Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Histoire - Page 17

  • Don Marmion bientôt vénéré sur les autels ?

    IMPRIMER

    D'Yves Thibaut de Maisières sur RCF :

    Dom Marmion, un abbé de Maredsous bientôt saint ?

    20/06/2023

    Intéressons-nous à une figure de l'Église qui fut abbé de la communauté de Maredsous, le bienheureux Dom Columba Marmion. Monseigneur Murphy, chef du protocole du Saint-Siège, est postulateur pour le processus de canonisation de celui-ci. Il nous fait découvrir ce bienheureux dont saint Jean-Paul II disait "qu'il était un directeur spirituel hors pair !".

    ©Wikipedia
    ©Wikipedia

    Un Irlandais venu vivre sa vocation en Belgique

    Né à Dublin en 1858, Joseph Marmion a une mère française. Découvrant sa vocation de prêtre dès son plus jeune âge, c'est dans son pays d'origine, après ses études en théologie à Rome, qu'il est ordonné en vue du sacerdoce. Une rencontre va alors boulversé son parcours : lors d’un séjour dans la ville éternelle, il croise la route d'un religieux belge. Celui-ci lui propose de venir rencontrer la communauté de ce dernier à Maredsous. Il arrive donc dans la vallée de la Molignée à l’âge de 28 ans. Là, dans cette communauté bénédictine, il trouve l’accomplissement de sa vocation de prêtre et de religieux. Malgré tout, le jeune novice rencontre des difficultés à s’adapter à ce pays et à cette nouvelle vie. Très vite, il est remarqué et les supérieurs décident de lui confier de grandes responsabilités dans la prédication. 

    Ce qui le caractérise, c'est son enracinement dans la grande tradition vivante de l'Eglise.

    Il faut penser la spiritualité de Dom Marmion comme un héritage de l’enseignement de Saint Paul. Autrement dit, il insiste sur la filiation adoptive du Père qui nous aime. Le regard du père envers nous est celui qu’Il a envers son propre fils unique Jésus-Christ. Tout l'héritage spirituel de cet homme réside donc dans cette réalité de filiation qu'il nous invite à redécouvrir quel que soit notre cheminement dans la Foi ou encore notre vocation. Ses écrits sont emprunts de cette intuition, à tel point qu'ils susciteront le succès chez les pères du Concile initié par Saint Jean XXIII. 

    Les œuvres de Dom Marmion ont eu un grand succès. Pratiquement tous les pères du Concile Vatican II avaient lu ses écrits. D’une certaine manière, on peut dire que le 3e père abbé de Maredsous a grandement contribué à ce concile.

    La bonté et la douceur

    De caractère jovial, l’homme est un spirituel sérieux, se donnant tout entier dans son charisme de prédication et d’accompagnement spirituel. Une correspondance abondante permet de saisir la profondeur de son âme généreuse.

    Ce n’est pas par la discussion mais par la bonté qu’on gagne ou qu’on ramène les âmes.

    Ce qui rend le personnage innovant à sa façon, c'est sa conscience de la place du charisme féminin dans la complémentarité des rôles de la vie ecclésiale. Il n’hésitera pas à demander conseil aux bénédictines de Maredret pour prêcher les retraites. “Il avait l’intuition de tout ce à quoi pouvait contribuer une femme religieuse dans la vie de l’Eglise”, souligne Monseigneur Joseph Murphy. 

    "Plutôt servir que dominer", un précurseur de la synodalité

    Cette devise qu'il choisit lorsqu’il devient le 3e père abbé de la communauté de Maredsous en 1909 n’est en rien dûe au hasard. Le jeune moine a une excellente connaissance de la règle du fondateur de l’ordre, celle-ci préconisant de favoriser la discussion avant de prendre les décisions et en accordant une attention particulière aux plus jeunes frères. Les décisions prises par Dom Marmion seront empruntes de cette volonté de partager les points de vue, même divergents, avant d'exercer l’autorité et la prise de décision. 

    Béatifié depuis l’an 2000, la cause de canonisation du religieux est toujours en cours à Rome. Selon les exigences de l'Eglise catholique romaine, il est nécessaire d'avoir un second miracle à l'origine de l'intercession du bienheureux. Pour que sa notoriété se développe, Monseigneur Murphy espère voir grandir la renommée d'intercession de Dom Marmion. 

