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Foi - Page 62

  • Un synode surfait, sur-géré, décevant – mais aussi providentiellement encourageant

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    De George Weigel sur First Things :

    Surfait, sur-géré, décevant – et providentiellement encourageant

    Dans un article de 1989, le futur cardinal Avery Dulles, SJ, partageait l’avis de l’historien protestant Otto Dibelius selon lequel le XXe siècle était le siècle de l’ecclésiologie – le siècle de la théologie de l’Église. Pour les catholiques, le pivot de cette ère théologique fut l’encyclique Mystici Corporis Christi (Le Corps mystique du Christ) du pape Pie XII en 1943 et son apogée magistérielle fut la Constitution dogmatique sur l’Église du Concile Vatican II, Lumen Gentium , qui présentait l’Église en termes bibliques et théologiques riches, plutôt que dans le langage juridico-politique statique de la « société parfaite » qui avait dominé la pensée ecclésiologique catholique après la Réforme. Lumen Gentium recentrait également l’Église sur le Christ ; ainsi la constitution dogmatique ne commençait pas par « L’Église catholique est… » mais plutôt par « Lumen gentium cum sit Christus… » (Puisque le Christ est la lumière des nations...) Toute ecclésiologie véritablement catholique est donc christocentrique et non ecclésiocentrique. 

    Si cet enseignement fondamental de Vatican II n’a pas été totalement absent du synode de 2024, il a du moins été atténué. Comme l’ont fait remarquer plus d’un participant au synode, si l’homme de Mars avait examiné l’ Instrumentum Laboris (document de travail) du synode et suivi ses discussions le mois dernier, il aurait pu penser que les deux seuls « acteurs » de l’Église catholique étaient les évêques et les femmes, enfermés dans une lutte constante pour le pouvoir (le « pouvoir » étant entendu comme celui qui dit aux autres ce qu’ils doivent faire). Le christocentrisme de Lumen Gentium et la théologie de l’Église comme communion de Vatican II auraient été difficiles à trouver pour notre visiteur interplanétaire. 

    Ainsi, avant de décortiquer le Synode 2024 dans ses erreurs et ses réalisations, il serait bon de se purifier le palais spirituel et intellectuel en revenant à Lumen Gentium — soixante ans après sa promulgation par le pape Paul VI le 21 novembre 1964 — et de s’abreuver profondément de sa sagesse biblique centrée sur le Christ quant à ce qu’est l’Église et à qui nous sommes en tant que ses membres :   

    1. Le Christ est la lumière des nations. C'est pourquoi le saint Concile, réuni dans l'Esprit Saint, désire ardemment, en annonçant l'Évangile à toute créature (cf. Mc 16, 15), apporter à tous les hommes la lumière du Christ, une lumière qui brille sur le visage de l'Église. Puisque l'Église est dans le Christ comme un sacrement, c'est-à-dire comme un signe et un instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain, elle désire maintenant révéler plus pleinement aux fidèles de l'Église et au monde entier sa nature intérieure et sa mission universelle.

    6. Dans l'Ancien Testament, la révélation du Royaume est souvent transmise au moyen de métaphores. De même, la nature intérieure de l'Église nous est aujourd'hui révélée par diverses images, empruntées soit au berger, soit au laboureur, soit à la construction, soit encore à la vie de famille et aux fiançailles, telles qu'elles sont préparées dans les livres des Prophètes.

    L’Église est une bergerie dont l’unique et indispensable porte est le Christ (Jn 10, 1-10). C’est un troupeau dont Dieu lui-même a annoncé qu’il serait le pasteur (cf. Is 40, 11 ; Ex 34, 11 et suivantes), et dont les brebis, bien que gouvernées par des bergers humains, sont néanmoins continuellement conduites et nourries par le Christ lui-même, le Bon Pasteur et le prince des bergers (cf. Jn 10, 11 ; 1 P 5, 4), qui a donné sa vie pour les brebis (cf. Jn 10, 11-15).

    L’Église est une terre à cultiver, le champ de Dieu (1 Co 3, 9). Sur cette terre pousse l’olivier millénaire dont les racines saintes furent les prophètes et dans lequel s’est réalisée et s’accomplira la réconciliation des Juifs et des Gentils (Rm 11, 13-26). Cette terre, telle une vigne de choix, a été plantée par le vigneron céleste (Mt 21, 33-43 ; cf. Is 5, 1 et suivantes). La vraie vigne, c'est le Christ, qui donne la vie et la force de porter des fruits abondants aux sarments, c'est-à-dire à nous qui demeurons dans le Christ par l'Église, sans laquelle nous ne pouvons rien faire (Jn 15, 1-5).

    L’Église a souvent été appelée aussi « l’édifice de Dieu » (1 Co 3, 9). Le Seigneur lui-même s’est comparé à la pierre que les bâtisseurs ont rejetée, mais qui a été érigée en pierre angulaire (Mt 21, 42 ; Ac 4, 11 ; 1 P 2, 7 ; Ps 117, 22). Sur ce fondement, l’Église est construite par les apôtres (cf. 1 Co 3, 11), et c’est de là qu’elle tire durabilité et consolidation. Cet édifice a plusieurs noms pour le décrire : la maison de Dieu (1 Tm 3, 15) dans laquelle habite sa famille ; la maison de Dieu dans l’Esprit (Ep 2, 19-22) ; la demeure de Dieu parmi les hommes (Ap 21, 3) ; et, surtout, le saint temple. Ce temple, symbolisé par des lieux de culte construits en pierre, est loué par les saints Pères et, non sans raison, est comparé dans la liturgie à la ville sainte, la Nouvelle Jérusalem (Ap 21, 2). Pierres vivantes, nous y sommes intégrés ici-bas (1 P 2, 5). Jean contemple cette ville sainte qui descend du ciel au renouvellement du monde comme une épouse préparée et parée pour son époux (Ap 21, 16).

    L’Église, « la Jérusalem d’en haut », est aussi appelée « notre mère » (Gal 4, 26 ; cf. Ap 12, 17). Elle est décrite comme l’épouse immaculée de l’Agneau immaculé (Ap 19, 7 ; 21, 2 et 9 ; 22, 17), que le Christ « a aimée et pour laquelle il s’est livré lui-même afin de la sanctifier » (Ep 5, 26), qu’il unit à lui par une alliance indissoluble, et qu’il « nourrit et chérit » sans cesse (Ep 5, 29), et qu’une fois purifiée il a voulu être purifiée et unie à lui, soumise à lui dans l’amour et la fidélité (cf. Ep 5, 24), et qu’il a enfin comblée de dons célestes pour toute l’éternité, afin que nous connaissions l’amour de Dieu et du Christ pour nous, amour qui surpasse toute connaissance (cf. Ep 3, 19). Sur la terre, l’Église, qui chemine dans une terre étrangère loin du Seigneur (cf. 2 Co 5, 6), est comme en exil. Elle cherche et expérimente les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu, où la vie de l’Église est cachée avec le Christ en Dieu jusqu’à ce qu’elle apparaisse dans la gloire avec son Époux (cf. Col 3, 1-4).

    Si seulement nous en avions entendu davantage au cours de ce dernier mois de synode et des trois années de « processus synodal » qui l’ont précédé.

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  • Simon et Jude, apôtres obscurs

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    StsSimon-Jude28-10.jpgSource : Missel.free.fr

    Plût à Dieu, écrivait saint Jean Chrysostome, qu'il y eût eu quelqu'un pour nous transmettre soigneusement l'histoire des apôtres ! Ce vœu ne s'est pas réalisé pour saint Simon ni pour saint Jude dont l'Evangile ne nous a guère conservé que les noms.

