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Justice - Page 46

  • Après Charlie Gard et Alfie Evans, sera-ce le tour de Tafida Raqeeb ?

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    APRÈS CHARLIE GARD ET ALFIE EVANS, TAFIDA RAQEEB ?

    de genethique.org

    19 juillet 2019

    Tafida Raqeeb a cinq ans, elle est hospitalisée au Royal London Hospital depuis le 9 février. Elle est dans le coma, suite à une malforformation artério-veineuse cérébrale (MAV). Une rupture d’un vaisseau sanguin dans son cerveau a provoqué une connexion anormale entre artères et veines, entrainant chez Tarifa un arrêt respiratoire et un traumatisme crânien. Opérée immédiatement, la petite fille s’est « battue avec acharnement ». Ses parents, Shelina Begum, avocate âgée de 39 ans, et Mohammed Raqeeb, 45 ans, expliquent : « cinq mois plus tard, Tafida commence à montrer des signes de progrès, comme la réaction à la douleur, le mouvement des membres et l'ouverture et la fermeture des yeux ».

    Après avoir envisagé un retour à la maison pour poursuivre la convalescence, les médecins ont changé d’avis, jugeant tout type de traitement comme relevant de l’acharnement thérapeutique et préconisant le retrait de la ventilation jusqu’au décès. « Les parents de Tafida sont très désemparés, car ils ont vu leur petite fille faire des progrès au cours des cinq mois qu'elle a passés en soins intensifs ; ils ont donc demandé de lui accorder plus de temps pour se rétablir ».

    Un hôpital italien de Gênes a accepté de poursuivre les traitements de Tafida. Les spécialistes qui ont reçu la fillette en consultation video estiment que le cas de Tafida ne correspond pas à la définition de la « mort cérébrale », notamment à la vue des réponses de son tronc cérébral aux stimulations.

    Une pétition lancée par lundi soir par les parents demande à l’hôpital londonien de « libérer » leur fille et d’accepter son transfert vers l’hôpital de Gênes. Cette pétition rassemble déjà plus de 6000 signatures.

    Ce cas rappelle celui de Charlie Gard, décédé en 2017 à 11 mois, malgré les demandes de transfert vers les Etats-Unis, et celui d’Alfie Evans, débranché en 2018 malgré l’offre d’un hôpital romain de soigner le garçon.

    Pour aller plus loin :

    Sources: The Independant, Peter Stubley (17/07/2019) - Tafida Raqeeb: Parents of five-year-old girl in coma launch legal challenge to decision to allow her to die

    Aleteia, Zelda Caldwell (18/07/2019) - Parents ask UK court for permission to move comatose daughter to Italy

  • Secret de la confession : quand on impose aux ministres du culte de choisir entre la prison et l’excommunication

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    De Sandro Magister en traduction française sur le site Diakonos.be :

    Attaque mondiale contre le secret de la confession.  La prison ou l’excommunication

    La dernière attaque en date vient d’être déjouée il y a quelques jours à peine en Californie.  Le 13 juillet, le comité d’État pour la sécurité publique a dû faire retirer la proposition de loi SB 360 présentée par le sénateur Jerry Hill – et déjà approuvée par le sénat – visant à abolir le secret de la confession.

    En donnant cette information, « Vatican News » précise qu’il aura fallu « 140.000 lettres, 17.000 mails et des centaines de coups de téléphone » pour obtenir le retrait de cette « menace pour la conscience de chaque américain », comme l’avait définit Mgr Peter Gomez, l’archevêque de Los Angeles, qui a conduit la mobilisation.

    En 2000 déjà, dans le débat sur les « Rules of Procedure and Evidence », la Cour pénale internationale avait rejeté la demande du Canada et de la France pour que cesse d’être reconnu le droit des ministres religieux de s’abstenir de témoigner sur des questions dont ils ont eu connaissance à travers le secret de la confession.

    En 2016 à nouveau, la Cour suprême de l’État de Louisiane avait répété qu’« un prêtre, un rabbin ou un ministre dûment ordonné » ne pouvait être qualifié de « mandatory reporter », c’est-à-dire obligé de dénoncer « ce qu’il a appris au cours d’une confession ou d’une autre communication sacrée ».

    Mais entretemps, surfant sur la vague des scandales des abus sexuels, les attaques contre le secret de la confession sacramentelle sont en train de se multiplier.  Par exemple en 2011 en Irlande, avec à la barre le premier ministre de l’époque, Enda Kenny.  Ou encore en 2014 à Genève, sous l’impulsion du comité de l’ONU pour la Convention sur les droits de l’enfant.  Et à chaque fois c’est l’Église catholique qui se trouvait sur le banc des accusés.

    Jusqu’à ce jour du 7 juin 2018 où le secret de la confession a été battu en brèche en Australie, dans le territoire de la capitale, Canberra, par l’approbation, avec le soutien de tous les paris, d’une loi imposant aux prêtres catholiques – ainsi qu’aux ministres des autres cultes – de violer le sceau sacramentel s’ils viennent à connaissance de faits d’abus sexuels sur mineurs.  Cette loi est entrée en vigueur le 31 mars 2019.

    *

    Jusqu’ici, il ne s’agissait que de faits relativement connus.  Mais ce que très peu savent, c’est que le secret de la confession est sérieusement menacé là où on s’y attendrait le moins.

    L’Italie est l’un de ces cas passés sous silence, y compris de la part des autorités de l’Eglise.  Dans ce pays, le jugement n. 6912 du 14 janvier 2017 rendu par la Cour suprême de cassation a disposé que le prêtre appelé à témoigné dans un procès pénal pour abus sexuel encourt le délit de faux témoignage s’il refuse de divulguer ce qu’il a appris pendant la confession en-dehors des péchés commis par le pénitent, par exemple s’il lui a révélé avoir subi un abus, et pas de l’avoir commis.

    C’est précisément ce jugement italien qui a fait réagir Andrea Bettetini, professeur de droit canon à l’Université catholique de Milan et professeur invité dans de nombreuses universités d’Europe et d’Amérique, dans un article publié dans le dernier numéro de « Vita e Pensiero », la revue de son université, consacré aux attaques contre le secret de la confession.

    Le professeur Bettetini rapproche le jugement italien de la nouvelle loi qui vient d’entrer en vigueur en Australie pour montrer qu’elles sont bien plus proches qu’il n’y paraît puisqu’elles sont toutes les deux en faveur de l’obligation de dénonciation aux dépens de ce « droit juridique et moral fondamental » qu’est « la protection de la conscience de la personne qui ouvre son âme à un ministre du culte ».

