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Histoire - Page 2

  • Pierre-Joseph Triest : un prêtre belge en voie vers la béatification ?

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    De Vincent Delcorps sur Cathobel :

    Le prêtre belge Pierre-Joseph Triest reconnu vénérable par l’Eglise!

    Le prêtre belge Pierre-Joseph Triest reconnu vénérable par l’Eglise!
    Le père Triest est parfois considéré comme le "saint Vincent de Paul" belge ©Postulatio P.J. Triest
     

    La nouvelle était attendue de longue date: ce lundi, le Vatican annonce la promulgation d'un décret reconnaissant les vertus héroïques de Pierre-Joseph Triest. Une étape-clé sur le chemin d'une possible canonisation.

    Pierre-Joseph Triest est né en 1760 à Bruxelles et mort en 1836 à Gand. Ordonné prêtre en 1786, il est nommé curé à Renaix en 1796. Les suites de la Révolution française et de l'annexion des territoires "belges" à la France le contraignent ensuite à vivre son ministère dans la clandestinité durant quelques années.

    Un grand fondateur

    Sa vie est marquée par une profonde attention aux plus précaires, et notamment aux personnes malades. C'est cette attention qui l'amènera à devenir un grand fondateur. En 1803, rassemblant autour de lui des femmes désireuses de se mettre au service des malades et des pauvres, Pierre-Joseph Triest fonde les Soeurs de la charité de Jésus et de Marie. Quatre ans plus tard, il fonde la congrégation des frères de la charité, qui se distinguera par son travail au service des personnes souffrant de maladie mentale. Par la suite, il fondera encore la congrégation des frères de saint Jean de Dieu (1823) et la congrégation des soeurs de l'enfance de Jésus (1835).

    "Nous continuons à prier"

    C'est le frère René Stockman, Belge et supérieur général de la Congrégation des Frères de la Charité, qui est promoteur de la cause en béatification de l'abbé Triest. En 2020, il expliquait à Belgicatho que la "positio" (travail de synthèse, fruit d'une importante recherche consacrée à la vie de la personne) avait été remise au Vatican. "C’était difficile, avec tout le matériel qui avait été collecté (...) de respecter les 500 pages imposées pour la positio. Mais ça a marché." Le frère Stockman se positionnait aussi sur la suite: "Nous sommes confiants. Mais surtout, nous continuons à prier quotidiennement pour la béatification de notre bien-aimé Fondateur. Et quand il y a des exaucements à rapporter, n’oubliez pas de les transmettre avec une courte description. Toujours dans l’espoir qu’un vrai miracle puisse se produire."

    En attendant un miracle...

    Ce 14 avril, le Vatican annonce donc qu'"au cours de l’Audience accordée à Son Éminence Révérendissime le Cardinal Marcello Semeraro, Préfet du Dicastère pour les Causes des Saints, le Souverain Pontife a autorisé ledit Dicastère à promulguer" différents décrets, et notamment celui concernant les vertus héroïques de l'abbé Triest. Il s'agit là d'une reconnaissance officielle du fait que celui-ci possédait les vertus chrétiennes à un degré exceptionnel.

    Le frère René Stockman n'a pas manqué de réagir, ce jour, à cette grande nouvelle, remerciant le premier postulateur, Frère Eugeen Geysen, aujourd'hui décédé, ainsi que le postulateur actuel, le Dr Waldery Hilgeman. "Nos remerciements vont également à tous ceux qui ont participé à la transcription des nombreux documents, aux témoignages, aux membres de la commission historique, et aux archivistes des congrégations." Et l'homme de rappeler que "le titre de 'Vénérable' est un titre permanent par lequel Pierre Joseph Triest est désormais officiellement reconnu par le Saint-Siège."

    Prochaine étape: la béatification? Avant la canonisation? Possible... Mais pour ouvrir ces perspectives nouvelles, encore faudra-t-il obtenir la reconnaissance d'un miracle dû à l'intercession de l'abbé Triest.

  • 8 avril 2005 : l'homélie du cardinal Ratzinger lors des funérailles de Jean-Paul II

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    OBSÈQUES DU SOUVERAIN PONTIFE JEAN-PAUL II

    HOMÉLIE DU CARD. JOSEPH RATZINGER

    (source)

    Place Saint-Pierre
    Vendredi 8 avril 2005

    «Suis-moi», dit le Seigneur ressuscité à Pierre; telle est sa dernière parole à ce disciple, choisi pour paître ses brebis. «Suis-moi» – cette parole lapidaire du Christ peut être considérée comme la clé pour comprendre le message qui vient de la vie de notre regretté et bien-aimé Pape Jean-Paul II, dont nous déposons aujourd’hui le corps dans la terre comme semence d’immortalité - avec le cœur rempli de tristesse, mais aussi de joyeuse espérance et de profonde gratitude.

    Tels sont les sentiments qui nous animent, Frères et Sœurs dans le Christ, présents sur la place Saint Pierre, dans les rues adjacentes et en divers autres lieux de la ville de Rome, peuplée en ces jours d’une immense foule silencieuse et priante. Je vous salue tous cordialement. Au nom du Collège des Cardinaux, je désire aussi adresser mes salutations respectueuses aux Chefs d’État, de Gouvernement et aux délégations des différents pays. Je salue les Autorités et les Représentants des Églises et des Communautés chrétiennes, ainsi que des diverses religions. Je salue ensuite les Archevêques, les Évêques, les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles, venus de tous les continents; et de façon particulière les jeunes, que Jean-Paul II aimait définir comme l'avenir et l’espérance de l’Église. Mon salut rejoint également tous ceux qui, dans chaque partie du monde, nous sont unis par la radio et la télévision, dans cette participation unanime au rite solennel d’adieu à notre Pape bien-aimé.

    Suis-moi – depuis qu’il était jeune étudiant Karol Wojtyła s’enthousiasmait pour la littérature, pour le théâtre, pour la poésie. Travaillant dans une usine chimique, entouré et menacé par la terreur nazie, il a entendu la voix du Seigneur: Suis-moi! Dans ce contexte très particulier il commença à lire des livres de philosophie et de théologie, il entra ensuite au séminaire clandestin créé par le Cardinal Sapieha et, après la guerre, il put compléter ses études à la faculté de théologie de l’université Jagellon de Cracovie. Très souvent, dans ses lettres aux prêtres et dans ses livres autobiographiques, il nous a parlé de son sacerdoce, lui qui fut ordonné prêtre le 1er novembre 1946. Dans ces textes, il interprète son sacerdoce en particulier à partir de trois paroles du Seigneur. Avant tout celle-ci: «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure» (Jn 15, 16). La deuxième parole est celle-ci: «Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis» (Jn 10, 11). Et finalement: «Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour» (Jn 15, 9). Dans ces trois paroles, nous voyons toute l’âme de notre Saint-Père. Il est réellement allé partout, et inlassablement, pour porter du fruit, un fruit qui demeure. «Levez-vous, allons!», c’est le titre de son avant-dernier livre. «Levez-vous, allons!» – par ces paroles, il nous a réveillés dÂ’une foi fatiguée, du sommeil des disciples d’hier et d’aujourd’hui. «Levez-vous, allons!» nous dit-il encore aujourd’hui. Le Saint-Père a été ensuite prêtre jusqu’au bout, parce qu’il a offert sa vie à Dieu pour ses brebis, et pour la famille humaine tout entière, dans une donation de soi quotidienne au service de l’Église et surtout dans les épreuves difficiles de ces derniers mois. Ainsi, il s’est uni au Christ, le bon pasteur qui aime ses brebis. Et enfin, «demeurez dans mon amour»: le Pape, qui a cherché la rencontre avec tous, qui a eu une capacité de pardon et d’ouverture du cœur pour tous, nous dit, encore aujourd’hui, avec ces différentes paroles du Seigneur: en demeurant dans l’amour du Christ nous apprenons, à l’école du Christ, l’art du véritable amour.

    Suis-moi! En juillet 1958, commence pour le jeune prêtre Karol Wojtyła une nouvelle étape sur le chemin avec le Seigneur et à la suite du Seigneur. Karol s’était rendu comme d’habitude avec un groupe de jeunes passionnés de canoë aux lacs Masuri pour passer des vacances avec eux. Mais il portait sur lui une lettre qui l’invitait à se présenter au Primat de Pologne, le Cardinal Wyszyński et il pouvait deviner le but de la rencontre: sa nomination comme évêque auxiliaire de Cracovie. Laisser lÂ’enseignement académique, laisser cette communion stimulante avec les jeunes, laisser le grand combat intellectuel pour connaître et interpréter le mystère de la créature humaine, pour rendre présent dans le monde d’aujourd’hui l’interprétation chrétienne de notre être – tout cela devait lui apparaître comme se perdre soi-même, perdre précisément ce qui était devenu l’identité humaine de ce jeune prêtre. Suis-moi – Karol Wojtyła accepta, entendant la voix du Christ dans l’appel de l’Église. Et il a compris ensuite jusqu’à quel point était vraie la parole du Seigneur: «Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera» (Lc 17, 33). Notre Pape – nous le savons tous – n’a jamais voulu sauvegarder sa propre vie, la garder pour lui; il a voulu se donner lui-même sans réserve, jusqu’au dernier instant, pour le Christ et de ce fait pour nous aussi. Il a fait ainsi l’expérience que tout ce qu’il avait remis entre les mains du Seigneur lui était restitué de manière nouvelle. Son amour du verbe, de la poésie, des lectures, fut une part essentielle de sa mission pastorale et a donné une nouvelle fraîcheur, une nouvelle actualité, un nouvel attrait à l’annonce de l’Évangile, même lorsque ce dernier est signe de contradiction.