    L'obscurité qui enveloppe saint Simon a semblé autoriser quelques historiens ecclésiastiques à le confondre avec saint Syméon, qui, après saint Jacques le Mineur, fut évêque de Jérusalem. Néanmoins il paraît plus probable qu'il faut distinguer l'un de l'autre les deux saints, rapprochés seulement par le nom.

    Dans la liste des Apôtres que nous ont transmise les évangiles de saint Matthieu et de saint Marc, Simon est nommé à l'avant-dernier rang, avec le surnom Cananæus. Beaucoup ont affirmé que ce surnom marquait peut-être le lieu de sa naissance, Cana ; de là à penser qu'il était l’époux des noces de Cana, il n'y avait pas loin, et certain n’ont pas manqué de le suggérer. Cependant, il semble bien que saint Luc donne le vrai sens de ce surnom, lorsqu'il qualifie Simon (placé par lui au dixième rang des apôtres), de Zelote, c'est-à-dire plein de zèle : en hébreu Qan'ani, d'où la transcription Cananæus.

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  • Les saints apôtres Simon et Jude (28 octobre)

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    Le mercredi 11 octobre 2006, lors de l'audience générale, le pape Benoît XVI a consacré sa catéchèse aux apôtres Simon et Jude : 

    Simon le Cananéen et Jude Thaddée

    Chers frères et soeurs,

    Nous prenons aujourd'hui en considération deux des douze Apôtres:  Simon le Cananéen et Jude Thaddée (qu'il ne faut pas confondre avec Judas Iscariote). Nous les considérons ensemble, non seulement parce que dans les listes des Douze, ils sont toujours rappelés l'un à côté de l'autre (cf. Mt 10, 4; Mc 3, 18; Lc 6, 15; Ac 1, 13), mais également parce que les informations qui les concernent ne sont pas nombreuses, en dehors du fait que le Canon néo-testamentaire conserve une lettre attribuée à Jude Thaddée.

    Simon reçoit un épithète qui varie dans les quatre listes:  alors que Matthieu et Marc le qualifient de "cananéen", Luc le définit en revanche comme un "zélote". En réalité, les deux dénominations s'équivalent, car elles signifient la même chose:  dans la langue juive, en effet, le verbe qana' signifie:  "être jaloux, passionné" et peut être utilisé aussi bien à propos de Dieu, en tant que jaloux du peuple qu'il a choisi (cf. Ex 20, 5), qu'à propos des hommes qui brûlent de zèle en servant le Dieu unique avec un dévouement total, comme Elie (cf. 1 R 19, 10). Il est donc possible que ce Simon, s'il n'appartenait pas précisément au mouvement nationaliste des Zélotes, fût au moins caractérisé par un zèle ardent pour l'identité juive, donc pour Dieu, pour son peuple et pour la Loi divine. S'il en est ainsi, Simon se situe aux antipodes de Matthieu qui, au contraire, en tant que publicain, provenait d'une activité considérée comme totalement impure. C'est le signe évident que Jésus appelle ses disciples et ses collaborateurs des horizons sociaux et religieux les plus divers, sans aucun préjugé. Ce sont les personnes qui l'intéressent, pas les catégories sociales ou les étiquettes! Et il est beau de voir que dans le groupe de ses fidèles, tous, bien que différents, coexistaient ensemble, surmontant les difficultés imaginables:  en effet, Jésus lui-même était le motif de cohésion, dans lequel tous se retrouvaient unis. Cela constitue clairement une leçon pour nous, souvent enclins à souligner les différences, voire les oppositions, oubliant qu'en Jésus Christ, nous a été donnée la force pour concilier nos différences. Rappelons-nous également que le groupe des Douze est la préfiguration de l'Eglise, dans laquelle doivent trouver place tous les charismes, les peuples, les races, toutes les qualités humaines, qui trouvent leur composition et leur unité dans la communion avec Jésus.

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  • "Construisez votre vie sur le roc de l'amitié avec le Christ" (cardinal Müller)

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    D'Edward Pentin sur le NCR :

    Cardinal Müller : Construisez votre vie sur le roc de l'amitié avec le Christ

    S'adressant aux pèlerins catholiques traditionnels lors de la procession annuelle Summorum Pontificum, l'ancien préfet de la CDF a mis en garde contre le fait que la foi devienne une « routine irréfléchie » et a souligné l'appel à une foi vraie et vivante.

    Le cardinal Gerhard Müller a souligné que la foi chrétienne est une « relation personnelle » avec le Dieu trinitaire en communion avec son Église, et a mis en garde contre le fait de laisser cette relation « s'atrophier en une tradition mécanique, une coutume extérieure ou une routine irréfléchie ».     

    Dans une homélie sur la distinction entre idéologie et foi prononcée le 26 octobre dans la basilique Saint-Pierre aux participants à la conclusion de la 13e procession traditionnelle annuelle Summorum Pontificum , il a observé qu'en tant que croyants « liés à Jésus par une amitié personnelle, nous ne nous comportons pas comme des gardiens dans un musée d'un monde révolu ».  

    Au lieu de cela, a-t-il ajouté, « nous avançons en présence de Dieu, devant qui nous devons répondre de nos vies en pensées, en paroles et en bonnes œuvres. » 

    Le cardinal Müller, qui a été préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de 2012 à 2017, a prononcé son homélie lors d'une courte cérémonie liturgique dans la basilique.  

    Le cardinal Gerhard Müller célèbre la messe du 13e pèlerinage Summorum Pontificum le 26 octobre 2024.
    Le cardinal Gerhard Müller et les participants du 13e pèlerinage Summorum Pontificum le 26 octobre 2024. (Photo : Edward Pentin)

    Depuis 2023, et à la lumière du motu proprio Traditionis Custodes du pape François de 2021 qui a imposé des restrictions radicales à la messe traditionnelle en latin, les pèlerins participant à la procession annuelle ne sont plus autorisés à faire célébrer une messe de conclusion selon l'ancien rite dans la basilique.   

    Le cardinal Müller a commencé son homélie en soulignant que la distinction entre foi et idéologie était quelque chose sur laquelle le pape Benoît XVI « a attiré l’attention à plusieurs reprises ».  

    Le christianisme, a souligné le cardinal Müller, apporte « la vérité et la liberté, l’amour et la vie » et « l’unité universelle de tous les peuples dans l’amour du Christ ». Il ne s’agit pas d’une « théorie abstraite » mais d’une « relation avec une Personne » qui « nous donne sa grâce pour participer à la vie divine ».  

    Le cardinal Gerhard Müller célèbre la messe le 26 octobre 2024.
    Le cardinal Gerhard Müller le 26 octobre 2024 à l'intérieur de la basilique Saint-Pierre. (Photo : Edward Pentin)

    « C’est pourquoi nous pouvons placer toute notre espérance en lui, dans la vie et dans la mort », a déclaré le cardinal, qui est l’éditeur des Œuvres complètes de Joseph Ratzinger . « Le Fils de Dieu est l’unique Sauveur du monde, car seul Dieu dans sa toute-puissance peut nous sauver de la souffrance, du péché et de la mort », a-t-il ajouté. « Aucun homme, aussi brillant soit-il, ne peut nous sortir de l’abîme de la finitude, seul ou même avec les forces combinées des talents de tous les hommes. » 

    Mais le cardinal Müller met en garde contre la « tentation existentielle » de placer notre confiance dans les hommes plutôt que dans Dieu, ajoutant que « à cause de la sécularisation », beaucoup croient que l’on peut « vivre comme si Dieu n’existait pas ». Cela conduit à adorer les « faux dieux de l’argent, du pouvoir et de la luxure », a-t-il expliqué, rappelant que « toutes les idéologies athées de notre temps, avec leurs chefs autoproclamés, n’ont fait que plonger le monde dans une misère plus profonde ».  

