Cela fait dix ans que belgicatho prend journellement son tour de veille. C'est en janvier 2011 que tout a commencé. Il s'agissait alors de monter au créneau pour rétablir la vérité et apporter notre soutien quand Benoît XVI était sous le feu incessant des attaques médiatiques et quand Mgr Léonard devenu archevêque de Malines-Bruxelles pourfendait bravement le politiquement et culturellement correct. Depuis lors, la situation a évolué mais l'orientation du blog est restée la même, vigilante et critique à l'égard d'un monde et d'une Eglise malheureusement à la dérive. Depuis 2011, quotidiennement, nous rassemblons les informations publiées çà et là qui nous paraissent aptes à éclairer le jugement et nourrir la réflexion pour les livrer à nos lecteurs. Cette publication est ainsi la 21.896ème que nous leur fournissons. Plus de 800 personnes sont abonnées à la newslletter qui est livrée chaque jour dans leur boîte électronique. La moyenne des visites quotidiennes effectuées sur belgicatho est de 500 environ. C'est probablement dérisoire mais dans le contexte belge actuel ce n'est sans doute pas tout à fait insignifiant. C'est aussi gratuit : jamais un appel de fonds n'a été lancé pour soutenir une activité qui est totalement désintéressée. Nous continuerons, bien sûr, tant qu'il nous sera donné de pouvoir le faire, avec le soutien moral et spirituel de tous nos amis.
Idées - Page 38
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Dix ans déjà !
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Le décolonialisme : une nouvelle religion
De la rubrique "Au quotidien" sur le site de l'Homme Nouveau :
La nouvelle religion du décolonialisme
Sous le titre – clair – des « Nouveaux fantiques », Le Point (14 janvier) consacre son dossier à la gauche racialiste, aux indigénistes et autres décoloniaux qui colonisent justement l’université et les médias. Une nouvelle forme de religion laïc décrypte l’hebdomadaire qui publie également un appel – un de plus… – d’universitaires décidés à s’opposer à cette mouvance ultra-militante
Il existe, en France, des universitaires las de voir progresser les idéologies militantes dans leurs facs. Qu’ils soient profs, chercheurs ou étudiants, ils ont décidé de résister à une dynamique décoloniale et intersectionnelle, dont les défenseurs entravent leurs travaux, perturbent leurs cours et hypothèquent leurs carrières, exigeant à chaque instant de passer le réel au tamis de la morale et des discours victimaires. Avec l’espoir d’endiguer ce mouvement de fond qui fracture le monde universitaire et rejaillit sur l’ensemble du pays, ils ont fondé l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, un réseau regroupant plusieurs dizaines d’universitaires capables d’inventorier, d’analyser et de pasticher cette pseudo-science teintée d’antiracisme, de néoféminisme et d’anticapitalisme radicaux, qui ne veut lire les rapports sociaux que sous le prisme des dominations, économiques, sexuelles ou raciales, en camouflant leur discours racialiste sous les apparences trompeuses d’un « antiracisme politique ».
