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Doctrine - Page 52

  • L'Académie pontificale pour la vie réagit au tollé provoqué par les propos de Mgr Paglia sur le suicide assisté

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    D'Hannah Brockhaus sur CNA :

    L'Académie pontificale pour la vie réagit au tollé provoqué par les propos de Mgr Paglia sur le suicide assisté
     
    24 avril 2023

    L'Académie pontificale pour la vie a déclaré lundi que son président (Mgr Paglia) est contre le suicide assisté mais pense qu'il est possible d'avoir une "initiative légale" qui permettrait de le dépénaliser en Italie dans des "conditions spécifiques et particulières".

    La déclaration du 24 avril a été publiée à la suite du tollé provoqué par un discours dans lequel l'archevêque Vincenzo Paglia a défendu la légalisation du suicide médicalement assisté en Italie. L'archevêque a déclaré qu'il s'agissait d'une approche "réalisable" de la question dans la société italienne, malgré les enseignements clairs de l'Église catholique qui s'y opposent.

    "Personnellement, je ne pratiquerais pas l'assistance au suicide, mais je comprends que la médiation légale peut être le plus grand bien commun concrètement possible dans les conditions dans lesquelles nous nous trouvons", a déclaré Mgr Paglia lors d'un discours prononcé le 19 avril à l'occasion du Festival international du journalisme à Pérouse, en Italie.

    Le journal italien Il Riformista a publié le texte du discours de Mgr Paglia le 22 avril.

    L'académie du Vatican a déclaré lundi que Mgr Paglia "réitère son "non" à l'euthanasie et au suicide assisté, en pleine adhésion au magistère".

    L'académie a ajouté que les commentaires du président concernaient une décision de la Cour constitutionnelle italienne et "la situation spécifique de l'Italie".

    L'archevêque a donné son avis, selon le communiqué, qu'une "médiation juridique" mais "certainement pas morale" est possible afin de maintenir le suicide assisté comme un crime dans certains cas, tout en le décriminalisant sous certaines conditions.

    Le suicide assisté et l'euthanasie sont actuellement illégaux en Italie, où le droit pénal stipule que "quiconque provoque la mort d'un homme, avec son consentement, est puni d'une peine d'emprisonnement de six à quinze ans". L'assistance au suicide consiste à fournir des médicaments létaux aux patients pour qu'ils puissent mettre fin à leurs jours, tandis que l'euthanasie consiste en la mise à mort directe des patients par les médecins.

    Un projet de loi visant à décriminaliser le suicide assisté, connu dans la législation italienne sous le nom d'"homicide volontaire", a été adopté l'année dernière par la Chambre des députés, la chambre basse du Parlement italien. Elle n'a pas encore été adoptée par le Sénat italien.

    La proposition de loi, qui fait suite à un arrêt rendu en 2019 par la Cour constitutionnelle italienne, stipule que le suicide médicalement assisté ne sera dépénalisé que dans les cas qui remplissent les conditions suivantes : "la personne doit être "maintenue en vie" : "la personne doit être "maintenue en vie par un traitement de survie et atteinte d'une pathologie irréversible, source de souffrances physiques ou psychologiques qu'elle juge intolérables, mais pleinement capable de prendre des décisions libres et conscientes"".

    Selon la déclaration de l'Académie pontificale pour la vie, "pour l'archevêque Paglia, il est important que la décision [du tribunal] précise que le crime [de suicide assisté] reste en tant que tel et n'est pas aboli. Toute autre considération est trompeuse".

    "Au niveau scientifique et culturel, Mgr Paglia a toujours défendu la nécessité d'un accompagnement des malades dans la phase terminale de la vie, basé sur les soins palliatifs et la proximité, afin que personne ne soit laissé seul face à la maladie et à la souffrance, dans les décisions difficiles qu'elles impliquent", précise le communiqué.

    L'année dernière, la Cour constitutionnelle italienne a bloqué un référendum visant à dépénaliser le suicide médicalement assisté dans le pays, déclarant qu'une abrogation de la loi pénale existante laisserait le pays sans "la protection minimale constitutionnellement nécessaire de la vie humaine, en général, et avec une référence particulière aux personnes faibles et vulnérables".

    Hannah Brockhaus est la correspondante principale de la Catholic News Agency à Rome. Elle a grandi à Omaha, dans le Nebraska, et est titulaire d'un diplôme d'anglais de la Truman State University, dans le Missouri.

  • Rod Dreher, l'Américain qui veut soulever l'Europe conservatrice depuis la Hongrie

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    rod_dreher.jpg"L'écrivain à l'origine du concept de «pari bénédictin» s'est établi à Budapest à l'automne 2022, séduit par le pays de Viktor Orbán. Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. | Elekes Andor via Wikimedia Commons :

    En Europe ou aux États-Unis, le terreau est fertile pour une mobilisation des conservateurs, mais dans ce monde vibrionnant, il manque souvent des pensées et des stratégies de référence. D'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, l'écrivain américain Rod Dreher parvient à aimanter lecteurs et adeptes de sa pensée stratégique.

    On croit trop souvent que la pensée conservatrice américaine est à l'image des punchlines des conventions de l'association de défense du port d'armes, la National Rifle Association of America (la NRA), ou de la réunion annuelle organisée par les conservateurs, la Conservative Political Action Conference (la CPAC). En vérité, il existe nombre de penseurs conservateurs américains à l'œuvre substantielle et structurée. C'est le cas de Rod Dreher, qui s'est fait connaître voici quelques années en France avec la parution de son ouvrage Comment être chrétien dans un monde qui ne l'est plus – Le pari bénédictin, édité dans l'Hexagone en 2017.

    Communautés pour chrétiens déboussolés par la modernité

    Initialement protestant, puis catholique, et enfin orthodoxe de confession, Rod Dreher postulait dans cet ouvrage très original que, face à la déchristianisation du monde, les chrétiens devaient se regrouper en communautés à l'écart du monde, enlever leurs enfants du système éducatif et faire vivre ces phares spirituels dans un monde à la dérive. Ce «pari bénédictin», comme il le nomme, avait vocation à répondre au légitime questionnement des chrétiens, parfois déboussolés par l'évolution du monde et la modernité, et soumis à des attaques nourries de la part des progressistes ou des woke.

    La pensée de Rod Dreher est, de par sa sophistication, aux antipodes des meetings de l'ex-président Donald Trump, lequel doit être déjà bien en peine d'expliquer succinctement qui est saint Benoît. Son livre a été accueilli avec intérêt en France et son sujet débattu aussi librement qu'honnêtement. Il a participé de la réflexion du monde catholique français post-Manif pour tous. Accords ou désaccords, parfois profonds, avec ce «pari bénédictin» ont permis de discerner quels possibles s'offraient aux chrétiens d'Europe et, d'abord, de France.

    Il existe un large éventail de conservatismes aux États-Unis et tous ne se ressemblent pas, loin s'en faut:

    Des paléoconservateurs aux néoconservateurs, des plus pratiquants à ceux qui sont relativement distants par rapport à la religion, les courants sont nombreux dans le pays.

    Agir face au «totalitarisme mou»

    Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. Il pointe d'abord le déclin des valeurs traditionnelles et chrétiennes dans nos sociétés et les menaces qui planent, selon lui, sur la famille ou l'éducation.

    D'après le conservateur, les valeurs adverses sont une attaque massive sur celles portées par les croyants. Il conviendrait donc d'entrer en résistance face à une forme de «totalitarisme mou» qui s'en prendrait aux chrétiens, aux hétérosexuels et, s'il reconnaît qu'il ne s'agit pas d'un totalitarisme comme celui de l'URSS des grandes persécutions, il note que la parole évangélique se confrontait alors directement au KGB tandis que désormais, elle se perd dans le brouillard. D'où l'idée de créer des communautés solidaires chrétiennes à l'écart du monde moderne pour résister. Il cite volontiers Hannah ArendtRené GirardLéon Bloy et sait séduire, au-delà des États-Unis, jusqu'à nombre de catholiques français et ailleurs.

    Face à ce «totalitarisme mou», Rod Dreher encourage en somme à devenir chrétien dissident. C'est l'objet de son second ouvrage, paru en 2021: Résister au mensonge – Vivre en chrétiens dissidents. La réécriture de romans après la mort de leurs auteurs, la chasse sourcilleuse à l'emploi de certains mots, la mise à l'index d'autres, la dénonciation d'enseignants nourrissent considérablement les rangs de ses lecteurs.