    En savoir plus sur Dom Marmion ? Vous désirez faire parvenir un témoignage ? Vous pouvez consulter ce site internet : https://www.marmion.be/index.html

    Site de la communauté bénédictine de Maredsous : https://www.maredsous.com

  • Les évangiles ont très probablement été écrits en araméen

    IMPRIMER

    D'Olivier Bonnassies sur La Sélection du Jour :

    Les Évangiles n’ont certainement pas été écrits en grec mais en araméen, la langue du Christ

    Photo : le papyrus P 52 de Rylands, daté de la première moitié du IIème siècle, est un des plus anciens manuscrits grecs de l'Evangile de Jean, mais l'original était sans doute araméen

    Contrairement à l’opinion qui a dominé pendant des années, il est aujourd’hui très probable que l’Évangile vienne d’une source unique, fixée en araméen. Au temps du Christ, l'hébreu était presque uniquement une langue liturgique (un peu comme le latin pour nous) et le grec une des langues internationales (comme l'anglais aujourd'hui), mais Jésus, les Apôtres, et les premiers chrétiens parlaient tous araméen, la langue des juifs de l'époque, dominante dans tout l'Orient jusqu'en Inde. Or, cette culture orale est redécouverte actuellement par les chercheurs qui constatent que les manuscrits de la Pshytta (texte canonique des Églises de langue araméenne syriaques de Chaldée) et de la Peschitto (texte identique d’un dialecte proche de Syrie) sont exactement les mêmes, au détail et au mot près, alors que les versions grecques différent en revanche beaucoup de l’une à l’autre.

    Jusqu’ici, on avait peu porté d’attention à l’araméen, parce que le plus ancien manuscrit connu de la Pshytta (le Vaticanus 12) était daté du IVème siècle, alors qu’il y a de nombreux fragments grecs du IIème siècle. On a ainsi été longtemps enclin à penser que les Evangiles ont été écrits en grec, comme le sous-entendait Eusèbe de Césarée lui-même, le premier grand historien de l’Eglise, qui voulait faire reconnaître le Christianisme à Rome et qui disposait de la bibliothèque grecque d’Origène à Césarée, la grande ville de Terre Sainte de l’époque. Son objectif étant de convaincre l’Empereur Constantin de la fiabilité de la foi chrétienne, Eusèbe a valorisé l’idée que l’Évangile avait été écrit en grec, « la belle langue » et non pas dans ce dialecte de seconde zone que constituait l’araméen, utilisé par l'ennemi Parthe.

    Le fait décisif qui conduit à changer de point de vue est que le texte de la Pshytta est toujours stable. Il y a une et une seule Pshytta, copiée mot à mot dans toutes les copies, sans aucune variante. Le Père Frédéric Guigain a pu vérifier cette réalité étonnante en comparant dans le détail le Vaticanus 12, qui correspond à un dialecte du IIIème ou IVème siècle, et le codex Khabouris, retrouvé récemment, qui date de l’an 1000, mais qui correspond à une langue du IIème siècle : les mots sont exactement les mêmes, et la copie est d’une exactitude exceptionnelle, comme toutes les copies de la Pshytta qui reproduisent absolument tous les mots et même la pagination de l’original dont ils prétendent être la copie !

    A l'inverse, l’instabilité de nombreuses variantes textuelles des manuscrits grecs est flagrante sur d’innombrables exemples. Dans la péricope de la guérison de l’homme à la main sèche, par exemple, le texte parle de la « connaissance » (Luc 6,8) que le Christ a des raisonnements de ses opposants. Or, le mot est traduit de deux manières dans les manuscrits grecs qui choisissent soit « edei » soit « gignoscoi ». S’il s’agissait d’une copie d’un original unique, pourquoi choisir des mots différents ? Quel copiste oserait prendre une telle initiative ? Plus loin, le Christ promène sur eux un regard de « colère » (Luc 6,10) qui est là aussi traduit de deux manières différentes. Et les cas sont tellement nombreux qu’il est impossible d’imaginer autre chose qu’une traduction.

    L’idée d’une traduction de l’araméen explique aussi quantité de passages peu compréhensibles en grec. Par exemple, en Ac 6,1-7, le texte grec parle de « veuves » de langue grecque qui ont un problème avec le « service des tables » et on dérange les Apôtres qui vont alors ordonner 7 diacres pour s’occuper de cela. Le récit est assez obscur : ceux qui été si solennellement institués (pourquoi ?) dans le but de s’occuper d’un service ménager (quel intérêt d'en parler ?) font immédiatement tout autre chose et partent évangéliser (cf. Étienne en Ac 6,8-10). Mais selon l'araméen, il s’agit en fait de « consacrées » de langue grecque (pas de veuves) qui ne comprennent pas les prières à l’autel (pas aux tables) et qui demandent des traducteurs (pas des diacres). Voilà pourquoi, de manière cohérente, les apôtres missionnent 7 grecs pour traduire leurs prières, comme on l’avait fait pour la traduction de la Septante, à Alexandrie, en 270 avant Jésus-Christ. 

    La Doxa classique affirmait jusqu'ici que la Pshytta était la traduction araméenne au IVème siècle d’une version grecque précoce, mais cette interprétation est devenue très difficile. La Pshytta ne comporte ni les dernières lettres de Pierre, ni l’Apocalypse, et aucun ajout n’a été osé par la suite, les copistes s’interdisant tout changement. Comment expliquer cela sinon par le fait qu'elle a été fixée à un moment où la plupart des Apôtres encore en vie et capables de donner à ces récits une autorité que personne ne pourrait plus leur contester ? Les études récentes de Pierre Perrier (cf. Marie mère de mémoire, Montrouge, 2019 ou La mémoire en damiers, Paris, 2023) et beaucoup d'éléments concourent à établir que la Pshytta est certainement la copie d’une source araméenne écrite ou orale fixée très tôt, au Ier siècle, dans le cadre de cette culture orale très riche, à redécouvrir. 