    À titre d’exemple, il a cité les régimes fascistes et communistes du passé, ainsi que « le consumérisme capitaliste, le genre et l’idéologie transhumaniste » — qui, selon lui, « ont transformé le monde en un désert de nihilisme ».  

    « Le XXe siècle a été peuplé de dictateurs et de monstres qui voulaient imposer leur volonté au monde, sans se soucier du bonheur de millions de personnes », a-t-il déclaré. « Ils croyaient que leurs idées étaient le salut du monde et que le nouvel être humain devait être « créé » à leur image et à leur ressemblance et « béni » selon leur logique.  

    Le cardinal Gerhard Müller célèbre la messe le 26 octobre 2024.
    Le cardinal Gerhard Müller à l'intérieur de la basilique Saint-Pierre au Vatican, le 26 octobre 2024. (Photo : Edward Pentin)

    « Aujourd’hui encore, a-t-il ajouté, nous constatons comment les terroristes, les exploiteurs et les tyrans sans scrupules déclarent que la haine et la violence sont les moyens de parvenir à un « monde meilleur ». Les superpuissances d’aujourd’hui, a poursuivi le cardinal, « s’engagent dans une géopolitique impitoyable au détriment de la vie et de la dignité des enfants et des adultes ».  

    Mais Dieu « manifeste sa puissance précisément en ne sacrifiant pas les autres à ses propres intérêts, comme le font les dirigeants de ce monde, mais en se donnant lui-même dans son Fils, qui par amour a pris notre chair mortelle », a déclaré le cardinal.   

    C’est pourquoi, contrairement aux « idéologies mortifères » qui séduisent les gens avec leur propagande, « le christianisme est la religion de la vérité et de la liberté, de l’amour et de la vie », et l’amour que Dieu accorde « à nous tous en abondance » conduit à « la charité envers les autres qui est l’accomplissement de l’être humain », a-t-il expliqué.  

    Le cardinal Gerhard Müller célèbre la messe le 26 octobre 2024.
    Le cardinal Gerhard Müller le 26 octobre 2024 à l'intérieur de la basilique Saint-Pierre. (Photo : Edward Pentin)

    Le cardinal Müller a souligné les « magnifiques témoignages » de la culture chrétienne, représentant une « synthèse de la foi et de la raison » et l’unité entre le service de Dieu et la responsabilité du monde, fondée sur l’Incarnation.  

    « Du christianisme procède une humanisation universelle du monde », a-t-il souligné. « Par leurs paroles et leurs actes, les chrétiens sont appelés à contribuer à la paix entre les peuples. »  

    Le cardinal a conclu en exhortant les personnes présentes à « ne pas construire la maison de leur vie sur des idéologies conçues par les hommes, mais sur le roc de l’amitié personnelle avec le Christ dans les vertus divines – la foi, l’espérance et l’amour – pour pouvoir dire avec saint Paul : « La vie que je vis maintenant dans ce corps, je la vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Galates 2, 20). » 

    Le cardinal Müller était à Rome pour participer au Synode sur la synodalité de ce mois-ci en tant que délégué pontifical. 

  • Que se réjouisse le coeur de ceux qui cherchent Dieu (introit du 30e dimanche du T.O.)

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    Laetetur cor quaerentium Dominum:
    quaerite Dominum, et confirmamini:
    quaerite faciem eius semper.
     
    Que le cœur de ceux qui cherchent le Seigneur se réjouisse :
    cherchez le Seigneur, et soyez affermis:
    cherchez sans cesse sa face.
     
    Ps.  1
    Confitemini Domino,
    et invocate nomen eius:
    annuntiate inter gentes opera eius.
     
    Acclamez le Seigneur,
    et invoquez son nom:
    annoncez ses œuvres parmi les nations.
  • "Jésus, Fils de David, prends pitié de moi"; homélie pour le 30e dimanche du temps ordinaire

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    Homélie du Père Simon Noël pour le 30e dimanche année B, l'aveugle de Jéricho :

    L'aveugle de Jéricho, qui mendiait au bord du chemin, se mit à crier au passage de Jésus : « Jésus, Fils de David, prends de moi ». Et alors qu'on le rabrouait il criait de plus belle : « Jésus, Fils de David, prends de moi ». La prière de ce malheureux consistait donc à répéter sans cesse la même chose. De même le publicain dans le temple ne cessait de répéter : « Ô Dieu, sois propice au pécheur que je suis ». Ces deux exemples, l'aveugle de Jéricho et le publicain de la parabole donnée par Jésus, sont à l'origine d'une forme de prière qu'on appelle la prière monologique, et qui consiste à répéter sans cesse la même petite formule. Jésus lui-même priera ainsi au jardin des oliviers lorsqu'il répétera pendant des heures la même chose : « Père, s'il est possible, éloigne de moi cette coupe. Mais que ta volonté soit faite, et non la mienne ».

    La plus célèbre des prières de type monologique est celle qu'on appelle en orient la prière de Jésus. En égrenant leur rosaire, les moines et les pieux laïcs orientaux ne cessent de murmurer l'invocation : « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi, pécheur ». Cette invocation est en fait une combinaison de la prière de l'aveugle et de celle du publicain. Elle consiste en deux éléments : l'invocation du Nom de Jésus et une supplication pour le pauvre que je suis. C'est donc une prière toute simple, qui ne fatigue ni l'esprit ni le cœur, mais qui est, lorsqu'on la reprend sans cesse, très puissante pour nous conduire à la paix profonde et nous envelopper de la Divine miséricorde. Pourquoi ne l'essayeriez-vous pas aujourd'hui, tout de suite après avoir reçu la sainte hostie : redire pendant quelques instants cette formule toute simple à Jésus réellement présent avec tout son amour au fond de votre cœur : « SeigneurJésus-Christ, ayez pitié de moi ».

    « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » : telle est la demande de Jésus à l'aveugle qui le supplie. C'est aussi la même demande que Jésus-Christ nous fait quand nous prions ou quand nous venons de le recevoir dans la sainte communion. Jésus est tout prêt à répandre ses grâces, il vient dans notre cœur les mains chargées de grâces. Encore faut-il que nous les lui demandions. En fait il connaît nos besoins, mieux que nous, il n'a pas besoin de notre prière, mais c'est nous qui en avons besoin, afin de prendre conscience de notre pauvreté et de notre dépendance face à la libéralité divine. Ce que nous devons demander avant tout c'est le divin amour, car alors nous sommes riches de l'essentiel, ainsi que les vertus chrétiennes qui nous manquent. Mais nous pouvons aussi lui confier tous nos soucis quotidiens et lui recommander ceux qui sont dans notre cœur, en disant simplement : « Dans ton royaume, souvenez-vous, Seigneur, de telle ou telle personne ».