    Dans la partie centrale de son article, le professeur Bettetini argumente la protection du sceau sacramentel de l’Église catholique, dans le droit catholique et dans le magistère, en montrant comment une telle protection s’étend à tout ce que le prêtre apprend en confession et pas seulement aux péchés du pénitent.

    Il ne cite pas la « Note de la Pénitencerie apostolique sur l’importance du for interne et sur l’inviolabilité du sceau sacramentel » promulguée le 29 juin dernier avec l’accord du pape François, étant donné que cette dernière est sortie alors que l’article était déjà sous presse.  Mais cette note est tombée bien à propos, vu les « préjugés négatifs » de nombre d’autorités civiles contre le fondement même et l’extension d’un tel secret.

    En outre, le professeur Bettetini montre comment, même dans le droit italien, le secret de la confession aurait été bien protégé sans ce jugement de 2019 de la Cours de cassation.

    Et voici les conclusions dramatiques qu’il tire dans la conclusion de son article.  Quand on impose aux ministres du culte de choisir entre la prison et l’excommunication.

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.

    *

    Abus sexuels et secret de la confession

    d’Andrea Bettetini

    […]

    S’il fallait tirer les conclusions de tout ce dont nous avons débattu jusqu’ici, nous pouvons affirmer que les deux exemples [l’Italie et l’Australie] cités au début de notre article sont les paradigmes d’un néojuridictionnalisme aux conséquences incertaines qui est en train de s’insinuer dans de nombreuses structures politiques à cause d’une législation et d’une interprétation législative qui, à bas bruit mais avec des effets importants, est en train de modifier dans les faits la répartition des équilibres (et des compétences relatives) entre ordre temporel et ordre spirituel.  Et par ce dernier, j’entends non seulement la latitude d’autonomie de l’Église catholique mais également celle d’action des confessions religieuses différentes de la foi catholique et, plus généralement, celle de la religion.

    Dans le « Canberra Times », Christopher Prowser, l’archevêque de Canberra et de Goulburn, a vigoureusement critique la nouvelle loi australienne en mettant en évidence la raison ultime de son incohérence : « Sans ce sceau, qui sera encore disposé à se libérer de ses propres péchés, à chercher le sage conseil d’un prêtre et à recevoir le pardon miséricordieux de Dieu ? ».  Le droit de l’Église et dans l’Église sert justement à en préserver la nature en tant qu’instrument de salut pour chaque homme, dont la vie et l’expérience se déplace dans une dimension de droit et de justice, en s’engageant à donner visibilité et contenu à des normes qui répondent, dans les limites de la médiation linguistique humaine, à la vérité et à la justice.

    Or, il se fait que dans l’équilibrage entre deux valeurs capitales telles que la liberté de conscience et de religion d’un côté et l’exercice de l’action pénale pour punir un délit inhumain de l’autre, la tradition juridique occidentale a toujours privilégié la première, aussi bien parce qu’elle constitue le noyau le plus intime de la liberté et de la responsabilité de l’homme que parce qu’après le don de la vie, il s’agit de la réalité qui appartient de la façon la plus originelle et inaliénable à la personne humaine, et qu’il faut lui rendre justice.

    Et il ne s‘agit là de rien d’autre que du reflet de ce qui représente l’apport le plus précieux du monde occidental à l’ordonnancement juridique de la civilisation mondiale : le concept de personne et de sa dignité, de la protection de ses droits inaliénables, au premier titre desquels se trouve justement celui de liberté religieuse.  Agir autrement reviendrait à une régression de notre civilisation juridique, et donc humaine, et c’est d’ailleurs ce que craignait encore une fois l’archevêque de Canberra quand il affirmait, à la veille de de l’entrée en vigueur de la loi qui impose au confesseur de violer si nécessaire le secret sacramentel : « À présent, nous autres prêtres de l’ACT [Asutralian Capital Territory] nous nous trouvons devant un choix impossible.  Soit nous respectons le sceau de la confession et nous risquons une procédure pénale soit nous respectons la loi et nous encourons l’excommunication d’office ».

  • Abus sexuels dans l’Eglise : le cléricalisme, voilà l’ennemi ?

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    La « Libre Belgique » du 9 juillet 2019 consacre une double page à un ouvrage qui vient de paraître aux éditions Bayard : « L’Eglise catholique face aux abus sexuels sur mineurs » (Bayard 2019, 720 pages, env. 24,9 euros). L’auteur de ce livre, Marie-Jo Thiel, médecin et théologienne, est professeur d’éthique à l’Université de Strasbourg. En 2017, le pape François l’a aussi nommée membre de l’Académie pontificale  pour la Vie dont il a modifié la composition et confié la présidence à Mgr Vincenzo Paglia.

    Dans l’interview qu’elle accorde à « La Libre », la professeure souscrit à la thèse du pontife régnant pour qui les abus sexuels des clercs seraient principalement dus à une cause «structurelle»: le cléricalisme, instituant dans l’Eglise une mauvaise relation entre prêtres dominateurs et fidèles asservis. Selon l’académicienne pontificale, cette relation perverse serait due à la contre-réforme tridentine : « la formation psychosexuelle [des séminaristes] était très insuffisante ; était promue aussi une image singulière du prêtre dans la mouvance du concile de Trente, au XVIe siècle. Considéré comme un ‘autre Christ’, le clerc était mis à part,  ‘sacralisé’ dans une perfection supérieure à celle du laïc, ce qui pouvait engendrer un entre-soi problématique ». 

    On ne s’étonnera donc pas de la « surprise » exprimée par Mme Thiel à la lecture du texte publié en avril dernier par le pape émérite Benoît XVI expliquant que la source fondamentale des abus avait une origine moins lointaine : il s’agit du relativisme moral actuel de nos sociétés depuis les années 1960.

    Il est vrai que, dans sa «Lettre au peuple de Dieu» du 20 août 2018, le pape François attribue les abus sexuels ecclésiastiques au « cléricalisme », qualifiant ainsi, sans autre précision, un abus de pouvoir qu’il a raison de souligner. Mais, d’un point de vue sémantique, on peut regretter, avec l’abbé Christian Gouyaud (1), de voir assumée dans le discours pontifical une expression ambiguë, historiquement connotée dans un autre contexte et assénée à tout propos par les adversaires de l’Église: « Le cléricalisme, voilà l’ennemi! » : elle est parfaitement relayée, encore aujourd’hui, par les laïcards de tous poils dénonçant, à tort et à travers, l’ingérence de l’Église dans les questions sociétales.