    Pour aller plus loin :

    Primauté de l’araméen sur le grec : indices cumulés

    >>> Lire sur Eecho (Enjeux de l'Etude du Christianisme des Origines

  • Liturgie : du Concile de Trente à saint Pie V

    IMPRIMER

    De Denis Crouan :

    DU CONCILE DE TRENTE À SAINT PIE V

    La Constitution apostolique « Quo primum tempore » qui oblige à utiliser le Missel restauré et approuvé par saint Pie V, est promulguée le 13 juillet 1570. Elle entre en vigueur dans la limite de délais partant de la date de la première édition du « Missale Romanum », soit un mois pour les prêtres en résidence à Rome, trois mois pour ceux qui sont en Italie et six mois pour les autres qui sont « au-delà des monts ».

    Le Concile de Trente avait pris conscience du désir d’unité liturgique manifesté par le peuple dans son ensemble. De nombreux orateurs du Concile avaient relevé comment les « réformés » qui avaient suivi Martin Luther s’étaient emparés de cette volonté d’unité pour justifier une simplification des rites qu’ils présentaient comme un « retour aux sources ». Les Pères du Concile de Trente comprennent qu’il est urgent de faire aussi quelque chose : il n’est pas question de laisser l’initiative aux seuls « réformés ». Cependant, les Pères conciliaires manquent d’arguments pour avancer des propositions précises ; parmi eux se trouvent des théologiens mais très peu de liturgistes. Ils se contenteront donc de faire des recommandations et de formuler des « vœux pieux ».

    Les années passent ; les papes se succèdent (quatre en 16 ans !) ; les « réformés » consolident leurs positions ; les travaux de la Curie pontificale se font attendre ; de nombreux évêques inquiets des vœux du Concile prennent l’initiative de maintenir les anciens usages liturgiques de leurs diocèses respectifs.

    Paul IV (1555-1559) prescrit les premiers travaux : rassembler les documents de la bibliothèque vaticane afin de pouvoir les étudier. On s’aperçoit immédiatement des difficultés : les documents dont on dispose sont nombreux et riches, surtout ceux de source orientale. On ne trouve pas moins de 89 formules de consécration en usage !

    Rassembler les documents ne suffit donc pas. Pie V (1559-1565) crée une commission de travail qui constate la stérilité des efforts tentés dans le passé pour assurer l’unité de la liturgie : ni Innocent Ier en 416, ni Vigile en 538 ne sont parvenus à imposer leurs vues. Saint Grégoire le Grand (590-604) sera plus heureux sans pour autant réussir à imposer un texte liturgique unique ; son travail ne consistera qu’à simplifier les rites et à réduire le nombre des formules. Travail identique à celui que fera Vatican II, des siècles plus tard.

    La Commission se trouve devant un choix à faire : quel rite adopter pour l’ensemble de l’Église occidentale dite « romaine » ? Le choix est vaste : le gélasien ? l’ambrosien (en usage à Milan) ? le gallican ? le gothique ? le mozarabe ? Tous peuvent être considérés comme vénérables ; tous célèbrent une même foi. Faut-il reprendre certaines anaphores orientales très riches du point de vue doctrinal  ? La Commission se décide à prendre pour base de travail l’ « Ordo Missae » qu’elle connaît le mieux : celui qui en usage au sein de la Curie romaine depuis de VIIe siècle.

    Beaucoup de diocèses étant attachés à leurs particularismes liturgiques, la Constitution « Quo primum tempore » de Saint Pie V n’est pas partout accueillie dans l’allégresse. Et comme Saint Pie V a précisé que certains Ordres religieux ainsi que les diocèses pouvant se prévaloir de rites deux fois centenaires ne seront pas obligés d’adopter le nouvel « Ordo Missae », beaucoup d’évêques s’emploieront à contourner l’obligation faite par le pape d’adopter le nouveau « Missel romain ». Il n’est pas inutile de rappeler ici que jusqu’au milieu du XIXe siècle, de nombreux diocèses conserveront leurs rites particuliers. Le maintien de ces particularismes étant surtout dû à la manifestation d’un attachement souvent passionnel aux vieilles habitudes ajouté à une connaissance insuffisante de la liturgie.

    Le « Missel romain » promulgué par Saint Pie V ne sera véritablement découvert et mis progressivement en application qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, à la suite des travaux de Dom Guéranger qui fera de l’étude de la liturgie une véritable science ; découverte qui viendra en complément des injonctions du pape Saint Pie X qui entendra débarrasser les célébrations liturgiques d’habitudes ne convenant pas au culte dû à la Majesté divine et au droit inaliénable du peuple de Dieu de « prier sur de la beauté ».