    Suis-moi ! En octobre 1978, le Cardinal Wojtyła entendit de nouveau la voix du Seigneur. Se renouvelle alors le dialogue avec Pierre, repris dans l’Évangile de cette célébration: «Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? Sois le pasteur de mes brebis !» À la question du Seigneur, Karol, m’aimes-tu ? l’Archevêque de Cracovie répond du plus profond de son cœur: «Seigneur, tu sais tout: tu sais bien que je t’aime». L’amour du Christ fut la force dominante de notre bien-aimé Saint-Père; ceux qui l’ont vu prier, ceux qui l’ont entendu prêcher, le savent bien. Ainsi, grâce à son profond enracinement dans le Christ, il a pu porter une charge qui est au-delà des forces purement humaines: être le pasteur du troupeau du Christ, de son Église universelle. Ce n’est pas ici le moment de parler des différents aspects d’un pontificat aussi riche. Je voudrais seulement relire deux passages de la liturgie de ce jour, dans lesquels apparaissent des éléments centraux qui l’annoncent. Dans la première lecture, saint Pierre nous dit – et le Pape le dit aussi avec saint Pierre: «En vérité, je le comprends: Dieu ne fait pas de différence entre les hommes; mais, quelle que soit leur race, il accueille les hommes qui l’adorent et qui font ce qui est juste. Il a envoyé la Parole aux fils d’Israël, pour leur annoncer la paix par Jésus Christ : c’est lui, Jésus, qui est le Seigneur de tous» (Ac 10, 34-36). Et, dans la deuxième lecture, – saint Paul, et avec saint Paul notre Pape défunt – nous exhorte à haute voix : «Mes frères bien-aimés que je désire tant revoir, vous, ma joie et ma récompense; tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés» (Ph 4, 1).

    Suis-moi ! En même temps qu’il lui confiait de paître son troupeau, le Christ annonça à Pierre son martyre. Par cette parole qui conclut et qui résume le dialogue sur l’amour et sur la charge de pasteur universel, le Seigneur rappelle un autre dialogue, qui s’est passé pendant la dernière Cène. Jésus avait dit alors : «Là où je m’en vais, vous ne pouvez pas y aller». Pierre lui dit : «Seigneur, où vas-tu ?». Jésus lui répondit : « Là où je m’en vais, tu ne peux pas me suivre pour l’instant; tu me suivras plus tard» (Jn 13, 33.36). Jésus va de la Cène à la Croix, et à la Résurrection – il entre dans le mystère pascal; Pierre ne peut pas encore le suivre. Maintenant – après la Résurrection – ce moment est venu, ce «plus tard». En étant le Pasteur du troupeau du Christ, Pierre entre dans le mystère pascal, il va vers la Croix et la Résurrection. Le Seigneur le dit par ces mots, «Quand tu étais jeune ... tu allais où tu voulais, mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller» (Jn 21, 18). Dans la première période de son pontificat, le Saint-Père, encore jeune et plein de force, allait, sous la conduite du Christ, jusqu'aux confins du monde. Mais ensuite il est entré de plus en plus dans la communion aux souffrances du Christ, il a compris toujours mieux la vérité de ces paroles: «C’est un autre qui te mettra ta ceinture ...». Et vraiment, dans cette communion avec le Seigneur souffrant, il a annoncé infatigablement et avec une intensité renouvelée l’Évangile, le mystère de l’amour qui va jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1).

    Il a interprété pour nous le mystère pascal comme mystère de la Divine miséricorde. Il écrit dans son dernier livre la limite imposée au mal «est en définitive la Divine miséricorde» (Mémoire et identité, p. 71). Et en réfléchissant sur l’attentat, il affirme : «En souffrant pour nous tous, le Christ a conféré un sens nouveau à la souffrance, il l’a introduite dans une nouvelle dimension, dans un nouvel ordre: celui de l’amour [...]. C’est la souffrance qui brûle et consume le mal par la flamme de l’amour et qui tire aussi du péché une floraison multiforme de bien» (ibid., p. 201-202).

    Animé par cette perspective, le Pape a souffert et aimé en communion avec le Christ et c’est pourquoi le message de sa souffrance et de son silence a été si éloquent et si fécond.

    Divine miséricorde : le Saint-Père a trouvé le reflet le plus pur de la miséricorde de Dieu dans la Mère de Dieu. Lui, qui tout jeune avait perdu sa mère, en a d’autant plus aimé la Mère de Dieu. Il a entendu les paroles du Seigneur crucifié comme si elles lui étaient personnellement adressées: «Voici ta Mère». Et il a fait comme le disciple bien-aimé : il l’a accueillie au plus profond de son être (eis ta idia : Jn 19, 27) – Totus tuus. Et de cette Mère il a appris à se conformer au Christ.

    Pour nous tous demeure inoubliable la manière dont en ce dernier dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction Urbi et Orbi. Nous pouvons être sûrs que notre Pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. Oui, puisses-tu nous bénir, Très Saint Père, nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère, qui t’a conduit chaque jour et te conduira maintenant à la gloire éternelle de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur. Amen.

  • Saint Jean-Baptiste de la Salle (7 avril) (KTO)

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    Pourquoi surnommait-on notre saint « Monsieur ailleurs » ? On l'aura compris, parce que, ne tenant point en place, véritable ambassadeur de l'amour de l'homme pour l'homme, saint Jean-Baptiste de la Salle conjugua le verbe aimer aux quatre coins d'une France perturbée où la Régence ne tardera pas à succéder à la mort du roi Louis XIV. Sa devise : « Souris au monde et le monde te sourira ». Convaincu qu'on ne peut chasser la solitude que par la solidarité, il n'a de cesse de prêcher que le monde est à aimer « avec les yeux de la foi ». Stupéfiante personnalité que celle de saint Jean-Baptiste de la Salle, dont la Communauté des Frères des Écoles Chrétiennes est, de nos jours, plus prospère que jamais : présence effective dans 79 pays du monde, 90.000 éducateurs, en partie laïcs, 4.500 frères et un million d'élèves et étudiants de tous âges, un millier d'oeuvres éducatives lasalliennes, enfin, qui prennent leur place du jardin d'enfants aux centres universitaires. « Une communauté qui s'ouvre à de jeunes hommes dont le coeur se laisse pénétrer par des vents de grand large ». Où l'on constate que saint Jean-Baptiste de La Salle ne manqua point de courage. Qui a dit que les saints sont devenus des saints parce qu'ils ont eu le courage de recommencer tous les jours ? Mais, ce courage, mot que d'aucuns traduiront par « volonté de fer », contraste paradoxalement, comme on le verra, avec une sensibilité exacerbée. Jean-Baptiste de La Salle est incontestablement une personnalité hors du commun devant laquelle on se sent tout petit. Mais, rassurons-nous : ce n'est pas péché mortel que de se sentir tout petit. Aucun péché n'est mortel, d'ailleurs. Ce qui est mortel, c'est d'oublier de vivre.
  • Quand le Père de Clorivière décryptait les temps apocalyptiques que nous vivons

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    De Don Pio Pace sur Res Novae :

    La Révolution, un événement de l’Apocalypse

    EXPLICATION LITTÉRALE DU TEXTE DE L’APOCALYPSE - Tome I

    Les éditions Saint-Rémi publient depuis l’an passé l’Explication littérale du texte de l’Apocalypse du P. Pierre Picot de Clorivière, grand mystique jésuite à la personnalité exceptionnelle (5 volumes parus à ce jour). Le manuscrit en sept volumes reliés de cuir était déposé aux archives de France de la Compagnie de Jésus. Ce commentaire du dernier livre du Nouveau Testament jamais publié, était souvent évoqué, cité par bribes, il avait seulement fait l’objet de quelques copies dactylographiées avant la dernière guerre au sein de l’Institut du Cœur de Jésus à la diffusion très restreinte.

    Pierre de Clorivière, né à Saint-Malo en 1735, avait fait ses vœux définitifs dans la Compagnie de Jésus la veille du jour où elle fut supprimée, en 1773. Il resta en France durant la Révolution, exerçant un apostolat clandestin. Il constitua avec quelques prêtres un institut de religieux « dans le monde », la Société du Cœur de Jésus, et avec Adélaïde-Marie Champion de Cicé une Société du Cœur de Marie. Emprisonné de 1804 à 1809, parce que soupçonné d’avoir participé au complot de la machine infernale contre le premier consul (auquel son neveu, Joseph Pierre Picot de Limoëlan avait effectivement participé), il fut ensuite chargé de la restauration en France de la Compagnie et mourut en 1820 laissant une œuvre spirituelle marquante.

    Ce mystique fut aussi un des penseurs contre-révolutionnaires français, mais dans une veine spirituelle. Ses Études sur la Révolution ont été publiées en 1926 dans Pierre de Clorivière, contemporain et juge de la Révolution, 1735-1820, avec une préface de René Bazin. Clorivière y examinait la Déclaration des Droits de l’Homme (dans ses versions de 1789 et de 1798), dénonçant notamment le droit de la manifestation libre des opinions (« liberté qui nous affranchit de tout devoir envers Dieu et envers nous-mêmes »), la loi conçue comme expression de la volonté générale (« nos législateurs rejettent la loi naturelle, la loi divine et la plupart des lois humaines »), l’affirmation que la souveraineté réside dans la nation (« la souveraineté appartient tellement au peuple qu’elle ne dérive pas de la volonté libre de Dieu »), et concluant au caractère objectivement satanique de la Révolution : « Depuis la naissance du christianisme, depuis le commencement du monde, il ne s’est point vu, en réalité, de révolution où l’impiété se soit montrée si à découvert […]. Le peuple français dans toute sa vie publique ne connaît plus son Dieu. » Un tel jugement sur le satanisme de cet événement déprédateur se retrouve d’ailleurs chez d’autres auteurs contemporains, La Harpe dans Le triomphe de la Religion ou le Roi martyr (« Et la France sans Roi, sans autel et sans prêtres/Aura pour dieu Satan et ses agens pour maîtres ») ou Chateaubriand dans Les Martyrs où il imagine le peuple des damnés préfigurant celui de la Révolution.