    Enfin, émanant d’une théologienne membre d’une académie pontificale, la mise en cause de la sacralisation du prêtre surprend d’autant plus que l’argument est facile à retourner : « N’est-ce pas par défaut de sens du sacré de l’homme – et de l’enfant, en l’occurrence – qu’on le réduit à un objet de concupiscence et à un moyen d’assouvir sa pulsion ? Même si ces crimes ont été encore récemment commis, il faut dire que la plupart d’entre eux – connus – relèvent aussi d’une époque où le prêtre a justement été désacralisé.  On évoque aussi, comme remède, la promotion du laïcat, mais une telle promotion, justement fondée sur le sacerdoce baptismal, ne s’est-elle pas, hélas, bien souvent opérée pratiquement en termes de prise de pouvoir et de cléricalisation des laïcs ? Quant au comportement clérical, ne pourrait-on pas complètement s’en affranchir en acceptant de répondre simplement aux doutes soulevés courageusement à propos d’une inflexion possible de la doctrine ? » (2)

    JPSC

    ________

    (1)(2) La faute au « cléricalisme » ? par l’Abbé Christian Gouyaud, membre de l’association sacerdotale « Totus tuus », article publié dans « La Nef », n° 309, décembre 2018.

    Ref. "Dans l’Église, les abus ne sont pas accidentels, mais structurels"

  • Mort de Vincent Lambert : « une ligne rouge, celle de l’interdit de tuer, a été franchie »

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    De Samuel Pruvot sur le site de l'hebdomadaire Famille Chrétienne (11 juillet) :

    Mort de Vincent Lambert : pour Tugdual Derville, « une ligne rouge, celle de l’interdit de tuer, a été franchie »

    Tugdual Derville, délégué général d'Alliance Vita et porte-parole de "Soulager mais pas tuer".

    Tugdual Derville, délégué général d'Alliance Vita, réagit à la mort de Vincent Lambert survenue ce jeudi 11 juillet. Elle est pour lui un grave déni de l’humanité de toute personne, même physiquement diminuée et handicapée.

    De quoi la mort de Vincent Lambert est-elle le symbole ?

    C’est une personne qui décède après un temps de grande dépendance. Il s’agit d’abord d’un deuil pour ses proches, tous ceux qui l’ont aimé et soigné. Je pense à ses parents et à son épouse et tous les membres de cette famille. Ce deuil appelle au recueillement, à la pudeur et à la dignité. Le drame qui s’est noué dans cet hôpital (ndlr : le CHU de Reims) est très intime et douloureux. Cette fin de vie est plus qu’ambiguë à mes yeux. Une personne, gravement handicapée et dépendante, a été mise en fin de vie par un protocole qui avait pour objectif d’aboutir à sa mort. C’est très lourd, cela génère un grand malaise et fragilise le regard que nous portons sur les personnes les plus dépendantes. Notre société, grâce à la technique, réussit à sauver des milliers d’accidentés. Certains reviennent sur pied, d’autres avec des séquelles. C’est tout l’honneur d’une société technicisée de prendre soin des personnes qui survivent à des accidents majeurs avec de lourdes dépendances. À partir du moment où il y a une entorse à ce principe fondamental, un effroi nous saisit. Que va-t-il arriver pour les 1700 autres personnes qui sont dans des états comparables à celui de Vincent Lambert ? Leurs proches s’inquiètent légitimement. Cette entorse publique transforme une situation, très intime et personnelle, en symbole. Celui de l’ambiguïté de certaines pratiques médicales.

    En quoi la mort de Vincent Lambert est-elle une transgression aux règles d’humanité les plus simples ?

    Je pense que tous les glissements commencent par des cas limites. Ce qui se joue ici, c’est en réalité la question du projet de vie. Il y avait un choix avec Vincent Lambert : d’abord celui d’une obstination à provoquer la mort de cet homme parce que sa vie était considérée comme indigne d’être vécue. On peut bien sûr comprendre ce choix, du fait de son immense dépendance, la douleur, la déréliction que provoque pour les proches une telle situation. Mais l’autre choix, que proposaient des médecins de réadaptation très nombreux, comme notamment le docteur Catherine Kiefer, c’est de proposer à ces personnes des lieux de vie adaptés, avec de la kiné, des sorties, des projets, même infimes. Un trésor d’inventivité et de générosité se déploie dans ces unités pour patients dits EVC-EPR (état végétatif chronique - état pauci-relationnel). Or, ce choix de s’obstiner dans un projet de mort plutôt que dans un projet de vie peut se transposer à toute autre situation. Dans l’état de Vincent Lambert, qui était particulièrement ultime, on peut comprendre qu’on éprouve le désir que ça s’arrête. La tentation était grande. Mais une ligne rouge – celle de l’interdit de tuer – a été franchie.

    ▶︎ À LIRE AUSSI. Patients en état végétatif – Au-delà du silence

    Du point de vue anthropologique, qu’est-ce que la mort de Vincent Lambert dit de notre société sur sa vision du grand handicap, de la fin de vie et de la mort ?

    Le jugement sur le mystère de cette vie qui aboutit à une forme de condamnation à mort, c’est par extension tout le mystère de la personne qui est nié. Je l’ai déjà observé au cours des débats que j’ai pu avoir avec certains médecins. Leur conception matérialiste de la vie humaine leur fait oublier qu’il est possible qu’il se passe des choses extrêmement précieuses dans ces vies tellement blessés et dans les établissements qui en prennent soin. La place que nous faisons aux personnes qui vivent un handicap, au-delà même de ce que nous percevons de leur vie, manifeste notre degré d’humanité. Faire preuve d’humanité, c’est justement prendre soin des plus fragiles, y compris lorsque nous avons l’impression que ça n’a pas ou plus de sens. C’est quand l’être humain semble ne plus avoir de figure humaine que l’on est appelé à faire preuve d’une plus grande humanité, au-delà des apparences, des émotions et des sentiments.