  • Liège : clôture solennelle de la Fête-Dieu par l’évêque de Liège le samedi 10 juin à 18h00 en l’église du Saint-Sacrement (Bd d’Avroy, 132) :

    IMPRIMER

    Le samedi 10 juin 2023 à 18h00, Mgr Jean-Pierre Delville, célébrera en l'église du Saint-Sacrement une messe grégorienne solennelle pour clôturer la semaine de festivités liée à la Fête-Dieu.

    Cette année, la messe sera interprété par la Schola Gregoriana de l'Université de Varsovie et par l'Ensemble polyphonique liégeois "Praeludium".

    Dès 16h30 aussi, une audition concertante de chants médiévaux interprétés par les choristes de la Schola de l’Université Cardinal Wyszynski (dir. Michal Slawecki) sera offerte au public (entrée libre).

    Toutes les informations via ce lien : https://miniurl.be/r-4kwu

  • Fête-Dieu : catéchèse de Benoît XVI sur sainte Julienne du Mont-Cornillon

    IMPRIMER

    D'Anita Bourdin sur zenit.org (archive) :

    Fête du Saint-Sacrement: catéchèse de Benoît XVI sur sainte Julienne du Mont-Cornillon

    « Renouveler notre foi dans la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie »

    « En nous souvenant de sainte Julienne de Cornillon renouvelons nous aussi notre foi dans la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie »: c’ets l’invitation de Benoît XVI qui a consacré une catéchèse entière à sainte Julienne de Mont-Cornillon le 17 novembre 2010.

    Voici notre traduction intégrale de la catéchèse donnée par Benoît XVI: nous la re-publions à l’occasion de la fête du Saint-Sacrement, maintenue dans certains pays le jeudi (3 juin), et repoussée dans d’autres, et au Vatican, au dimanche (6 juin).

    Catéchèse de Benoît XVI

    Chers frères et chères sœurs,

    Ce matin également, je voudrais vous présenter une figure féminine, peu connue, à laquelle l’Eglise doit toutefois une grande reconnaissance, non seulement en raison de sa sainteté de vie, mais également parce qu’à travers sa grande ferveur, elle a contribué à l’institution d’une des solennités liturgiques les plus importantes de l’année, celle du Corpus Domini. Il s’agit de sainte Julienne de Cornillon, également connue sous le nom de sainte Julienne de Liège. Nous possédons quelques informations sur sa vie, en particulier à travers une biographie, probablement écrite par un ecclésiastique qui lui était contemporain, dans laquelle sont recueillis divers témoignages de personnes qui eurent une connaissance directe de la sainte.

    Lire la suite

  • Faut-il s’inquiéter de la crise dans l’Église ?

    IMPRIMER

    De Javier García Herrería sur didoc.be :

    Faut-il s’inquiéter de la crise dans l’Église ?

    2 juin 2023

    C’est à vous et à moi de semer dans la joie.

    Si vous pensez que l’Eglise traverse actuellement une crise si grave qu’elle ne s’en relèvera pas, je suis désolé de vous signaler qu’il y en a eu de pires. Par exemple, à l’époque de l’arianisme, 80 % des évêques étaient hérétiques. Si malgré tout vous pensez que la situation d’aujourd’hui est trop préoccupante, ne vous alarmez pas, c’est normal. Des saints aussi grands qu’Athanase ou Augustin sont morts en voyant un horizon très noir. Il est classique de croire que tout va très mal.

    En tout cas, on peut penser que la barque de Pierre — l’Église — risque de couler dans l’avenir, même si elle a survécu jusqu’à présent. C’est peut-être pour cela que Jésus-Christ a décidé de nous rassurer et a dit dans l’Évangile : « Je te le dis, tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16, 18). Ces paroles constituent la meilleure assurance-vie de l’histoire.

    La papauté et la saine doctrine ont survécu à de puissants ennemis, depuis les persécutions des empereurs romains jusqu’à Napoléon lui-même. L’anecdote est célèbre : un jour, l’empereur français a dit au cardinal Consalvi : « Je vais détruire votre Église. »

    Le cardinal répondit : « Non, vous ne le pourrez pas ! »

    Alors, Napoléon répéta furieux : « Je vais détruire votre Église ! ».

    On pourrait graver dans la pierre la réponse du cardinal : « Non, vous ne le pourrez pas, car même nous, nous n’avons pas été capables de le faire ! Si des milliers de ministres infidèles et de pécheurs n’ont pas réussi à la détruire de l’intérieur, comment pensez-vous pouvoir le faire de l’extérieur ? »

    On peut souffrir l’indicible en raison des problèmes de l’Église, mais on peut aussi s’inspirer de ce que répètent si souvent les psychologues et les psychiatres : « s’il y a des choses que tu ne peux pas changer, tu peux par contre décider dans une large mesure de la manière dont elles t’affectent ». L’esprit humain peut être quelque peu autodestructeur quand il se laisse obséder par certaines questions, en particulier celles qui vous importent. La situation de l’Église peut être l’une de ces questions, et je pense donc qu’il est bon de penser que Jésus-Christ a déjà accompli le salut du genre humain il y a vingt siècles.

