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Idées - Page 66

  • Le libéralisme : une erreur anthropologique

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    Du Figaro Vox (LeFigaro.fr) (Eugénie Bastié) :

    John Milbank : « Le libéralisme est une erreur anthropologique »

    FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans « La politique de la vertu », le théologien et philosophe britannique John Milbank, théoricien du « blue socialism » propose une alternative au libéralisme dans le retour d'une éthique des vertus et une économie sociale de marché fondée sur la coopération.

    John Milbank est un théologien chrétien anglican, professeur de religion, politique et éthique à l'université de Nottingham. Il a publié La politique de la vertu avec Adrian Pabst (Desclée de Brouwer, 537p, 24€).

    FIGAROVOX.- Dans votre livre «La politique de la vertu», vous critiquez abondement le «libéralisme» qui est selon vous dans une «métacrise». Qu'entendez-vous par là?

    John MILBANK.- Le libéralisme peut vouloir dire beaucoup de choses. C'est avant tout une erreur anthropologique: l'intuition d'Hobbes et de Locke de construire une théorie politique en partant des individus isolés, détachés de tous liens. L'individu est décrit comme une créature inquiète et désirante faisant preuve de volonté, et non plus comme un être constitué par ses liens aux autres ayant des finalités. Ce libéralisme pense de façon abstraite l'individu en dehors de tout contexte culturel, social ou historique. Il s'agit de déterminer ce qu'un système politique doit nécessairement être, en le déduisant d'un hypothétique état de nature, sans traits culturels. Alors que le libéralisme est souvent associé à l'optimisme, il fait preuve en réalité d'un pessimisme anthropologique radical, même s'il est censé être socialement amélioré par le miracle de la main invisible. Une autre forme d'anthropologie libérale est celle de Rousseau, qui pense lui aussi l'individu isolé de tout comme originellement bon. L'association a tendance à corrompre l'individu, en introduisant la rivalité, l'avidité. Cela implique un différent type d'ingénierie sociale pour produire une société qui minimise la rivalité. Ce sont deux formes de pessimisme: pessimisme au niveau de l'individu jugé intrinsèquement égoïste, ou pessimisme au niveau d'un processus culturel jugé intrinsèquement corrupteur. Dans les deux cas, cela repose sur une dualité instaurée entre nature et culture.

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  • Maurras or not Maurras ?

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    Sur le site du bi-mensuel « L’Homme Nouveau », Philippe Maxence revient sur une controverse académique qui aura agité le monde politico-médiatique français ces derniers mois et a finalement remis devant les yeux du public la personnalité de Charles Maurras. De Philippe Maxence sur le site du bi-mensuel « L’Homme Nouveau » :

    Maurras.jpg« Né le 20 avril 1868, mort en novembre 1952, le maître de l’Action française avait été inscrit au registre des commémorations nationales. Il était évident que la République française, combattue par Maurras toute sa vie, n’allait pas encenser l’auteur de L’Enquête sur la monarchie ou de Mes idées politiques. Il était peu probable également que le ministre Blanquer ait voulu inscrire au programme des écoles les poèmes maurrassiens ou sa remise en cause du romantisme et de ses conséquences. Encore moins imaginable que sa théorie des « quatre États confédérés » et son « antisémitisme d’État » deviennent, par l’onction d’une célébration, la ligne de conduite de la présidence macronienne.

    Le prisme de l’idéologie rendant aveugle, les réseaux sociaux se sont emparés du sujet, poussant le ministre de la Culture à retirer Maurras de la liste des commémorations nationales et entraînant une série de conséquences alors difficilement prévisibles. Le grand vainqueur de cette agitation est bien évidemment Maurras lui-même dont on n’a peut-être jamais autant parlé depuis quelques années.

    Désormais, on peut également le lire. Maurras est à nouveau disponible en librairie. Pas encore en livre de poche comme son grand concurrent Karl Marx, mais à travers un volume de la célèbre collection « Bouquins », édité par les éditions Robert Laffont. 

    Selon les exigences de cette collection, le volume est constitué de textes choisis (œuvres complètes ou extraits importants) ainsi que d’introductions historiques qui permettent, non seulement de resituer les œuvres dans leur contexte, mais aussi d’en souligner la portée. Sous la direction éditoriale de Christophe Parry, qui a eu le courage de mener un tel projet, la réalisation du volume Maurras a été confiée et réalisé par Martin Motte, directeur d’études à l’École pratique des hautes études-PSL. Intitulé, L’Avenir de l’intelligence et autres textes, le livre bénéficie d’une belle et instructive préface de Jean-Christophe Buisson, directeur-adjoint du Figaro Magazine et présentateur de l’émission « Historiquement show » sur la chaîne Histoire.