    Je voudrais aussi dire un mot sur un passage de l'épître. Il est dit qu'un prêtre « est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement, car il est lui aussi rempli de faiblesse ». Ainsi un prêtre, par exemple lorsqu'il administre le sacrement de la réconciliation, se doit d'être plein de miséricorde et de compréhension, comme le pape François aime souvent à le rappeler. Le prêtre est lui-même faible et pécheur. Mais Jésus-Christ est quant à lui notre grand-prêtre. Sa miséricorde est infinie, dès qu'on se repent sincèrement. Mais ce qu'il y a de merveilleux dans cette miséricorde divine, c'est que non seulement Jésus pardonne et oublie nos fautes, mais qu'en outre il nous comprend, car il sait mieux que nous de quoi nous sommes façonnés. Ressentir cette compréhension du Christ de notre misère est l'un des bienfaits du sacrement de la réconciliation, qui est ainsi source de paix et de joie dans notre vie. Comme le dit si bien le Père Joël Guibert, si nous comprenions cela, nous irions à confesse avec le même entrain et la même joie que nous allons communier.

    Ainsi donc ces deux lectures de ce jour nous parlent une fois de plus de l'amour insondable du Sacré-Cœur de Jésus-Christ, source et océan infini de miséricorde, comme cela est affirmé dans les douze promesses de ce Sacré-Cœur, faites à sainte Marguerite-Marie. Cet amour, nous en faisons l'expérience dans la prière et dans les sacrements. Mais si nous ne prions pas et si nous ne vivons pas les sacrements avec une ferveur suffisante, nous ne pouvons connaître cet amour suréminent qui est dans le Christ Jésus, et notre religion deviendra quelque chose de sec, de froid et d'ennuyeux. Oui, ce à quoi nous sommes appelés, c'est de vivre avec le Christ une relation d'amitié et d'intimité, qui en imprégnant toute notre existence nous fera déjà connaître le bonheur qui sera éternellement le nôtre au paradis.

  • Soyons comme les prophètes qui disent ce que Dieu leur fait voir (homélie du 30e dimanche)

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    De l'abbé Christophe Cossement sur son blog :

    Solidaires de ceux qui ne voient pas encore

    homélie du 30e dimanche B (archive 24 octobre 2021)

    Pensez-vous parfois à la joie de Dieu de venir en aide à celui qui crie vers lui, à la joie du ciel quand quelqu’un ouvre son cœur à la grâce ? Quand nous vivons dans la morosité ou que le monde autour de nous nous paraît sombre, c’est bon de regarder la réalité sous cet angle : Dieu se réjouit de conduire l’aveugle, le boiteux, tous ceux qui sont fragiles, par un chemin où ils ne tomberont pas (Jr 31,9). Avec cette joie de Dieu comme lunettes, nous pourrons regarder les faits les plus inquiétants de notre monde sans nous décourager. Et c’est vrai qu’en matière de faits inquiétants, nous sommes servis. Prenez ce que nous avons appris ce lundi : qu’une émission de télé-réalité va mettre en scène des gens qui veulent se « fabriquer » un enfant en dehors d’une relation conjugale, un enfant qui fera l’objet d’un contrat entre des personnes qui s’imaginent être leur parent à temps partiel. J’utilise le terme fabriquer à dessein, car ici nous sortons complètement du cadre de l’enfant comme don, pour entrer dans celui de l’enfant comme objet de consommation, un peu comme si on créait une association pour acheter un château ou une vigne. Heureusement il y a quelques personnes pour dire que cela ne va pas, mais aussi plein d’autres pour argumenter que cela se fait déjà, que c’est juste mettre en avant une nouvelle conception possible. Ah, quel aveuglement sur la dignité humaine, lorsque l’enfant devient une production pour réaliser un désir d’adulte ! Comment en est-on arrivé là ? Par petites touches, à partir de techniques médicales pour aider les couples stériles, en apparence bonnes parce qu’utiles aux éprouvés, puis nous en sommes arrivés à utiliser cette procréation médicale aussi pour ceux qui ne souffraient pas d’infertilité mais désiraient simplement l’impossible. Et maintenant nous en sommes à l’enfant-contrat, avant sans doute d’autres dérives. C’est le processus d’un aveuglement progressif. Quand l’Église a dit que le bébé-éprouvette nous mettait sur une pente dangereuse, on lui a répondu qu’elle exagérait. On l’a fait il y a longtemps aussi au sujet de la contraception, envers laquelle l’Église émettait beaucoup de réserves alors qu’elle était censée résoudre tous les problèmes de couples… Et maintenant on voit que la domination de la femme par l’homme semble ne plus avoir de limite, comme en témoigne abondamment l’actualité.

    Jésus guérit l’aveugle Bartimée, qui a crié vers lui : « fils de David, prends pitié de moi ! ». Jésus guérissant les aveugles qui viennent à lui nous montre le grand don de la vue qu’il veut restaurer en chacun : le don de regarder sa vie, d’y voir ce que Dieu attend de nous et ce qui, au contraire, bien que cela nous plaise, finira par nous conduire dans le vide. Jésus propose la vue à l’homme aveuglé par ses mauvais choix ou par son ignorance. Mais devant l’homme qui ne veut pas voir, que peut-il faire ? « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous voyons !”, votre péché demeure », disait Jésus aux pharisiens qui lui cherchaient querelle après la guérison de l’aveugle-né (Jn 9,41). Voici la situation qui s’est répandue lentement chez nous depuis le XVIIIe siècle : dire à Dieu que c’est sans lui que nous voyons le mieux et que sûrement ce n’est pas à lui que nous allons demander de voir.

    Au milieu d’une humanité qui se comporte ainsi, soyons comme les prophètes qui disent ce que Dieu leur fait voir. Et soyons aussi comme les prophètes qui se font solidaires du peuple qui s’égare, et qui disent : Seigneur, prends pitié de nous, fais-nous revenir à toi ! L’humanité n’a pas besoin de chrétiens qui se mettent à l’écart pour tirer à boulets rouges sur ce qui ne va pas. Elle n’a pas davantage besoin de chrétiens timorés et silencieux qui n’osent pas dire ce que le Seigneur leur souffle dans le cœur, qui n’osent peut-être même pas chercher hors des rabâchages du monde la vérité de l’Évangile. Elle a besoin de chrétiens qui pensent à la joie qu’a Dieu de rendre la vue aux aveugles. Elle a besoin de chrétiens qui disent la vérité selon le Christ, celle que l’Église discerne pas à pas selon les défis qui surgissent. Elle a besoin de chrétiens qui restent en même temps solidaires de cette société blessée par le péché, en y travaillant, en se rendant présents pour accueillir, pour écouter, pour souffrir avec et pour y prier. Ainsi nous serons disciples de Celui qui rend la vue aux aveugles, et déjà nous verrons le Royaume venir.

  • Non pas modernistes mais lumière du monde, la vocation des chrétiens

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    De la NBQ :

    Non pas modernistes mais lumière du monde, la vocation des chrétiens

    En tant que chrétiens, nous sommes appelés à gravir la pente de la foi dans une société qui nie Dieu et propose une anthropologie totalitaire. Et le renouveau du modernisme dans l’Église doit recevoir une réponse par l’évangélisation. Nous publions une conférence de Mgr. Negri lors d'une conférence en sa mémoire, centrée sur la Doctrine Sociale de l'Eglise.

    26_10_2024

    Aujourd'hui, samedi 26 octobre, se déroule à Milan, dans la crypte de l'Aula Magna de l'Université catholique, la conférence « Une manière de construire le bien commun. La doctrine sociale de l'Église à la lumière de la contribution de Mgr. Luigi Negri ».