    Il n’est pas nécessaire de sauver l’Église, il l’a déjà fait.

    Cela signifie que la partie est gagnée (même si vous devez la jouer et mouiller votre chemise sur cette terre). Ce qui n’a pas de sens, en revanche, c’est de perdre la paix alors que vous savez que vous allez gagner la partie à coup sûr.

    Vous pourrez perdre des batailles, mais pas la guerre.

    La scène évangélique de la tempête sur le lac de Génésareth se répète sans cesse. Les disciples angoissés réveillent Jésus-Christ, persuadés qu’ils vont périr. Le plus étonnant est la réponse de Jésus après avoir calmé la tempête : « Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas la foi ? » (Mc 4, 40). Quelle réponse ! J’aimerais bien avoir une photo montrant les visages perplexes des apôtres. Il n’est pas étonnant qu’ils n’aient pas oublié cette réponse et qu’ils l’aient immortalisée dans l’Évangile.

    Certains pourraient penser que si nous ne nous préoccupons pas de la situation de l’Église, nous courons le risque de sombrer dans la passivité, de sorte que, même si l’Église ne succombe pas, les maux qui l’affligent augmenteront et beaucoup d’âmes seront perdues. Il ne s’agit évidemment pas de cela. Il faut s’occuper — pas se préoccuper — de résoudre les problèmes de l’Église, avant tout par la prière et, dans la mesure du possible, par les œuvres.

    Je pense que le ton désespéré de beaucoup d’analyses de la situation de l’Église n’apporte rien et qu’il n’est pas très chrétien. La joie devrait être le patrimoine des croyants et nous en manquons souvent.

    Il y a beaucoup de choses très, très positives dans l’Église : depuis le travail social qu’elle accomplit jusqu’au grand nombre de vocations qui surgissent dans certaines de ses institutions. De plus, il n’y a jamais eu autant de laïcs, aussi bien formés, qui prient et reçoivent librement les sacrements avec autant d’assiduité. Et ils ne le font pas dans un contexte culturel chrétien, mais dans un contexte défavorable.

    Evidemment, si ce que l’on cherche, ce sont des signes évidents d’une future régénération complète de l’Église, je suis désolé de signaler que ce style commode et triomphaliste n’est pas typique de Dieu, même si les apôtres eux-mêmes ont trop souvent cru qu’ils verraient le triomphe humain du Christ.

    Pensez à la manière dont l’Esprit Saint a géré la crise postconciliaire. Si vous pensez que la limitation actuelle de la messe traditionnelle est très inquiétante, imaginez ce que cela a dû signifier pour les personnes pieuses de passer de l’ancien rite à celui que nous célébrons aujourd’hui. Les changements de cette réforme liturgique ont dû sembler à beaucoup comme un saut dans un abîme !

    Cependant, le temps a prouvé qu’il est possible de vivre pleinement la messe, même dans un autre rite. Même si de nombreuses nuances de la célébration — qu’il est bon de garder à l’esprit — se sont estompées, les chrétiens ont continué à se nourrir du fruit de l’Eucharistie (j’espère que vous comprenez ce que je veux dire : je pense que l’ancien rite est formidable et je ne prétends pas porter un jugement sur les mesures qui le limitent aujourd’hui).

    De plus, les opinions théologiques erratiques, sur le plan moral et pastoral, amplifiées par de nombreux médias, ont généré à juste titre un sentiment de défaitisme chez de nombreux croyants.

    Mais qu’a fait l’Esprit Saint pour faire avancer l’Église ? Il a appelé au siège de Pierre un certain Karol Wojtyla, que personne ne connaissait et qui ne figurait dans aucun pronostic.

    Et qu’est-ce que Dieu va faire maintenant pour améliorer la situation de l’Église ? Je n’en sais rien, mais j’imagine qu’essayer de le savoir doit faire rire les anges et les saints du ciel.

    Heureusement, nous n’avons pour rôle de deviner l’avenir. Il nous revient, à vous et à moi, de semer dans la joie, et non de chercher quelle partie de la récolte portera le plus de fruits. Après tout, si un humble tailleur a accompagné spirituellement Karol Wojtyla pour faire grandir sa vie intérieure et l’amener finalement au séminaire, alors n’importe quel chrétien peut être la cause dont Dieu se sert pour redresser l’Église.

    Il ne sert à rien de jouer aux devinettes. Les voies de Dieu sont impénétrables. Jésus-Christ le disait déjà à Nicodème qui lui demandait comment un homme pouvait naître de nouveau alors qu’il était vieux (une question assez logique, d’ailleurs) : « Le vent souffle où il veut : on entend sa voix, mais on ne sait ni d’où il vient, ni où il va. Il en est de même pour quiconque est né de l’Esprit. » (Jn 3, 8)

    Eh bien, vous et moi sentons le vent des choses positives dans l’Église, mais nous ne savons pas exactement comment Dieu guide l’histoire en réorientant les actions humaines. Alors, veillez à prier et à aider l’Église (en commençant par vos parents et connaissances, par votre paroisse) mais ne vous évertuez pas à faire des évaluations sombres de la situation : elles ne sont sûrement pas aussi vraies que vous le pensez et ne servent pas à résoudre quoi que ce soit.