    Samuel Pruvot

  • "L'affaire Lambert" suscite de nombreuses déclarations et commentaires

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  • Libre propos sur l’affaire Vincent Lambert : une « tribune » de Michel Houellebecq dans « Le Monde » du 11 juillet

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    Une liberté de parole loin des jérémiades convenues, publiée sur le sur le site du « Salon beige » : 

    Houellebecq 996aa266b394bc9fb351d9a11ca98ed5-serotonine-michel-houellebecq-revient-avec-un-livre-sombre-et-poignant.jpg« Excellente tribune de l’écrivain Michel Houellebecq dans Le Monde, écrite avant le décès de Vincent Lambert. Alors que le procureur vient de demander une autopsie pour vérifier que l’arrêt des traitements a respecté la loi :

    Ainsi, l’Etat français a réussi à faire ce à quoi s’acharnait, depuis des années, la plus grande partie de sa famille : tuer Vincent Lambert. J’avoue que lorsque la ministre « des solidarités et de la santé » (j’aime bien, en l’occurrence, les solidarités) s’est pourvue en cassation, j’en suis resté sidéré. J’étais persuadé que le gouvernement, dans cette affaire, resterait neutre. Après tout, Emmanuel Macron avait déclaré, peu de temps auparavant, qu’il ne souhaitait surtout pas s’en mêler ; je pensais, bêtement, que ses ministres seraient sur la même ligne.

    J’aurais dû me méfier d’Agnès Buzyn. Je m’en méfiais un peu, à vrai dire, depuis que je l’avais entendu déclarer que la conclusion à tirer de ces tristes événements, c’est qu’il ne fallait pas oublier de rédiger ses directives anticipées (elle en parlait vraiment comme on rappelle un devoir à faire à ses enfants ; elle n’a même pas précisé dans quel sens devaient aller les directives, tant ça lui paraissait aller de soi).

    Vincent Lambert n’avait rédigé aucune directive. Circonstance aggravante, il était infirmier. Il aurait dû savoir, mieux que tout autre, que l’hôpital public avait autre chose à foutre que de maintenir en vie des handicapés (aimablement requalifiés de « légumes »). L’hôpital public est sur-char-gé, s’il commence à y avoir trop de Vincent Lambert ça va coûter un pognon de dingue (on se demande pourquoi d’ailleurs : une sonde pour l’eau, une autre pour les aliments, ça ne paraît pas mettre en œuvre une technologie considérable, ça peut même se
    faire à domicile, c’est ce qui se pratique le plus souvent, et c’est ce que demandaient, à cor et à cri, ses parents).

    Vincent Lambert vivait dans un état mental particulier

    Mais non, en l’occurrence, le CHU de Reims n’a pas relâché sa proie, ce qui peut surprendre. Vincent Lambert n’était nullement en proie à des souffrances insoutenables, il n’était en proie à aucune souffrance du tout. Il n’était même pas en fin de vie. Il vivait dans un état mental particulier, dont le plus honnête serait de dire qu’on ne connaît à peu près rien. Il n’était pas en état de communiquer avec son entourage, ou très peu (ce qui n’a rien de franchement original ; cela se produit, pour chacun d’entre nous, à peu près toutes les nuits). Cet état (chose plus rare) semblait irréversible. J’écris « semblait » parce que j’ai rencontré pas mal de médecins, pour moi ou pour d’autres personnes (dont plusieurs agonisants) ; jamais, à aucun moment, un médecin ne m’a affirmé qu’il était certain, à 100 % certain, de ce qui allait se produire. Cela arrive peut-être ; il arrive peut-être aussi que tous les médecins consultés, sans exception, formulent un pronostic identique ; mais je n’ai jamais rencontré le cas.

    Dans ces conditions, fallait-il tuer Vincent Lambert ? Et pourquoi lui, plutôt que les quelques milliers de personnes qui à l’heure actuelle, en France, partagent son état ? Il m’est difficile de me défaire de l’impression gênante que Vincent Lambert est mort d’une médiatisation excessive, d’être malgré lui devenu un symbole ; qu’il s’agissait, pour la ministre de la santé « et des solidarités », de faire un exemple. D’« ouvrir une brèche », de « faire évoluer les mentalités ». C’est fait. Une brèche a été ouverte, en tout cas. Pour les mentalités, j’ai des doutes. Personne n’a envie de mourir, personne n’a envie de souffrir : tel est, me semble-t-il, l’« état des mentalités », depuis quelques millénaires tout du moins.

    Une découverte extraordinaire, qui apportait une solution élégante à un problème qui se posait depuis les origines de l’humanité, a eu lieu en 1804 : celle de la morphine. Quelques années plus tard, on a vraiment commencé à explorer les étonnantes possibilités de l’hypnose. En résumé, la souffrance n’est plus un problème, c’est ce qu’il faut répéter, sans cesse, aux 95 % de personnes qui se déclarent favorables à l’euthanasie. Moi aussi, dans certaines circonstances (heureusement peu nombreuses) de ma vie, j’ai été prêt à tout, à supplier qu’on m’achève, qu’on me pique, tout plutôt que de continuer à supporter ça. Et puis on m’a fait une piqûre (de morphine), et mon point de vue a changé radicalement, du tout au tout. En quelques minutes, presque en quelques secondes. Bénie sois-tu, sœur morphine. Comment certains médecins osent-ils refuser la morphine ? Ont-ils peur, par hasard, que les agonisants deviennent accros ? C’est tellement ridicule qu’on hésite à l’écrire. Enfin c’est ridicule, si l’on veut ; mais c’est assez dégueulasse, aussi.

    Par acquit de conscience j’ai consulté Le Petit Robert

    Personne n’a envie de mourir, personne n’a envie de souffrir, disais-je ; une troisième exigence semble être apparue depuis peu, celle de la dignité. Le concept me paraissait à vrai dire un peu vaseux, j’avais une dignité c’est sûr, j’y pensais de temps en temps, pas souvent, enfin rien ne me paraissait justifier qu’il vienne au premier plan des préoccupations « sociétales ». Par acquit de conscience j’ai consulté Le Petit Robert (édition 2017). Il définit, assez simplement, la dignité comme le « respect que mérite quelqu’un ». Les exemples qui suivent embrouillent plutôt la question en révélant que Camus et Pascal, quoique ayant tous deux une conception de la « dignité de l’homme », ne la font pas reposer sur la même base (ce dont on pouvait se douter). Quoi qu’il en soit il paraît évident aux deux (et même à peu près à tout le monde) que la dignité (le respect qu’on vous doit), si elle peut être altérée par divers actes moralement répréhensibles, ne peut en aucun cas l’être par une dégradation, aussi catastrophique soit-elle, de son état de santé. Ou alors c’est qu’il y a eu, effectivement, une « évolution des mentalités ». Je ne pense pas qu’il y ait lieu de s’en réjouir. »