    Coup de foudre à Budapest

    Le fait marquant dans l'évolution de Rod Dreher est que ce conservateur américain, qui devrait être comblé par la flambée conservatrice dans son pays, est séduit par la Hongrie de Viktor Orbán et son illibéralisme. Force est de constater que le voyage à Budapest est au conservateur des années 2020 ce que l'excursion à Caracas était au progressiste des années 2000, avec sans doute l'inévitable part d'illusions, la volonté d'ignorer certaines données géographiques et historiques. Toujours est-il que la Hongrie attire différentes familles de la pensée conservatrice, y compris dans sa variante identitaire.

    Comme beaucoup de conservateurs américains (hors néoconservateurs), Rod Dreher est en phase avec le pouvoir hongrois à la fois sur le plan sociétal et sur le plan géopolitique. Dans le magazine d'opinion The American Conservative, il dénonçait ainsi, le 8 mars, les «mensonges» des « liberals » américains à propos de la Hongrie, mais aussi de la guerre en Ukraine. Rod Dreher reproche à ses compatriotes de vouloir ignorer la société hongroise comme ils ont ignoré les Afghans –bien que lui-même tende à projeter sur Charles Maurras, par exemple, sa propre vision des choses, qui en est relativement éloignée.

    S'il a une vision radicale, au sens étymologique du terme, de la mutation que doivent accomplir chrétiens et conservateurs –qu'il tend à confondre, selon une logique propre à ce camp aux États-Unis–, Rod Dreher réussit parfaitement à stimuler le débat dans son pays et en Europe. Incitant à la création de communautés en quasi autarcie pour faire vivre le christianisme à l'abri des excès de la modernité, il a invité à la «dissidence» notamment en matière éducative, puis s'est installé en Hongrie en 2022.

    Puisque l'écrivain n'est pas adepte d'un conservatisme dans un seul pays, on peut comparer sa théorie comme sa pratique à une sorte de foquisme conservateur. Mois après mois, il a, sur les jeunes générations, une influence que certains intellectuels trotskistes (entre autres) eurent sur la jeunesse de leur époque. En matière idéologique, les réflexions stratégiques se comportent parfois comme un balancier."

    En savoir plus: 

    Monde Hongrie Etats-Unis conservatisme chrétiens religion

    Ref. Rod Dreher, l'Américain qui veut soulever l'Europe conservatrice depuis la Hongrie

  • Le président de l'Académie pontificale pour la vie se prononce en faveur de la légalisation du suicide médicalement assisté

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    Du National Catholic Register (Shannon Mullen/Hannah Brockhaus) :

    Le président de l'Académie pontificale de la vie estime que le suicide médicalement assisté est "faisable".

    Dans son allocution du 19 avril, Mgr Paglia a souligné que l'Église n'est pas un "distributeur de pilules de vérité" lorsqu'il s'agit de s'engager avec une société pluraliste sur les questions morales les plus difficiles du moment.

    23 avril 2023

    L'archevêque Vincenzo Paglia, président de l'Académie pontificale pour la vie, s'est prononcé en faveur de la légalisation du suicide médicalement assisté, le qualifiant de " faisable " malgré les enseignements clairs de l'Église catholique qui s'y opposent.

    "Personnellement, je ne pratiquerais pas l'assistance au suicide, mais je comprends que la médiation légale peut être le plus grand bien commun concrètement possible dans les conditions où nous nous trouvons", a déclaré Mgr Paglia dans un discours prononcé le 19 avril lors du Festival international du journalisme à Pérouse, en Italie.

    Les remarques de l'archevêque italien faisaient partie d'une présentation qui incluait un documentaire sur un Italien qui s'est rendu en Suisse pour mourir par suicide assisté. 

    Le journal italien Il Riformista a publié le texte du discours de Mgr Paglia samedi. 

    Selon le Catéchisme de l'Église catholique, "l'euthanasie intentionnelle, quels qu'en soient les formes et les motifs, est un meurtre" et "gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au respect dû au Dieu vivant, son Créateur" (CEC 2324).

    Plus récemment, en 2020, la Congrégation pour la doctrine de la foi du Vatican a affirmé cet enseignement dans sa lettre Samaritanus bonus, "sur le soin des personnes dans les phases critiques et terminales de la vie", qui a été approuvée par le pape François.

    "La valeur infrangible de la vie est un principe fondamental de la loi morale naturelle et un fondement essentiel de l'ordre juridique", affirme la lettre. "Nous ne pouvons pas choisir directement de prendre la vie d'autrui, même s'il le demande".

    Plus tôt cette année, lors de l'audience générale du 9 février, le pape François a déclaré que les mourants avaient besoin de soins palliatifs, et non d'euthanasie ou de suicide assisté, affirmant : "Nous devons accompagner les personnes vers la mort, mais pas provoquer la mort ou faciliter le suicide assisté."

    Dans son intervention du 19 avril, Mgr Paglia a souligné que l'Église n'est pas un "distributeur de pilules de vérité" lorsqu'il s'agit de s'engager avec une société pluraliste sur les questions morales les plus difficiles du moment.

    "La pensée théologique évolue dans l'histoire, en dialogue avec le Magistère et l'expérience du peuple de Dieu (sensus fidei fidelium), dans une dynamique d'enrichissement mutuel", a déclaré Mgr Paglia.

     Mgr Paglia a rappelé la décision du pape François, en 2018, de réviser le Catéchisme de l'Église catholique pour affirmer que la peine de mort est "inadmissible".

    "La contribution des chrétiens se fait au sein des différentes cultures, ni en haut - comme s'ils possédaient une vérité donnée a priori - ni en bas - comme si les croyants étaient porteurs d'une opinion respectable, mais désengagée de l'histoire", a poursuivi Mgr Paglia.

    "Entre les croyants et les non-croyants, il existe une relation d'apprentissage mutuel", a déclaré Mgr Paglia.

     "En tant que croyants, nous posons donc les mêmes questions qui concernent tout le monde, sachant que nous sommes dans une société démocratique pluraliste. Dans ce cas, à propos de la fin de la vie (terrestre), nous nous trouvons tous confrontés à une question commune : Comment pouvons-nous parvenir (ensemble) à la meilleure façon d'articuler le bien (plan éthique) et le juste (plan juridique), pour chaque personne et pour la société ?

    Mgr Paglia a critiqué l'expansion des lois dans certains pays pour permettre l'euthanasie involontaire. Dans le même temps, il a déclaré qu'il n'était "pas exclu" que la légalisation du suicide assisté "soit possible dans notre société", à condition que certaines conditions énoncées dans un arrêt de la Cour constitutionnelle italienne de 2019 soient remplies.

    Plus précisément, il a déclaré, en citant les directives de la Cour, que la personne doit être "maintenue en vie par un traitement de survie et souffrir d'une pathologie irréversible, source de souffrances physiques ou psychologiques qu'elle considère comme intolérables, mais pleinement capable de prendre des décisions libres et conscientes". La Chambre des représentants italienne a déjà approuvé une telle législation, mais pas le Sénat, a-t-il noté.

    Ce n'est pas la première fois que les remarques de Mgr Paglia sur le suicide assisté suscitent la controverse. En 2019, répondant à une question sur le suicide assisté et sur la possibilité pour un catholique ou un prêtre catholique d'assister à la mort d'une personne par suicide assisté, Mgr Paglia a déclaré à un petit groupe de journalistes qu'il serait prêt à le faire, car "le Seigneur n'abandonne jamais personne".

    "En ce sens, accompagner, tenir la main de quelqu'un qui est en train de mourir, est, je pense, un grand devoir que chaque croyant devrait promouvoir", avait-il déclaré à l'époque, ajoutant que les croyants devraient également offrir un contraste avec la culture du suicide assisté.

    Plus récemment, en août 2022, Mgr Paglia a été vivement critiqué par les opposants à l'avortement pour avoir qualifié, lors d'une interview à la télévision italienne, la loi 194 - la loi de 1978 légalisant l'avortement en Italie - de "pilier de la société". Dans une déclaration ultérieure, l'Académie pontificale de la vie a affirmé que ce commentaire avait été pris hors contexte.

  • Eglise d'Allemagne : et maintenant ? Le modèle du "petit troupeau" de demain...