    Parmi les participants figurent le cardinal Willem Jacobus Eijk, archevêque métropolitain d'Utrecht et primat de Hollande, et Sante Maletta, professeur de philosophie politique à l'Université de Bergame ; présente Giulio Luporini, président de l'association culturelle Tu Fortitudo Mea. Conformément à ce thème, nous publions de longs extraits de la conférence sur les principes non négociables tenue par Mgr Luigi Negri (1941-2021), à Turin, le 14 octobre 2017.

    ***

    Il y a une pente à remonter. Nous devons remonter cette pente en raison de la destruction d'une grande tradition religieuse et culturelle qui fait la fierté de notre civilisation chrétienne et européenne. La fierté d'une conception de la foi qui est l'affirmation de la présence d'une vie nouvelle. La foi est une vie nouvelle que le Seigneur Jésus-Christ, qui en a fait l’expérience directe et en plénitude, donne à tous ceux qui croient en Lui. La foi n’est pas une série de formulations idéologiques.

    Le Concile Vatican II , lorsqu'il réfléchit sur l'existence d'une société sans Dieu, dans  Gaudium et spes , dit que dans une société sans Dieu, l'homme devient inévitablement « particule de matière ou citoyen anonyme de la cité humaine » : manipulation scientifique et technologique, manipulation socio-politique.

    Il faut donc se remettre sur les rails , c'est-à-dire remonter cette grande tradition dont nous sommes les enfants et qui nous influence encore positivement. Même si cette énorme pression antichrétienne dans laquelle nous vivons risque de nous faire sentir avant tout très lointain, inaccessible. Ou comme on dit maintenant, d'une manière terrible comme équivoque, mais très répandue dans le monde catholique, un grand idéal mais non applicable, non réalisable. Ce grand idéal qui n'est plus réalisable est, par exemple, le mariage chrétien, la famille chrétienne, le dévouement mutuel entre hommes et femmes ; il faudrait donc quelque chose de plus quotidien, de moins exigeant et qui serait formulé à partir d'observations psychologiques, affectives et sociologiques.

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  • « L’image chrétienne de l’homme » : un texte inédit de Benoît XVI

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    De zenit.org :

    « L’image chrétienne de l’homme » : texte inédit dont Benoît XVI

    Benoît XVI a autorisé la publication de ce texte après sa mort

    25 octobre 2024

    Un document inédit du pape émérite Benoît XVI, intitulé « L’image chrétienne de l’homme », révèle une profonde réflexion sur les problèmes moraux et sociaux auxquels l’humanité contemporaine est confrontée.

    Ce texte, rédigé entre Noël et l’Épiphanie 2019-2020, aborde avec une attention particulière la crise de l’identité, la famille et l’amour humain, des thèmes qui, pour le Pape émérite, sont essentiels dans la recherche d’un avenir plus cohérent avec la dignité de l’être humain.

    La publication a été réalisée par le « Projet Veritas Amoris », fondé en 2019 dans le but de poursuivre le travail de de l’Institut Jean-Paul II pour les Études sur le Mariage et la Famille.

    Le texte de Benoît XVI figure dans le troisième volume de la revue italienne de ce projet, un espace qui cherche à tracer des chemins vers la vérité de l’amour au milieu d’un monde en constante transformation.

    L’un des points forts de la lettre est la critique du Pape émérite à l’égard des tendances idéologiques actuelles, telles que l’idéologie du genre et la manipulation de la vie en laboratoire. Selon Benoît XVI, ces tendances sont le fruit d’un marxisme déguisé en libéralisme extrême, qui a déformé le concept de liberté et menace de saper l’essence même de ce que signifie être humain.

    Par ses propos, le Pape émérite cherche à souligner qu’une vérité sans amour devient froide, et que c’est dans la combinaison des deux que réside l’espoir d’une société plus juste et plus humaine. Ce dernier héritage intellectuel de Benoît XVI invite non seulement à une réflexion profonde sur les questions les plus urgentes de notre temps, mais laisse également un avertissement clair : l’humanité doit trouver un équilibre entre le progrès et la préservation de sa nature, sous peine de se perdre dans la confusion des temps modernes.

    Vous trouverez ci-dessous une traduction en français de l’article.

    « L’image chrétienne de l’homme » par Benoît XVI (Publié à l’origine en italien)

    L’atmosphère qui s’est largement répandue dans la chrétienté catholique après le Concile Vatican II a d’abord été conçue de manière unilatérale comme une démolition des murs, comme un « abattage des forteresses », de sorte que, dans certains milieux, on a commencé à craindre la fin du catholicisme, ou même à l’espérer avec joie.

    La ferme détermination de Paul VI et celle, tout aussi claire mais joyeusement ouverte, de Jean-Paul II ont réussi une fois de plus à assurer à l’Église – humainement parlant – son propre espace dans l’histoire future. Lorsque Jean-Paul II, originaire d’un pays dominé par le marxisme, a été élu Pape, certains ont pensé qu’un Pape originaire d’un pays socialiste devait nécessairement être un Pape socialiste et qu’il allait donc réconcilier le monde par une « reductio ad unum » du christianisme et du marxisme.

    La folie de cette position est vite apparue dès que l’on s’est rendu compte qu’un pape issu d’un monde socialiste était bien conscient des injustices de ce système, et pouvait donc contribuer au tournant surprenant qui s’est produit en 1989, avec la fin du régime marxiste en Russie. Cependant, il est devenu de plus en plus clair que le déclin des régimes marxistes était loin d’être une victoire spirituelle du christianisme.

    La sécularisation radicale, au contraire, s’est révélée de plus en plus comme l’authentique vision dominante, privant de plus en plus le christianisme de son espace vital. Dès ses débuts, la modernité commence par l’appel à la liberté humaine : depuis l’accent mis par Luther sur la liberté chrétienne et l’humanisme d’Érasme de Rotterdam. Mais ce n’est qu’à l’époque des bouleversements historiques qui ont suivi les deux guerres mondiales, lorsque le marxisme et le libéralisme sont devenus dramatiquement extrêmes, que sont apparus deux nouveaux mouvements qui ont porté l’idée de liberté à un degré de radicalité inimaginable jusqu’alors.

    En effet, on nie aujourd’hui que l’homme, en tant qu’être libre, soit lié d’une quelconque manière à une nature qui détermine l’espace de sa liberté. L’homme n’a plus de nature, il se « fait ». Il n’y a plus de nature humaine : c’est lui qui décide de ce qu’il est, homme ou femme. C’est l’homme qui produit l’homme et décide ainsi du destin d’un être qui ne sort plus des mains d’un Dieu créateur, mais du laboratoire des inventions humaines.

    L’abolition du Créateur comme l’abolition de l’homme est ainsi devenue la véritable menace pour la foi. C’est le grand défi auquel la théologie est confrontée aujourd’hui. Et elle ne pourra le relever que si l’exemple de la vie chrétienne est plus fort que la puissance des négations qui nous entourent et nous promettent une fausse liberté.

    La conscience de l’impossibilité de résoudre un problème de cette ampleur au seul niveau théorique ne nous dispense cependant pas d’essayer de proposer une solution au niveau de la pensée.