    Ref. Michel Houellebecq : « Vincent Lambert, mort pour l’exemple »

    JPSC

  • Déplorables : les déclarations de Mgr Paglia (Académie pontificale pour la Vie) sur le cas de Vincent Lambert

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    De Jeanne Smits, sur son blog :

    Vincent Lambert : les déplorables déclarations de Mgr Vincenzo Paglia de l'Académie pontificale pour la vie (sic)

    Il aurait mieux fait de se taire. Mgr Vincenzo Paglia a choisi cette heure dramatique où Vincent Lambert agonise depuis huit jours dans son lit d'hôpital, sans eau et sans alimentation, avec la mort pour seul horizon puisque ses organes ont été irrémédiablement atteints par cet assoiffement délibéré, pour faire une déclaration des plus affligeantes. Lui, le président de l'Académie pontificale pour la vie nouvelle manière, ne trouve à déplorer que le « conflit ».

    Voici ma traduction rapide des propos qu'il a publiés aujourd'hui dans Famiglia christiana. J'y ajoute quelques commentaires entre crochets, en gras et italique.

    Vendredi 28 juin, la Cour de cassation française s'est prononcée contre l'interdiction de suspendre l'alimentation artificielle et l'hydratation de Vincent Lambert. Une interdiction décidée par la cour d'appel à la demande du Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) des Nations unies, interrogé par les avocats des parents du patient. Les tracas liés aux ordres et contre-ordres des organes judiciaires faisant autorité indiquent clairement la difficulté de la situation.

    [Comme si la situation était « difficile ». Comme s'il n'avait pas compris que Vincent Lambert n'est pas en fin de vie, sinon par la volonté de médecins qui veulent sa mort. Comme si les différentes décisions judiciaires.]

    Le drame de Vincent Lambert a pris une résonance médiatique et une signification symbolique qui dépasse la singularité de sa situation. De multiples niveaux y sont entrelacés : familial, médical, juridique, politique et médiatique. Tout cela rend très délicate la formulation d'un jugement éthique, notamment parce que les données cliniques sont très complexes et ne sont pas directement accessibles dans tous leurs détails.

    [Même remarque. Sur le plan éthique, l'affaire n'est justement pas complexe, du moins pour un moraliste catholique qui peut d'ailleurs se référer aux textes on ne peut plus clairs de Jean-Paul II sur l'alimentation et l'hydratation, soins ordinaires toujours dus aux malades sauf quand ils n'atteignent pas leur but et les font souffrir.] 

    LES EVÊQUES FRANÇAIS

    Pour sa part, la Conférence des évêques de France a souligné qu’elle n'avait pas compétence pour s'exprimer sur le cas concret, évitant de se substituer à la conscience de ceux qui sont responsables de la décision, mais apportant plutôt sa propre contribution pour éclairer la voie menant au jugement.

    Elle s’est donc limitée à quelques considérations générales, sans prétendre s’impliquer dans l’appréciation du cas d'espèce, notamment en raison de l'impossibilité de disposer de toutes les informations nécessaires.

    [Oui, hormis de notables exceptions, on avait remarqué ce comportement cauteleux.]

    Lire la suite

  • Vincent Lambert : "c'est terminé..."

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    Communiqué des parents, frère et sœur de Vincent Lambert

    Chers amis qui nous avez tant soutenus tout au long de ces 6 ans,

    Cette fois, c’est terminé. Nos avocats ont multiplié ces derniers jours encore les recours et mené d’ultimes actions pour faire respecter le recours suspensif devant l’ONU qui bénéficiait à Vincent. En vain.
    La mort de Vincent est désormais inéluctable. Elle lui a été imposée à lui comme à nous. Si nous ne l’acceptons pas, nous ne pouvons que nous résigner dans la douleur, l’incompréhension, mais aussi dans l’Espérance.
    Nous voulions tous vous remercier de votre amitié, de votre amour, de votre soutien, de vos prières pendant toutes ces années. Il n’y a plus rien à faire sinon prier et accompagner notre cher Vincent, dans la dignité et le recueillement. Vous êtes avec nous tous par la pensée et la prière auprès de Vincent.

    Nous demandons aux journalistes présents devant le CHU d’avoir la décence de respecter notre intimité familiale dans ces moments si douloureux.

    Pierre, Viviane, David et Anne.

    Communiqué des avocats des parents, frère et sœur de Vincent Lambert :

    Toute la semaine passée, nous avons multiplié d’ultimes actions pour tenter de faire respecter le recours suspensif dont bénéficiait Vincent devant le Comité des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU. En vain.

    Nous n’avons plus aucun recours et c’est désormais trop tard. Vincent est en train de mourir. La situation dans laquelle l’a mis le docteur Sanchez est désormais médicalement irréversible. Ces moments sont très douloureux pour tous.

    L’heure est au recueillement, avec l’ensemble de la famille, par respect pour Vincent et autour de Vincent.

    Il n’y aura pas d’autres déclarations.

    Jérôme Triomphe – Jean Paillot
    Avocats des parents, frère et sœur de Vincent Lambert

  • Vincent Lambert : le chagrin et la colère...

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    Du Père Michel Viot sur son blog :

    Le chagrin et la colère !

     

    Oui, j’ai exclu le mot pitié qui figurait dans un titre de film célèbre, qui traitait de la vie des français pendant l’occupation allemande ! Pourquoi alors cette demie référence à cette époque ? Parce que, pendant cette période, on estime à 45 000 le nombre de handicapés mentaux mis à mort dans les hôpitaux psychiatriques de France par privation de nourriture et autres manques de soins, suivant les directives de l’occupant qui avait commencé ce sinistre plan chez lui dès 1939 (commémoration de ce crime odieux et précision de ce chiffre, par le président François Hollande le 10 décembre 2016). Et voici quels étaient les ordres allemands d’avant guerre « Ceux-ci (le Reichsleiter Bouhler et le médecin Brandt) pourront accorder une mort miséricordieuse (Gnadentod) aux malades qui auront été jugés incurables selon une appréciation aussi rigoureuse que possible. » signé Adolf Hitler. Ce beau mot de Gnade qui en allemand signifie effectivement miséricorde est aussi employé pour désigner la grâce, et quelle grâce ! Celle que nous obtient Jésus Christ par sa mort sur la croix. Qui peut oser se moquer autant de Dieu que Satan lui-même ? Hitler n’était-il pas un de ses plus zélés serviteurs ?