Les exemples de dérives de cet activisme qui pèse sur les pratiques académiques et travestit le réel ne manquent pas. Chaque année charrie son lot d’incidents, dont les plus spectaculaires parviennent jusqu’au grand public : une conférence de la philosophe Sylviane Agacinski – opposée à la GPA – annulée à la suite de « menaces violentes » émanant d’associations LGBT, une représentation des Suppliantes d’Eschyle empêchée de se tenir à la Sorbonne sous prétexte d’une mise en scène prétendue raciste, un prof viré de son labo de recherche à Limoges après s’être prononcé contre la venue d’Houria Bouteldja (militante indigéniste) dans sa fac, une autre empêchée de prendre ses fonctions d’enseignante spécialiste de l’histoire de l’esclavage à La Réunion, au motif qu’elle n’y serait pas née et n’aurait donc aucun droit à écrire cette histoire…
Mais il ne s’agit là que de la partie émergée d’un iceberg gigantesque, menaçant de faire sombrer les libertés académiques, rarement aussi malmenées qu’aujourd’hui. (…) Nombre de militants décoloniaux et intersectionnels affichent la ferveur du converti : « Le décolonialisme fonctionne comme une néoreligion, analyse le politologue Pierre-André Taguieff, auteur de L’Imposture décoloniale (L’Observatoire). Il y a des croyants – les militants –, des prêtres – les théoriciens –, une liturgie – les manifestations –, des prières – les discours invoquant les grands noms –, des rites d’entrée – des colloques fermés…
L’Église décoloniale dispose aussi de son propre catéchisme, de son propre panthéon avec ses grands prêtres et ses mystères. Le principal mystère reste celui de la race. Les décoloniaux considèrent que, biologiquement, elle n’existe pas, mais que les identités raciales existent sur le plan social. Donc, la race n’existe pas, mais elle existe quand même ! Et la bonne vieille couleur de peau reste son marqueur, comme dans le racisme classique. La “discrimination systémique” est un mot magique : ça ne veut rien dire, mais tous les fidèles de l’Église y croient. Quant à l’insaisissable “racisme systémique”, il joue le rôle de la causalité diabolique, censée tout expliquer. » Difficile de ne pas voir une forme de nihilisme dans ce projet, tant l’absence de tout idéal y est palpable. « Les adeptes du décolonialisme se contentent de détester le “monde mauvais” actuel sans entretenir aucune utopie quant à une ère “post-monde mauvais”. Ils n’ont rien d’autre à proposer que déconstruire et décoloniser sans fin », conclut le chercheur, inquiet de la place qu’occupe désormais ce courant, devenu majoritaire dans certaines facs et grandes écoles.
Extrait de l’appel de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires :
Nous faisons face aujourd’hui à une vague identitaire sans précédent au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche. Un mouvement militant entend y imposer une critique radicale des sociétés démocratiques, au nom d’un prétendu « décolonialisme » et d’une « intersectionnalité » qui croit combattre les inégalités en assignant chaque personne à des identités de « race » et de religion, de sexe et de « genre ». Ces sociétés, assimilées à l’« Occident » aux dépens de toute approche géographique et historique rigoureuse, sont condamnées comme coloniales et patriarcales et comme lieux où sévit un « racisme systémique », dans des discours confondant science et propagande. Ce mouvement idéologique procède à une occupation méthodique des postes de prestige savant, ce qui l’a fait sortir de la marginalité malgré l’extrémisme, l’intolérance et la vindicte qui le caractérisent.
Les idéologues qui y sont à l’œuvre entendent « déconstruire » l’ensemble des savoirs. Il ne s’agit pas pour eux d’exercer librement les droits de la pensée savante sur ses objets et ses méthodes, mais de mener la critique des savoirs dans un esprit de relativisme extrême, discréditant la notion même de vérité. Tout savoir est exclusivement réduit à des enjeux de pouvoir, et les sciences sont systématiquement dénoncées du fait des dominations de race, de culture, de genre, qui seraient à leur fondement.
Militantisme et « déconstruction » se conjuguent ainsi pour limiter l’exercice de la rationalité critique et le débat scientifique argumenté. Le nouveau credo du décolonialisme et des idéologies identitaires se répand sur les réseaux sociaux qui l’amplifient, et ses adeptes visent quiconque refuse la conversion : des phénomènes de censure, d’intimidation, de discrimination politique ont instauré des clivages inédits et conduisent de jeunes doctorants à s’aligner sur les nouveaux mandarins, sous peine de ne jamais obtenir de poste.
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La Révolution (Joseph Malègue) (Feuillet pour le temps du confinement)
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Notre démocratie gangrenée par l'idéologie progressiste
Cet article de Paul Sugy, paru sur le Figaro Vox en novembre 2018, nous avait échappé :
« Notre démocratie est gangrenée par l'idéologie progressiste »
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans son dernier livre, Laurent Fidès s'attaque à tous les mythes de l'idéologie progressiste dominante. Il déconstruit, un à un, tous les ressorts du discours «politiquement correct».
Laurent Fidès est agrégé de philosophie, ancien élève de l'École normale supérieure. Il vient de publier Face au discours intimidant. Essai sur le formatage des esprits à l'ère du mondialisme (Éd. du Toucan, 2018).