    Le commentaire de l’Apocalypse, que le P. de Clorivière appelle « l’histoire prophétique de l’Église », écrit entre 1792 et 1808, est une occasion de reprendre ce thème à propos du cinquième âge[1] et du sixième âge[2] de l’Église. Le cinquième âge correspond dans l’Explication à cette époque dont Clorivière pense voir la fin : « L’hérésie de Luther et une foule d’autres hérésies qui vinrent à sa suite » ont causé une dévastation déplorable en Occident ; le Concile de Trente a valeureusement réagi sur l’ordre de Dieu, d’où un âge de saints avec « la pratique de l’oraison, la fréquentation des sacrements » ; mais le protestantisme a évolué vers l’indifférentisme et ouvert la voie à « l’incrédulité moderne décorée du nom de philosophie » ; et à travers elle a surgi la Révolution avec les ravages qu’elle cause, la persécution de la foi chrétienne, l’apostasie officielle.

    Mais « l’effusion de la fiole du cinquième âge n’est pas encore complète », écrit Clorivière en 1803. Il considère que sa description du sixième âge, au moment où il écrit, est pour le futur, après un temps de répit : viendra une révolution développant celle de 1789. « Il faut que cette révolution, non seulement renverse l’ordre établi dans la société civile, mais encore qu’elle ne respecte pas davantage cette société surnaturelle et divine que Jésus-Christ a établi sur la terre. » L’Apocalypse parle du soleil qui deviendra « noir comme un cilice » : la lumière de Jésus-Christ sera obscurcie par les « tourbillons de poussière » levés par les mécréants. De nombreuses étoiles qui tomberont du ciel : l’Église est ce ciel d’où tombent les étoiles, commente Clorivière, et celles-ci sont ces hommes dont les fonctions étaient supérieures à celles des anges, autrement dit les évêques, que Clorivière évite de désigner comme tels. Ces hommes, que Jésus-Christ « avait spécialement choisis pour être ses Ministres, ses Envoyés, ses Ambassadeurs », abandonnent le haut rang qu’ils tiennent auprès de Dieu pour se précipiter « dans la fange des choses de la terre ».

    Mais non pas toutes les étoiles, « parce qu’autrement les portes de l’Enfer auraient prévalu contre l’Église, ce qui est impossible », mais cependant un très grand nombre de chefs. D’où « on peut conjecturer avec quelque certitude, que, parmi les simples fidèles, la prévarication sera presque générale ».

    Au moment où il écrivait, le P. de Clorivière, souhaitant le retour des Bourbons, espérait donc un période de répit pour l’Église qui reprendrait sa splendeur avec des pasteurs en tout conformes à l’idéal tridentin. Comme tous les auteurs contre-révolutionnaires, Maistre par exemple, il souhaitait un resserrement autour de l’Église de Rome et une exaltation du pape infaillible (les sept tonnerres du sixième âge, Apoc. 10, 3, symbolisent les décrets infaillibles des Souverains Pontifes), sentiments qui formeront le contexte de ce que sera la papauté du XIXe siècle, sous Pie IX spécialement. Clorivière dans son 7ème volume imaginait même un concile général réformateur comme celui de Trente. Annonçait-il sans le savoir le premier concile du Vatican ? Ou bien à plus long terme un troisième concile du Vatican ? Sûrement pas le deuxième.


    [1] Explication littérale du texte de l’Apocalypse, op. cit. , t. 1, pp. 319-351.

    [2] Explication littérale du texte de l’Apocalypse, op. cit. , t. 2, pp. 82-233.

  • Saint Isidore de Séville (4 avril) : se consacrer à la contemplation sans se refuser à la vie active

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    De BENOÎT XVI,  lors de l'audience générale du mercredi 18 juin 2008 (source) :

    L'enseignement de saint Isidore de Séville sur les relations entre vie active et vie contemplative

    Chers frères et sœurs,

    Je voudrais parler aujourd'hui de saint Isidore de Séville:  il était le petit frère de Léandre, évêque de Séville, et grand ami du Pape Grégoire le Grand. Ce fait est important, car il permet de garder à l'esprit un rapprochement culturel et spirituel indispensable à la compréhension de la personnalité d'Isidore. Il doit en effet beaucoup à Léandre, une personne très exigeante, studieuse et austère, qui avait créé autour de son frère cadet un contexte familial caractérisé par les exigences ascétiques propres à un moine et par les rythmes de travail demandés par un engagement sérieux dans l'étude. En outre, Léandre s'était préoccupé de prédisposer le nécessaire pour faire face à la situation politico-sociale du moment:  en effet, au cours de ces décennies les Wisigoths, barbares et ariens, avaient envahi la péninsule ibérique et s'étaient emparé des territoires qui avaient appartenu à l'empire romain. Il fallait donc les gagner à la romanité et au catholicisme. La maison de Léandre et d'Isidore était fournie d'une bibliothèque très riche en œuvres classiques, païennes et chrétiennes. Isidore, qui se sentait attiré simultanément vers les unes et vers les autres, fut donc éduqué à développer, sous la responsabilité de son frère aîné, une très grande discipline en se consacrant à leur étude, avec discrétion et discernement.

    Dans l'évêché de Séville, on vivait donc dans un climat serein et ouvert. Nous pouvons le déduire des intérêts culturels et spirituels d'Isidore, tels qu'ils  apparaissent  dans  ses œuvres elles-mêmes, qui comprennent une connaissance encyclopédique de la culture classique païenne et une connaissance approfondie de la culture chrétienne. On explique ainsi l'éclectisme qui caractérise la production littéraire d'Isidore, qui passe avec une extrême facilité de Martial à Augustin, de Cicéron à Grégoire le Grand. La lutte intérieure que dut soutenir le jeune Isidore, devenu successeur de son frère Léandre sur la chaire épiscopale de Séville en 599, ne fut pas du tout facile. Peut-être doit-on précisément à cette lutte constante avec lui-même l'impression d'un excès de volontarisme que l'on perçoit en lisant  les œuvres  de ce grand auteur, considéré comme le dernier des Pères chrétiens de l'antiquité. Quelques années après sa mort, qui eut lieu en 636, le Concile de Tolède de 653 le définit:  "Illustre maître de notre époque, et gloire de l'Eglise catholique".

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  • La chasse au christianisme est toujours ouverte

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    De Robert Barron sur First Things :

    La chasse au christianisme est toujours ouverte

     

    Tout comme les hirondelles reviennent chaque printemps à Capistrano, on peut compter sur les médias d'élite pour publier des articles démystifiant le christianisme précisément à la période la plus sacrée du calendrier chrétien. Dans l'édition du 31 mars du  New Yorker ,  Adam Gopnik publie une longue critique  du dernier livre d'Elaine Pagels,  Miracles and Wonder: The Historical Mystery of Jesus . Pagels, spécialiste du gnosticisme ancien, remet en question le christianisme orthodoxe depuis des décennies. L'article, profondément élogieux, de Gopnik est une leçon magistrale de condescendance envers une religion qui compte 2,4 milliards d'adeptes dans le monde. Dans une évaluation objective d'un texte controversé, on pourrait s'attendre à ce que l'auteur prenne au moins en compte certains points de vue dissidents. Pourtant, dans un article de fond, Gopnik cite de nombreux érudits qui soutiennent le scepticisme de Pagels, mais aucun expert biblique qui épouse la foi chrétienne. S'il m'avait posé la question, j'aurais peut-être recommandé N.T. Wright, Ben Witherington III, Brant Pitre, James DG Dunn, Richard Bauckham, Gary Anderson ou Matthew Levering – qui contesteraient tous avec véhémence les conclusions de Pagels. Mais il ne s'agit pas ici d'une recherche honnête ; il s'agit d'attaquer le christianisme. 

    Gopnik, suivant Pagels, parle des « sources étonnamment incertaines qui semblent relater les événements de la vie et de la mort de Jésus ». En réalité, la tradition manuscrite des Évangiles et des épîtres de Paul nous fournit plus d'informations historiquement fiables que sur pratiquement toute autre figure du monde antique – plus que sur Jules César, Alexandre le Grand ou Hammurabi. Mais qui doute de l'historicité fondamentale des récits entourant ces illustres ? 

    Ce à quoi nous avons affaire chez les sceptiques n'est pas une historiographie objective, mais un profond préjugé contre le surnaturel, né du rationalisme des Lumières. Gopnik balaye les textes chrétiens centraux d'un revers de main tristement typique : « Le plus important, ce sont les quatre Évangiles, écrits en grec quelque quarante à soixante ans après la Crucifixion supposée. » Premièrement, je ne vois absolument pas quel rapport la langue a avec la réalité de ce qui est décrit. Un récit de la Révolution française en anglais, celui d'Edmund Burke par exemple, n'aurait-il rien de vrai à dire sur ce qui s'est passé à Paris en 1789 ? De plus, comme les évangélistes souhaitaient que le message du Christ soit largement diffusé, ils se sont naturellement tournés vers le grec, la  lingua franca  de l'époque et du lieu, la langue parlée à la fois par l'élite culturelle et par une grande partie de la classe marchande. 

    Mais surtout, je ne vois pas pourquoi le fait qu'ils aient été écrits des décennies après la Crucifixion compromettrait nécessairement la fiabilité historique des Évangiles. Un récit de l'assassinat de JFK, écrit, par exemple, en 2003, n'aurait-il rien de véridique à dire sur ce qui s'est passé le 22 novembre 1963 ? Même si l'auteur de ce texte n'était pas présent ce jour-là à Dallas, il se serait vraisemblablement appuyé sur une multitude de preuves provenant directement ou indirectement de témoins oculaires. Et c'est précisément ce que nous avons dans les Évangiles. Écoutez ce que saint Luc, par exemple, écrit dans le prologue de son Évangile : « Puisque plusieurs ont entrepris de consigner par écrit les événements qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le commencement, ont été témoins oculaires et serviteurs de la Parole… j'ai décidé d'écrire un récit par écrit. » Si l’exigence de véracité historique est que l’auteur d’un texte ait été lui-même témoin des événements décrits, nous exclurions 99 pour cent des récits historiques dont nous disposons. 