    Nature et liberté semblent, à première vue, irréconciliablement opposées : néanmoins, la nature de l’homme est pensée, c’est-à-dire qu’elle est création, et en tant que telle, elle n’est pas simplement une réalité dépourvue d’esprit, mais elle porte en elle le « Logos ». Les Pères de l’Église – et en particulier Athanase d’Alexandrie – ont conçu la création comme la coexistence de la « sapientia » incréée et de la « sapientia » créée. Nous touchons ici au mystère de Jésus-Christ, qui unit en lui la sagesse créée et la sagesse incréée et qui, en tant que sagesse incarnée, nous appelle à être ensemble avec Lui.

    Ainsi, la nature – qui est donnée à l’homme – n’est plus distincte de l’histoire de la liberté de l’homme et porte en elle deux moments fondamentaux.

    D’une part, on nous dit que l’être humain, l’homme Adam, a mal commencé son histoire dès le début, de sorte que le fait d’être humain, l’humanité de chacun, comporte un défaut originel. Le « péché originel » signifie que chaque action individuelle est préalablement inscrite sur une mauvaise voie.

    Toutefois, à cela s’ajoute la figure de Jésus-Christ, le nouvel Adam, qui a payé à l’avance la rédemption pour nous tous, offrant ainsi un nouveau départ à l’histoire. Cela signifie que la « nature » de l’homme est en quelque sorte malade, qu’elle a besoin d’être corrigée (« spoliata et vulnerata »). Cela l’oppose à l’esprit, avec la liberté, telle que nous l’expérimentons continuellement. Mais d’une manière générale, elle est aussi déjà rachetée. Et ce, est un double sens : parce qu’en général, suffisamment de choses ont déjà été faites pour tous les péchés et parce qu’en même temps, cette correction peut toujours être accordée à chaque individu dans le sacrement du pardon.

    D’une part, l’histoire de l’homme est l’histoire de fautes toujours nouvelles ; d’autre part, la guérison est toujours possible. L’homme est un être qui a besoin de guérison, de pardon. Le fait que ce pardon existe comme une réalité et pas seulement comme un beau rêve est au cœur de l’image chrétienne de l’homme. C’est ici que la doctrine des sacrements trouve sa juste place. La nécessité du Baptême et de la Pénitence, de l’Eucharistie et du Sacerdoce, ainsi que le sacrement du Mariage.

    A partir de là, la question de l’image chrétienne de l’homme peut être abordée concrètement. Tout d’abord, le constat exprimé par saint François de Sales est important : il n’existe pas « une » image de l’homme, mais de nombreuses possibilités et de nombreuses manières dont l’image de l’homme se présente :  de Pierre à Paul, de François à Thomas d’Aquin, de Frère Conrad au cardinal Newman, etc. Il y a sans doute une certaine emphase qui parle en faveur d’une prédilection pour les « petits ».

    Naturellement, il conviendrait aussi d’examiner dans ce contexte l’interaction entre la « Torah » et le Sermon sur la Montagne, dont j’ai déjà parlé brièvement dans mon livre sur Jésus.

    « L’image chrétienne de l’homme » : texte inédit dont Benoît XVI | ZENIT - Français

  • Les signes des temps du professeur Richard Rex : une occasion manquée pour le synode

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    De George Weigel sur First Things :

    Les signes des temps du professeur Rex : une occasion manquée pour le synode

    Richard Rex est professeur d’histoire de la Réforme à la faculté de théologie et Polkinghorne Fellow en théologie et études religieuses au Queens’ College de l’université de Cambridge. Dans un brillant article de synthèse publié en 2018, le professeur Rex a soutenu que le catholicisme est aujourd’hui en proie à la troisième grande crise de son histoire bimillénaire. Si Richard Rex avait prononcé le discours d’ouverture des synodes de 2023 et 2024 – si son analyse des signes de ces temps telle qu’exposée dans cet article avait servi de cadre à l’ Instrumentum Laboris de chaque synode – les deux derniers synodes auraient pu être consacrés à une conversation sérieuse sur l’environnement culturel du XXIe siècle et ses implications pour la mission contemporaine de l’Église, plutôt que dans les sables mouvants de l’autoréférentialité ecclésiastique.

    Alors, qu'est-ce que le Synode a raté en omettant le professeur Rex ? Quelles ont été ces deux premières grandes crises et quelle est la troisième, celle que nous traversons actuellement ?  

    Trois crises

    La première crise fut le long débat, souvent féroce, qui divisa l’Église sur la question « Qu’est-ce que Dieu ? » 

    Le débat sur « Qu'est-ce que Dieu ? » a été déclenché au début du IVe siècle par le théologien alexandrin Arius, qui enseignait que ce que le christianisme connaissait sous le nom de « Fils » était une sorte de démiurge, par lequel le monde avait été créé, mais qui n'était pas coéternel avec le Père ; selon la formulation d'Arius, il y eut un temps où « le Fils n'était pas ». Le débat sur « Qu'est-ce que Dieu ? » a ensuite été étendu et amplifié par l'hérésie du monophysisme, selon laquelle l'humanité de Jésus n'était pas tout à fait réelle, mais plutôt une sorte de costume de surhomme masquant sa divinité. La question « Qu'est-ce que Dieu ? » a été définitivement résolue par le premier concile de Nicée I (325 après J.-C.), qui a condamné Arius et nous a donné le Credo que nous récitons aujourd'hui, et par le concile de Chalcédoine (451 après J.-C.), qui, influencé par le pape Léon le Grand et son célèbre « Tome », a mis un terme au monophysisme. Nicée I a affirmé que Jésus est vraiment Dieu, la deuxième personne de la Trinité éternelle ; Chalcédoine affirme que, par l'Incarnation de la seconde personne de la Trinité, la divinité et l'humanité sont unies dans l'unique personne de Jésus-Christ. Nicée I et Chalcédoine ont ainsi assuré pour toujours les fondements trinitaires et incarnationnels de l'orthodoxie chrétienne.

    La deuxième crise, qui a conduit à la fracture de la chrétienté occidentale dans les diverses réformes protestantes du XVIe siècle, tournait autour de la question : « Qu'est-ce que l'Église ? » L'Église avait-elle une forme ou une constitution définitive donnée par le Christ, une forme qui incluait le système sacramentel en sept parties ? Au cours des trois périodes de son œuvre (1545-1547, 1551-1552 et 1562-1563), le concile de Trente a donné la réponse orthodoxe à cette question : oui. L'ecclésiologie de Trente a ensuite été affinée au cours des siècles suivants par le renouvellement de la conception de l'Église par le pape Pie XII dans l'encyclique Mystici Corporis Christi (Le Corps mystique du Christ) de 1943, par le christocentrisme de Lumen Gentium (Lumière des nations), la Constitution dogmatique sur l'Église du concile Vatican II, et par la doctrine de la foi chrétienne. par le Synode extraordinaire des évêques de 1985, qui a synthétisé l'enseignement de Vatican II en décrivant l'Église comme une communion de disciples en mission ; et par Jean-Paul II dans l' encyclique Redemptoris Missio (La Mission du Rédempteur) de 1990, qui a vigoureusement défendu la permanence du mandat missionnaire de l'Église en tout temps et en tout lieu, tout en appelant chaque catholique à vivre le sens du baptême dans une vie de disciple missionnaire. 

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  • « Dilexit nos » : un guide bref pour les lecteurs occupés

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    Le Sacré-Coeur - Centre Pompidou

    Le Sacré Coeur de Georges Rouault

    De Luc Coppen sur The Pillar :

    « Dilexit nos » : un bref guide pour les lecteurs occupés

    24 octobre 2024

    Le pape François a publié jeudi la quatrième encyclique de son pontificat de 11 ans.

