Du site "Pour une école libre au Québec" :
Mathieu Bock-Côté : « Le progressisme ne tolère que lui-même »
La formule est désormais consacrée : la liberté d’expression ne serait pas celle de dire n’importe quoi. Reste à déterminer ce qu’est ce « n’importe quoi » et, surtout, qui peut le définir. L’espace public ne cesse de se rétrécir. Vu de l’étranger, par exemple, on ne peut que se demander quelle est la légitimité d’un organe comme le CSA, qui veille moins à l’éthique journalistique qu’à l’encadrement idéologique de la parole publique. Plusieurs de ses interventions, aussi ubuesques qu’orwelliennes, mériteraient d’être rassemblées dans une anthologie de la bêtise.
On refoule dans les marges ceux qui s’entêtent à ne pas célébrer l’esprit de l’époque. Dans une société démocratique normale, ils n’existeraient pas. On vient de le voir à nouveau avec l’étrange polémique entourant Alliance Vita, qui, dans les transports publics, faisait une campagne publicitaire anti-PMA et GPA, au nom de l’importance du père et de la mère. Cette campagne a scandalisé la Mairie de Paris. Anne Hidalgo l’a dit clairement : le point de vue exprimé par les affiches ne devrait pas être admis dans le domaine public. Il faudrait les retirer. Le progressisme est obligatoire.
La référence à la paternité et la maternité par Alliance Vita passe pour une provocation morbide. D’ailleurs, l’évolution du vocabulaire ne pousse-t-elle pas au remplacement de « père » et « mère » par « parent 1 » et « parent 2 » ? Hommes et femmes ne sont-ils pas appelés à s’effacer progressivement devant la fluidité identitaire, qui résisterait à son encadrement symbolique et juridique ? On ne naît plus homme ou femme : on se fait assigner un sexe à la naissance par un pouvoir médical encore marqué par la logique patriarcale. Chacun est appelé à s’en libérer. Qui ne voit pas le monde ainsi doit se taire.
En d’autres mots, ce qu’on appellera très imparfaitement le conservatisme n’a plus droit de cité. Il est réduit à une série de préjugés irrecevables. Lorsqu’il parvient néanmoins à se faire entendre, c’est que les mécanismes de régulation de la parole publique ont échoué. Normalement, une telle parole devrait être contenue dans les marges et ne pas rejoindre le commun des mortels, qui pourrait la croire alors normalisée. Les invariants anthropologiques ne doivent plus apparaître qu’à la manière des restes usés du monde d’hier. La promotion de la famille traditionnelle relève aujourd’hui du discours discriminatoire et haineux. Les gardiens de la révolution diversitaire ne rient pas.