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    Des propos du cardinal Walter Brandmüller relayés par Armin Schwibach sur kath.net/news (traduction automatique) :

    "Francfort" - et maintenant ? Une perspective ecclésiale. Le modèle du "petit troupeau" de demain

    20 avril 2023

    En cas de défaillance persistante des institutions face à la mission réelle de l'Église, il appartient aux fidèles de mettre fin à la hantise sans faire de bruit. Par le cardinal Walter Brandmüller

    Rome (kath.net/wb/as) "Un regard sur la situation de l'Eglise en Allemagne montre une perte d'intérêt sans précédent de l'opinion publique, des médias pour l'Eglise". Le regard romain est acéré, aiguisé par l'expérience et une phénoménologie des événements parfois absurdes qui se sont produits dans l'Eglise en Allemagne (et pas seulement), en particulier au cours des cinq dernières années. Des événements qui ont mis en jeu le mot "schisme", blessant et exprimant un "crimen", le tout avant et avec un terme non défini : "synodal". Cela vaut d'autant plus la peine d'écouter attentivement et de tirer ses conclusions. Ce qui est apparu clairement au cours de ces années, c'est que la "discussion synodale" ne concerne pas "l'Église", "Ecclesia Una Sancta et Apostolica, "Mater Sancta" et" "Mysticum Corpus Christi". Il s'agit de "l'Église", d'une manifestation sociale quelconque, c'est-à-dire précisément de ce contre quoi le pape Benoît XVI avait toujours mis en garde dans son magistère universel. Par Armin Schwibach

    ***

    I

    Un coup d'œil sur la situation de l'Eglise en Allemagne révèle une diminution sans précédent de l'intérêt du public, des médias pour l'Eglise. Seuls les scandales qui éclatent en ses murs attirent une attention hagarde. Cela vaut même pour les "synodaux de Francfort" et leur parcours. Ce sont les symptômes d'une perte croissante d'importance que l'Eglise subit de plus en plus ces dernières années.

    Qui s'intéresse encore à ce qu'une "élite" de fonctionnaires laïcs, détachée de tout et surtout intéressée par elle-même et ses salaires financés par l'impôt ecclésiastique, s'imagine être "l'Église" ?

    Leur prétention à disposer de l'Eglise, à parler au nom de l'Eglise, est d'autant plus absurde. Ne sont-ils pas conscients de la distance qui les sépare des 5 à 10 % de catholiques fidèles pour qui la messe dominicale est encore une évidence ? On entend dire dans tout le pays que l'entreprise de Francfort des fonctionnaires, loin de la population catholique, se perd dans un no man's land.

    La prétention de la majorité de "Francfort" à représenter les catholiques allemands, à s'emparer des institutions ecclésiastiques, voire à se présenter comme "l'Eglise allemande", contraste fortement avec cette situation.

    Il est évident que l'on veut enfin prendre les rênes de l'Eglise et donner la marche à suivre aux évêques. Comment en est-on arrivé là ?

    L'impulsion antiautoritaire et émancipatrice, qui a agi dans la société depuis les années 1968, a gagné du terrain, surtout depuis le congrès des catholiques d'Essen de cette année, parmi les catholiques qui, en tant que laïcs au service de l'Église, supportaient difficilement la soumission aux prêtres. En particulier, un nombre croissant de laïcs nommés à des chaires de théologie ont ressenti le lien avec le magistère de l'Église comme une restriction de leur liberté académique. Il n'est pas étonnant que les théologiens aient cru pouvoir prouver leur indépendance et leur originalité de pensée par des spéculations audacieuses et, bien sûr, faire sensation. Les conséquences sont évidentes.

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  • "Pacem in terris" 60 ans après : une vision noble et inspirante, une analyse inadéquate des obstacles à la réalisation de cette vision

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    De George Weigel sur First Things :

    PACEM IN TERRIS APRÈS 60 ANS

    19 avril 2023

    Le 11 avril 1963, Jean XXIII publiait l'encyclique Pacem in Terris, un puissant appel à un monde où il n'y aurait ni victimes ni bourreaux, qui a cimenté la réputation du pontife en tant que "bon pape Jean". Alors que le monde avait frôlé la guerre nucléaire lors de la crise des missiles de Cuba en octobre 1962, l'appel du pape à la "paix sur terre" a été bien accueilli partout, y compris en Union soviétique - même si l'idée selon laquelle les maîtres du Kremlin ont pris le message de l'encyclique à cœur était plutôt naïve dans certains milieux du Vatican.

    Qu'enseignait donc Pacem in Terris ? Et comment se présente son analyse des affaires mondiales, six décennies plus tard ?

    Jean XXIII enseignait que le monde était entré dans un nouveau moment historique, caractérisé par la conviction généralisée que "tous les hommes sont égaux en raison de leur dignité naturelle". Cette conviction impliquait que le principe classique de la doctrine sociale catholique du bien commun avait une dimension mondiale, et pas seulement nationale, ce qui signifiait que la "paix sur terre" devait être recherchée par l'établissement d'une "autorité publique mondiale". Cette autorité mondiale devrait faire de la protection et de la promotion des droits de l'homme - que le pape Jean a définis de manière très large - son objectif fondamental.

    Quant aux États communistes, ils devraient eux aussi être intégrés à la communauté politique mondiale, car les mouvements communistes, quels que soient leurs "faux enseignements philosophiques", pourraient néanmoins "contenir des éléments positifs et dignes d'approbation". Enfin, Pacem in Terris enseigne que la course aux armements est un piège et une illusion ; le désarmement universel est un impératif moral exigé par la droite raison, car "à une époque comme la nôtre, qui s'enorgueillit de son énergie atomique, il est contraire à la raison de penser que la guerre est désormais un moyen approprié pour rétablir les droits qui ont été violés".

    Bien que la vision grandiose de Jean XXIII ait inspiré l'espoir que le monde puisse trouver sa voie au-delà de l'impasse de la guerre froide, les lacunes de l'encyclique que des critiques amicaux ont signalées après sa publication - son manque d'attention aux réalités du pouvoir dans la politique mondiale, sa lecture erronée du lien intrinsèque entre les idées marxistes et les politiques totalitaires, son apparente indifférence aux effets durables du péché originel dans la sphère politique - étaient, avec le recul de soixante ans, de véritables déficiences.

    La guerre froide a pris fin, non pas parce que la "confiance" (autre thème clé de l'encyclique) avait été établie entre des démocraties imparfaites et des tyrannies parfaites ; elle a pris fin grâce à ce que William Inboden (dans The Peacemaker : Ronald Reagan, The Cold War, and the World on the Brink) décrit comme la stratégie de "reddition négociée" conçue par les États-Unis et soutenue par ses alliés occidentaux. Et si la course aux armements a, dans les années 1980, intensifié les dangers de guerre nucléaire à plusieurs moments, elle a également brisé la capacité (et la volonté) de l'Union soviétique de poursuivre la compétition.

    En ce qui concerne la proposition de l'encyclique pour le développement d'une "autorité publique universelle" capable de traiter les questions d'importance mondiale, les incapacités et les corruptions dont les Nations Unies ont fait preuve depuis la publication de Pacem in Terris, notamment dans la défense des droits de l'homme fondamentaux, ont soulevé de sérieuses questions quant à la faisabilité (et même à l'opportunité) d'une telle entreprise.

    L'importance accordée par Jean XXIII aux droits de l'homme dans la vie publique internationale a été validée par la révolution des consciences - la révolution des droits de l'homme - que son troisième successeur, Jean-Paul II, a déclenchée en Europe centrale et orientale en 1979 : une révolution qui a été un autre facteur clé dans l'effondrement non violent du communisme européen. Mais ni l'Église ni la politique mondiale n'ont été bien servies par la tendance de Pacem in Terris à qualifier de "droit de l'homme" pratiquement tous les souhaits politiques, sociaux et économiques : une tendance qui est devenue par la suite une tentation irrésistible pour le Saint-Siège dans son discours sur la politique mondiale.

    Dans son commentaire de l'encyclique, le grand théologien jésuite John Courtney Murray a affirmé que la notion de communauté politique idéale de Jean XXIII - que Murray a décrite comme "l'homme libre sous un gouvernement limité" - était tirée de Thomas d'Aquin. Pourtant, si Pacem in Terris tire une partie de son inspiration du Docteur Angélique, où trouve-t-on dans l'encyclique des échos d'Augustin, cet autre grand maître de la théorie politique catholique classique ? Certains ont demandé si le pape était suffisamment conscient de l'étendue de la folie politique humaine et des dangers de tyrannie inhérents aux visions utopiques de la perfectibilité humaine, comme l'était certainement Augustin.

    Une vision noble et inspirante, une analyse inadéquate des obstacles à la réalisation de cette vision : tel semble être le jugement raisonnable porté sur Pacem in Terris à l'occasion de son soixantième anniversaire.