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  • Bruxelles, 24 avril : Philo à Bruxelles avec Stéphane Mercier (Dieu, son essence, sa nature)

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  • Des bonnes nouvelles du site "Docteur Angélique"

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    Deux bonnes nouvelles communiquées par Arnaud Dumouch :

    1° La publication ce jour sur Internet, en version gratuite et téléchargeable, de l'immense oeuvre de jeunesse de saint Thomas d'Aquin : "Le Commentaire des Sentences de Pierre Lombard". Cette oeuvre est à votre disposition ici :

    http://docteurangelique.free.fr/sai…/oeuvres_completes.html…

    Il s'agit du travail de fin de doctorat de saint Thomas, cinq fois plus volumineux que la Somme de théologie qu'il écrira plus tard. Le premier livre manquait. Le professeur Serge Pronovost vient de la traduire pour notre projet. Les trois autres livres de cette oeuvre avait été traduits par le professeur Jacques Ménard. Merci à ces deux éminents québécois.

    Deuxième bonne nouvelle : l'Institut Docteur angélique se développe.

    Il y a quelques années, avec le vicaire épiscopal de l'enseignement de Namur l'Abbé Henri Ganty, nous avons créés un institut de formation philosophique et théologique sur Internet, l'Institut Docteur Angélique : http://docteurangelique.free.fr/institut_docteur_angelique.…

    Près de 3000 cours gratuits, en ligne et en vidéos sont déjà réalisés et je vous mets les liens ci-dessous. La ligne de ces cours est, au plan philosophique, dans le réalisme inspiré du père Marie-Dominique Philippe, et en théologie, à l'école de saint Thomas d'Aquin, de sainte Thérèse d'Avila et dans l'esprit de continuité demandé par Benoît XVI. Il existe même un cours complet de pastorale, dans la ligne du pape François. 

    https://www.youtube.com/playlist?list=PLuko328jWH_1Z8m6ovDDyG0-y746RS0jL

    Cet institut se développe et enseigne à 197 étudiants inscrits, dont quelques prieurés religieux en France, en Belgique et en Afrique et des séminaristes en Afrique et en Haïti. Cette formation diplômante très peu chère (100 Euros par année scolaire) se fait entièrement par correspondance grâce à l'outil Internet.

    Dans les années à venir, je voudrais le développer et lui donner un vrai statut ecclésial. Je voudrais en particulier que des séminaristes plus nombreux puissent s'y inscrire sans risque pour leur ordination, de toute la francophonie, à une époque où il reste difficile de trouver une formation dans certains pays.

    La liste de tous les cours qui existent sur Internet avec leurs liens numériques : 
    http://docteurangelique.free.fr/…/ListeDesCoursAvecLiens.htm

    Et la liste de vidéos plus courtes, les « premiers pas catholiques », qui visent à répondre à toutes les questions : 
    https://premierspascatholiques.wordpress.com/ 

    A conseiller, en premier, ce cours : Sur l'eschatologie catholique L'heure de la mort, fin du monde : Il donne sens à tout car celui qui connaît le but de cette vie comprend cette vie : 
    http://eschatologie.free.fr/cours/02_les_fins_dernieres.html

     

  • Bruxelles, 20 avril : conférence de Stéphane Mercier "Résister à la prostitution du langage"

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  • Homélie présidentielle au Collège des Bernardins

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    Le-president-Republique-Emmanuel-Macron ron-devant-eveques-France-college-Bernardins-Paris-9-avril-2018_0_1399_933.jpgA l'occasion de la Conférence des évêques de France, lundi 9 avril au soir, Emmanuel Macron a prononcé un discours au ton hasardeux et aux thématiques multiples, dans lequel on retrouve davantage de questions que de réponses. Sur le site web « Atlantico », le point de vue de Bertrand Vergely, philosophe et théologien :

    « Quand on l’écoute attentivement, le discours que le chef de l’État a prononcé hier soir aux Bernardins à l’invitation des évêques de France suscite plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

    En premier lieu, le ton général du discours pose question. Celui-ci n’a pas tant été un discours qu’une homélie, le chef de l’État invitant les catholiques sur le ton de l’exhortation à « faire un don de leur sagesse, de leur engagement et de leur liberté ».

    Exhortation pour le moins singulière, comme si les catholiques n’avaient pas déjà l’habitude du don d’eux-mêmes.

    Dans le projet par ailleurs, annoncé d’emblée, là encore on s’interroge. « Réparer le lien entre l’Église et l’État ». Le chef de l’État, sur ce point, est demeuré sibyllin en n’expliquant pas ce qui a été gâté entre l’Église et l’État,  pourquoi cela l’a été et comment il entendait réparer ce qui a été gâté. Avec cette formule, il avait pourtant un boulevard qui s’ouvrait afin de redéfinir ce que doit être l’attitude de la laïcité à l’égard des religions en général et de l’Église catholique en particulier et ce que doit être en retour l’attitude des religions en général et de l’Église catholique en particulier à l’égard de la laïcité.  Ce qui n’a pas été fait.  À un moment du discours, il a été question de donner un cap. Celui-ci a été donné : sous la forme d’un appel à la dignité de l’homme et au sens. Ce qui ne répond guère à la question de savoir ce qu’est la laïcité et ce que doivent être les relations de la République laïque à l’égard des religions et l’attitude des religions à l’égard de la République laïque. Est-ce d’ailleurs la question des relations entre l’Église et l’État dont il convient de parler ? Cette référence à la loi de 1905 est-elle pertinente ? Le lien entre l’Église et l’État a été rompu et nul ne songe à vouloir le rétablir.  C’est bien plutôt celle des relations entre la République et le religieux en général ainsi que l’Église catholique en particulier qui pose problème. Ainsi, quand il est expliqué  que les valeurs de la République résident dans la liberté et que la liberté réside dans le droit au blasphème, n’y a-t-il pas urgence à redéfinir ce que sont les principes de la République, le sens de la liberté ainsi que ses limites ? Le chef de l’État est demeuré étrangement silencieux sur ce problème pourtant crucial. En lieu et place d’une réflexion sur le sens de la liberté aujourd’hui, de façon kierkegaardienne,  il a été surtout question d’un appel à vivre de façon déchirée, dans l’inconfort et l’incertitude. En un mot, il a été question, pour les catholiques, d’aller sur la croix et d’y rester en souffrant.