FIGAROVOX.- Votre livre déconstruit les ressorts de l'idéologie contemporaine dominante. De quelle «idéologie» s'agit-il? Et le terme n'est-il pas exagéré, ou trop lourdement connoté?
Laurent FIDÈS.- L'idéologie dont je parle est multiculturaliste, échangiste, déconstructiviste, elle nous promet un monde sans frontières, sans différences, atomisé, peuplé d'entités négociables et remplaçables. Plusieurs indices me font penser que nous avons affaire à une idéologie plutôt qu'à une doxa, même si elle n'est pas formalisée: le fait que ces idées soient présentées comme des vérités, voire comme des vérités scientifiques (portées par les «sciences humaines» qui jouent ici un rôle spécifique), le déni de réalité (l'idéologie est vraie, c'est le réel qui ment, comme lorsque vous croyez assister au changement de peuple qui se déroule sous vos yeux et que l'on vous explique que ce que vous voyez n'existe pas), la mobilisation de l'appareil idéologique d'État, de l'école primaire (qui inculque l'antiracisme dogmatique comme un catéchisme) à la Justice (qui criminalise les idées non conformes) en passant par l'Université et bien sûr les médias. Mais surtout cette idéologie, comme toute idéologie à toute époque, correspond aux intérêts de la classe dominante: cette hyperclasse d'affairistes et de financiers à laquelle s'agrègent tous les gagnants de la mondialisation ainsi que cette fraction de la petite bourgeoisie urbaine cultivée qui profite des retombées sociétales du système et y trouve en tout cas son compte.
Vous parlez d'une «dichotomisation interne» à cette idéologie: qu'est-ce que vous entendez par là?
J'appelle «dichotomisation interne» une technique de manipulation qui consiste à faire croire à un conflit en opposant simplement deux sensibilités prises au sein d'un même courant. En procédant ainsi, en faussant les lois de la symétrie et en marginalisant les contradicteurs sérieux, le système peut se reproduire à l'infini sans entorse apparente au principe du pluralisme.
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Le Moyen Age, une spiritualité pour aujourd’hui
« La Foi prise au mot » invite chacun à découvrir les richesses de la spiritualité du Moyen Âge et à apprécier certains moments de cette époque lumineuse, complexe et fort méconnue. Une époque dont la modernité frappe puisqu’elle invente tout à la fois l’idée des exercices spirituels, des méditations personnelles et aussi de la spiritualité des laïcs. Celle-ci n’est-elle pas réservée aux religieux ? Y-a-t-il une technique pour prier, méditer, contempler ? Quelle est la différence entre la spiritualité médiévale occidentale et la spiritualité orientale en vogue aujourd’hui ? Grâce au père Patrick Sicard et à l’historien Cédric Giraud, Régis Burnet propose ce soir de réfléchir sur la spiritualité à l’aide des écrivains mystiques qui l’ont inventée.
Une émission KTO diffusée le 3 janvier 2021 :
JPSC
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La santé va-t-elle devenir la nouvelle morale ?
Une synthèse de gènéthique.org :
La santé est-t-elle en passe de devenir la nouvelle morale ?
5 janvier 2021« Même si nous ne le sommes pas, nous vivons d’une certaine manière comme des malades. » Avec la pandémie, explique Claire Marin, philosophe, « ce que l’on découvre, c’est que l’on ne vit pas avec une maladie ou sa menace, mais qu’on s’efforce de vivre malgré elle, c’est-à-dire dans la restriction de libertés, dans la perte de contact, dans une vie réduite, souvent appauvrie sur le plan professionnel, social et affectif. Une vie où les projections, les anticipations sont suspendues, où tout est susceptible d’être remis en question du jour au lendemain ». Pour Claire Marin, « cette existence sur le mode de l’incertitude et de l’inquiétude est celle que connaissent les malades au long cours. Elle concerne désormais chacun de nous ». Tout en précisant que « nous sommes confinés mentalement bien plus encore que nous ne l’avons été physiquement ».
Dans cette pandémie, « l’intimité est d’autant plus interdite au malade (…) que cette maladie nous oblige à l’exposer, à nous signaler comme malade ». La philosophe regrette qu’ « atteints du Covid, nous ne sommes pas ‘seulement’ des victimes, nous devenons une menace ».