    La chronique de George Weigel intitulée "La différence catholique" est publiée par le Denver Catholic, la publication officielle de l'archidiocèse de Denver.

    George Weigel est Distinguished Senior Fellow du Ethics and Public Policy Center de Washington, D.C., où il est titulaire de la William E. Simon Chair in Catholic Studies.

  • Le pape François sur Disney Plus : les aspects critiques d'un choix médiatique

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    Du site "Silere non possum" :

    LE PAPE FRANCOIS SUR DISNEY PLUS. LES ASPECTS CRITIQUES DE CE CHOIX MÉDIATIQUE

    Le Pape a participé à une rencontre avec des jeunes qui a été enregistrée et qui est maintenant disponible sur Disney+.

    "Aujourd'hui, en pleine urgence éducative, le munus docendi de l'Église, exercé concrètement à travers le ministère de chaque prêtre, est particulièrement important. Nous vivons dans une grande confusion quant aux choix fondamentaux de notre vie et aux questions sur ce qu'est le monde, d'où il vient, où nous allons, ce que nous devons faire pour faire le bien, comment nous devons vivre, quelles sont les valeurs vraiment pertinentes. Par rapport à tout cela, il y a tant de philosophies contradictoires, qui naissent et disparaissent, créant la confusion sur les décisions fondamentales, sur la façon de vivre, parce que nous ne savons plus, communément, de quoi et pour quoi nous sommes faits et où nous allons", a déclaré Benoît XVI aux fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre le 14 avril 2010.

    Cette audience générale nous est revenue à l'esprit lorsque nous avons regardé le documentaire que le pape François a enregistré avec des jeunes et qui est maintenant disponible sur Disney+.

    Dans la vidéo, le réalisateur Felipe Perfetti analyse le documentaire. Tinder, l'avortement, la pornographie et plus encore. Il parle également de l'affaire du Dalaï Lama et des récents problèmes liés à l'affaire Emanuela Orlandi.

    La désorientation

    Si l'on fait abstraction des "choix éditoriaux" à l'origine de ces moments, il faut comprendre que, malheureusement, les interventions du pape sont de plus en plus fréquentes et que ses propos risquent de créer une grande confusion.

    "C'est la fonction in persona Christi du prêtre, disait Benoît XVI, de rendre présente, dans la confusion et la désorientation de notre temps, la lumière de la parole de Dieu, la lumière qui est le Christ lui-même dans ce monde qui est le nôtre. Le prêtre n'enseigne donc pas ses propres idées, une philosophie qu'il a lui-même inventée, qu'il a trouvée ou qui lui plaît ; le prêtre ne parle pas pour lui-même, pour créer peut-être ses propres admirateurs ou son propre parti ; il ne dit pas ses propres choses, ses propres inventions, mais, dans la confusion de toutes les philosophies, le prêtre enseigne au nom du Christ présent, il propose la vérité qui est le Christ lui-même, sa parole, sa façon de vivre et d'aller de l'avant. Ce que le Christ a dit de lui-même s'applique au prêtre : "Ma doctrine n'est pas la mienne" (Jn 7,16) ; c'est-à-dire que le Christ ne se propose pas lui-même, mais, en tant que Fils, il est la voix, la parole du Père. Le prêtre, lui aussi, doit toujours dire et agir ainsi : "Ma doctrine n'est pas la mienne, je ne propage pas mes idées ou ce qui me plaît, mais je suis la bouche et le cœur du Christ et je présente cette unique et commune doctrine, qui a créé l'Église universelle et qui crée la vie éternelle"".

    Pourtant, ces dernières années, le peuple saint de Dieu, comme François aime à l'appeler, manifeste une véritable soif de cette fonction du Pontife lui-même. Les discours du Pape sont de plus en plus politiquement corrects, orientés vers le fait de ne déranger personne mais de ne pas apporter de réponses.

    Si l'on regarde ce documentaire, on s'en aperçoit tout de suite. Sur l'avortement, François est bien sûr ferme sur ses propres positions, mais il prononce les quatre phrases habituelles qui lui ont été remises par un membre du "cercle magique". Il parle de l'assassin et insiste sur le fait que l'enfant est déjà une vie dès sa conception. D'accord, mais dès qu'une jeune fille dit : "Oui, mais j'ai le droit d'avorter parce que le corps m'appartient", le pape ne répond pas. Il n'y a pas de capacité à tenir un discours complexe qui explique à cette jeune fille qu'il faut évaluer quel droit l'emporte sur l'autre en cas de conflit. 

    Il est loin le temps où Benoît XVI, lors des JMJ diocésaines de 2006, répondait clairement aux jeunes qui l'interrogeaient sur les sujets qui lui tenaient à cœur.

    L'amour du cliché

    Les moments où le pape a injustement jeté de la boue sur l'Église et le Vatican n'ont pas manqué. François a même déclaré : "Ils volent tous ici", en parlant de l'État de la Cité du Vatican. Ces déclarations sont graves car elles conduisent à l'acclamation du peuple au détriment de l'Église elle-même. Bien sûr, il y a eu des épisodes et des événements où quelqu'un a profité et volé, mais cela arrive partout. On intervient, on punit, mais on continue à travailler. Généraliser de la sorte est néfaste, nous en avons vu les résultats au cours des dix dernières années. 

    Quand Alessandro Diddi a donné à la presse de fausses informations sur le Palais de Londres, le Saint-Siège a subi un énorme préjudice. Le promoteur de justice a affirmé que la Secrétairerie d'État avait utilisé l'argent de l'obole de Saint-Pierre pour des intérêts personnels. Cela a provoqué un énorme scandale et les personnes de bonne volonté ont cessé de faire des dons. 

    Pourtant, l'objectif de François semble être de créer la confusion, la division et le scandale. Ce qu'il recherche semble être de plus en plus l'acclamation du peuple. Beaucoup de questions, mais peu de réponses, voilà le problème de ce pontificat. 

    Et si quelqu'un, en ces heures, a même appelé ce documentaire une démonstration de ce qu'est le Synode, il est tout à fait clair que ce qu'est le Synode n'est pas clair. Si les gens viennent dans nos églises pour poser des questions, ils le font parce qu'ils veulent des réponses. 

    Dans le documentaire, la discussion sur un sujet se termine toujours parce que quelqu'un est "fatigué" de poursuivre sa thèse. La jeune femme rentrera chez elle convaincue qu'elle est maîtresse de son corps, le pape rentrera chez lui convaincu que le médecin qui pratique l'avortement est un tueur à gages.

    Le pape a cependant une autre tâche, qui est précisément celle à laquelle Benoît XVI a fait référence lors de l'audience générale : "Le Seigneur, mû par la compassion, a interprété la parole de Dieu, il est lui-même la parole de Dieu, et il a ainsi donné une orientation". 

    F.P.

    Silere non possum

  • "Depuis Vatican II, la messe a changé de signification" (cardinal Roche)

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    Du site "Paix liturgique" (lettre 930 du 11 avril 2023) :

    LE CARDINAL ROCHE PERSISTE ET SIGNE :
    DEPUIS VATICAN II, " LA MESSE A CHANGE DE SIGNIFICATION"

    On serait tenté de ne pas donner aux propos du cardinal Roche, dont la théologie est assez approximative et la connaissance du sujet dont il parle hasardeuse, une grande importance. Mais le cardinal Roche est Préfet du Dicastère pour la Culte divin. On dit même qu’il est papabile !

    Il a donc un thème de prédilection, qui n’a rien de très neuf : la nouvelle messe est beaucoup plus participative que l’ancienne, ce qui change tout.

    Dans une conférence de 2020, que nous avons publié dans notre Lettre 926 publiée le 13 mars 2023, il disait : « L’Ordo Missæ réformé par saint Paul VI reflète une vision de l’Église en prière si bien décrite dans Sacrosanctum Concilium n. 48 : " Aussi l’Église se soucie-t-elle d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, soient formés par la Parole de Dieu, se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; qu’offrant la victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et, de jour en jour, soient consommés, par la médiation du Christ, dans l’unité avec Dieu et entre eux pour que, finalement, Dieu soit tout en tous". 