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  • Paris : Emmanuel Macron a rencontré l’Église catholique au Collège des Bernardins (lundi soir, 9 avril)

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    Après une rénovation complète achevée en septembre 2008, le collège des Bernardins (XIIIe siècle) est aujourd’hui un lieu de rencontres, de dialogues, de formation et de culture proposant une programmation riche de conférences et colloques, d’expositions, de concerts, d’activités pour le jeune public ainsi qu’un centre de formation théologique et biblique. Depuis 2009, il abrite l'Académie catholique de France.

    Organisée par la Conférence des évêques de France (CEF), une grande soirée inédite s’y est tenue ce lundi 9 avril au soir, en présence du président de la République et de 400 invités. Après trois témoignages émouvants illustrant en binôme la plus grande des trois vertus théologales et le discours Mgr Pontier, Président de la CEF, on a pu entendre, en retour, celui du Président de la République consacré à la place du catholicisme dans la vie politique et sociale de la France. Nous y reviendrons. Voici l’enregistrement video de cette soirée (JPSC) :

  • L’Eglise, combien de divisions ?

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    De Philippe Maxence sur le site web du bimensuel « L’Homme Nouveau » :

    Resurrection.jpg« L’Église, combien de divisions ? On connaît la célèbre phrase de Staline, bien révélatrice de son matérialisme et de sa volonté hégémonique qui entendait écarter définitivement l’Église de la face du monde. L’Église, combien de divisions ? Mais, beaucoup, aurait-on tendance à répondre aujourd’hui. Et, même, beaucoup trop ! Non plus, cette fois, en référence aux unités blindées ou, plus largement, aux armées auxquelles pensait le maître du Kremlin, mais à celles qui divisent les catholiques entre eux. 

    Certes, c’est une vieille histoire. Dès les origines, l’Église fut traversée par des courants et des tentatives de scission. Judas, choisi par le Christ, reste la figure emblématique de la trahison radicale et donc de cette division au sein du collège des Apôtres. Saint Paul ne cesse d’intervenir auprès des chrétientés qu’il a créées pour calmer les passions et ramener les récents prosélytes à l’unité de la doctrine. Plus tard, les grandes hérésies vont traverser l’Église, offrant à celle-ci la possibilité d’approfondir sa doctrine, de la préciser et de la définir. Saint Paul, encore lui, avait d’ailleurs prévenu les Corinthiens : « Oportet haereses esse ». Il faut qu’il y ait des hérésies. Terrible constat ! Terrible nécessité ! 

    Par une étrange sorte d’optimisme, bien peu surnaturel, nous voudrions échapper à cette loi qui n’a cessé d’habiter l’Église, depuis Arius jusqu’au modernisme en passant par le protestantisme. Nous aimerions l’unanimisme que l’on confond facilement avec l’unité. Saint Pie X s’était attaqué avec force au modernisme qu’il qualifiait de « rendez-vous de toutes les hérésies ». Plus récemment, après le concile Vatican II, Jacques Maritain qualifia, dans son Paysan de la Garonne, la crise moderniste de « rhume de foin » en comparaison de « l’espèce d’apostasie “immanente” » qui s’affichait alors. Ne nous y trompons pas ! Maritain n’était en rien ce qu’on appelle couramment un intégriste. Dans le même livre, il dénonce les « ruminants de la Sainte-Alliance », à savoir la droite catholique avec laquelle il avait rompu au temps de la crise de l’Action française. 

    Des aveugles conduisant des aveugles ?

    Et, aujourd’hui ? Il faut vraiment être aveugle, et parfois aveugle volontaire, pour ne pas constater une réelle division dans l’Église. Il suffit de le voir à travers la production des faiseurs d’opinion au sein du catholicisme français. Récemment, Le Figaro publiait un sondage mettant le Pape au centre des discussions des catholiques. Pour ou contre, en tout ou en partie ? À l’aune d’un tel procédé, Pie IX, béatifié par le pape Jean-Paul II, n’aurait eu que peu d’opinions favorables, lui dont les Romains voulurent jeter la dépouille mortelle dans le Tibre. 