    Un autre argument utilisé par Pagels et Gopnik remonte à James George Frazer et ses collègues au XIXe siècle. Il s'agit de l'affirmation selon laquelle les récits de la Résurrection dans les Évangiles ne sont que des itérations du vieux trope mythique du héros mourant et ressuscitant, que l'on retrouve dans d'innombrables religions. Le problème est que cette tentative de « démystification » a elle-même été démystifiée il y a longtemps. Même un examen superficiel de la littérature pertinente révèle la différence entre les récits mythiques, détachés de l'histoire et purement archétypiques, et les récits évangéliques, historiquement précis et corrélés à l'expérience de témoins identifiables. L'une des démarcations les plus révélatrices est la suivante : il n'existe pas d'évangélistes des figures manifestement mythiques d'Osiris, de Dionysos ou d'Hercule, mais les évangélistes de la Résurrection de Jésus ont parcouru le monde et ont péri en proclamant la véracité de leur message. Comme l’a dit CS Lewis : « Ceux qui pensent que le christianisme n’est qu’un mythe de plus n’ont pas lu beaucoup de mythes. » 

    Gopnik semble très satisfait de la manière dont le christianisme a inversé les attitudes envers la souffrance et les rapports de force dans le monde antique. Il rejoint ici l'historien populaire Tom Holland, qui a soutenu avec conviction que nombre des valeurs que nous tenons pour acquises et que nous considérons comme universelles – les droits de l'homme, la dignité de l'individu, la compassion envers la victime, etc. – sont en réalité spécifiques au christianisme. Mais Gopnik est beaucoup moins séduit par ce qu'il appelle une « interprétation apocalyptique du Nouveau Testament », qui rend « la logique du sang du christianisme d'une clarté troublante ». Il fait référence à la doctrine selon laquelle la mort de Jésus sur la croix était un sacrifice qui a satisfait la soif de sang de Dieu le Père et nous a ainsi sauvés de nos péchés. 

    Il aurait peut-être bénéficié d'une conversation avec un chrétien sérieux qui aurait pu clarifier les choses. L'Évangile de Jean insiste on ne peut plus sur le fait que le Père n'a pas envoyé le Fils dans le monde par colère ; au contraire, « Dieu a tant aimé le monde qu'il a envoyé son Fils unique. » De plus, le Dieu parfait n'a nul besoin de sacrifice pour compenser un défaut ou changer un état émotionnel désagréable dans lequel il se trouve. Gopnik cite William Empson selon lequel la doctrine de la croix dépeint « un cosmos gouverné par une divinité irrationnelle dont la rage envers l'humanité ne peut être apaisée que par la torture et la mort de son fils. » Eh bien, ce n'est qu'une caricature absurde. Ce qui plaît au Père, c'est l'obéissance du Fils, qui porte l'amour divin jusqu'aux limites de l'abandon, en allant jusqu'à la mort pour sauver les perdus. 

    L'attaque la plus outrancière de Gopnik contre le christianisme est peut-être son adhésion à l'affirmation de Candida Moss selon laquelle le christianisme primitif ne s'est pas « forgé dans la souffrance », que l'âge du martyre est une fiction historique équivalant à un « culte de la victimisation ». Eh bien, dites cela à saint Étienne, à saint Pierre et à saint Paul (en fait à tous les apôtres sauf saint Jean), à tous les papes du premier siècle, à saint Polycarpe, à saint Justin, à saint Cyprien de Carthage, à saint Laurent, à saint Sébastien, à sainte Lucie, à sainte Cécile, à sainte Agathe, aux saintes Félicité et Perpétue – une infime fraction de ceux qui furent tués lors des persécutions brutales des premiers siècles de l'Église. Il ne s'agissait pas d'un culte de la victimisation ; il s'agissait de véritables victimes dont le témoignage courageux a grandement contribué à la propagation du christianisme. 

    Une dernière observation, dont je me rends compte qu'elle est plus que provocatrice : pourquoi, je me le demande, n'y a-t-il pas d'articles similaires sur l'islam publiés pendant le Ramadan ? Pourquoi l'Upper East Side ne fait-il pas preuve de condescendance envers le Coran, livre sacré pour 1,8 milliard de personnes ? Les questions se répondent d'elles-mêmes, bien sûr. Pourtant, la chasse au christianisme est toujours ouverte. Alors même que Pagels et Gopnik ressasse de vieux arguments éculés, le christianisme connaît un renouveau plutôt surprenant en Occident, surtout chez les jeunes. J'y trouve une bonne dose d'espoir pour Pâques. 

  • Le pape saint Jean-Paul II, docteur de l’Église ?

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    De George Weigel sur le NCR :

    Le pape saint Jean-Paul II, docteur de l’Église ?

    COMMENTAIRE : Vingt ans après la mort de Jean-Paul II, il est trop tôt pour le déclarer docteur de l'Église. Il n'est cependant pas trop tôt pour imaginer pourquoi un tel honneur pourrait lui être accordé à l'avenir.

    L'Église catholique fait preuve d'une patience prudente lorsqu'elle décerne le titre de « Docteur de l'Église » à ses plus grands maîtres. Aussi lumineuse que puisse paraître l'explication des vérités de la foi catholique donnée par quelqu'un à son époque, l'efficacité de cet enseignement ne peut être testée que sur des générations, parfois des siècles. C'est particulièrement vrai pour les saints qui ont élargi la compréhension de l'Église, déconcertant certains au passage. 

    Il a donc fallu 294 ans à Thomas d’Aquin, un innovateur théologique de son époque, pour être reconnu comme docteur de l’Église.

    Vingt ans après la mort de Jean-Paul II, le 2 avril 2005, il est prématuré de déclarer saint Jean-Paul II docteur de l'Église. Il est cependant encore temps d'imaginer pourquoi un tel honneur pourrait lui être accordé à l'avenir. Cinq raisons s'imposent.

    1. Le vaste magistère de Jean-Paul II a fourni des clés faisant autorité pour l’interprétation correcte du Concile Vatican II.

    Vatican II n’a défini aucun dogme, n’a condamné aucune hérésie, n’a légiféré aucun canon, n’a écrit aucun credo et n’a commandé aucun catéchisme : des méthodes par lesquelles les conciles œcuméniques précédents avaient signalé : « Voilà ce que nous voulons dire. » 

    Par ses encycliques et autres textes magistériaux, ainsi que par deux nouveaux Codes de droit canonique et le Catéchisme de l'Église catholique, Jean-Paul II a fourni les clés par lesquelles l'Église pouvait comprendre les 16 documents du Concile comme un tout cohérent, une belle tapisserie dont les pièces sont cousues ensemble par le concept de l'Église comme communion de disciples en mission.    

    2. Jean-Paul II a présenté la symphonie complète des vérités catholiques de telle manière que ces vérités puissent être saisies par l’esprit moderne.

    Lors de l'élection de Jean-Paul II, la théologie catholique – et plus particulièrement la théologie morale catholique – était en crise. Le nihilisme, le scepticisme et le relativisme de la modernité avaient contaminé la pensée catholique, créant des confusions qui ont fracturé l'unité ecclésiale et rendu l'évangélisation quasi impossible. En utilisant des outils philosophiques et théologiques modernes pour remettre en question la convention moderne et postmoderne paralysante selon laquelle rien n'est connu avec certitude, l'enseignement de Jean-Paul II a préservé la sagesse de la tradition catholique tout en démontrant que même les vérités les plus exigeantes de la tradition pouvaient être explicitées et proposées dans des termes compréhensibles pour les hommes du XXIe siècle. 

    3. La connaissance de Jean-Paul II de la philosophie contemporaine et sa vaste expérience pastorale pré-papale lui ont permis d’avoir une vision approfondie de la crise culturelle de notre temps — la crise de la nature humaine. 

    Sommes-nous infiniment malléables et malléables ? Ou existe-t-il des vérités inscrites dans le monde et en nous, des vérités qui nous ouvrent la voie du bonheur et, finalement, de la béatitude ?

    L'humanisme christocentrique de Jean-Paul II , sa théologie épique du corps , ses écrits sur le sens de la souffrance et son « féminisme papal » furent tous des réponses efficaces et réformatrices de la culture à la dégradation utilitaire de la nature humaine : l'idée que nous ne sommes que des paquets de désirs moralement équivalents, dont la satisfaction par notre volonté — « Je l'ai fait à ma façon » — est le summum du bonheur humain. 

    4. La doctrine sociale de Jean-Paul II cherchait à donner au projet démocratique une base plus solide en enseignant qu’il faut un certain type de personnes vivant certaines vertus pour garantir que la politique libre et les économies libres soutiennent l’épanouissement humain et la solidarité sociale. 

    Les événements des vingt dernières années ont largement confirmé cet enseignement. 

    5. Jean-Paul II a défini la grande stratégie de l’Église pour le XXIe siècle et le troisième millénaire : la Nouvelle Évangélisation .

    En se rendant en Terre Sainte lors du Grand Jubilé de l'an 2000, Jean-Paul II a rappelé à l'Église et au monde que le christianisme n'est ni un mythe ni un conte de fées ; il a commencé par la conversion radicale d'hommes et de femmes, présents dans des lieux que nous pouvons toucher et voir aujourd'hui, qui ont été tellement transformés par leur rencontre avec celui qu'ils appelaient le Seigneur ressuscité qu'ils sont partis en mission et ont changé le cours de l'histoire. En clôturant le Grand Jubilé en appelant toute l'Église à « avancer au large » (Lc 5, 4), Jean-Paul II a invité tous les catholiques à vivre la vie de disciples missionnaires à laquelle ils ont été consacrés par le baptême. 