    Les responsables de la mort programmée de Vincent Lambert et tous leurs complices (j’y inclus aussi ceux qui protestent mollement, de façon incompréhensible ou pire que tout, se taisent !) poursuivent l’Aktion T4, et les médecins français complices ne font que succéder à leurs confrères des années 1940-1944, en toute bonne conscience. Car Il est vrai qu’il y eu bien peu de pendus à la chute du IlIème Reich parmi ces médecins, criminels contre l’humanité. Deux ou trois je crois pour plus d’une centaine au moins de personnes incriminées.

    Certains purent même continuer leur activité médicale. Que voulez-vous, l’on vivait, malgré les apparences, dans la civilisation des droits de l’homme de 1789. Ses articles 1 et 3, pour faire bref, résument à eux seuls les fondements du pouvoir totalitaire. Article 1 « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. ». Un mensonge dans la première phrase et l’énonciation d’un crime contre l’humanité dans la seconde (quand on se donne la peine de lire attentivement le Bref Quod aliquantum du Pape Pie VI qui condamne ce texte en 1791, on verra que ce que je dis n’a pas échappé au Magistère). En effet les hommes ne demeurent pas libres et égaux en droit. S’ils ne restent pas participants de l’utilité commune, c’en est fait de leur égalité et de leur liberté. Cela peut se comprendre de criminels. Mais l’énoncé est à dessein beaucoup trop vague et va permettre ainsi de « sortir » de l’humanité quiconque ne sera pas utile à la communauté. Qui en sera juge ? Selon l’article 3, la Nation de qui émane le principe de toute souveraineté. Et selon la pensée de Siéyès, dont l’influence continue à s’exercer aujourd’hui, il faut entendre par Nation, ses représentants, uniquement ! Ainsi la Révolution française exclura progressivement de l’humanité tout ce qui s’opposera à ses progrès, à l’utilité commune, et ce, au gré du groupe dominant du moment,  capable, par la terreur, de rallier une majorité de représentants de la Nation, donc la Nation elle-même. On commencera par les opposants politiques et religieux ou jugés tels, pour en arriver au génocide vendéen. Et l’on y tuait plus des hommes, des femmes et des enfants, mais des brigands. Ils étaient ainsi tous qualifiés par les textes officiels de la République.

    En fait, c’est parce que Vincent Lambert est jugé par notre société de consommation comme inutile à ses semblables, et ce, au nom de la Nation et de la philosophie des Lumières qui l’a enfantée au XVIIIème siècle (voir le réquisitoire du procureur général près la cour de cassation, saisie par madame le ministre de la santé) qu’on va le laisser mourir de soif et de faim, ainsi qu’au au nom des droits de l’homme définis en 1789 et pourtant condamnés par l’Eglise catholique. Et il aura droit à une « mort miséricordieuse » pour finir, grâce à une savante préparation du Docteur Sanchez. La devise « la liberté ou la mort » prétexte à tous les crimes de la première république, a marqué toutes ses sœurs, jusqu’à la Vème y compris, de la tâche de sang qui rendit folle la meurtrière Lady Macbeth, qui elle, au moins, n’eut jamais d’illusion sur le pouvoir curatif «  des parfums d’Arabie »….

    Mais qu’importe la condamnation des prétendus droits de l’homme par l’Eglise catholique, notre État français, qui a présentement la forme d’une république,  est laïc. Ses cours de justice ont depuis longtemps ôté l’image du crucifié de leur honorable compagnie. Il avait beau avoir les pieds cloués, cela aurait pu être dangereux pour de nobles séants !

    De plus les parents de Vincent Lambert sont qualifiés ici ou là d’intégristes. C’est habile de la part de leurs opposants, mais personnellement, peu m’importe ! Ils sont parents et plaident pour garder leur fils vivant, et je suis prêtre catholique, donc forcément conciliaire et obéissant au Pape. Exerçant le ministère pastoral depuis 1968, j’ai vu de près de nombreux regards d’être humains qui étaient presque morts, ou censés le devenir rapidement. Ils n’étaient pas toujours inexpressifs, si du moins on prenait le temps de les regarder dans les yeux et de leurs parler. Et si expression il y avait, c’était toujours un appel de fraternité. Quand nous nous sentons en équilibre sur le filin de la vie nous avons besoin de soutien pour demeurer ou pour partir. Une présence miséricordieuse est toujours nécessaire.

    D’abord comme pasteur protestant puis ensuite comme prêtre, on m’appelait pour assurer une présence religieuse au moment où selon la science des hommes tout devait être fini. Et même si c’est après de longues années, on se souvient toujours de la première personne qu’on a administrée. Surtout quand cette dernière n’est pas morte, comme prévue et que c’est une autre personne, présente à cette triste veillée qui est partie avant elle, deux ans plus tard ! Je n’ai jamais cru que cela était lié à ma personne, bien que ce phénomène se soit reproduit quelques rares fois. Je sais en revanche que ces sursis ont toujours eu une signification, tant pour la personne qui aurait dû quitter ce monde de suite, que pour sa famille. Parmi ces cas, se trouvaient des gens plongés dans différentes formes de comas. La question d’arrêt de soins ne se posait, à l’époque, que pour des personnes âgées, n’étant maintenues en vie que par l’assistance de machines, et avec plus d’insistances si ces mêmes personnes étaient atteintes de maladies qui devaient immanquablement les tuer dans d’atroces souffrances. L’Eglise est contre l’acharnement thérapeutique et recommande la lutte contre la souffrance.

    Mais tout ce que je viens de décrire à propos des comas ne concerne pas Vincent Lambert. Tout le monde le sait, tout comme le fait qu’il ne se trouve pas dans un lieu médical approprié à son cas, ce qui ne comporte de ma part aucun jugement de valeur sur la compétence médicale des médecins qui l’entourent. Mais je m’interroge sur leur référents moraux et civilisationnels. Et à ce sujet je ne puis que rappeler l’avertissement de notre Archevêque Mgr Aupetit : choisir entre la civilisation du déchet ou de l’amour (réécouter son intervention du 21 mai 2019 radio Notre Dame).