    Et voici que dans une récente émission de la BBC sur la messe traditionnelle, il est interrogé et se lâche plus fortement : « Vous savez, la théologie de l’Église a changé. Alors qu’auparavant le prêtre représentait, à distance, toutes les personnes – celles-ci étaient pour ainsi dire canalisées par cette personne qui était la seule à célébrer la messe – ce n’est pas seulement le prêtre qui célèbre la liturgie, mais aussi ceux qui sont baptisés avec lui. Il s’agit là d’une affirmation très forte. »

    C’était au cours de « Sunday », l’émission religieuse de la chaîne de radio britannique nationale, BBC 4, du dimanche 12 mars, qui comprenait un sujet de 7 minutes sur la « messe en latin ». La journaliste Orla O’Brien interrogeait plusieurs amoureux de la messe traditionnelle – celle qui « remonte à 1962 », ça ne s’invente pas – pour prendre la température alors que Rome impose des restrictions qui ont déjà conduit au Royaume-Uni a plusieurs suppressions dans les diocèses. Parmi les témoignages tout à fait intéressants des personnes attachées à la messe traditionnelle est celui du P. Michael Hall, délégué épiscopal pour la « messe en latin » dans le diocèse de Leeds (l’ancien diocèse du cardinal Arthur Roche).

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  • "Proportionnalisme" : ils sont de retour !

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    De George Weigel sur First Things :

    ILS SONT DE RETOUR !

    12 avril 2023

    Comme l'estimable Larry Chapp l'a récemment écrit sur son blog, Gaudium et Spes 22, "les débats les plus profonds, les plus importants, les plus litigieux, les plus conflictuels et les plus destructeurs [après Vatican II] ont entouré la théologie morale, en particulier après Humanae Vitae et la dissidence massive qui s'en est suivie". M. Chapp note également qu'il faut avoir vécu ces débats pour en saisir, aujourd'hui, la volatilité. En effet, les théologiens dissidents (et les évêques qui les soutenaient tacitement ou ouvertement) ont été stupéfaits par la réaffirmation par le pape Paul VI de l'interdiction de longue date par l'Église des moyens de contraception artificiels, et plus encore par le raisonnement moral qui l'a conduit à cette décision.

    En effet, le "débat sur le contrôle des naissances" pendant et après Vatican II n'a jamais porté uniquement sur les moyens moralement acceptables d'exercer la responsabilité morale de réguler la fécondité. Il s'agissait également de la détermination de la guilde théologique à consacrer la théorie connue sous le nom de "proportionnalisme" en tant que théologie morale officielle de l'Église. Le Dr Chapp poursuit :

    "[L]e "proportionnalisme" [...] enseignait qu'il ne peut y avoir de normes morales absolues puisque les actions morales sont largement déterminées [...] par les circonstances concrètes de la vie de la personne qui commet l'acte [...] [qui étaient] presque toujours [...]. [qui sont presque toujours chargées de l'ambiguïté des circonstances "difficiles et atténuantes". C'est un peu caricatural, mais pour faire court, le proportionnalisme est une sous-espèce (dans le langage catholique) de l'éthique de situation.

    Comment des personnes par ailleurs intelligentes en sont-elles arrivées à la conclusion absurde qu'il n'existe pas de normes morales absolues susceptibles de ne pas s'adapter à des circonstances "difficiles et atténuantes" ? (C'est une longue histoire, qui implique le Sage de Königsberg, Emmanuel Kant, et le philosophe d'Édimbourg David Hume. Il suffit de dire que ce que beaucoup considèrent comme la destruction de la métaphysique par Kant (c'est-à-dire l'idée qu'il existe des vérités profondes intégrées dans le monde et en nous que nous pouvons connaître par la raison) et la démolition par Hume de l'affirmation selon laquelle nous pouvons raisonner à partir d'un fait (par exemple, il y a des êtres humains innocents) jusqu'à une vérité ou une valeur morale (par exemple, la vie humaine innocente est inviolable) ont joué un rôle de premier plan dans ce drame. Et, comme toujours, les idées ont eu des conséquences.

    Le débat catholique sur le proportionnalisme aurait dû être tranché par deux encycliques de Jean-Paul II. En 1993, Veritatis Splendor (La splendeur de la vérité) a rejeté le proportionnalisme comme méthode catholique légitime de théologie morale en enseignant avec autorité qu'il existe, en fait, des actes intrinsèquement mauvais qui sont absolument interdits moralement. Deux ans plus tard, Evangelium Vitae (L'Évangile de la vie) a illustré ce point en enseignant avec autorité que la suppression délibérée de la vie humaine innocente, l'avortement et l'euthanasie sont toujours gravement mauvais, quelles que soient les circonstances difficiles et compliquées.

    Mais la guilde des théologiens ne s'est jamais avouée vaincue et promeut désormais le proportionnalisme, notamment dans les universités romaines.

    Ainsi, en mai 2022, le père Julio Martinez, S.J., a donné une conférence à l'Université pontificale grégorienne (un foyer de pensée proportionnaliste pendant les débats post-conciliaires) ; il y a accusé Veritatis Splendor d'avoir fait des nœuds (c'est son expression) dans la théologie morale catholique, complétant un processus de nouage qui avait commencé avec Humanae Vitae, qui n'avait pas "discerné et considéré les circonstances [du] ... mariage et de la vie de famille ... de manière exacte". ... le mariage et la vie de famille ... d'une manière précise". Le père Martinez s'est également plaint que Veritatis Splendor était malavisé en insistant sur le fait que le magistère de l'Église a la responsabilité d'"enseigner la morale d'une manière très précise et claire". La bonne nouvelle était que l'exhortation apostolique Amoris Laetitia du pape François avait "introduit le discernement" (autrefois une méthode de direction spirituelle) dans l'approche de l'Église de l'éthique de l'amour humain dans "les circonstances concrètes du mariage et de la vie familiale", ce qui est "une chose vraiment nouvelle dans la théologie morale".

    Que ce soit ou non ce qu'Amoris Laetitia a fait (ou avait l'intention de faire), le Père Martinez approuvait le proportionnalisme comme une méthode supérieure de raisonnement moral qui "dénouerait les nœuds" créés par Humanae Vitae et Veritatis Splendor - indépendamment du rejet autoritaire par ce dernier de l'affirmation fondamentale du proportionnalisme selon laquelle il n'y a pas de normes morales absolues parce qu'il n'y a pas d'actes intrinsèquement mauvais.

    Comme le disait George Orwell : "Il faut appartenir à l'intelligentsia pour croire des choses pareilles : aucun homme ordinaire ne pourrait être aussi stupide."

    Le retour du proportionnalisme a eu des effets au-delà de la guilde des théologiens. Il a joué un rôle influent dans l'apostasie allemande et dans les commentaires de divers évêques sur les questions LGBT. Le grand théologien dominicain Servais Pinckaers a écrit un jour que la théologie morale est "le lieu de rencontre de la théorie et de la pratique, de la pensée et de la vie de l'Église". Il ne s'agit donc pas d'un simple jeu d'intellectuels.

    C'est pourquoi cette dégradation de la théologie morale et ses effets ne passeront pas inaperçus lors du prochain conclave papal.        

    La chronique de George Weigel "The Catholic Difference" est publiée par le Denver Catholic, la publication officielle de l'archidiocèse de Denver.

    George Weigel est Distinguished Senior Fellow du Ethics and Public Policy Center de Washington, D.C., où il est titulaire de la William E. Simon Chair in Catholic Studies.

  • Le pape n'est pas pour rien dans le malaise des prêtres

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    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro :

    Comment les jeunes prêtres veulent sortir l’Église de la crise

    Avec la baisse des vocations, leur charge de travail s’alourdit toujours plus et ils souffrent parfois d’un manque de soutien. Malgré tout, leur zèle reste intact.

    Il s’est passé à Paris un événement de faible impact médiatique mais de haute intensité spirituelle: le décès d’un jeune prêtre. Le 14 mars dernier, l’abbé Cyril Gordien mourait d’un cancer fulgurant. Il avait 48 ans. Il était curé de l’église Saint-Dominique, dans le 14e arrondissement. À ses obsèques, dans l’église Saint-Pierre de Montrouge, dont le haut clocher de pierres blanches marque l’entrée de Paris après la porte d’Orléans, étaient présents 6 évêques, 250 prêtres et près de 2000 fidèles. Sans parler des témoignages venus de toute la France puisque ce prêtre avait été aumônier national du mouvement des Scouts d’Europe.