    Malgré les efforts déployés par certains au cours des douze dernières années pour rejeter ou déconstruire ce grand héritage, les composantes vivantes de l'Église mondiale sont celles qui ont adopté l'enseignement de Jean-Paul II et l'incarnent dans la mission et le service. À l'inverse, celles qui ont ignoré ou rejeté cet enseignement sont moribondes ou mourantes. Ce fait fondamental de la vie catholique au XXIe siècle permet de penser qu'un jour, le catholicisme pourrait bien reconnaître le pape saint Jean-Paul II, docteur de l'Église.   

  • Le testament de Jean-Paul II

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    TESTAMENT DU SAINT-PÈRE
    JEAN-PAUL II

    Le testament du 6.3.1979
     (et les ajouts successifs)

    Totus Tuus ego sum

    Au Nom de la Très Sainte Trinité. Amen.

    "Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître" (cf. Mt 24, 42) - ces paroles me rappellent le dernier appel, qui aura lieu au moment où le Seigneur le voudra. Je désire Le suivre et je désire que tout ce qui fait partie de ma vie terrestre me prépare à ce moment. Je ne sais pas quand celui-ci viendra, mais, comme tout, je dépose également ce moment entre les mains de la Mère de mon Maître:  Totus Tuus. Entre ces mêmes mains maternelles je laisse tout et Tous ceux avec qui ma vie et ma vocation m'ont mis en relation. Entre ces Mains je laisse en particulier l'Eglise, et également ma Nation et toute l'humanité. Je remercie chacun. A tous, je demande pardon. Je demande également une prière, afin que la Miséricorde de Dieu se montre plus grande que ma faiblesse et mon indignité.

    Au cours des exercices spirituels, j'ai relu le Testament du Saint-Père Paul VI. Cette lecture m'a poussé à écrire le présent Testament.

    Je ne laisse derrière moi aucune propriété pour lesquelles il serait nécessaire de prendre des dispositions. Quant aux objets d'usage quotidien qui me servaient, je demande qu'ils soient distribués comme il semblera opportun. Que mes notes personnelles soient brûlées. Je demande que Dom Stanislaw y veille, tandis que je le remercie pour sa collaboration et son aide aussi constante au cours des années, ainsi que pour avoir été aussi compréhensif. Je laisse, en revanche, tous les autres remerciements contenus dans mon coeur devant Dieu lui-même, car il est difficile de les exprimer.

    En ce qui concerne les funérailles, je réitère les dispositions qui ont été données par le Saint-Père Paul VI. (ici note en marge:  le cercueil dans la terre, pas dans un sarcophage, 13.3.92). A propos du lieu, que décident le Collège cardinalice et mes compatriotes.

    "apud Dominum misericordia
    et copiosa apud Eum redemptio"

    Jean-Paul pp. II

    Roma, 6.III.1979

    Après ma mort je demande des Messes et des prières.

    5.III.1990

    * * *

    [Feuillet sans date: ]
    J'exprime la plus profonde confiance dans le fait que, malgré toute ma faiblesse, le Seigneur m'accordera chaque grâce nécessaire pour affronter selon Sa volonté toute tâche, épreuve ou souffrance qu'il voudra demander à Son serviteur, au cours de sa vie. Je suis également confiant dans le fait qu'il ne permettra jamais que, à travers aucune de mes attitudes:  paroles, oeuvres ou omissions, je puisse trahir mes obligations sur ce saint Siège pétrinien.

    * * *

    24.II - 1.III.1980

    Egalement au cours de ces exercices spirituels j'ai réfléchi sur la vérité du sacerdoce du Christ dans la perspective de ce Passage qu'est pour chacun de nous le moment de sa propre mort. Du congé de ce monde - pour naître à l'autre, au monde futur, la Résurrection du Christ est pour nous un signe éloquent (ajouté au-dessus:  décisif).

    J'ai ensuite lu la rédaction de mon testament de l'année dernière, écrite elle aussi au cours des exercices spirituels - je l'ai comparée avec le testament de mon grand prédécesseur et Père Paul VI, avec ce sublime témoignage sur la mort d'un chrétien et d'un pape - et j'ai renouvelé en moi la conscience des questions auxquelles se réfère la rédaction du 6.III.1979 que j'ai préparée (de façon plutôt provisoire).

    Aujourd'hui, je ne désire y ajouter que cela, que chacun doit garder à l'esprit la perspective de la mort. Et doit être prêt à se présenter devant le Seigneur et le Juge - et dans le même temps Rédempteur et Père. Je prends  donc moi aussi, sans cesse, cela en considération, confiant ce moment décisif à la Mère du Christ et de l'Eglise - à la Mère de mon espérance.

    Les temps dans lesquels nous vivons sont indiciblement difficiles et tourmentés. Le chemin de l'Eglise est lui aussi devenu tendu et difficile, épreuve caractéristique de cette époque - tant pour les Fidèles que pour les Pasteurs. Dans certains pays (comme par exemple celui à propos duquel j'ai lu quelque chose durant les exercices spirituels), l'Eglise traverse une telle période de persécution qu'elle ne peut pas être jugée moindre que celle des premiers siècles, elle les dépasse même par son niveau de cruauté et de haine. Sanguis martyrum - semen christianorum. De plus - de nombreuses personnes disparaissent également de façon innocente dans ce pays où nous vivons...

    Je désire encore une fois m'en remettre totalement à la grâce du Seigneur. Il décidera lui-même quand et comment je dois finir ma vie terrestre et mon ministère pastoral. Dans la vie et dans la mort Totus Tuus à travers l'Immaculée. Acceptant dès à présent cette mort, j'espère que le Christ me donnera la grâce pour l'ultime passage, c'est-à-dire la (ma) Pâque. J'espère également qu'il la rendra utile pour cette cause plus importante que je cherche à servir:  le salut des hommes, la sauvegarde de la famille humaine, et en celle-ci de toutes les nations et des peuples (parmi eux mon coeur se tourne en particulier vers ma Patrie terrestre), utile pour les personnes que, de façon particulière, il m'a confiées,  pour  la  question de l'Eglise, pour la gloire de Dieu lui-même.

    Je ne désire rien ajouter d'autre à ce que j'ai écrit il y a un an - seulement exprimer cette disponibilité et dans le même temps cette confiance, à laquelle les présents exercices spirituels m'ont à nouveau disposé.

    Jean-Paul II

    * * *

    5.III.1982

    Au cours des exercices spirituels de cette année j'ai lu (plusieurs fois) le texte du testament du 6.III.1979. Bien que je le considère encore comme provisoire (non définitif), je le laisse dans la forme sous laquelle il existe. Je ne change (pour le moment) rien, et je n'ajoute rien non plus, en ce qui concerne les dispositions qui y sont contenues.

    L'attentat contre ma vie le 13.V.1981 a, d'une certaine façon, confirmé l'exactitude des paroles écrites au cours de la période des exercices spirituels de 1980 (24.II-1.III).

    Je ressens d'autant plus profondément que je me trouve totalement entre les Mains de Dieu - et je reste continuellement à la disposition de mon Seigneur, me remettant à Lui à travers Sa Mère Immaculée (Totus Tuus)

    Jean-Paul pp. II

    * * *

    5.III.82

    P.S. En lien avec la dernière phrase de mon testament du 6.III 1979 (:  "A propos du lieu /c'est-à-dire le lieu des funérailles/ que décident le Collège cardinalice et mes compatriotes") - je formule clairement ce que j'ai à l'esprit:  l'Archevêque métropolitain de Cracovie ou le Conseil général de l'épiscopat de la Pologne - je demande, enfin, au Collège cardinalice de satisfaire autant que possible les demandes éventuelles des personnes susmentionnées.

    * * *

    1.III.1985 (au cours des exercices spirituels).

    Je désire ajouter - en ce qui concerne l'expression "Collège cardinalice et mes compatriotes":  le "Collège cardinalice" n'a aucune obligation de consulter sur ce thème "mes compatriotes"; il peut toutefois le faire, s'il le considère juste pour une raison ou une autre.

    JPII

    Les exercices spirituels de l'année jubilaire 2000
    (12-18.III)
    [pour le testament]

    1. Lorsque le jour du 16 octobre 1978 le conclave des cardinaux choisit Jean-Paul II, le Primat de la Pologne, le Card. Stefan Wyszynski me dit: "Le devoir du nouveau Pape sera d'introduire l'Eglise dans le Troisième Millénaire". Je ne sais pas si je répète exactement la phrase, mais tel est au moins le sens de ce que j'entendis alors. C'est l'Homme qui est passé à l'histoire comme le Primat du Millénaire qui l'a dit. Un grand Primat. J'ai été le témoin de Sa mission, de Son don total. De Ses luttes:  de Sa victoire. "La victoire, lorsqu'elle aura lieu, sera une victoire à travers Marie" - le Primat du Millénaire avait l'habitude de répéter ces paroles de son Prédécesseur, le Card. August Hlond.

    De cette façon, j'ai été d'une certaine manière préparé à la tâche qui, le 16 octobre 1978, s'est présentée à moi. Au moment où j'écris ces paroles, l'Année jubilaire de l'An 2000 est déjà une réalité en cours. La nuit du 24 décembre 1999, la Porte symbolique du grand Jubilé dans la Basilique Saint-Pierre a été ouverte, ensuite celle de Saint-Jean-de-Latran, puis de Sainte-Marie-Majeure - le jour de l'an, et la Porte de la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs le 19 janvier. Ce dernier événement, en raison de son caractère oecuménique, est resté imprimé de manière particulière dans ma mémoire.