Enfin, « la logique sanitaire crée des ‘malades potentiels’ ». En effet, « la maladie s’est immiscée dans nos vies, dans nos gestes, nos habitudes et notre imaginaire. Elle est le nom d’une nouvelle inquiétude contemporaine ».
L’inquiétude ne se fait pas sentir que du côté des individus, collectivement, « ce qui est dangereux, c’est que le pouvoir se transforme en ‘bio-pouvoir’. » La philosophe Julia de Funès quant à elle déplore l’entrée de l’hygiénisme, de la santé dans le pouvoir. « La santé est devenue une morale. La vie saine est la vie bonne », déplore Julia de Funès qui constate que « la santé est devenue du civisme, nos comportements sociaux sont dictés par les gestes barrières. La santé est devenue politique, puisque les politiques se sont énormément appuyés sur les conseils scientifiques. Elle prend la place dans toutes les sphères sociales, et c’est ce qui me semble le plus inquiétant ».
Le Monde, Nicolas Truong (27/12/2020) ; Europe 1, Nicolas Barré (27/12/2020)
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"L'âme et le corps au service de l'intelligence" : le prochain rendez-vous de Philo à Bruxelles, le 12 janvier
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Vous avez dit : "complotiste"?
Complotiste / complotisme / complosphère / conspirationnisme / conspirationniste : Les termes «complotisme» et «complotistes» sont très utilisés dans les médias, notamment lors de la sortie du film Hold Up. Mais également lors de la défaite difficilement reconnue par Donald Trump. Le terme «complosphère» est, quant à lui, un peu plus récent, on en trouve des usages dès 2015. Enfin, notez que les termes «conspirationniste» et «complotiste» sont souvent confondus. Le «complotiste» remet en cause la version officielle. Le «conspirationniste» utilise la vision du monde des «chiens de garde»: le Nouvel Ordre Mondial oppose l’utilisation des «faibles» par les «puissants». Plus alarmant, la confusion entre «complotiste» et «sceptique»: faire preuve de scepticisme en interrogeant la qualité des discours ambiants est pourtant un acte critique nécessaire.
(source : «Complotisme», «Black Block», «OK Boomer»... Quels mots ont marqué les débats de l’année 2020?)
D'Olivier Bonnassies sur La Sélection du Jour :
A PROPOS DE COMPLOTISME
« Faites-vous partie de ces 80% de français qui croient au moins à une théorie du complot ? » Appuyée sur un sondage IFOP, voilà la question absurde posée par la voix off dans les deux épisodes du documentaire « Complot : vérité ou mensonge » de Jean-Luc Genest, programmé récemment sur W9.
N’y aurait-il donc jamais de complots ?
Et serait-il aberrant de croire qu’il peut y en avoir ?Dernièrement, la sortie tumultueuse du film documentaire Hold up, les aventures de Trump et les confidences de Macron ont vu la presse et les médias reprendre comme un seul homme (y-a-t-il un titre qui ne l’ait utilisé ?) ce mot de « complotisme » qui a marqué l'année et qui permet de stigmatiser à peu de frais en évitant tout débat sur le fond, comme les bonnes vieilles accusations classiques (nazisme, fascisme, racisme, antisémite) ou nouvelles (homophobie, islamophobie, populisme).
Dans ce monde nouveau où ce sont maintenant les journalistes qui coupent les hommes politiques (avant c'était l’inverse !), les bisounours aux commandes voudraient nous faire croire que les complots - qu’on peut définir comme la coordination secrète d’un petit groupe de gens puissants planifiant et entreprenant dans leur intérêt une action affectant le cours des événements - n’existent pas.
Ah bon ?
Est-ce qu’il n’y a pas eu sans cesse dans l’Histoire des formes de complot pour acquérir du pouvoir, de l’argent, des soumissions, des relations, des postes, des études scientifiques, des contrats ou des avantages ? Est-ce que tout le monde est toujours transparent, honnête et est-ce que la corruption, les pots-de-vin, les sociétés secrètes, les révolutions, les coups d’Etat et les coups tordus n’existent pas ?
