est pas prévu de nouvelles directives liturgiques à partir du début de la prochaine année liturgique, comme certains l’ont improprement déduit des paroles du Cardinal Sarah ». Pourtant, le même jour, le cardinal Sarah, fort du mandat de « ministre de la liturgie » qu’il tient du Pape, maintenait son appel en publiant sur le site de Sacra Liturgia le « texte officiel » et intégral de son discours de Londres.
Au-delà de cet appel, il n'est pas exagéré de dire que l’ensemble du texte du cardinal Sarah revêt une dimension historique dans le déroulement de l’après-Concile, se situant résolument dans la ligne de l’Entretien sur la foi donné par le cardinal Ratzinger à Vittorio Messori (Fayard, 1985) et de tout l’enseignement de Joseph Ratzinger, et ensuite du Pape Benoît XVI, sur la liturgie. Avec, chez le disciple, une détermination qu’on ne trouvait pas toujours chez le maître.
Il nous a paru important de vous proposer, au cours de ce mois d’août, l’essentiel de ce texte dont l’intitulé – « Vers une authentique mise en œuvre de Sacrosanctum Concilium » – exprime bien l’idée maîtresse de ces journées liturgiques inaugurées par le cardinal Sarah. Nous le ferons en cinq livraisons correspondant aux grandes articulations de ce discours :