    1. A mesure que l'Année jubilaire 2000 se déroule, le vingtième siècle se clôt jour après jour derrière nous et le vingt-et-unième siècle s'ouvre. Selon les desseins de la Providence, il m'a été donné de vivre en ce siècle difficile qui est en train de se transformer en passé, et à présent, en l'année où ma vie parvient à l'âge de quatre-vingts ans ("octogesima adveniens"), il faut se demander si le temps n'est pas venu de répéter avec le Syméon de la Bible: "Nunc dimittis".

    Le jour du 13 mai 1981, le jour de l'attentat contre le Pape au cours de l'Audience générale sur la Place Saint-Pierre, la Divine Providence m'a sauvé de façon miraculeuse de la mort. Celui qui est l'unique Seigneur de la vie et de la mort Lui-même a prolongé cette vie, d'une certaine façon il me l'a donnée à nouveau. Depuis ce moment, elle appartient encore davantage à Lui. J'espère qu'Il m'aidera à reconnaître jusqu'à quand je dois continuer ce service, auquel il m'a appelé le 16 octobre 1978. Je lui demande de vouloir me rappeler lorsqu'Il le voudra. "Dans la vie comme dans la mort nous appartenons au Seigneur... nous sommes au Seigneur" (cf. Rm 14, 8). J'espère également que tant qu'il me sera donné d'accomplir le service Pétrinien dans l'Eglise, la Miséricorde de Dieu voudra me prêter les forces nécessaires pour ce service.

    1. Comme chaque année, au cours des exercices spirituels j'ai lu mon testament du 6.III.1979. Je continue à maintenir les dispositions qui y sont contenues. Ce qui à l'époque a été ajouté, et également au cours des exercices spirituels successifs, constitue un reflet de la situation générale difficile et tendue qui a marqué les années quatre-vingts. Depuis l'automne de l'année 1989 cette situation a changé. La dernière décennie du siècle passé a été libérée des tensions précédentes; cela ne signifie pas qu'elle n'a pas apporté avec elle de nouveaux problèmes et difficultés. Rendons gloire de manière particulière à la Providence Divine pour cela, pour le fait que la période de ce que l'on a appelé la "guerre froide" se soit terminée sans un violent conflit nucléaire, dont le danger pesait sur le monde au cours de la période précédente.
    2. Me trouvant au seuil du troisième millénaire"in medio Ecclesiae", je désire encore une fois exprimer ma gratitude à l'Esprit Saint pour le grand don du Concile Vatican II, envers lequel je me sens débiteur avec l'Eglise tout entière - et surtout avec l'épiscopat tout entier -. Je suis convaincu qu'il sera encore donné aux nouvelles générations de puiser pendant longtemps aux richesses que ce Concile du XX siècle nous a offertes. En tant qu'évêque qui a participé à l'événement conciliaire du premier au dernier jour, je désire confier ce grand patrimoine à tous ceux qui sont et qui seront appelés à le réaliser à l'avenir. Pour ma part, je rends grâce au Pasteur éternel qui m'a permis de servir cette très grande cause au cours de toutes les années de mon pontificat.

    "In medio Ecclesiae"... depuis les premières années de mon service épiscopal - précisément grâce au Concile - il m'a été donné de faire l'expérience de la communion fraternelle de l'Episcopat. En tant que prêtre de l'archidiocèse de Cracovie, j'avais fait l'expérience de ce que signifiait la communion fraternelle du presbyterium - le Concile a ouvert une nouvelle dimension de cette expérience.

    1. Combien de personnes devrais-je ici nommer! Le Seigneur a probablement rappelé à Lui la plupart d'entre elles - quant à celles qui se trouvent encore de ce côté, que les paroles de ce testament les rappellent, toutes et partout, où qu'elles se trouvent.

    Depuis plus de vingt ans que j'exerce mon service Pétrinien "in medio Ecclesiae" j'ai fait l'expérience de la collaboration bienveillante et plus que jamais féconde de tant de Cardinaux, Archevêques et Evêques, de tant de prêtres, de tant de personnes consacrées - Frères et Soeurs -, et enfin d'un très grand nombre de personnes laïques, dans le milieu de la curie, au Vicariat du diocèse de Rome, ainsi qu'en dehors de ces milieux.

    Comment ne pas embrasser avec une mémoire reconnaissante tous les Episcopats du monde, que j'ai rencontrés au cours des visites "ad limina Apostolorum"! Comment ne pas rappeler également les nombreux Frères chrétiens - non catholiques! Et le Rabbin de Rome, ainsi que de nombreux représentants des religions non chrétiennes! Et combien de représentants du monde de la culture, de la science, de la politique, des moyens de communication sociale!

    1. A mesure que se rapproche le terme de ma vie terrestre, je reviens en mémoire au commencement, à mes parents, à mon frère et à ma soeur (que je n'ai pas connue, car elle mourut avant ma naissance), à la paroisse de Wadowice, où j'ai été baptisé, à cette ville de ma jeunesse, à ceux de mon âge, compagnes et compagnons de l'école primaire, du lycée, de l'université jusqu'à l'époque de l'occupation, lorsque je travaillais comme ouvrier, et ensuite  à  la paroisse de Niegowic, à  celle  de  Cracovie de "Saint-Florian", à la pastorale des universitaires, au milieu... à tous les milieux... à Cracovie et à Rome... aux personnes qui, d'une façon particulière, m'ont été confiées par le Seigneur.

    Je désire dire une seule chose à tous:  "Que Dieu vous récompense"

    "In manus Tuas, Domine, commendo spiritum meum"
    A.D.
    17.III.2000

    source

  • La puissance du Christ, le grand appel de saint Jean-Paul II

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    De Stefano Fontana sur la NBQ :

    La puissance du Christ, le grand appel de saint Jean-Paul II

    Saint Jean-Paul II a eu le grand mérite de proclamer le « pouvoir suprême du Christ » non seulement sur les cœurs mais aussi sur la vie publique. Un appel lancé tout au long de son pontificat, même dans la perspective de Vatican II. Parmi ses grands combats : les droits de l'homme et la liberté, qui doivent être fondés sur la loi et la vérité de Dieu.

    2 avril 2025

    Le 2 avril 2005, à 21h37, Jean-Paul II s'est éteint à l'âge de 84 ans. Les souvenirs de son long pontificat, grandiose à bien des égards, sont nombreux, mais une réflexion d'ensemble s'arrête presque inévitablement sur un souvenir précis : son appel à ne pas avoir peur, le 22 octobre 1978, lors de sa première homélie en tant que pape : « N'ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À son pouvoir salvateur, ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les vastes champs de la culture, de la civilisation, du développement. N'ayez pas peur ! Le Christ sait « ce qu'il y a dans l'homme. Lui seul le sait ! On est encore frappé aujourd'hui par cette référence à la potestas du Christ, terme cher à l'Église préconciliaire et peu accepté par l'Église postconciliaire. Dans cette même homélie, le nouveau pape avait décidé de continuer dans le sillage de Paul VI à ne pas recevoir le trône sur la tête, symbole, disait-il, du pouvoir temporel de l'Église, mais il ne renonçait pas à proclamer le « pouvoir suprême du Christ lui-même » et à l'étendre aux États, aux systèmes économiques et politiques, non seulement aux cœurs donc, mais aussi à la vie publique. Le mot « pouvoir » revient plusieurs fois dans l'homélie : « Aidez le Pape et tous ceux qui veulent servir le Christ et, avec le pouvoir du Christ, servir les hommes et l'humanité tout entière !

    Par ces mots, le nouveau Pontife renvoie au Concile Vatican II en proposant une version « personnaliste » du pouvoir du Christ : son pouvoir consisterait à révéler l'homme à lui-même et donc, pourrait-on penser, à faire passer l'annonce du Christ par l'homme, à travers une présence indirecte et sécularisée de l'Église sur la scène sociale et politique. Une sorte de « choix anthropologique », pourrait-on penser. Mais cet aspect est dépassé par l'extension du pouvoir du Christ à toutes les sphères de la vie sociale et politique, y compris les États, indiquant ainsi une présence catholique « identitaire » dans la société, tant par l'activité des laïcs, que l'on peut qualifier d'indirecte, que par celle de l'Église elle-même, notamment avec les sacrements, que l'on peut qualifier de directe. Jean-Paul II ne s'est pas contenté de répéter mot pour mot les positions de Léon XIII ou de Pie X, il y avait eu le Concile et il y avait participé de manière absolument convaincue, en défendant toujours même les parties controversées et certains passages des textes qui suscitent encore aujourd'hui une certaine perplexité. Il avait travaillé sur Gaudium et spes et l'avait toujours défendu, même s'il s'agissait du texte le plus critiqué tant par les théologiens qui, en tant qu'experts, avaient participé au travail, que par d'autres commentateurs faisant autorité. Même dans la perspective conciliaire, Jean-Paul II n'a pas voulu renoncer à la doctrine de la potestas du Christ, de sa royauté également sociale et pas seulement spirituelle, et à l'objectif de récapituler toutes choses en Lui, celles qui sont au ciel et celles qui sont sur la terre.

    Vingt-six ans et demi de pontificat, c'est beaucoup et il est difficile de les identifier avec un seul critère synthétique. En s'y risquant, on peut cependant affirmer que le pape Wojtyła est resté fidèle, tout au long de son règne, à cette invitation à maintenir au sens large et pas seulement de manière intimiste la référence à la potestas du Christ et, en même temps, à rester fidèle au Concile et même à exalter son œuvre. De nombreux signes corroborent cette évaluation. Jean-Paul II n'a pas répété mot pour mot les positions de Léon XIII ou de Pie X, en particulier son engagement à s'attaquer à certains nerfs à vif de la modernité pour les libérer du modernisme et les ramener dans le giron de la sainteté. Les droits de l'homme, par exemple, sont restés un champ de bataille, même avec lui, contre la philosophie moderne et les théologies qui y succombaient, mais avec l'intention nouvelle d'en renverser le sens et de les attribuer au christianisme. L'Église se proposait comme la dernière défense des droits de l'homme, fondés non pas sur des conventions mais sur la loi du Créateur. La liberté, autre thème crucial de la guerre dans le passé, est désormais revendiquée par l'Église, mais aussi renversée dans son sens : la liberté cesse d'être une liberté si elle n'est pas enracinée dans la vérité. Le modernisme devait être combattu sur son propre terrain, en renversant ses présupposés.