    L’esprit du monde a vraiment pénétré l’Église et nous sommes sommés maintenant d’être pour ou contre le Pape, comme s’il n’était qu’un vulgaire chef d’État d’une vulgaire démocratie. Comme si nous oublions aussi sa mission de service de l’unité et de la vérité catholique. Des prêtres sur twitter s’agitent dans ce sens. Des laïcs s’écharpent à ce sujet sur facebook ou via des sites internet. Des livres prétendent expliquer le changement radical de notre époque, que nous n’aurions pas perçu. On est allé jusqu’à demander à Benoît XVI de préfacer l’ouvrage d’un hérétique sous prétexte que ­celui-ci présentait un aspect de la pensée théologique du pape François (cf. p. 11). 

    Ne pas varier

    C’est peu dire que la confusion règne ! Au risque de ne pas suivre ceux qui veulent absolument sauver la situation, il me semble que ce temps d’épreuve est aussi un temps de grâce. La Semaine sainte que nous venons de vivre nous a montré l’abandon du Christ, y compris par ses Apôtres et saint Pierre lui-même. Elle nous a permis de revivre la solitude absolue du Christ face à sa Passion, au point d’avoir sué des gouttes de sang. Mais, nous avons revécu aussi son triomphe, celui de la Résurrection et nous allons suivre désormais les Apôtres autour de saint Pierre et de saint Paul dans la conquête (pacifique) du monde, jusqu’au prix de leur sang, à eux aussi. 

    Dans les périodes de crise, de doute et de souffrance, il faut s’enraciner dans un regard surnaturel. Celui-ci ne nie pas la réalité de ce qui se déroule sous ses yeux. Il ne tente même pas de l’effacer par de pieux discours. Le constatant, et parce qu’il le constate, il recourt encore plus fortement aux moyens certains du salut. Comme l’enseignent nombre d’auteurs spirituels, dans la désolation, il écarte les nouveautés et s’en tient aux vérités de la doctrine et de la théologie traditionnelles, aux sacrements, à une foi renouvelée et une prière plus intense. Il prépare ainsi l’avenir qui débouchera à l’heure de Dieu sur une renaissance et un renouveau. 

    Notre espérance ? C’est bien le Christ ressuscité, l’Église qu’il a établie et la doctrine ne varietur qu’il a enseignée. Le reste n’est certes pas un simple rhume de foin. Il s’agit bien d’une croix. Grave, pénible, source de souffrance. Mais qui conduit involontairement et malgré tout à la Résurrection. Saint temps pascal à tous ! 

    Ref. Oportet haereses esse !

    L’histoire de l’Eglise n’a jamais été un long fleuve tranquille et les grands conciles oecuméniques qui jalonnent son existence ont été le théâtre des enjeux majeurs qu’elle dût maintes fois affronter. A Nicée (325) c’était la divinité même de la personne du Christ qui était la cause d’une controverse dont l’issue incertaine faillit  emporter l’objet de la révélation chrétienne. Et plus tard, à Trente (1545-1563) comme à Vatican II (1962-1965), ce sont des mutations anthropologiques majeures de la société qui ont appelé, de la part de l’Eglise, une réponse fidèle au dépôt de la foi reçue des apôtres. Dans l’un comme dans l’autre cas, une mise en œuvre équilibrée suppose du temps: plus de cinquante ans après la clôture de Vatican II, oscillant aujourd’hui encore entre les pontificats contrastés de Benoît XVI et de François, l'histoire de ce concile n’est manifestement pas encore vraiment écrite, contrairement à celle du Christ ressuscité, seule Espérance de notre salut.

    JPSC  

  • Vient de paraître : le magazine trimestriel « Vérité et Espérance-Pâque Nouvelle », n° 106, printemps 2018

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    Le magazine trimestriel « Vérité & Espérance – Pâque Nouvelle » édité par l’association « Sursum Corda » (responsable de l'église du Saint-Sacrement à Liège) a publié sa livraison du printemps 2018. Tiré à 4.000 exemplaires, ce magazine abondamment illustré parcourt pour vous l’actualité religieuse et vous livre quelques sujets de méditation.Les articles mentionnés en bleu sont disponibles sur le blog de l'église du Saint-Sacrement (cliquez sur les titres ci-dessous pour y accéder).

    mag_106_final-page-001.jpg

    Au sommaire de ce numéro n° 106 (printemps 2018) : 

    contrat Delta ingenieur stabilité339.jpg

    Liturgie au Pays de Liège

    La réception de l’Eucharistie à travers le temps

    Eclipse de Dieu, éclipse de l’homme

    contrat Delta ingenieur stabilité340.jpg

    Rome et le monde : 

    Comment vivre en chrétien dans un monde qui ne l’est pas ?

    Comment notre monde a cessé d’être chrétien

    RDC : une Eglise qui dérange le pouvoir

    Belgique :

    Le débat sur la laïcité est relancé

    De passage à Bruxelles, le Cardinal Sarah pointe les dérives du monde occidental 

     

    Secrétaires de Rédaction : Jean-Paul Schyns et Ghislain Lahaye

    Editeur responsable: SURSUM CORDA a.s.b.l. ,

    Rue Vinâve d’île, 20 bte 64 à B- 4000 LIEGE.