    Cette messe d’adieu a, selon les témoins, marqué par sa densité ceux qui étaient présents. Plus large encore, son «testament spirituel», texte d’une quarantaine de pages écrit par cette âme de feu et intitulé «Prêtre au cœur de la souffrance», continue de rayonner sur internet et ne laisse personne indifférent. Il dénonce sans ambages «des prêtres et même parfois des évêques qui ne cherchent pas le bien et le salut des âmes, mais qui désirent d’abord la réalisation de leurs propres intérêts, comme la réussite d’une “pseudo- carrière”». Et énumère: «Ils sont prêts à tout: céder à la pensée dominante, pactiser avec certains lobbies, comme les LGBT, renoncer à la doctrine de la vraie foi pour s’adapter à l’air du temps, mentir pour parvenir à leurs fins. Le père Gordien confesse alors: «J’ai souffert par l’Église. Dans les différentes crises que j’ai traversées, je me suis rendu compte que les autorités ne prenaient pas soin des prêtres et les défendaient rarement.» Amer, il constate: «Comme prêtre, pasteur et guide de brebis qui vous sont confiées, si vous décidez de soigner la liturgie pour honorer notre Seigneur et lui rendre un culte véritable, il est peu probable que vous soyez soutenu en haut lieu face aux laïcs qui se plaignent».

    «Entièrement livré à son ministère»

    La charge est lourde. Ses propos ont ravi les uns et mis en colère les autres. Il n’est pas étonnant que ce «testament spirituel», dans lequel il dit également, à longueur de pages, sa joie d’être prêtre, mais sans éluder ses détresses, ait été très vite retiré du site de la Conférence des évêques, où il avait été publié par erreur… Cyril Gordien n’était pourtant pas un prêtre traditionaliste. Il célébrait la messe selon le rituel adopté par le concile Vatican II. Il avait, par exemple, institué une «adoration permanente de l’eucharistie» dans sa paroisse, ce qui avait provoqué l’ire d’un groupe de paroissiens qui ne cessèrent de le dénoncer, dans son dos, à l’archevêché.

    Un des amis proches du père Gordien, le père Luc de Bellescize, curé à Paris, a rédigé une lettre ouverte dans laquelle il écrit que son confrère était «excessif», qu’il ne prenait «jamais de repos» parce qu’il était «entièrement livré à son ministère». Il confirme aussi l’existence de «lettres de délation anonymes» reçues contre les prêtres à l’évêché où il a travaillé. «Un désaccord liturgique ou doctrinal, un souci de gouvernement ne constituent pas un crime», souligne le père Luc de Bellescize, avant de conclure: «Ces mots d’un prêtre au cœur de la souffrance doivent être pris au sérieux et invitent l’Église à examiner la manière dont elle prend soin de ses prêtres», car «la manière dont il a été traité parfois serait inadmissible dans une entreprise.»

    Un malaise chez les prêtres?

    Il y a quelque chose de ce genre dans l’Église de France. Beaucoup de ces hommes, qui ont donné toute leur vie à Dieu, sont troublés. Et ils n’ont pas toujours un évêque à l’oreille attentive. Un prêtre résume: «Il peut y avoir un gros malaise avec l’évêque: est-il un père? un patron? un délateur?» Les prêtres vivent en effet une surcharge structurelle avec la diminution des vocations. Les mêmes prêtres catholiques viennent d’essuyer, injustement, depuis le rapport Sauvé, l’opprobre de l’accusation d’être des pédocriminels en puissance alors qu’elle concernait, au plus fort de cette crise il y a quarante ans, 3 % à 4 % des prêtres et moins de 1 % d’entre eux aujourd’hui. Les évêques, tétanisés, n’ont pas su défendre leur honneur.

    Des chiffres calamiteux

    Depuis une dizaine d’années, ces hommes de terrain constatent une baisse des entrées dans les séminaires. Certains de ces établissements, comme à Lille ou à Bordeaux, ont dû fermer. La Conférence des évêques préfère ne pas donner les chiffres de la rentrée de septembre 2022 tant ils sont calamiteux. Le diocèse de Paris enregistrait seulement trois jeunes entrés en première année. L’Église connaît aussi des tensions liturgiques: un quart, au moins, des jeunes ordonnés au sacerdoce sont plutôt de sensibilité classique, voire traditionaliste. Les fidèles de la génération 1968, plutôt progressistes, ne le comprennent pas.

    Des diocèses connaissent également des difficultés avec leur évêque. Depuis vendredi dernier, une pétition circule dans le diocèse de Strasbourg pour demander le départ de l’archevêque, Mgr Luc Ravel. Il y a, enfin, l’abandon du sacerdoce. Effectué dans la discrétion il y a encore trois décennies, chaque départ de prêtre est aujourd’hui médiatisé. «C’est dur de voir un frère prêtre partir», reconnaît l’un d’eux. Même si, en réalité, le nombre de ceux qui quittent le sacerdoce en France est relativement stable: 15 en moyenne par an depuis le début des années 2000, selon les chiffres officiels du Vatican, soit un pour mille. En France, le nombre de prêtres s’est réduit de moitié en vingt ans. Ils étaient 10.188 prêtres diocésains en 2020, pour 10.326 paroisses qui regroupent 45.000 églises. L’âge médian du prêtre est de 75 ans.

    Pour y voir clair, Le Figaro a sollicité douze prêtres. Douze apôtres. Douze pasteurs de moins de 50 ans, de tous lieux, ruraux et urbains. Ils disent être «très heureux» du choix de cette voie. Ils ne regrettent rien. Mais ils sont lucides. Au prix, pour certains, de parler sous anonymat strict.

    L’un d’eux nous raconte une anecdote terrible pour un homme de Dieu. Il exerce dans le sud de la France et totalise une dizaine d’années de sacerdoce. Prêtre diocésain, il n’a rien d’un ultra qui voudrait imposer sa foi. Lors du jeudi saint, fête du sacerdoce, il a reçu une «douche glacée». Alors qu’il évoquait «la mort et de la résurrection du Christ», thème pascal s’il en est, dans un lycée catholique, il s’est vu reproché de ne pas avoir parlé des «valeurs du christianisme, de la solidarité». Ce qu’il ne manque pourtant pas de faire à d’autres occasions. Il en déduit: «C’est à l’image de ce que vivent beaucoup de prêtres aujourd’hui. S’ils souffrent dans leur cœur de pasteur et dans leur vie, ce n’est pas pour leur ego, mais parce que la mission confiée par l’Église, celle d’annoncer clairement le Christ, n’est pas toujours partagée par l’Église elle- même!» «La mission, l’annonce du Christ, nous avons donné notre vie pour elle. Nous savons que notre choix de vie est incompris. Mais le malaise des prêtres vient de ce que l’on ne sait plus comment annoncer l’Évangile, constate-t-il. Nos communautés paroissiales vieillissent. Lors des funérailles, les gens n’attendent qu’une prestation de “service”. La majorité des couples que nous préparons au mariage n’ont pas la foi. En fait, les gens n’attendent pas ce que l’on souhaiterait leur donner…» D’où un risque de découragement: «Des prêtres ne voient plus le fruit de leur travail. Certains n’en peuvent plus. D’autant que les évêques nous laissent souvent seuls sur le terrain. Et, si nous sommes un peu incisifs, ils s’inquiètent. Ils préfèrent le consensus.»

    Un prêtre ose, lui, sortir de l’anonymat. Paul Benezit a 37 ans et totalisera bientôt une dizaine d’années d’ordination. Il confesse son tempérament «positif» qui cherche «toujours à voir le bon côté des choses». Prêtre en zone rurale, il a 28 clochers sous sa responsabilité et affirme: «Je suis tellement heureux dans mon ministère!» Il évoque, pêle-mêle, le contexte récent de son diocèse: l’épreuve du suicide d’un prêtre de 38 ans, il y a cinq ans, qu’il remplace, le procès d’un prêtre qui va bientôt avoir lieu et, en janvier dernier, l’annonce tonitruante du départ du curé de la cathédrale, parti avec une femme. «Nous avons une grosse charge de travail, tout est dans la façon de la vivre. Le malaise vient du manque d’effectifs, estime-t-il. On place des prêtres sans expérience à des postes trop difficiles. Si l’on répond que l’on ne peut pas assumer le travail de deux prêtres, voire de trois prêtres, on nous regarde avec bienveillance, mais il faut y aller quand même. Si on ne fixe pas une limite pour se reposer, lire, faire du sport, s’intéresser à autre chose, on tombe vite dans un surinvestissement lié à la spiritualité du sacerdoce, qui est un don total de soi. On accepte une mission toujours plus lourde, impossible à réussir entièrement, et c’est le début des problèmes. On tire sur la corde et on peut dégringoler: fuite, abandon du ministère, suicide.»