    Un deuxième domaine concerne la grande relance de la doctrine sociale de l'Église. Il n'y a pas ici de retour à la « société chrétienne » de la part de Jean-Paul II : le Concile ne l'a pas permis, ayant approuvé la liberté de religion et donc la laïcité de la politique. Cependant, il ne se prive pas d'attribuer à la Doctrine sociale une finalité missionnaire et évangélisatrice essentielle pour l'Église. La Doctrine sociale en tant qu'annonce du Christ dans les réalités temporelles n'évoque pas directement la « société chrétienne », mais indirectement. Il en va de même pour la culture, avec l'idée que la foi est capable de créer la culture et, comme chacun sait, si l'on crée la culture, on crée aussi la civilisation. Il était convaincu de la nécessité d'une identité catholique dans la société et la politique, une identité que le personnalisme catholique avait niée mais que lui, avec son personnalisme christocentrique déjà bien exprimé dans Redemptor hominis, voulait réaffirmer et étayer. Ses enseignements sur la vie, la famille, la morale et le rapport entre la foi et la raison ne reviennent pas au thomisme, mais ils ne le répudient pas non plus et, en tout cas, ils le recommandent. Le fait d'écrire dans une encyclique - Fides et ratio - qu'une métaphysique de l'acte d'être est indispensable à la théologie catholique en dit donc long sur ce qu'il a dit, sur ce qu'il voulait dire et sur ce qu'il était autorisé à dire.

    Il s'agissait d'un engagement généreux, courageux et impressionnant, qui touchait à tous les sujets de la vie catholique, y compris une réédition du catéchisme. Les mises en garde et les malentendus (peut-être involontaires) n'ont pas manqué. Étant donné le champ de mines dans lequel il évoluait, il convient d'en tenir compte sans trop s'y attarder. Il faut lui rendre hommage et se souvenir avec gratitude de lui comme d'un combattant. Il ne pouvait pas faire plus. Aujourd'hui, le contexte a changé. Ceux qui dirigent l'Église aujourd'hui n'ont pas vécu directement le Concile ou l'après-Concile ; on parle d'ailleurs d'une ère post-conciliaire. Néanmoins, on ne peut nier que de nombreux éléments de « l'esprit du Concile » contre lequel Jean-Paul II avait lutté sans pouvoir dire qu'il avait gagné, étant donné l'opposition farouche qu'il avait subie, ont été redécouverts et relancés, sans trop mentionner le Concile.

  • Un pontificat grandiose et controversé; il y a vingt ans, la mort de Jean-Paul II

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    De Giovanni Maria Vian (historien) sur Domani :

    Un pontificat grandiose et controversé. Il y a vingt ans, la mort de Jean-Paul II

    30 mars 2025

    Le 2 avril 2005, après deux mois de tribulations, Karol Wojtyla s'éteint. Ses deux successeurs l'ont proclamé bienheureux en 2011 et saint en 2014, mais la tempête des abus s'est abattue sur sa mémoire. Dans le dernier livre de Gian Franco Svidercoschi, un portrait complet avec des témoignages inédits.

    Il y a vingt ans, dans la soirée du 2 avril 2005, Jean-Paul II s'éteignait. Dans une agonie dramatique - après deux mois de tribulations - son très long, controversé et grandiose pontificat s'achevait au Vatican.

    Plus longtemps que Karol Wojtyła avait régné, pendant trente-deux ans, Pie IX, qui avait assisté en 1870 à l'effondrement de l'État pontifical, mais aussi aux débuts de l'irradiation mondiale du Siège romain. À son tour, cet homme d'un « pays lointain », premier évêque de Rome non italien depuis plus de quatre siècles, avait contribué en 1989, deux siècles après la Révolution française, à un autre effondrement, celui du mur de Berlin. Mais surtout, avec 104 voyages internationaux qui ont duré 822 jours, il a rendu la papauté itinérante et très visible.

    Le cardinal polonais, que les photos en noir et blanc des années 1970 présentaient comme un acteur américain au sourire légèrement ironique, à peine perceptible sous un fedora enfilé sur la tête (mais aussi comme un cardinal du XVIIe siècle enveloppé dans une hermine blanche), avait été élu à l'âge de cinquante-huit ans, le 16 octobre 1978, à l'issue d'un conclave difficile. La tentative d'assassinat du 13 mai 1981 avait failli le tuer, puis le déclin avait été lent mais progressif.

    Au cours de l'été de cette année-là, une infection hospitalière insidieuse, éradiquée uniquement grâce aux patientes recherches pharmaceutiques de l'ecclésiastique australien Fabian Hynes, en fut le premier signe. Puis, entre 1992 et 1996, quatre interventions chirurgicales - au colon, à l'épaule, au fémur (avec la mauvaise prothèse de hanche), une appendicectomie - et les symptômes de la maladie de Parkinson.

    Le dernier voyage

    Douloureux est le dernier voyage international, en août 2004 à Lourdes, où le pape se décrit comme un malade parmi les malades, désormais réduit à un fauteuil roulant. Cinq mois plus tard, dans la soirée du 1er février 2005, il est transporté d'urgence à Gemelli, la grande polyclinique romaine de l'Université catholique du Sacré-Cœur, pour de graves problèmes respiratoires. Wojtyła la connaissait bien et l'a rebaptisée - avec un jeu de mots faisant allusion au concile - « Vatican III » parce qu'elle était devenue la résidence papale après le Vatican et Castel Gandolfo.

    Le 7 février est paru son dernier livre, Mémoire et identité (Rizzoli), fruit de conversations tenues en 1993 avec les philosophes polonais Józef Tischner et Krysztof Michalski, chroniqué l'été précédent par un ami également philosophe, Andrzej Półtawski. Et l'on comprend immédiatement le motif : faire connaître la conviction du pape et de ses collaborateurs sur la tentative d'assassinat, œuvre d'un assassin professionnel glacial et impeccable (jusque dans les tromperies), l'extrémiste turc Mehmet Ali Ağca.

    La tentative d'assassinat

    Avec les deux amis, Wojtyła avait d'ailleurs aussi parlé du 13 mai 1981. « Oui, je me souviens de ce voyage à l'hôpital. Pendant un moment, j'étais conscient. J'ai eu le sentiment que j'allais m'en sortir. Je souffrais, et c'était un motif de crainte - j'avais cependant une étrange confiance », avait alors déclaré le souverain pontife.

    « Revenons à l'attentat : je pense qu'il s'agit d'une des dernières convulsions des idéologies d'intimidation qui se sont déchaînées au XXe siècle. La domination a été pratiquée par le fascisme et le nazisme, ainsi que par le communisme. La domination, motivée par des arguments similaires, s'est également développée ici en Italie : les Brigades rouges ont tué des hommes innocents et honnêtes », a poursuivi Jean-Paul II en 1993, dans des termes prudents mais sans équivoque. Et l'on découvrira bientôt qu'elles font écho à celles ajoutées, en 1982, dans son testament publié immédiatement après sa mort.

    Son meilleur biographe, le journaliste et écrivain Bernard Lecomte, écrit que l'entourage romain du pape reste convaincu de la « question clé, restée sans réponse : qui d'autre que le Kremlin, au printemps 1981, avait intérêt à la disparition du pape ? Et si rien n'est sorti des archives de Moscou depuis la fin de l'Union soviétique, l'historien russe Viktor Zaslavsky - qui a enquêté sur ces archives et les connaît bien - a souligné qu'il était naïf et donc inutile de chercher un ordre écrit : il n'y en avait pas besoin.

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  • Le Puy du Fou dit vrai sur les crimes de guerre en Vendée

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    De Martin Dousse sur La Sélection du Jour :

    Sur les crimes de guerre en Vendée, le Puy du Fou dit vrai

    Photo : Connu comme le "Panthéon de la Vendée militaire", ce cimetière perpétue la mémoire du massacre de La Gaubretière, survenu le 27 février 1794. Crédits : Wikimédia Commons

    Malgré son succès hors du commun, le Puy du Fou est régulièrement accusé de mettre au goût du jour une histoire en noir et blanc aussi romancée que partisane. Au cœur des critiques, le récit des guerres de Vendée. Compte tenu des faits historiques, il est pourtant en accord avec la vérité, du moins sur l'essentiel.

    Ancien président du Conseil Général de Vendée et créateur du parc aux spectacles grandioses, Philippe de Villiers est régulièrement la cible d'attaques médiatiques qui lui reprochent d'être en proie à « l'obsession » d'y raconter « son » histoire de la Vendée. Le journal Le Monde s'est même plu à brocarder « Le Puy du Faux », un « parc sans lumières ».

    Alors qu'il avait inauguré par ailleurs, en 1993, le Mémorial des Guerres de Vendée en compagnie d'Alexandre Soljenistyne, il est vrai que le sujet est cher à l'homme d'affaires et ancien politique dont le tort principal serait de pointer un génocide là où il n'y eut rien d'autre qu'une guerre civile. Pourtant, le déséquilibre du rapport de forces ainsi que la systématisation des massacres de civils, consentis et ordonnés à l'époque par la République française, devraient au moins ouvrir un débat encore largement tabou dans le milieu universitaire. Alors que la France a fait son mea culpa vis à vis de l'Algérie ou de la déportation des juifs sous l'Occupation, elle n'a jamais reconnu ne seraient-ce que des crimes de guerre en Vendée. Ceux-ci sont pourtant nombreux et d'une évidence indéniable...