    Dilexit nos (« Il nous a aimés ») de 141 pages et 28 000 mots fait suite à Lumen fidei de 2013 (co-écrit avec Benoît XVI), de Laudato si' de 2015 et de Fratelli tutti de 2020 .

    L’ incipit, ou phrase d’ouverture, de la nouvelle encyclique est tiré de Romains 8, 37 , dans lequel saint Paul dit que les chrétiens peuvent surmonter toute adversité « grâce à celui qui nous a aimés ».

    Quelle est la genèse de la nouvelle encyclique, consacrée à « l’amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ » ? Et que dit-elle ?

    Voici un petit guide pour les lecteurs occupés.

    Quel est le contexte ?

    Le pape François a révélé en juin, mois traditionnellement dédié au Sacré-Cœur, qu'il prévoyait d'écrire un document sur la dévotion qui a parcouru le monde catholique après que la religieuse française Marguerite-Marie Alacoque a rapporté des visions de Jésus entre le 27 décembre 1673 et juin 1675.

    Alacoque, qui vivait au couvent de la Visitation à Paray-le-Monial, dans l'est de la France, a déclaré avoir entendu le Christ lui dire qu'il voulait qu'elle répande la «charité ardente» de son cœur jusqu'aux extrémités de la terre.

    Lors d'une audience générale le 5 juin, le pape a souligné que le 350e anniversaire de la première vision d'Alacoque tombait en décembre 2023.

    « Cette occasion a marqué le début d’une période de célébrations qui se terminera le 27 juin prochain », a-t-il déclaré . « C’est pourquoi je suis heureux de préparer un document qui rassemble les précieuses réflexions des textes magistériaux antérieurs et une longue histoire qui remonte aux Saintes Écritures, pour proposer aujourd’hui à toute l’Église cette dévotion imprégnée de beauté spirituelle ». 

    « Je crois qu’il nous fera un grand bien de méditer sur divers aspects de l’amour du Seigneur, qui peuvent éclairer le chemin du renouveau ecclésial et dire quelque chose de significatif à un monde qui semble avoir perdu le cœur. » 

    « Je vous demande de m’accompagner par la prière, pendant ce temps de préparation, dans l’intention de rendre public ce document en septembre prochain. »

    Le Vatican n'a donné aucune raison pour laquelle le texte n'a pas pu être concrétisé en septembre, mais le programme de voyage chargé du pape ce mois-là pourrait expliquer ce retard.

    Le 21 octobre, le bureau de presse du Saint-Siège a annoncé que le document, présenté pour la première fois comme une encyclique, serait rendu public lors d'une conférence de presse le 24 octobre avec deux intervenants : le théologien italien Mgr Bruno Forte et Sœur Antonella Fraccaro, responsable des Disciples de l'Évangile , un institut italien de vie consacrée inspiré par la spiritualité de saint Charles de Foucauld .

    Dans son annonce de juin, le pape a décrit la structure de base du document, en commençant par des références au cœur du Christ dans la Bible, en passant en revue les déclarations papales passées sur le Sacré-Cœur et en « proposant à nouveau » la dévotion à l'humanité du 21e siècle.

    À quels « textes magistériaux antérieurs » le pape François faisait-il référence ? Plusieurs d’entre eux évoquent le Sacré-Cœur : 

    • Encyclique Annum sacrum de Léon XIII de 1899 .
    • L'encyclique Miserentissimus Redemptor de Pie XI de 1928 et l'encyclique Caritate Christi compulsi de 1932 .
    • Encyclique Haurietis aquas de Pie XII de 1956 .
    • Lettre de Jean-Paul II de 1999 à l'occasion du 100e anniversaire de l'Annum sacrum .
    • Lettre de Benoît XVI de 2006 marquant le 50e anniversaire de Haurietis aquas .
    • La première note de bas de page de Dilexit nos fait mention d’une autre source d’inspiration : le père jésuite argentin Diego Fares, décédé en 2022 à l’âge de 66 ans. Le pape François affirme que les écrits inédits de Fares ont suscité « de nombreuses réflexions » dans le chapitre d’ouverture de l’encyclique, sur « l’importance du cœur ».

    Dans Dilexit nos , le pape François semble ajouter un épilogue christologique à ses encycliques sociales Laudato si' et Fratelli tutti, que certains ont critiquées pour ce qu'ils ont perçu comme un manque de concentration sur le Christ.

    « Le présent document peut nous aider à voir que l’enseignement des encycliques sociales Laudato si' et Fratelli tutti n’est pas sans rapport avec notre rencontre avec l’amour de Jésus-Christ », écrit le pape. 

    « Car c’est en buvant à ce même amour que nous devenons capables de tisser des liens de fraternité, de reconnaître la dignité de chaque être humain et de travailler ensemble à prendre soin de notre maison commune. »

    Nuage de mots montrant la prévalence des termes dans l'encyclique du pape François « Dilexit nos. » Créé sur freewordcloudgenerator.com.

    Quel est le message ?

    L'encyclique est divisée en cinq chapitres.

    1) L’importance du cœur : Ce chapitre s’intéresse à ce que nous entendons par « cœur », en référence à la civilisation grecque antique et à la Bible. Le pape soutient qu’à une époque de bouleversements sociaux, « nous devons recommencer à parler du cœur ». 

    Il écrit : « À l’ère de l’intelligence artificielle, nous ne pouvons pas oublier que la poésie et l’amour sont nécessaires pour sauver notre humanité. » 

    2) Gestes et paroles d’amour : Dans le court deuxième chapitre, François réfléchit sur les « gestes concrets » et les paroles du Christ qui ont révélé la profondeur de son amour pour les êtres humains.

    3) C’est le cœur qui a tant aimé : Le pape s’interroge ensuite sur ce que consiste la dévotion au cœur du Christ. Il ne s’agit pas, souligne-t-il, « de vénérer un seul organe en dehors de la personne de Jésus ». Au contraire, « ce que nous contemplons et adorons, c’est Jésus-Christ tout entier ». 

    Il exhorte les catholiques à ne pas s'attarder sur des images particulières du cœur du Christ, dont certaines peuvent « nous sembler de mauvais goût et pas particulièrement propices à l'affection ou à la prière », mais à leur permettre de nous conduire à une rencontre avec Jésus. 

    Le pape défend la pertinence durable de la dévotion au Sacré-Cœur. 

    « L’image expressive et symbolique du cœur du Christ n’est pas le seul moyen que nous accorde l’Esprit Saint pour rencontrer l’amour du Christ, mais c’est… un moyen particulièrement privilégié », écrit-il. 

    Mais la dévotion doit être continuellement nourrie, dit-il, par des pratiques telles que recevoir la communion le premier vendredi de chaque mois et passer une heure en adoration eucharistique chaque jeudi.

    François suggère que, tout comme la dévotion au Sacré-Cœur a défié le jansénisme au XVIIe siècle, elle répond aujourd’hui à « une puissante vague de sécularisation qui cherche à construire un monde libre de Dieu ».

    « Je dois avertir que, dans l’Église aussi, un dualisme janséniste néfaste a refait surface sous de nouvelles formes », écrit-il. « Il a gagné en force ces dernières décennies, mais il s’agit d’une résurgence de ce gnosticisme qui s’est révélé une si grande menace spirituelle dans les premiers siècles du christianisme parce qu’il refusait de reconnaître la réalité du « salut de la chair ». C’est pourquoi je tourne mon regard vers le cœur du Christ et je nous invite tous à renouveler notre dévotion à son égard. » 

    4) Un amour qui se donne en boisson :   Le quatrième chapitre considère les racines historiques profondes de la dévotion au cœur du Christ, en commençant par la Bible hébraïque, le Nouveau Testament et les premiers Pères de l'Église. 