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Le vrai temps du christianisme est un anti-progressisme
D'Hildegarde Berbier sur Le Rouge & le Noir :
Ni linéaire, ni cyclique : le vrai temps du christianisme
Le christianisme a pour particularité d’être souvent associé à une vision inextricablement linéaire du temps, chose que nous reprochent régulièrement les critiques du progressisme et en particulier les néo-païens. Ces critiques assènent— à juste titre — que la linéarité du temps instaure un rapport aux événements bien particulier s’assimilant à une succession de causes et d’effets convergeant vers un seul but eschatologique — la Parousie — dont on ne saurait entraver la marche forcée. Dans sa version sécularisée et une fois Dieu relégué aux cieux, cette vision du temps se dégraderait alors en culte du Progrès : il y aurait ainsi un sens de l’Histoire et critiquer un événement,une loi ou un mode de vie nouveau serait inévitablement « rétrograde », « obscurantiste », « moyenâgeux », voire « anhistorique ».
La conception cyclique des événements, quant à elle, paraît souvent bien plus « saine » en comparaison d’une vision du temps comme fuite linéaire vers un but (le Retour du Christ ou la fin de l’Histoire). Présentée comme commune aux religions païennes, elle permettrait d’appréhender le temps comme un enchaînement d’éternels recommencements et éviterait, par la même, l’impasse que représente le progressisme.
Mais qu’en est-il réellement ? Ce débat pourrait paraître anodin ou futile, mais il n’en est rien. Il s’agit ici de notre conception de l’Histoire et donc de notre rapport aux événements qui est en jeu. Car si les catholiques sont souvent prompts à pointer du doigt les dérives du progressisme, ils sont toutefois bien incapables de répondre aux critiques de nos adversaires qui font du christianisme le fer de lance d’une vision linéaire du temps [1].
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Les trente ans d'un mensuel exemplaire
De Jacques de Guillebon sur le site de La Nef qui, pour son trentième anniversaire, nous offre gratuitement l'accès à son numéro de décembre (en pdf):
La Nef souffle ses trente bougies
La Nef c’est d’abord un homme. Ou plutôt deux. Jésus et Christophe Geffroy. Magnifique attelage, que demande le peuple ?
Tout commence, je crois, quand, après les sacres illicites de 1988, lorsque Mgr Lefebvre ayant ordonné quatre évêques pour lui succéder se met en porte-à-faux de Rome, un jeune homme fraîchement converti et qui se sent une vocation de journaliste malgré sa formation d’ingénieur se met en tête de lancer, quasiment seul, un organe de presse catholique, d’esprit traditionnel dans la fidélité au Magistère. Ou pour reprendre ses mots plus exacts : « dont l’un des charismes serait de défendre d’une manière non exclusive le maintien des formes liturgiques antérieures à la réforme de 1969 » (in La Nef, n°100, décembre 1999).
Ainsi, ni une, ni deux, en décembre 1990, il y a trente ans, Christophe Geffroy, sa femme, et un disciple du nom de Thomas Grimaux, lançaient sur le marché un mensuel à la couverture monochrome et au logo en friselis, sur quoi flottait fièrement La Nef, c’est-à-dire le navire de Pierre survivant à la tempête, soulignée de la magnifique phrase du Christ de saint Jean : « Il y a des demeures nombreuses dans la maison de mon père » (Jn 14, 2). Dans l’une de ces demeures, on s’en doute, se trouvaient les catholiques attachés à ce qui deviendra la forme extraordinaire de l’unique rite romain, quand Benoît XVI aura enfin mis bon ordre à la querelle, et c’était d’eux que Christophe Geffroy et son journal se firent notamment les porte-parole – La Nef ayant toujours plaidé pour les deux formes liturgiques et leur paisible cohabitation, se voulant un pont entre des mondes qui s’ignoraient alors. Incroyable temps et rude époque que celle de ces débats minutieux, non seulement sur le rite mais encore et surtout sur les échappées de Vatican II, notamment sur la liberté religieuse, qui aura vu une génération entière de catholiques, surtout en France, à la suite de Mgr Lefebvre, s’écharper et pour certains rester fidèles au pape, pour d’autres s’en éloigner, quitte à y revenir. Formidable période dont sont demeurées quelques cicatrices, quoique le temps ait fait son œuvre, et que des imprécisions eussent depuis été reformulées, des quiproquos levés, des contradictions résolues, formidable période que La Nef, à la suite de son capitaine, traversa avec fougue, courage, et dans une quête rare de la vérité.