    Ce nageur de bon niveau, passionné de forêts, interroge: «On connaît la courbe des âges des prêtres, le nombre de postes à pourvoir, le peu d’entrées au séminaire. Au lieu de naviguer à vue, de gérer le quotidien, il serait bon de se poser sur une table et de conduire nos ressources humaines sur dix ans. Mais cela, je ne l’ai pas encore vu. Quand allons-nous penser une autre organisation que ce maillage intenable du territoire?» «Perte de confiance dans le pape François»

    Confronté à la même problématique dans le Lot, en zone encore plus rurale, le père Florent Millet, recteur du sanctuaire de Rocamadour, a longtemps été vicaire général du diocèse, numéro deux de l’évêque: «Quand j’étais vicaire général, j’ai vu des prêtres actifs, toujours prêts à aller partout, d’autres plus casaniers, d’autres toujours disponibles, d’autres toujours submergés. Les tempéraments et les caractères jouent, mais j’ai observé qu’un curé qui aime ses paroissiens est un prêtre heureux. Cela paraît simple, mais cela se vérifie. En revanche, si je ressentais un malaise aujourd’hui, il viendrait de la question liturgique. Nous étions arrivés à une situation paisible avec les prêtres traditionalistes et tout se passait bien. On peut comprendre que Rome veille à ne pas voir des chapelles particulières, mais les nouvelles restrictions nous compliquent les choses.»

    Il y a peu encore, les prêtres ne critiquaient jamais le pape. Il apparaît dans ce tour d’horizon que plusieurs d’entre eux – requérant l’anonymat – ne tiennent plus cette réserve. À l’évocation d’un possible «malaise», les prêtres parlaient uniquement de «regards noirs»,de «changements de trottoir» et d’«invectives désobligeantes» dans la rue. C’était il y a deux ans, au paroxysme de la crise de la pédophilie. Aujourd’hui, certains d’entre eux, qui ne sont pas des extrémistes, mettent en lumière «une immense perte de confiance dans le pape François». «Beaucoup de prêtres de moins de 50 ans sont décontenancés parce qu’ils ont l’impression que François sème le trouble, la division et qu’il est toujours dans la dénonciation du cléricalisme, confie l’un d’entre eux. J’ai tout abandonné pour suivre le Christ, pas pour exercer un pouvoir! Or, enseigner clairement l’Évangile serait devenu du cléricalisme? Certains fidèles nous reprochent d’être vieux jeu quand nous enseignons ce que l’Église professe. Le pape, objectivement, ne représente plus un signe de communion. Il y a un trouble chez les prêtres parce que nous vivons une crise de confiance.»

    Un autre, dans le même registre, ajoute: «Quand nous regardons vers Rome, qui a toujours été un cap, un phare, une terre ferme, on nous dit: “On ne veut plus de prêtre comme vous.” Il faut se justifier de porter un col romain. Le pape nous donne l’impression qu’il ne nous comprend pas et qu’il ne nous aime pas. Nous restons fidèles, comblés par les joies de notre ministère, mais nous sommes désemparés et beaucoup de catholiques le sont avec nous. Si nous tenons c’est grâce aux jeunes, très motivés, qui montrent l’arrivée d’une nouvelle génération bien dans son temps et qui n’a pas honte de se dire catholique. Pas identitaires, ils attendent qu’on leur parle de la foi chrétienne. Ce sont eux l’avenir.»

  • Les évêques belges ne peuvent pas légitimer la bénédiction des couples arc-en-ciel en se référant à de prétendues déclarations du pape

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    De Nico Spuntoni sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Müller : "Même le Pape ne peut pas décider de bénir les couples homosexuels".

    03-04-2023

    "La bénédiction des couples arc-en-ciel est une hérésie. Les évêques belges ne peuvent pas la légitimer en se référant à de prétendues déclarations du pape. Même s'il l'avait dit, il n'est pas de sa compétence de changer la Révélation". "Le but de la voie synodale allemande est de devenir la locomotive de l'Eglise universelle". "Frapper l'ancien rite est absurde". "La Curie romaine n'est pas l'État du Vatican, sa sécularisation est une erreur théologique. Le cardinal Müller s'exprime à l'occasion de la sortie de son livre "Le Pape. Ministère et mission."

    Il est difficile d'imaginer que l'appartement de Borgo Pio où Joseph Ratzinger a vécu jusqu'à son élection en 2005 puisse se retrouver entre de meilleures mains. Aujourd'hui, en effet, le locataire est l'un de ces rares prélats qui pourraient s'adresser à Benoît XVI en disant "vous" et que le pape allemand lui-même a voulu en 2012 comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Gerhard Ludwig Müller. La maison apparaît en effet aux invités telle qu'elle a dû être pendant les vingt-trois années de résidence de celui que les ennemis appelaient de manière désobligeante le panzerkardinal : submergée par les livres. Il y a quelques jours, le cardinal Müller a pu déposer son dernier ouvrage "Le pape. Ministère et mission' (Edizioni Cantagalli), qui offre sa réflexion théologique sur la mission du successeur de Pierre. La Nuova Bussola Quotidiana a rencontré le cardinal allemand pour parler de son livre, mais la conversation s'est inévitablement terminée sur la situation actuelle de l'Église.

    Éminence, pourquoi avez-vous qualifié les paroles de Pie XI condamnant le développement des Églises nationales de "paroles vraiment prophétiques, qui gardent leur sens même dans la confrontation actuelle avec les revendications totalitaires médiatisées" ?

    L'Église nationale est une contradiction parfaite avec la volonté de Dieu de sauver toute l'humanité et d'unifier tous les hommes dans l'Esprit Saint. On ne peut pas réduire la foi à une seule nation comme le font les orthodoxes avec l'autocéphalie. Il s'agit d'un principe non catholique. Nous sommes l'Église catholique, c'est-à-dire universelle, pour tous les peuples.

    On pense inévitablement à ce qui se passe dans "son" Allemagne. Craignez-vous que les résultats de la voie synodale allemande n'influencent le prochain synode sur la synodalité ?

    C'est clair. Les promoteurs et les partisans de la Voie synodale allemande ne veulent pas se séparer de l'Église catholique, mais au contraire en devenir la locomotive. Leur programme est connu depuis plus d'un demi-siècle et reste celui du ZDK (Comité central des catholiques allemands, ndlr). Ils ne sont pas la véritable représentation des laïcs allemands, mais des fonctionnaires qui luttent depuis des décennies contre le célibat des prêtres, contre l'indissolubilité du mariage et en faveur de l'ordination des femmes.  

    Ces propositions ont été présentées au cours du processus synodal comme la solution au problème des abus commis par des ecclésiastiques sur des enfants. L'aveu de culpabilité et la démission pour mauvaise gestion des cas des évêques allemands à la tête de la Voie n'ont-ils pas sapé la crédibilité de ce récit ?

    La vérité est qu'en Allemagne, il y a eu une grande instrumentalisation de ces tristes événements commis par certains prêtres afin d'introduire un agenda qui existait auparavant et qui n'a rien à voir avec cette tragédie. Mais d'un autre côté, les grands médias allemands ne font que vanter les changements de doctrine promus par la Voie synodale. Pour eux, seule l'assemblée de Francfort est bonne dans l'Église, alors que tout le reste est vilipendé et que les étiquettes de conservateur ou même de fasciste sont utilisées ! La majorité de la presse allemande est en faveur de la Voie synodale non pas pour améliorer l'Église, mais pour la détruire. Ce n'est pas un hasard si l'on parle des cas de pédophilie commis par des prêtres tout en gardant le silence sur ceux commis dans le sport, les universités ou la politique où le pourcentage de crimes est encore plus élevé. Ceux qui ont toujours été contre le célibat des prêtres et contre la morale sexuelle de l'Église ont maintenant trouvé dans la tragédie des abus d'enfants commis par des prêtres un instrument pour détruire ce qu'ils ont toujours voulu détruire.

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  • Vatican : la "doctrine de la découverte" n'est pas un enseignement catholique

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    D'Hannah Brockhaus sur le National Catholic Register :

    Vatican : la "doctrine de la découverte" n'est pas un enseignement catholique

    Selon la déclaration, ces dernières années, un dialogue renouvelé avec les peuples autochtones, y compris les autochtones catholiques, a aidé l'Église à mieux comprendre leurs valeurs, leurs cultures, ainsi que leurs souffrances passées et présentes.

    30 mars 2023

    Deux départements du Vatican ont publié jeudi une déclaration commune sur la "doctrine de la découverte" et sur la dignité et les droits des peuples indigènes.