    Javier García Herrería a été pendant 18 ans professeur de philosophie dans l’enseignement secondaire et se dédie depuis peu au journalisme. Source : https://www.exaudi.org/es/por-que-no-deben-preocuparte-las-crisis-de-la-iglesia/. Ce texte a été traduit de l’espagnol par Stéphane Seminckx.

  • "Temps de l'âme et temps du monde : l'expérience du temps et les vicissitudes de l'Histoire chez saint Augustin" (Philo à Bruxelles, 13 juin)

    IMPRIMER

    2023_06_07_08_24_18_Greenshot.png

    2023_06_07_08_25_24_Greenshot.png

    2023_06_07_08_26_29_Greenshot.png

  • Boniface, apôtre des Germains (5 juin)

    IMPRIMER

    St_Boniface_-_Baptising-Martyrdom_-_Sacramentary_of_Fulda_-_11Century.jpgLors de l'audience du mercredi 11 mars 2009, Benoît XVI a consacré sa catéchèse à une évocation de l'apôtre des Germains : 

    Saint Boniface nous encourage à accueillir la Parole de Dieu

    Chers frères et sœurs,

    Nous nous arrêtons aujourd'hui sur un grand missionnaire du viii siècle, qui a diffusé le catéchisme en Europe centrale, et dans ma patrie également:  saint Boniface, passé à l'histoire comme l'"apôtre des Germains". Nous possédons beaucoup d'informations sur sa vie grâce à la diligence de ses biographes:  il naquit dans une famille anglosaxonne dans le Wessex autour de 675 et fut baptisé avec le nom de Winfrid. Il entra très jeune au monastère, attiré par l'idéal monastique. Possédant de remarquables capacités intellectuelles, il semblait destiné à une carrière tranquille et brillante d'érudit:  il devint enseignant de grammaire latine, écrivit plusieurs traités, composa plusieurs poésies en latin. Ordonné prêtre à l'âge de trente ans environ, il se sentit appelé par l'apostolat auprès des païens du continent. La Grande-Bretagne, sa terre, évangélisée à peine cent ans plus tôt par les Bénédictins guidés par saint Augustin, faisait preuve d'une foi si solide et d'une charité si ardente qu'elle envoya des missionnaires en Europe centrale pour y annoncer l'Evangile. En 716, Winfrid, avec quelques compagnons, se rendit en Frise (aujourd'hui la Hollande), mais il buta sur l'opposition du chef local et la tentative d'évangélisation échoua. Rentré dans sa patrie, il ne perdit pas courage, et deux ans plus tard, il se rendit à Rome pour s'entretenir avec le Pape Grégoire ii et en recevoir des directives. Le Pape, selon le récit d'un biographe, l'accueillit "avec le visage souriant et le regard empli de douceur", et dans les jours qui suivirent, il tint avec lui "des conversations importantes" (Willibald, Vita S. Bonifatii, éd. Levison, pp. 13-14) et enfin, après lui avoir imposé le nouveau nom de Boniface, il lui confia avec des lettres officielles la mission de prêcher l'Evangile parmi les peuples de Germanie.

    Lire la suite

  • Le culte du Sacré Coeur

    IMPRIMER

    Source

    Historique sur le culte du Sacré Cœur

    Il n’est plus étrange aujourd’hui que d’affligeants démagogues entretiennent chez les fidèles l’illusion que la dévotion au Sacré Cœur n’est pas plus ancienne que le XVII° siècle. Il faut être bien ignorant de la réalité pour le croire ou essayer de le faire croire, puisque les origines de cette dévotion qui a pris de nos jours un si vaste et si heureux développement, remontent haut dans l'histoire de la piété chrétienne. « Le culte du Cœur de Jésus, écrivait au siècle dernier le cardinal Pie, c'est la quintessence du christianisme, c'est l'abrégé et le sommaire substantiel de toute la religion.[1]  » Néanmoins, il ne faudrait pas non plus exagérer démesurément l’histoire de cette dévotion, en lui assignant une origine trop ancienne. Certes, si dès sa naissance, l'Eglise offrit à Dieu un culte d'amour, multipliant les hommages envers l'immense charité du Christ pour nous, cela ne suffit point pour dire que les premiers chrétiens ont honoré le Sacré Cœur, ni même qu'ils ont rendu un culte spécial à l’amour de Jésus. Ce n’est que l'un après l’autre, et même assez lentement, que les éléments de cette dévotion furent mis en lumière.

    Dans l'Ancien Testament, le cœur désigne la source même de la personnalité de l'homme, qui lui permet de choisir librement et intelligemment. C'est dans le cœur que l'homme rencontre Dieu.