    Personnellement, et très tôt dans ma vie, je me suis toujours souvenu de ce beau passage du prophète Isaïe : « Il ne brisera pas le roseau ployé, il n’éteindra pas la mèche qui s’étiole » (Isaïe 42 v3). Le prophète pense au Serviteur de Dieu qui s’occupera des plus faibles parmi les rescapés de la déportation à Babylone. Jésus en s’attribuant cette mission comme Messie (Matthieu 12 vv 15-21), la lègue à ses apôtres, à leurs successeurs et finalement à tous les chrétiens.

    C’est l’honneur du Christianisme que d’avoir réintégré la faiblesse dans l’humanité. Saint Jean Paul Il, à la fin de sa vie, l’avait hissée jusqu’au trône de Saint Pierre. Car Jésus en avait donné l’exemple suprême comme crucifié mourant, en restant roi jusqu’au dernier instant de sa lente agonie puisque qu’il a ainsi pu donner au bon larron sa promesse d’entrée dans son royaume. Et pourtant, Jésus avait plusieurs fois failli être tué avant ce moment là, il avait échappé à ceux qui lui voulaient du mal, ce n’était pas son heure ! Il devait encore sauver le bon larron. Et cela, Dieu Seul le savait, tout comme il sait quand doit se terminer la vie de Vincent Lambert. Par son handicap, il est ce roseau ployé, ce lumignon qui fume. Qui sont ils ceux qui prétendent le détruire ? Que savent-ils de « l’utilité » de sa vie pour lui-même, pour sa famille, pour la dignité morale de notre société, et de ses conséquences sur le sort des handicapés de toutes sortes, en particulier des personnes âgées subissant de plus en plus la maltraitance ?

    Je n’ai pas cité à dessein le v3 d’Isaïe. Je l’ai gardé pour ma conclusion : « A coup sûr, il fera paraître le jugement. ». Oui le Serviteur de l’Eternel, comme Messie est aussi un juge. Il sera sévère pour ceux qui ont usurpé sa place et enveloppé Vincent Lambert d’un linceul, même si celui-ci est recouvert de la toge rouge d’un magistrat !


    Illustration : Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile

  • Vincent Lambert : de quel côté est l'acharnement ?

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    Du site de Ouest France :

    « De quel côté est l’acharnement ? »

    Par Marie de Hennezel, psychologue

    Le docteur Claire Fourcade, vice-présidente de la société française des soins palliatifs, s’est exprimée sur ce qui lui paraissait « la moins mauvaise solution » dans l’affaire Vincent Lambert. À savoir l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielle dont bénéficie ce patient, désormais condamné à mourir. Psychologue, ayant travaillé dix ans en soins palliatifs et enquêté sur les services qui accueillent des personnes en état végétatif chronique, j’aimerais exprimer ici mon désaccord. Selon moi, Vincent Lambert n’est pas en fin de vie et ne relève pas de la loi Léonetti. Une autre solution aurait pu être trouvée, puisque plusieurs services adaptés à son état acceptaient de le recevoir.

    À lire aussi. Affaire Vincent Lambert : cinq questions sur le nouvel arrêt des traitements

    La décision qui vient d’être prise fera jurisprudence. Elle aura des conséquences sur les 1 700 personnes cérébrolésées, leurs familles et les soignants qui prennent soin d’elles. Pourquoi y aurait-il du « cas par cas » ou du « sur-mesure » dans une société qui juge que la vie de certains ne mérite plus d’être vécue, qu’ils n’ont plus leur place dans la communauté des vivants, à partir du moment où leur cortex est détruit ? Le jour où peut-être notre société jugera que les soigner coûte trop cher ?

    Ce qui se joue autour du sort de Vincent Lambert est d’abord un enjeu éthique. On essaie de nous faire croire que le débat oppose croyants et athées, mais les questions éthiques concernant l’évaluation de l’obstination déraisonnable sont les mêmes pour tous. Au nom de quoi affirme-t-on - sans l’ombre d’un doute - qu’une personne est en obstination déraisonnable ? L’être humain se réduit-il aux connexions électriques du cerveau ? Comment les expertises scientifiques ont-elles pu passer sous silence le rôle du système limbique, parfois appelé cerveau émotionnel ?

    Même si dans l’état actuel de la science, on sait encore peu de chose sur ce néocortex, n’est-ce pas un peu péremptoire de qualifier de « réflexes » les réactions émotionnelles de Vincent Lambert, et de tenir pour négligeable la résistance qu’il oppose à la volonté des autres de mettre fin à sa vie ? (1) Lors d’une visite de l’hôpital maritime de Berck, j’avais rencontré les soignants qui prenaient soin de ces personnes cérébrolésées. J’en avais rendu compte dans mon livre Le souci de l’autre. Une infirmière m’avait rapporté que la vie des personnes qu’elle soignait avait un sens parce qu’elles comptaient pour quelqu’un. Cela pouvait être un conjoint, un parent, souvent la mère. « Savez-vous, m’avait-elle dit, que la personne cérébrolésée meure dans les 48 heures qui suivent le décès de la personne qui vient régulièrement la voir, sans que l’on ait à intervenir médicalement. Elle s’arrête simplement de respirer ». J’avais été particulièrement intéressée par cette observation, qui montre qu’un lien affectif profond, malgré la détérioration des fonctions cérébrales, donne du sens à la vie. Je savais, comme tous les psy, que des liens inconscients tissent les profondeurs de notre psyché, et peuvent être si puissants que la vie et le sens sont maintenus.

    Vincent Lambert aurait mérité une « solution » plus apaisante, digne de nos valeurs démocratiques d’humanité et de solidarité aux côtés des plus vulnérables, loin des enjeux politico-juridico-médiatiques. Pourquoi s’être acharné à refuser son transfert dans un service adapté à son état ? 

    (1) E.Hirsch, Le Figaro du 3 juillet.

  • Réponses à dix affirmations courantes favorables à l’euthanasie de Vincent Lambert

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    De Michel Janva sur le site "Le Salon Beige" :

    Réponses à 10 affirmations courantes favorables à l’euthanasie de Vincent Lambert

    Réponses à 10 affirmations courantes favorables à l’euthanasie de Vincent Lambert
  • Rome réaffirme l’inviolabilité du secret de la confession

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    Lu sur le site du « Salon beige », cette note émanant de la Pénitencerie Apostolique :

    Cardinal-Mauro-Piacenza_0_730_638.jpg« Suite aux tentatives de conditionner le secret de la confession, la Pénitencerie apostolique, dans une note publiée lundi, datée du 29 juin et approuvée par le Pape François, rappelle l’importance du for interne et l’inviolabilité du sceau sacramentel. 