    Le soulèvement vendéen commence en mars 1793 répondant assez vite à une seule devise : « Dieu et le roi ». L'ordre des priorités en était bien établi car c'est essentiellement pour le premier que les insurgés se sont battus. Louis XVI était mort en janvier et se trouvait en prison depuis l'année d'avant. En revanche, les prêtres « non-jureurs » subissaient une persécution acharnée, ce qui outrait ce peuple de paysans profondément attachés au catholicisme. Le vase a débordé quand on leur exigea de s'enrôler dans les rangs républicains. S'organise alors l'Armée catholique et royale qui après avoir obtenu quelques victoires de prestige, va peu à peu succomber face à des forces mieux armées et organisées.

    Alors que les troupes « bleues » prennent le dessus et que la déchristianisation révolutionnaire atteint son paroxysme, les autorités parisiennes insistent pour porter le coup de grâce. « Détruisez la Vendée ! », clame à plusieurs reprises Bertrand Barère le 1er octobre 1793. Le porte-parole du Comité de Salut Public avait déjà réclamé quelques mois auparavant la punition de ce peuple « parricide et coupable ». Le 17 brumaire an II (7 novembre 1793), le nom du département est remplacé par celui de « Vengé ». Le pire se prépare…

    Après avoir taillé en pièces le 23 décembre 1793, à Savenay, les restes de l'Armée catholique et royale, le général François Westermann rapporte son triomphe à la Convention : « Il n'y a plus de Vendée, Citoyens républicains [...]. Suivant les ordres que vous m'avez donnés, j'ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, massacré les femmes qui, au moins, pour celles-là, n'enfanteront plus de brigands. Je n'ai pas un prisonnier à me reprocher. J'ai tout exterminé. »

    Les mots de Westermann ne sont en réalité qu'un prélude de ce qui vient. En janvier 1794, le général Louis-Marie Turreau de Lignières, fraîchement nommé commandant en chef des armées de l'Ouest, endosse un nouveau rôle. Il ne s'agit plus de mettre en déroute un adversaire militaire mais selon ses propres mots d'« assurer l'anéantissement des rebelles ».

    Dès novembre 1793, répondant aux injonctions de plusieurs députés montagnards, il avait présenté un plan consistant à sillonner le pays vendéen à la tête de 12 colonnes incendiaires que la postérité qualifiera d'« infernales ». Il comptait mettre en œuvre à son tour la logique déjà appliquée par Jean-Baptiste Carrier, à la tête du comité révolutionnaire de Nantes. Tristement célèbre pour ses noyades de prisonniers vendéens, ce dernier avait pris soin de les justifier : « C'est par principe d'humanité que je purge la terre de la liberté de ces monstres ».

    Soucieux de ne pas être désavoué par sa hiérarchie, Turreau écrit à plusieurs reprises au Comité de Salut Public : « Vous devez également vous prononcer d'avance sur le sort des femmes et des enfants [...]. S'il faut les passer tous au fil de l'épée, je ne puis exécuter une pareille mesure sans un arrêté qui mette à couvert ma responsabilité. » (le 16 janvier 1794). Il appuie sa requête le 24 janvier : « Si mes intentions sont bien secondées, il ne restera plus dans la Vendée, sous quinze jours, ni maisons, […], ni habitants, mais que ceux qui, cachés au fond des forêts, auront échappé aux plus scrupuleuses perquisitions ». Réponse du Comité, le 6 février 1794, par la plume de Lazare Carnot : « Tu te plains, citoyen général, de n'avoir pas reçu du Comité une approbation formelle de tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et tes intentions pures […]. Extermine les brigands jusqu'au dernier, voilà ton devoir. »

    Afin de suivre et guider le citoyen général Turreau, Paris nomme des Représentants en mission, envoyés sur place pour être le maillon intermédiaire entre la volonté du Comité et le commandement militaire. C'est le cas des conventionnels Nicolas Hentz, Pierre-Anselme Garrau et Marie-Pierre-Adrien Francastel. Dans son ordre de marche du 19 janvier, Turreau était sans merci : « les personnes suspectes ne seront pas épargnées ». Les Représentants en mission le savaient et avaient donné leur aval : « Le général en chef nous a promis de les détruire tous […] tous les habitants qui sont à présent dans la Vendée sont des rebelles très acharnés. C'est que les femmes, les filles et les garçons au-dessus de 12 ans sont les plus cruels », rapportaient-ils un mois plus tard. Le 28 avril, la ligne de conduite n'avait pas varié à en croire ce que déclarait Garrau : « Cette guerre ne finira que par la mort du dernier Vendéen, et tous auront mérité leur sort. »

    Joseph Clémanceau, un Vendéen républicain, qui fut témoin des évènements, ne comprenait pas tant de violence : « Il voulait tout détruire et faisait égorger les vieillards, les femmes et les enfants, [...]. Comment se fait-il donc que le Comité, instruit des excès en tout genre commis par le général Turreau, ne le destituait pas et ne lui faisait pas subir avec justice le sort de tant d'autres qui étaient condamnés injustement ? ». Jean-Baptiste Beaudesson, qui accompagne les « Bleus » pour pénétrer dans les métairies afin de confisquer les denrées, décrira rempli d'effroi ce qu'il a vu : « Des pères, des mères, des enfants de tout âge et de tout sexe, baignés dans leur sang, nus, et dans des postures que l'âme la plus féroce ne pourrait envisager sans frémissement. » Même Joseph Léquinio, qui avait participé aux massacres, finit par s'indigner devant la Convention de « la barbarie la plus outrée » pratiquée par les colonnes infernales.

    Les estimations plutôt consensuelles font état d'un chiffre avoisinant 170 000 Vendéens mis à mort (Jacques Hussenet). Les pertes des armées républicaines sont estimées à environ 30 000 hommes. L'expédition des colonnes infernales qui représente la période la plus virulente des tueries, s'acheva en mai 1794 avec le rappel du général Turreau qui fut acquitté en 1795. On statua qu'il n'avait fait que suivre les ordres... Grachus Babeuf, un révolutionnaire convaincu, contemporain des évènements, a dénoncé dans un ouvrage un « système de dépopulation » de la Vendée, un véritable « populicide » camouflé derrière l'excuse de la guerre. Le mot génocide serait-il vraiment excessif ?

    Génocide vendéen : qu'apporterait une reconnaissance officielle ? L'analyse de Jacques Villemain

    >>> Écouter l'émission sur RCF

  • Sous la plus grande croix du monde, une incroyable trahison du Vatican

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    De InfoVaticana :

    Sous la plus grande croix du monde, la plus grande trahison du Vatican

    Vallée des morts26 mars 2025

    Au sommet de Cuelgamuros se dresse la plus grande Croix du monde. Une croix de 150 mètres qui non seulement perce les nuages, mais qui est depuis des décennies le témoignage d’une foi qui n’a pas honte de son histoire, de ses morts ou de son Rédempteur.

    Cette croix, symbole de réconciliation, de sacrifice et de pardon, est aujourd’hui la cible d’une opération soigneusement conçue pour la vider de son sens. Et le plus douloureux : avec la complicité directe du Vatican.

    Le 25 février 2025, alors que le pape François risquait de mourir de bronchospasmes à l’hôpital Gemelli, son secrétaire d’état, le cardinal Pietro Parolin, a rencontré à Rome le ministre de la Présidence (espagnole), Félix Bolaños. La raison ? Se mettre d’accord sur la « resignification » de la Vallée des Morts – aujourd’hui officiellement appelée Cuelgamuros par le gouvernement – et débloquer le départ du prieur Santiago Cantera, mal à l’aise de ne pas s’incliner devant l’histoire officielle.

    Cette capitulation devant le pouvoir ne fait pas exception : c’est la norme d’une diplomatie vaticane qui vend ses enfants depuis des années. Il l’a fait en Chine, en s’entendant avec le Parti communiste pour livrer l’Église clandestine en échange de promesses vides. Il le fait aux États-Unis, promouvant McElroy, un cardinal du politiquement correct, tout en punissant les évêques fidèles comme Strickland. Et maintenant, c’est ce qu’elle fait en Espagne, en remettant à la gauche le cœur spirituel de notre mémoire collective.

    Qu’un gouvernement ouvertement anti-chrétien soit autorisé à intervenir dans un temple en usage, avec la bénédiction du Vatican, est une capitulation historique aux dimensions bibliques. La profanation politique d’un sanctuaire a été négociée, déguisée en dialogue, culture et réconciliation. Mais rien ne peut être réconcilié en déracinant, en manipulant les symboles ou en réduisant au silence ceux qui ont résisté pendant des décennies dans la prière et la fidélité.

    José Cobo, taillé sur mesure pour les temps nouveaux, parle de paix, de dialogue et d’une culture de la rencontre. Paroles creuses lorsqu’il s’agit de céder la maison de Dieu à ceux qui méprisent son nom. Parolin, l’artisan de l’accord, agit comme si l’Église n’était qu’une chancellerie comme les autres, inconsciente des souffrances des fidèles persécutés ou humiliés. Et François, malade, absent, sans doute sans avoir pleinement conscience de ce qui était en train de se cuisiner en son nom, reste comme un témoin involontaire d’une trahison monumentale.

    La Vallée des Morts, avec sa Croix monumentale, a été construite en signe de réconciliation chrétienne. Aujourd’hui, ils veulent en faire une attraction touristique avec un vernis idéologique. Mais ne vous y trompez pas : tant qu’un seul catholique y priera, tant qu’une âme s’agenouillera sous cette croix, la vallée restera un lieu sacré.

    L’histoire jugera sévèrement ceux qui ont fait un pacte avec les persécuteurs de la foi. Et les fidèles n’oublieront pas.