    La déclaration indique que le concept juridique de la "doctrine de la découverte" ne fait "pas partie de l'enseignement de l'Église catholique" et que la recherche historique montre que certains documents papaux "rédigés au cours d'une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n'ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique".

    "Le magistère de l'Église défend sans ambiguïté le respect dû à tout être humain", précise le document. L'Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits de l'homme inhérents aux peuples indigènes, y compris ce qui est connu comme la "doctrine de la découverte" juridique et politique.

    La déclaration commune du Vatican a été publiée le 30 mars par le dicastère pour la promotion du développement humain intégral et le dicastère pour la culture et l'éducation.

    Elle indique que l'Église s'est engagée à écouter les peuples indigènes et à encourager les efforts de réconciliation et de guérison. Dans ce contexte, l'Église a entendu la nécessité d'aborder la "doctrine de la découverte".

    Le concept juridique de "découverte" a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une expression particulière dans la jurisprudence des tribunaux de plusieurs pays au XIXe siècle, selon laquelle la découverte de terres par les colons conférait un droit exclusif d'éteindre, par achat ou par conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples indigènes", a expliqué le Vatican.

    Certains érudits ont soutenu que la base de la "doctrine" susmentionnée se trouve dans plusieurs documents papaux, tels que les bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493)", poursuit le communiqué.

    Tout en précisant que ces documents papaux ne sont pas considérés comme des expressions de la foi catholique, la déclaration ajoute que "l'Église reconnaît que ces bulles papales n'ont pas reflété de manière adéquate l'égalité de la dignité et des droits des peuples indigènes".

    "L'Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l'encontre des peuples indigènes, qui ont été réalisés, parfois, sans opposition de la part des autorités ecclésiastiques", indique le document. "Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d'assimilation et les souffrances subies par les peuples indigènes, et de demander pardon".

    La note souligne également qu'il existe de nombreuses déclarations de l'Église et des papes soutenant les droits des peuples indigènes, comme la bulle Sublimis Deus de 1537 du pape Paul III, qui a écrit : "Nous définissons et déclarons [...] que [, ...] lesdits Indiens et tous les autres habitants de la planète ont le droit de vivre dans un environnement sain. ...] lesdits Indiens et tous les autres peuples qui seront découverts par la suite par des chrétiens ne seront en aucun cas privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s'ils sont étrangers à la foi chrétienne ; ils peuvent et doivent jouir librement et légitimement de leur liberté et de la possession de leurs biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage ; si le contraire se produit, il sera nul et sans effet".

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  • Un "commissariat" romain institué pour gérer la problématique allemande ?

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    De kath.net/news :

    Rome envisage un "commissariat" du synode allemand

    30 mars 2023

    Le préfet du dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements recadre Bätzing & Co. - Pas de prédication laïque possible ET les traductions des textes liturgiques doivent être "fidèles et appropriées" - Pas de nouveaux rites possibles !

    Le préfet du dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements s'est exprimé par le biais d'une lettre et fait référence à des thèmes qui ont également été discutés lors de la visite ad limina apostolorum en novembre 2022. En effet, à cette occasion également, Bätzing a tenté de convaincre le dicastère de la nécessité de faire administrer les sacrements par des laïcs en raison du manque de prêtres.

    Avec cette lettre, c'est un non sec qui vient de Rome aux errements auxquels ces prélats se livrent depuis des années, et à la Secrétairerie d'Etat, certains ont commencé à perdre patience. "On réfléchit à une sorte de commissariat, dont les modalités et les personnes ne sont pas encore définies. Une commission qui serait dirigée par un ecclésiastique et qui s'occuperait de cette question. Il est clair qu'un instrument comme le synode est instrumentalisé pour faire avancer d'autres intérêts qui sapent l'unité avec le Siège de Pierre", rapporte un prélat.

    Dans la lettre, le cardinal préfet rappelle à l'évêque Bätzing les règles en vigueur et indique que la prédication des laïcs ne peut pas devenir une pratique.

    Le canon 764 du Code de droit canonique stipule en effet que "les prêtres et les diacres ont le pouvoir de prêcher en tout lieu, avec le consentement au moins présumé du recteur de l'église, à moins que ce pouvoir n'ait été limité ou entièrement supprimé par l'ordinaire compétent ou qu'une autorisation expresse ne soit requise par une loi spéciale", et le canon 766 prévoit une exception : "Des laïcs peuvent être autorisés à prêcher dans une église ou un oratoire si, dans certaines circonstances, la nécessité l'exige ou si, dans des cas particuliers, l'utilité le conseille, selon les dispositions de la Conférence épiscopale et sous réserve du can. 767, §1".

    Mgr Roche précise : "Il ne s'agit pas d'une exclusion des laïcs, ni bien sûr d'une négation du droit et du devoir de tout baptisé, homme ou femme, d'annoncer l'Évangile, mais plutôt d'une confirmation de la spécificité de cette forme de prédication qu'est l'homélie".

    La prédication des laïcs pourrait "susciter des malentendus dans la conscience de la communauté chrétienne sur la forme et l'identité du prêtre".

    Il est nécessaire, écrit Roche, d'expliquer "qu'il y a des distinctions faites par l'Esprit qui produit des charismes différents qui se distinguent et se complètent", et d'ajouter : "Parole et sacrement sont des réalités inséparables et, dans la mesure où ils ne sont pas seulement des expressions formelles de l'exercice de la 'sacra potestas', ils ne sont ni séparables ni délégables".

    De même, en ce qui concerne la volonté d'obtenir un rite pour l'administration du saint baptême par des laïcs, le cardinal Roche souligne que ce sacrement ne peut être administré par des laïcs qu'en l'absence ou en cas d'empêchement d'un clerc. Cette condition est considérée comme remplie lorsqu'un ministre ordinaire du baptême ne peut être joint dans un délai d'un mois. Or, de telles circonstances ne semblent exister "dans aucun diocèse du ressort de la Conférence épiscopale allemande, si l'on se base sur les données de l'Annuaire pontifical sur le clergé disponible", explique le préfet.

    Le cardinal explique que dans l'édition allemande de la liturgie baptismale adoptée en 2006, le paragraphe sur le baptême des enfants en l'absence d'un prêtre ou d'un diacre, présent dans l'original latin, n'a pas été inclus "parce que la Conférence épiscopale allemande n'a pas tenu compte des situations de détresse les plus fréquentes dans les pays de mission ou de nouvelle évangélisation". Pour cette raison, il n'existe en effet aucun rite reconnu en langue allemande pour la célébration du baptême par un ministre extraordinaire. De même, le rite œcuménique de baptême publié en 2021 par certains diocèses allemands et certaines églises protestantes régionales pour les enfants de familles liées par des liens confessionnels n'a pas reçu d'approbation et ne devrait donc pas être utilisé.

    Mgr Roche a également abordé un autre sujet : la traduction des textes liturgiques en allemand. Les traductions doivent être "fidèles et appropriées", a expliqué le préfet. "Il ne s'agit pas de créer des rites nouveaux et différents pour des nations particulières, mais d'offrir la possibilité de vivre l'unique rite romain dans la spécificité de chaque Eglise".

    Toutes les demandes d'"adaptation" de textes liturgiques doivent être envoyées au dicastère avec une demande de reconnaissance par les évêques. Dans le cas contraire, il y aura des abus.

    La lettre par laquelle le pape François s'est adressé à ces évêques, prêtres, hommes et femmes qui constituent le peuple de Dieu en Allemagne n'a donc eu aucun effet. Le pape avait écrit en 2019 : "A la racine de cette tentation, il y a l'idée que, face à tant de problèmes et d'insuffisances, la meilleure réponse serait de réorganiser les choses, d'apporter des changements et surtout des "retouches" qui mettent de l'ordre et de l'harmonie dans la vie de l'Eglise et l'adaptent à la logique actuelle ou à celle d'un groupe particulier. Sur ce chemin, il pourrait sembler que tout soit résolu et que les choses soient remises en ordre si la vie ecclésiale entre dans un "certain" ordre nouveau et ancien qui met fin aux tensions inhérentes à notre humanité et que l'Évangile veut susciter.

    Une fois de plus, la voie synodale allemande prouve qu'elle ne veut pas rester liée à Pierre, et certains évêques allemands instrumentalisent les laïcs eux-mêmes pour réaliser un projet idéologique personnel. Le risque est très grand, d'autant plus que, peut-être quelqu'un l'a-t-il oublié, les pasteurs sont responsables des âmes de leurs fidèles et "extra Ecclesiam nulla salus".