    Quand l'Ancien Testament parle du cœur de Dieu (une dizaine de fois) il semble désigner son attachement et le don profond de lui-même qu’il fait à l'homme. Lorsque le Seigneur vit «  que la malice de l'homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que pensées mauvaises à longueur de journée…il s'affligea dans son cœur [2] » ; mais, après le déluge, lorsqu'il agréa les sacrifices de Noé comme « le parfum apaisant »c'est « en son cœur » qu'il fait serment de ne plus frapper la terre et de sauver définitivement la création[3].

    David reçut comme un don de l'amour du Seigneur sa connaissance des choses divines : « A cause de ta Parole et selon ton cœur, tu as fait toute cette grande chose que d'instruire ton serviteur[4] . » Après que Salomon en eut achevé la construction, Yahvé consacra le Temple, promettant sa protection au peuple qui observera ses commandements ; Dieu y accueillera les prières et les sacrifices, ses « yeux et son cœur y seront tous les jours[5]. »

    Job dit que le Seigneur est « sage de cœur et robuste de force.[6]  » Au prophète Jérémie, Dieu révèle son cœur comme l'expression de ce qu'il est, don d'amour : « J'ai livré ce que mon cœur a de plus cher [7] » ; « Même si Moïse et Samuel se tenaient devant moi, mon cœur ne reviendrait pas vers ce peuple.[8]  » « Mais lorsque Dieu entend les désolations d'Ephraïm : voilà pourquoi mon cœur frémit pour lui.[9]  » Enfin, lors de l'annonce de l'Alliance, Dieu dit : « Je mettrai ma joie à leur faire du bien, je les planterai solidement dans ce pays, de tout mon Cœur et de toute mon âme.[10]  » On entend le même cri de Yahvé chez le prophète Osée : « Mon cœur bouleversé en moi, toutes mes compassions s'émeuvent.[11] »

    Lire la suite

  • Quand un historien démonte la "légende noire" espagnole

    IMPRIMER

    Du site de La Nef (Arnaud Imatz) :

    L’historien Marcelo Gullo face à la cathophobie et la légende noire espagnole 

    L’historien argentin Marcelo Gullo Omedeo a récemment battu des records de vente en Espagne avec ses livres, Madre Patria [« La mère patrie », sous-titré : Démonter la légende noire depuis Bartolomé de las Casas jusqu’au séparatisme catalan (2021)] et Nada por lo que pedir perdón (« Pas de raison de s’excuser », sous-titré : L’importance de l’héritage espagnol face aux atrocités commises par les ennemis de l’Espagne(2022)]. Ces deux ouvrages remarquables ont été significativement préfacés par deux personnalités du monde politique et universitaire hispanique, l’ancien vice-président du gouvernement et vice-président du PSOE, Alfonso Guerra et la directrice de l’Académie royale d’histoire, Carmen Iglesias. L’historienne María Elvira Roca Barea avait déjà entrepris, il y a quelques années, de remettre les pendules à l’heure en publiant deux ouvrages non-conformistes majeurs Imperiofobia y leyenda negra / « Phobie de l’empire et légende noire » (2016) et Fracasología / « Échecologie » (2019). Depuis, les initiatives résistantes semblent se multiplier dans la Péninsule. Le réalisateur, scénariste et producteur José Luis López Linares a dirigé un excellent film documentaire historique Espagne. La première globalisation (2021). L’Académie royale d’histoire a créé un portail d’internet où l’on trouve la plus grande information jamais rassemblée à ce jour sur les personnages et événements de l’histoire hispaniqueLes livres et articles en rupture avec la doxa et l’idéologie du « politiquement correct » se succèdent à bon rythmeL’argentin Marcelo Gullo est sans doute l’une des figures les plus en pointe dans cette résistance et ce combat culturel. Fin connaisseur de la biographie du souverain pontife, il n’a pas hésité à rappeler dans le titre évocateur de son dernier livre que « lorsque le pape François était le père Jorge, il considérait qu’il n’y avait pas de raison de s’excuser ». Dans un pays comme l’Espagne, qui depuis des décennies est en voie de déchristianisation et de soumission politique à l’étranger et où, comme dans le reste de l’Europe, les élites politico-culturelles sont fortement influencées par le wokisme, Gullo ne pouvait éviter de provoquer d’importants remous. Gardien de la mémoire collective hispanique, c’est sans faux-fuyants qu’il  rappelle que depuis deux siècles les interventions et agressions nord-américaines dans les pays luso-hispaniques se comptent par centaines pour les majeures et par milliers pour les mineures [La bibliographie sur le sujet est d’ailleurs considérable et on se contentera de citer ici le travail encyclopédique de l’historien argentin Gregorio Selser, Chronologie des interventions étrangères en Amérique Latine / Cronología de las intervenciones extranjeras en América Latina, 4 tomes, México, CAMENA, 2010]. Mais pour vraiment comprendre les raisons de Gullo encore faut-il lui donner la parole. Ses propos francs, directs et décapants, ne manqueront pas d’étonner voire de heurter nombre de lecteurs francophones. L’entretien ci-dessous est le premier de l’auteur à paraître dans l’Hexagone.