    La revue est disponible gratuitement sur simple demande :

    Tél. 04.344.10.89  e-mail : sursumcorda@skynet.be 

    Les dons de soutien à la revue sont reçus  avec gratitude au compte IBAN:

     BE58 0016 3718 3679   BIC: GEBABEBB de Vérité et Espérance 3000, B-4000 Liège

     JPSC

  • Pape François : une communication chaotique, selon le vaticaniste Sandro Magister

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    Sur son blog « Settimo Cielo », le vaticaniste Sandro Magister publie une réflexion très argumentée relative à la communication estimée chaotique du pape François sur des sujets sensibles concernant la foi et les mœurs. Le site « diakonos.be » en publie la traduction qu’on lira ci-dessous. Il en ressort une image du pontife qui, si elle s’avérait exacte, poserait un vrai problème ou -si elle ne l’est pas- appelle un démenti autorisé et circonstancié. Sandro Magister est spécialiste des questions religieuses au sein de l’un des principaux journaux de la péninsule : « l’Espresso ». Enseignant l'histoire religieuse contemporaine à l’université d’Urbino, Sandro Magister est considéré comme l’un des vaticanistes les plus anciens et les plus fiables. JPSC.

    « En théorie, tous les médias du Vatican devraient travailler main dans la main pour transmettre au grand public l’image fidèle du Pape.

    Mais en pratique, ce n’est pas le cas. La salle de presse du Vatican est prudemment restée à l’écart de l’instrumentalisation ratée d’une lettre privée de Benoît XVI.  Elle a laissé Mgr Dario Edoardo Viganò, le Préfet du Secrétariat pour la communication, se débattre seul dans la tempête et ce dernier n’a été sauvé du naufrage que grâce à la protection du pape qui ne tient décidément pas à se priver de son désastreux « spin doctor ».

    Le Pape, précisément. Parce que François lui-même fait souvent cavalier seul en matière de communication publique, sans prendre la peine de se concerter avec personne.  Et il s’y prend d’au moins trois manières :

    • En disant lui-même ce qu’il veut en public, sans passer par aucun contrôle ni aucune vérification préalable ;
    • En faisant en sorte que d’autres disent en public ce qu’il leur dit dans des entretiens privés ;
    • En recommandant d’écouter des personnes qui disent ce que lui-même ne dit ni en public ni en privé mais qu’il souhaite entendre dire.

    Ces derniers jours, François a eu recours à l’ensemble de ces trois modalités de communication. Avec des effets diversement perturbateurs.

    *

    La première de ces modalités, il l’a utilisée dans l’homélie de la messe du dimanche de Pâques. Il n’a lu aucun texte écrit, parlant à bâtons rompu en italien.  Et pour faire l’éloge des grandes « surprises » que Dieu fait, en particulier l’annonce de la résurrection, voici comment il s’est exprimé : « Pour le dire un peu avec le langage des jeunes : la surprise [de Dieu] est un coup bas  »  (en italique dans la retranscription officielle de l’homélie).

    Sauf que l’expression « coup bas » n’appartient pas au langage des jeunes mais à celui de la boxe. Il désigne un coup décoché sous le ceinture : interdit, répréhensible et qui peut valoir une disqualification.  Un coup vil, en traître.  Une bien mauvaise image pour illustrer l’annonce de la résurrection de Jésus au cours de l’homélie de Pâques place Saint-Pierre.  Il n’en reste pas moins que ce « coup bas » décrit par François a fait mouche dans les médias.  En Italie, il faisait même les titres d’un important journal télévisé du soir.

    *

    La seconde modalité est celle adoptée par François quand il a invité pour un entretien mardi dernier son ami Eugenio Scalfari, fondateur du quotidien « la Repubblica » et figure emblématique de l’intelligentsia laïque italienne.

    Au cours de cet entretien, à l’instar des autres qu’il a déjà eu avec le Pape, Scalfari n’enregistre pas et ne prend pas de notes. Mais il en retranscrit toujours le contenu dans « la Repubblica », avec çà et là quelques omissions et quelques ajouts aux paroles du pape « pour que le lecteur comprenne », comme il l’a lui-même expliqué dans une conférence de presse après la publication du premier compte-rendu.  Et cette fois, il a entre autre attribué à François l’affirmation suivante :

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  • Les colloques singuliers du pape François avec Eugenio Scalfari

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    A maintes reprises déjà, sur des thèmes sensibles de la discipline, de la morale ou de la foi même de l’Eglise, le pape actuel s’est entretenu avec le fondateur du quotidien La Reppublica, Eugenio Scalfari. Celui-ci en a chaque fois publié dans son journal à grand tirage des comptes rendus hétérodoxes qui ont été  inlassablement contestés  par des responsables de la communication du Saint-Siège.