Car La Nef n’a jamais été seulement ça, si l’on ose dire, quoique ce fût déjà beaucoup mais qui l’aurait condamnée à épuiser rapidement son sujet : La Nef donc a aussi été, et demeure, un merveilleux lieu de débat, où côtoyant les profonds pères abbés des grandes abbayes bénédictines, cisterciennes ou autres de notre temps, des intellectuels, des écrivains, des politiques, des cardinaux, dont le moins célèbre n’est pas Joseph Ratzinger, firent et font vivre la pensée, à travers les vicissitudes du temps.
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"Entre matière et raison" : rendez-vous sur "Philo à Bruxelles" ce mardi 15 décembre
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Fonder l’éthique sur l’autonomie détruit toute éthique
De Pascal Jacob sur gènéthique.org :
Fonder l’éthique sur l’autonomie détruit l’éthique ?
4 décembre 2020Alors que les discussions bioéthiques fondent la réflexion autour de la dignité humaine sur la notion d’autonomie, Pascal Jacob, philosophe[1] et expert Gènéthique, montre que l’enjeu véritable est celui de la liberté.
Il est fréquent aujourd’hui de considérer l’autonomie comme un terme inséparable de la dignité humaine. Une décision réputée autonome serait donc aussi sacrée que la dignité humaine elle-même. C’est pourquoi le mot « autonomie » fait partie de cette cohorte de mot-valises que l’on agite afin de rendre impossible toute contestation.
On dira ainsi que la personne qui demande l’accès à l’euthanasie ou à l’avortement doit être respectée dans son autonomie. En 2004, un groupe de sénateurs dépose une proposition de loi « relative à l’autonomie de la personne, au testament de vie, à l’assistance médicalisée au suicide et à l’euthanasie volontaire »[2], afin de légaliser l’euthanasie. Son motif, rédigé ainsi « l’autonomie de la volonté qui fonde le droit de la personne à disposer librement de son corps est devenue, au fil des ans, un principe de mieux en mieux reconnu par notre Droit », fait de l’autonomie de la volonté un principe fondamental du droit. Son titre premier rappelle celui de la loi relative à l’interruption de grossesse du 17 janvier 1975, dite loi Veil (cf. La loi Veil, un moindre mal ?) : « Est garanti le respect de l’être humain du commencement à la fin de sa vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe, par une euthanasie, que si la personne concernée, majeure et capable, en a expressément et sans ambiguïté exprimé la volonté et que sont respectées les conditions et procédures fixées par la présente loi ».
Des degrés dans l’autonomie ?
Dans son n° 87 du 14 avril 2005[3], « Refus de traitement et autonomie de la personne », le CCNE avait proposé une réflexion un peu nuancée sur l’autonomie de la personne, en admettant notamment que celle-ci pouvait n’être qu’apparente.
Il propose de distinguer une autonomie d’action – capacité à se déplacer soi-même dans l’espace -, une autonomie de pensée – « une personne autonome est une personne capable de réfléchir sur ses objectifs personnels et de décider par elle-même d’agir conformément à cette réflexion » – et une autonomie de volonté, dont le CCNE distingue deux sens : autolimitation et souveraineté individuelle. Dans le premier sens, c’est la raison qui est reconnue souveraine, mais alors, remarque le CCNE, « le médecin (au nom de la raison) risque alors de passer outre « l’autonomie » de la personne » ? Dans le second sens, c’est l’individu qui est souverain, dans la seule limite de ne pas nuire à autrui : « La logique de ce modèle de la liberté aboutit à affirmer que dès l’instant où le médecin n’a constaté aucune pression externe sur le patient, il peut considérer que son refus exprime son autonomie et qu’en conséquence il doit le respecter ».