    Le document réaffirme avec fermeté que le secret de la confession est un pilier de l’Église catholique et dénonce un certain relativisme ambiant dans la perception des notions de péché et de rédemption.

    La note de la Pénitencerie apostolique s’inquiète d’une «hypertrophie de la communication» et d’un discours médiatique dominant qui accorde une place démesurée aux «possibilités techniques» mais néglige «l’amour de la vérité» et «le sens de la responsabilité devant Dieu et les hommes». Dans le rapport à l’information médiatique, la recherche avide des «scandales» touche aussi une partie des catholiques, et mêmes des membres du clergé, «au grave détriment de l’annonce de l’Évangile à toute créature et des exigences de la mission». 

    Le «jugement de l’opinion publique» se base souvent sur des informations qui «lèsent de façon illégitime et irréparable la bonne réputation» de certaines personnes et leur droit à «défendre leur propre intimité». Les institutions sont aussi fragilisées, et en premier lieu l’Église catholique qui fait l’objet d’un préjugé négatif liés aux tensions internes à sa hiérarchie et aux «récents scandales d’abus, horriblement perpétrés par certains membres du clergé». Dans ce contexte, une pression s’exerce pour que l’Église cale son organisation juridique sur l’ordre civil des États, mais cette exigence est incompatible avec la nature de l’Église.

    Cette note rappelle donc plusieurs points essentiels, notamment donc l’inviolabilité du sceau sacramentel que représente le sacrement de la Réconciliation.

    «Même s’il n’est pas toujours compris par la mentalité moderne, il est indispensable pour la sainteté du sacrement et pour la liberté de conscience du pénitent, qui doit être certain à tout moment que l’entretien sacramentel restera dans le secret de la confession, entre sa propre conscience qui s’ouvre à la grâce divine et la médiation nécessaire du prêtre», avait rappelé le Pape François le 29 mars dernier lors de son discours devant les participants au cours annuel sur le for interne organisé par la Pénitencerie apostolique.

    Les prêtres en effet, lorsqu’ils écoutent les pénitents et peuvent accorder l’absolution, agissent dans ce cadre  “in persona Christi capitis”, au nom du Christ donc et non pas en leur nom propre. Ils doivent donc être capables de défendre ce sceau sacramentel jusqu’au martyre. Leur seule exigence doit être le repentir sincère de la personne qui se confesse. Ils ne peuvent pas exiger du pénitent qu’il se rende à la justice civile, car il s’agit d’un autre ordre.

    Toute initiative politique ou législative visant à forcer l’inviolabilité du sceau sacramentel constituerait donc «une inacceptable offense envers la liberté de l’Église, qui ne reçoit pas sa propre légitimation des États, mais de Dieu. Elle constituerait une violation de la liberté religieuse, qui fonde juridiquement toute autre liberté, y compris la liberté de conscience des citoyens, qu’ils soient pénitents ou confesseurs». 

    Le respect du for interne implique aussi l’accompagnement spirituel, qui ne relève pas à proprement parler du sceau sacramentel mais qui concerne «tout ce qui regarde la sanctification des âmes et donc la propre sphère intime et personnelle de chaque fidèle». Le confesseur et le directeur spirituel n’ont donc pas à intervenir dans un processus d’admission aux ordres sacrés, ni à titre posthume dans une procédure de béatification ou de canonisation.

    La note évoque enfin la notion de «secret professionnel» qui s’applique à certaines autres communications dans le cadre ecclésial. Parmi eux figure le secret pontifical, qui relève de la personne même du Souverain pontife, qui peut donc le lever s’il le juge nécessaire. Dans toutes les autres communications publiques ou privées, une certaine liberté de discernement peut être laissée, en conformant «toujours sa propre vie au précepte de l’amour fraternel, en ayant devant les yeux le bien et la sécurité d’autrui, le respect de la vie privée et le bien commun», comme le rappelle le Catéchisme de l’Église catholique. La «correction fraternelle» peut s’exercer en ayant conscience du «pouvoir constructif» de la parole mais aussi de son «potentiel destructif». 

    L’Église doit en tout cas préserver à tout prix le secret de la confession, en sachant que la lumière venue du Christ doit être «préservée, défendue et cultivée» dans «l’espace sacré entre la conscience personnelle et Dieu», est-il précisé en conclusion.

    En présentant le document, le cardinal Piacenza (photo), qui l’a co-signé en tant que Pénitencier majeur, a expliqué que le Pape a voulu ainsi faire rappeler la nature sacrée du for interne, qui n’est pas toujours correctement prise en compte, y compris au sein de la communauté ecclésiale. Ce concept doit pourtant être pris au sérieux, car l’inviolabilité absolue du sceau sacramentel est une garantie indispensable pour la validité du sacrement de la réconciliation. Il s’agit donc d’un enjeu totalement différent par rapport au simple «secret professionnel» qui peut s’appliquer à des professions civiles comme les médecins, les avocats ou les pharmaciens. 

    Le cardinal Piacenza a précisé en outre que le texte de la note ne doit pas être considéré comme «une justification ou une forme de tolérance vis-à-vis des exécrables cas d’abus perpétrés par des membres du clergé». «Aucun compromis n’est acceptable dans la promotion de la protection des mineurs et des personnes vulnérables, ni dans la prévention et la lutte contre toute forme d’abus», comme le Pape François l’a constamment rappelé. La note spécifie que «la défense du sceau sacramentel et de la sainteté de la confession ne pourront jamais constituer une forme quelconque de connivence avec le mal», en soulignant que le repentir sincère constitue une condition essentielle pour la validité du sacrement, tout comme le ferme engagement de s’amender et de ne pas réitérer le mal commis. »

    Ref. Rome réaffirme l’inviolabilité du secret de la confession

    L’auteur de cette mise en garde est, en fait, le cardinal Mauro Piacenza, nommé Préfet de l’importante Congrégation romaine du Clergé par Benoît XVI, dont il est proche, puis relégué à la Pénitencerie apostolique par le pape François, peu après l’élection de ce dernier au souverain pontificat.

    JPSC