    Vendredi dernier  nous avons fait écho ici : Existence de l'enfer : quand l'interviewer favori du pape déforme ses propos à la dernière récidive du genre concernant la réalité de l’enfer.

    Le bon sens pose alors la question de savoir pourquoi le pape régnant s’obstine à confier sa pensée à un interlocuteur qui n’aurait apparemment rien de mieux à faire qu’à la déformer en s’adressant à un vaste public. Les plus indulgents attribueront cette manière de faire à la naïveté du pape et les plus sceptiques à une forme de duplicité, de double langage : la parole de Scalfari contre celle des services d’information du Vatican .   

    Au sujet des propos du  pape sur l'enfer rapportés par Scalfari, un religieux de nos amis lecteurs se demande s’il ne serait pas opportun « que le pape, lors d'une prochaine catéchèse du mercredi, nous fasse connaître son enseignement sur ce mystère. Il aurait sans doute, en tant que familier des exercices de saint Ignace, des choses intéressantes à dire. Et surtout, une parole prononcée en public, ferait disparaître toutes les perplexités suscitées par un journaliste qui rapporte à sa manière ce que le pape lui a dit en privé »

    A propos de l'enfer, dans l’encyclique « Spe Salvi » (30 novembre 2007), son prédécesseur Benoît XVI écrivait ceci : « Il peut y avoir des personnes qui ont détruit totalement en elles le désir de la vérité et la disponibilité à l'amour. Des personnes en qui tout est devenu mensonge; des personnes qui ont vécu pour la haine et qui en elles-mêmes ont piétiné l'amour. C'est une perspective terrible, mais certains personnages de notre histoire laissent entrevoir de façon effroyable des profils de ce genre. Dans de semblables individus, il n'y aurait plus rien de remédiable et la destruction du bien serait irrévocable: c'est cela qu'on indique par le mot « enfer ».

    Sans entrer dans des questions un peu vaines de savoir si l’enfer est un lieu ou un état, le pontife régnant pourrait toujours remettre au diapason du grand public les développements que le pape Ratzinger consacrait à cette grave question du mystère de la grâce et de la justice divines. Voici un extrait significatif de cette pensée audacieuse qui ne conteste cependant pas la possibilité de la damnation éternelle ni l'éternité de l'âme :

    « 43. […] La grâce n'exclut pas la justice. Elle ne change pas le tort en droit. Ce n'est pas une éponge qui efface tout, de sorte que tout ce qui s'est fait sur la terre finisse par avoir toujours la même valeur. Par exemple, dans son roman « Les frères Karamazov », Dostoïevski a protesté avec raison contre une telle typologie du ciel et de la grâce. À la fin, au banquet éternel, les méchants ne siégeront pas indistinctement à table à côté des victimes, comme si rien ne s'était passé. Je voudrais sur ce point citer un texte de Platon qui exprime un pressentiment du juste jugement qui, en grande partie, demeure vrai et salutaire, pour le chrétien aussi. Même avec des images mythologiques, qui cependant rendent la vérité avec une claire évidence, il dit qu'à la fin les âmes seront nues devant le juge. Alors ce qu'elles étaient dans l'histoire ne comptera plus, mais seulement ce qu'elles sont en vérité. « Souvent, mettant la main sur le Grand Roi ou sur quelque autre prince ou dynaste, il constate qu'il n'y a pas une seule partie de saine dans son âme, qu'elle est toute lacérée et ulcérée par les parjures et les injustices [...], que tout est déformé par les mensonges et la vanité, et que rien n'y est droit parce qu'elle a vécu hors de la vérité, que la licence enfin, la mollesse, l'orgueil, l'intempérance de sa conduite l'ont rempli de désordre et de laideur: à cette vue, Rhadamante l'envoie aussitôt déchue de ses droits, dans la prison, pour y subir les peines appropriées [...]; quelquefois, il voit une autre âme, qu'il reconnaît comme ayant vécu saintement dans le commerce de la vérité. [...] Il en admire la beauté et l'envoie aux îles des Bienheureux ». Dans la parabole du riche bon vivant et du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 19-31), Jésus nous a présenté en avertissement l'image d'une telle âme ravagée par l'arrogance et par l'opulence, qui a créé elle-même un fossé infranchissable entre elle et le pauvre; le fossé de l'enfermement dans les plaisirs matériels; le fossé de l'oubli de l'autre, de l'incapacité d’aimer, qui se transforme maintenant en une soif ardente et désormais irrémédiable. Nous devons relever ici que Jésus dans cette parabole ne parle pas du destin définitif après le Jugement universel, mais il reprend une conception qui se trouve, entre autre, dans le judaïsme ancien, à savoir la conception d'une condition intermédiaire entre mort et résurrection, un état dans lequel la sentence dernière manque encore.