    Lire l'interview sur le site de La Nef

  • Justin, témoin de la Vérité (1er juin)

    IMPRIMER

    San Justino

    De BENOÎT XVI, lors de l'AUDIENCE GÉNÉRALE du mercredi 21 mars 2007 (source) :

    Saint Justin

    Chers frères et sœurs,

    Au cours de ces catéchèses, nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui, nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les apologistes est présente une double sollicitude:  celle, plus proprement apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía  en  grec  signifie précisément "défense"), et celle qui propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les contenus de la foi à travers  un  langage  et  des catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.

    Justin était né aux environs de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage, un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la "véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète l'épisode crucial de la vie de Justin:  au terme d'un long itinéraire philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle, l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses Apologies.

    Lire la suite

  • Le moment de la Pologne

    IMPRIMER

    De Filip Mazurczak sur First Things :

    LE MOMENT DE LA POLOGNE

    30 mai 2023

    En 2019, feu le cardinal George Pell a été condamné à une peine de prison pour des allégations d'abus sexuels - allégations qui ont ensuite été annulées à l'unanimité par la Haute Cour d'Australie. Si les quatorze mois que Pell a passés en prison ont été une via crucis pour lui et pour les catholiques australiens, ils ont également inspiré et revitalisé l'Église locale. Une situation similaire s'est récemment produite en Pologne. Les médias ont tenté de noircir les noms de deux Polonais, géants du catholicisme du XXe siècle, le cardinal Adam Sapieha et le pape saint Jean-Paul II. Ces calomnies ont eu un effet inattendu : elles ont entraîné une mobilisation sans précédent des catholiques polonais pour défendre la vérité.

    Début mars, la chaîne de télévision libérale américaine TVN 24 a diffusé un documentaire intitulé Franciszkańska 3. Ce film, réalisé par le journaliste Marcin Gutowski, affirme que le cardinal Adam Sapieha était un prédateur sexuel (Sapieha, archevêque de Cracovie de 1911 à 1951, est devenu un héros national pour avoir organisé l'aide humanitaire pendant les deux guerres mondiales et pour avoir courageusement défendu la souveraineté polonaise sous l'occupation allemande et sous le régime stalinien). Le documentaire affirme également que l'élève vedette de Sapieha au séminaire de Cracovie, Karol Wojtyła, a couvert trois cas d'abus sexuels commis par des prêtres durant son mandat d'archevêque de Cracovie, de 1964 à 1978 : Bolesław Saduś, Eugeniusz Surgent et Józef Loranc. 

    À peu près au moment de la diffusion du documentaire, le journaliste néerlandais Ekke Overbeek a publié le livre Maxima Culpa : What the Church Is Covering Up About John Paul II (Ce que l'Église dissimule à propos de Jean-Paul II). Ce livre a été publié par Agora Publishing, affilié au quotidien anticlérical de gauche Gazeta Wyborcza. Il est frustrant de constater que certaines publications catholiques libérales (telles que Tygodnik Powszechny, fondée par Sapieha et qui comptait parmi ses collaborateurs le jeune Karol Wojtyła) ont également pris le train en marche contre le pape. 

    Dans les jours précédant et suivant immédiatement la sortie du livre et du film, Gazeta Wyborcza et des médias libéraux comme Newsweek Polska et Onet.pl ont publié de nombreux articles à caractère sensationnel, traitant les affirmations de Gustowski et Overbeek comme des vérités indiscutables. 

    J'ai publié ici une analyse complète des accusations elles-mêmes, et elles sont loin d'être indiscutables. Selon une étude détaillée des archives secrètes de la police de sécurité communiste publiée dans le quotidien Rzeczpospolita par les journalistes Tomasz Krzyżak et Piotr Litka, il n'est pas certain que Bolesław Saduś ait été un agresseur d'enfants. Quant aux deux autres dissimulations présumées : lorsqu'il a appris les délits sexuels de Loranc, le cardinal Wojtyła l'a suspendu et l'a fait vivre en isolement dans un monastère (ses sanctions ont précédé l'arrestation de Loranc par les autorités communistes) ; et il a expulsé le troisième délinquant, Eugeniusz Surgent, incardiné dans le diocèse de Lubaczów, de son diocèse. 

    Récemment, Krzyżak et Litka ont publié une autre analyse de documents que Gutowski et Overbeek n'avaient pas consultés. Ces documents suggèrent fortement que les allégations contre le cardinal Sapieha ont été fabriquées par la police secrète communiste. En outre, l'affirmation selon laquelle le cardinal Sapieha était un prédateur sexuel a déjà été contestée par de nombreux historiens ; ils soulignent qu'il est invraisemblable que Sapieha ait abusé de séminaristes alors qu'il était âgé de 83 ans, mourant et alité, et que ses accusateurs n'étaient pas des témoins fiables. Ils notent également que le fait que le régime communiste n'ait pas utilisé ces allégations dans sa campagne anticatholique du début des années 1950 implique qu'il les considérait comme improbables.

    Lire la suite