    Le pape retrace la diffusion de cette dévotion au Moyen Âge, en soulignant les expériences mystiques de femmes telles que Julienne de Norwich . Il consacre une section à la « contribution importante » de l'écrivain du XVIe siècle, saint François de Sales .

    Il en arrive ensuite aux révélations reçues par sainte Marguerite-Marie Alacoque, et défendues par son confesseur jésuite saint Claude La Colombière. De là, il passe aux saints français influents du XIXe siècle, Charles de Foucauld et Thérèse de Lisieux.

    Le premier pape jésuite souligne le rôle singulier joué par la Compagnie de Jésus dans la diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur. 

    La longue histoire de cette dévotion et son rôle central dans la vie de tant de saints montrent qu’elle n’est pas « une admirable relique du passé, une belle spiritualité adaptée à d’autres époques », dit-il.

    5) L'amour pour l'amour :   Dans le cinquième chapitre, François considère la réponse humaine à la rencontre avec le cœur aimant du Christ. Il réfléchit sur la manière dont les chrétiens, au cours des siècles, ont été amenés à répondre aux besoins et aux souffrances des autres. 

    Il s’intéresse ici à la signification de la réparation au Sacré-Cœur, un élément important de la dévotion associée à sainte Marguerite-Marie Alacoque. La sainte révèle que Jésus lui a dit de « réparer l’ingratitude des hommes ».

    Le pape souligne la « signification sociale » de la réparation, insistant sur la nécessité d’un « véritable esprit de réparation », qui va au-delà de la simple réalisation d’« un ensemble d’œuvres extérieures ».

    Il termine le chapitre en réfléchissant sur la dimension missionnaire de la dévotion au cœur du Christ.

    Le pape François propose ensuite une brève conclusion dans laquelle il défend la pertinence continue de cette dévotion. 

    Il écrit : « L’amour du Christ peut donner un cœur à notre monde et raviver l’amour partout où nous pensons que la capacité d’aimer a été définitivement perdue. »

    Il dit que l’Église elle-même a besoin de cet amour, « de peur que l’amour du Christ ne soit remplacé par des structures et des préoccupations dépassées, par un attachement excessif à nos propres idées et opinions, et par le fanatisme sous toutes ses formes ».

    Que dire des plus de 200 notes de bas de page ? En plus des références habituelles aux œuvres des papes et des saints, un éventail éclectique d'auteurs sont cités, notamment les favoris du pape Dante Alighieri et Fiodor Dostoïevski, ainsi que le controversé philosophe allemand Martin Heidegger .

  • Deuxième lettre à un cardinal participant à un prochain conclave

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    De Philippe Maxence sur Caelum et Terra (Homme Nouveau) :

    Éminence,

    À une semaine de distance, me permettrez-vous de vous adresser une seconde missive ? Je ne prétends certes pas avoir le talent et la pénétration de Juan Donoso Cortès, envoyant en 1852 sa longue lettre au cardinal Fornari, ni me trouver comme lui dans la situation avantageuse de celui qui a été sollicité.

    Je vous accorde, Éminence, que vous ne m’avez rien demandé et que je vous écris, si vous me passez l’expression, motu proprio. Rassurez-vous, cependant ! Je ne réclame rien. Il n’y a pas de revendications dans mon propos, pas de sommation ou d’ultimatum, pas d’exigences particulières qui bousculeraient de près ou de loin la constitution divine de l’Église.

    Ma demande est à la fois plus simple et plus fondamentale. Elle concerne chaque baptisé et s’appuie sur ce que l’Église elle-même offre à l’ensemble de ses enfants, à la fois comme mère et comme maîtresse de vérité.

    Le rituel traditionnel du baptême, dans sa rigueur et sa concision, l’exprime à merveille. Permettez-moi de vous rappeler les premiers mots de cette cérémonie qui débute par cet échange capital :

    « Que demandez-vous à l’Église de Dieu ?

    « La foi ! »

    « Quel bien vous procure la foi ? »

    « La Vie éternelle ! »

    Vous l’aurez compris, Éminence, ma demande aujourd’hui à l’Église, et plus singulièrement à celui d’entre vous que vous allez élire comme successeur de Pierre, n’est pas autre.

    Nous demandons à l’Église qu’elle nous donne le pain de la foi et ce qui assure en nous la vie de foi, les sacrements et l’enseignement certain de la doctrine du Christ, des Apôtres et de la Tradition.

    Nous demandons à l’Église qu’elle nous enseigne clairement la vérité sur la Vie éternelle et qu’elle nous prépare aux fins dernières.

    Ne vous méprenez pas, Éminence ! Je suis bien conscient et, j’oserais dire, bien d’accord, sur le fait que l’Église, embrassant toute la vie humaine qui lui a été confiée par le Christ, doit traiter des questions contemporaines qui touchent à l’existence des hommes d’aujourd’hui. Il ne me paraît pas anormal que l’Église parle d’écologie, de paix mondiale, des relations nord-sud, de la course aux armements, de la crise sociale ou encore de la condition des femmes, etc.

    Sur ces sujets et sur bien d’autres, la parole de l’Église est utile et nécessaire, même si, pour avoir plus de portée dans un monde de sur-communication, il me semble qu’elle doit se faire rare, concise et précise. Je l’ai exprimé à votre Éminence dans ma précédente missive.

    Mais, plus encore, ce qui me semble important, c’est qu’en parlant d’écologie ou de paix mondiale, ou de n’importe quel autre sujet, l’Église, par ses représentants légitimes, s’exprime toujours et uniquement dans la perspective de la foi et de la Vie éternelle.

    Si je devais formuler plus directement et franchement les choses, je dirai que l’opinion personnelle du curé, de l’évêque, du cardinal et du pape lui-même, sur tel ou tel sujet, ne nous intéresse absolument pas. Nous sommes déjà tellement saturés chaque jour des opinions des hommes du monde, hommes politiques, acteurs de cinéma, chanteurs de variétés, journalistes, etc., que nous avons soif, au contraire, de paroles de vérité, fortes et certaines, uniquement commandées par la foi et la perspective de la Vie éternelle.

    Avec son génie propre, saint Ignace de Loyola a su condenser la règle à suivre en la matière au début de ses fameux Exercices spirituels, en posant le « Principe et fondement » :

    « L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur et, par ce moyen, sauver son âme.

    Et les autres choses qui sont sur la terre sont créées à cause de l’homme et pour l’aider dans la poursuite de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. D’où il suit qu’il doit en faire usage autant qu’elles le conduisent vers sa fin et qu’il doit s’en dégager autant qu’elles l’en détournent. »

    Cette règle du grand saint fondateur de la Compagnie de Jésus me semble tout à fait pouvoir s’appliquer aux prises de paroles des membres de la hiérarchie de l’Église. Qu’ils parlent autant que leurs propos confortent les fidèles dans leur foi et leur permettent d’aller vers leur fin et qu’ils se taisent autant que leurs propos risquent de les en détourner.

    Voici, Éminence, ma simple demande, commandée uniquement par le souci bien légitime, je crois, d’être fidèle, le plus possible et le mieux possible, aux promesses de mon baptême.