    44.Cette idée vétéro-juive de la condition intermédiaire inclut l'idée que les âmes ne se trouvent pas simplement dans une sorte de détention provisoire, mais subissent déjà une punition, comme le montre la parabole du riche bon vivant, ou au contraire jouissent déjà de formes provisoires de béatitude. Et enfin il y a aussi l'idée que, dans cet état, sont possibles des purifications et des guérisons qui rendent l'âme mûre pour la communion avec Dieu. L'Église primitive a repris ces conceptions, à partir desquelles ensuite, dans l'Église occidentale, s'est développée petit à petit la doctrine du purgatoire. Nous n'avons pas besoin de faire ici un examen des chemins historiques compliqués de ce développement; demandons-nous seulement de quoi il s'agit réellement. Avec la mort, le choix de vie fait par l'homme devient définitif – sa vie est devant le Juge. Son choix, qui au cours de toute sa vie a pris forme, peut avoir diverses caractéristiques. Il peut y avoir des personnes qui ont détruit totalement en elles le désir de la vérité et la disponibilité à l'amour. Des personnes en qui tout est devenu mensonge; des personnes qui ont vécu pour la haine et qui en elles-mêmes ont piétiné l'amour. C'est une perspective terrible, mais certains personnages de notre histoire laissent entrevoir de façon effroyable des profils de ce genre. Dans de semblables individus, il n'y aurait plus rien de remédiable et la destruction du bien serait irrévocable: c'est cela qu'on indique par le mot « enfer ». D'autre part, il peut y avoir des personnes très pures, qui se sont laissées entièrement pénétrer par Dieu et qui, par conséquent, sont totalement ouvertes au prochain – personnes dont la communion avec Dieu oriente dès maintenant l'être tout entier et dont le fait d'aller vers Dieu conduit seulement à l'accomplissement de ce qu'elles sont désormais.

    45. Selon nos expériences, cependant, ni un cas ni l'autre ne sont la normalité dans l'existence humaine. Chez la plupart des hommes – comme nous pouvons le penser – demeure présente au plus profond de leur être une ultime ouverture intérieure pour la vérité, pour l'amour, pour Dieu. Mais, dans les choix concrets de vie, elle est recouverte depuis toujours de nouveaux compromis avec le mal – beaucoup de saleté recouvre la pureté, dont cependant la soif demeure et qui, malgré cela, émerge toujours de nouveau de toute la bassesse et demeure présente dans l'âme. Qu'advient-il de tels individus lorsqu'ils comparaissent devant le juge? Toutes les choses sales qu'ils ont accumulées dans leur vie deviendront-elles d'un coup insignifiantes ? Ou qu'arrivera-t-il d'autre? Dans la Première lettre aux Corinthiens, saint Paul nous donne une idée de l'impact différent du jugement de Dieu sur l'homme selon son état. Il le fait avec des images qui veulent en quelque sorte exprimer l'invisible, sans que nous puissions transformer ces images en concepts – simplement parce que nous ne pouvons pas jeter un regard dans le monde d’au delà de la mort et parce que nous n'en avons aucune expérience. Paul dit avant tout de l'expérience chrétienne qu'elle est construite sur un fondement commun: Jésus Christ. Ce fondement résiste. Si nous sommes demeurés fermes sur ce fondement et que nous avons construit sur lui notre vie, nous savons que ce fondement ne peut plus être enlevé, pas même dans la mort. Puis Paul continue: « On peut poursuivre la construction avec de l'or, de l'argent ou de la belle pierre, avec du bois, de l'herbe ou du chaume, mais l'ouvrage de chacun sera mis en pleine lumière au jour du jugement. Car cette révélation se fera par le feu, et c'est le feu qui permettra d'apprécier la qualité de l'ouvrage de chacun. Si l'ouvrage construit par quelqu'un résiste, celui-là recevra un salaire; s'il est détruit par le feu, il perdra son salaire. Et lui-même sera sauvé, mais comme s'il était passé à travers un feu » (3, 12-15). Dans ce texte, en tout cas, il devient évident que le sauvetage des hommes peut avoir des formes diverses; que certaines choses édifiées peuvent brûler totalement; que pour se sauver il faut traverser soi-même le « feu » afin de devenir définitivement capable de Dieu et de pouvoir prendre place à la table du banquet nuptial éternel.

