Le 21 septembre, sur le site de La Croix, Isabelle de Gaulmyn faisait écho en des termes assez ambigus à la parution du livre de Corinne Van Oost ("Médecin et catholique, je pratique l'euthanasie"). Le Docteur Catherine Dopchie a réagi à cet article en ces termes :
De quoi parle-t-on, en effet ?
En cette rentrée, c’est par des militants que l’euthanasie revient au-devant de la scène. La loi belge définit clairement le terme « euthanasie » et met le cadre. Elle l’a imposée au colloque singulier de la relation soignants-soignés. Faire un livre d’une pratique, un article d’une demande acceptée, n’a rien de neutre. Un médecin qui pose un acte d’euthanasie, même si à côté de cela il a une pratique en soins palliatifs, sort du cadre des soins palliatifs. Ces derniers, en effet, « n’entendent ni accélérer ni repousser la mort » (définition O.M.S.2002). Celui qui se dit catholique a rencontré Jésus. « Qui dit : « Je le connais » , alors qu’il ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est pas en lui. » (1 Jn 2, 4). « Le droit à l’euthanasie » n’existe pas, même en Belgique, seul le droit à la demander est l’objet d’une loi de dépénalisation sous conditions pour le médecin qui accède à cet homicide.
Maintenir des clivages qui sont loin d’être simplistes.
Le courage n’est pas toujours où l’on croit. En étant confronté au quotidien à la souffrance globale de nos patients, en devant faire face à la demande d’euthanasie dans un pays qui l’a dépénalisée, la tentation euthanasique existe. Elle est parfois vive, violente, oppressante.
Nous avons, le Dr Van Oost et moi, commencé à travailler en soins palliatifs à la même époque. Nous avons appris, ensemble et avec nos équipes interdisciplinaires, à soulager les souffrances physiques et sommes devenus experts. Mais soulager la souffrance physique ne suffit pas. La souffrance humaine touche à toutes les dimensions de la personne. Nous sommes faits pour la plénitude de la vie. On voit combien aujourd’hui l’euthanasie est le remède proposé pour la souffrance de la perte de sens à vivre ou même de la perte du sens d’une vie. Nous avons dû apprendre à discerner où était notre juste place quand nous voulions offrir notre compétence à ceux qui souffrent au point de demander l’euthanasie avec insistance.
La souffrance de la non maîtrise, souvent à l’origine de la demande d’euthanasie, atteint aussi la personne du médecin. Comment soulager l’autre dans cette souffrance si personnelle alors qu’il n’arrive plus à en avoir le désir ? Comment se respecter soi-même tout en respectant l’autre qui maintient sa demande d’euthanasie ? Comment continuer à se donner pleinement à celui qui souffre comme c’est notre vocation et éviter la compromission avec un acte que l’on juge mauvais, alors que l’on souhaite éviter un maximum d’euthanasies grâce aux soins palliatifs? Le piège était là. Devant le manque, l’être humain vit une vraie crise existentielle. L’attention que nous portons les uns aux autres dans la vie quotidienne ou dans la relation de soin, si elle est respectueuse, patiente, persévérante et espérante, nous porte. Mais nous ne pouvons sauver l’autre dans sa globalité. Un jour ou l’autre, le souffrant, comme l’aidant, doit affronter sa solitude face au manque. Celui qui souffre, s’il accueille la vie qui est en lui jusqu’au bout, garde la liberté de se tourner vers elle et la choisir.