    46. Certains théologiens récents sont de l'avis que le feu qui brûle et en même temps sauve est le Christ lui-même, le Juge et Sauveur. La rencontre avec Lui est l'acte décisif du Jugement. Devant son regard s'évanouit toute fausseté. C'est la rencontre avec Lui qui, en nous brûlant, nous transforme et nous libère pour nous faire devenir vraiment nous-mêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se révéler paille sèche, vantardise vide et s'écrouler. Mais dans la souffrance de cette rencontre, où l'impur et le malsain de notre être nous apparaissent évidents, se trouve le salut. Le regard du Christ, le battement de son cœur nous guérissent grâce à une transformation assurément douloureuse, comme « par le feu ». Cependant, c'est une heureuse souffrance, dans laquelle le saint pouvoir de son amour nous pénètre comme une flamme, nous permettant à la fin d'être totalement nous-mêmes et par là totalement de Dieu. Ainsi se rend évidente aussi la compénétration de la justice et de la grâce: notre façon de vivre n'est pas insignifiante, mais notre saleté ne nous tache pas éternellement, si du moins nous sommes demeurés tendus vers le Christ, vers la vérité et vers l'amour. En fin de compte, cette saleté a déjà été brûlée dans la Passion du Christ. Au moment du Jugement, nous expérimentons et nous accueillons cette domination de son amour sur tout le mal dans le monde et en nous. La souffrance de l'amour devient notre salut et notre joie. Il est clair que la « durée » de cette brûlure qui transforme, nous ne pouvons la calculer avec les mesures chronométriques de ce monde. Le « moment » transformant de cette rencontre échappe au chronométrage terrestre – c'est le temps du cœur, le temps du « passage » à la communion avec Dieu dans le Corps du Christ. Le Jugement de Dieu est espérance, aussi bien parce qu'il est justice que parce qu'il est grâce. S'il était seulement grâce qui rend insignifiant tout ce qui est terrestre, Dieu resterait pour nous un débiteur de la réponse à la question concernant la justice – question décisive pour nous face à l'histoire et face à Dieu lui-même. S'il était pure justice, il ne pourrait être à la fin pour nous tous qu’un motif de peur. L'incarnation de Dieu dans le Christ a tellement lié l'une à l'autre – justice et grâce – que la justice est établie avec fermeté: nous attendons tous notre salut « dans la crainte de Dieu et en tremblant » (Ph 2, 12). Malgré cela, la grâce nous permet à tous d'espérer et d'aller pleins de confiance à la rencontre du Juge que nous connaissons comme notre « avocat » (parakletos) (cf. 1 Jn 2, 1)[…].

    JPSC

  • Quand Paul Ricoeur évoquait la fin de vie

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    De Jacques Ricot sur le site d'Ouest France :

    POINT DE VUE. Paul Ricoeur et la fin de vie

    Par Jacques Ricot, auteur de « Penser la fin de vie » au Presses de l’EHESP, en 2017.

    Au moment où il mettait la dernière main à l’une de ses œuvres majeures, La mémoire, l’histoire et l’oubli, Paul Ricoeur a bénéficié de l’assistance du jeune Emmanuel Macron au tournant du siècle dernier.

    Or, c’est exactement à ce moment-là que le philosophe s’est exprimé publiquement sur la question de la fin de vie. J’ignore si ces thèmes ont alors été évoqués avec l’étudiant Macron qui, aujourd’hui devenu Président, cherche à se faire une opinion sur ce délicat problème de société.

    Avec humilité, Ricoeur avait laissé mûrir durant plusieurs années sa pensée avant de livrer son analyse et ses convictions. Il avait rencontré longuement des acteurs des soins palliatifs. J’ai été moi-même le témoin de ses réflexions durant l’été 2000 avant qu’il ne les consigne dans un écrit intitulé Accompagner la vie jusqu’à la mort (1) et ne les réitère en 2001 lors d’une séance organisée par le ministre délégué à la Santé.

    C’est la modestie qu’il revendique face aux positions simplistes et expéditives en demandant : «Sommes-nous au clair avec nos propres désirs de mort pour en parler non seulement avec compétence mais honnêteté?».

    Acharnement ou fausse compassion

    Ricoeur refuse avec clarté toutes les complaisances vis-à-vis de la souffrance, y compris cette falsification du christianisme qui laisserait croire que la douleur est, par elle-même, rédemptrice : la souffrance doit être soulagée par tous les moyens, y compris si cela devait abréger les jours restant à vivre.

    Le philosophe dénonce une figure grimaçante de « faire le bien » : prolonger la vie par un acharnement thérapeutique (désormais mieux nommé «obstination déraisonnable»), ce qu’il commente ainsi : «Mais on peut débusquer le non-dit qui se cache derrière un geste qui ne sait pas s’arrêter. C’est, d’un côté, une sacralisation du simple fait de vivre […]. C’est, d’autre part, tout aussi fondamentalement, la fuite devant la tâche de faire le deuil, le deuil de l’autre et, à l’arrière-plan, le deuil anticipé de sa propre vie.»

    Surgit alors une autre figure erronée de « faire le bien », symétrique de l’acharnement thérapeutique, celle qui consiste à mettre fin aux jours d’une personne dans un geste faussement compatissant.

    La proposition de l’aide active à mourir, selon l’euphémisme en vigueur, apparaît à un moment où la culture moderne promeut «un acte de suprématie par lequel on voudrait éliminer les effets de la passivité et de la vulnérabilité de la condition humaine».

    La responsabilité du législateur

    Cet acte de suprématie par lequel on veut anticiper sa mort, sous le manteau de la maîtrise de son destin, exprime la protestation contre toute situation de dépendance.

    «De la protestation, le pas est vite franchi à la profession d’un droit de mourir dans la dignité, droit que certains voudraient voir sanctionné par la loi au même titre que les autres libertés civiques.»

    Sur la responsabilité du législateur devant l’euthanasie, la conclusion de Ricoeur est sans ambiguïté : «Si l’éthique de détresse est confrontée à des situations où le choix n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le mal et le pire — même alors le législateur ne saurait donner sa caution.»