Les mots de Benoît XVI
• Célébrant dans la cathédrale du Très Précieux Sang à Westminster, en septembre 2010, il dit : « Le sang du Christ répandu est la source de la vie de l’Église. [...] Dans [les] épreuves et [les] vicissitudes de [cette vie], le Christ continue, selon l’expression radicale de Pascal, d’être en agonie jusqu’à la fin du monde. »
Mai se réfugie sous le manteau de la Vierge. Juin se consacre au Sacré-Cœur de Jésus. Quant au mois de juillet, se parant de couleurs écarlates, il honore le Précieux Sang. Cette dernière dévotion tient sa richesse de siècles de piété. Elle allie le sang qui coula de la croix et celui du calice, le sacrifice du Christ et sa réactualisation à chaque messe. Né au pied du Calvaire, ce culte traverse les siècles jusqu’à ce jour de 1849 où Pie XI instaure une fête en son honneur, le 1er juillet. Fête qui, hélas, se voit supprimée du calendrier liturgique en 1970. Cette disparition n’a pas suffi à gommer cette dévotion de la mémoire populaire. Ni des pages immuables des missels dits de Jean XXIII : dans ces ouvrages attachés à la forme extraordinaire du rite romain, le 1er juillet célèbre toujours le Précieux Sang. Jean XXIII, ce même pape qui, en 1960, appelait les fidèles à mettre à l’honneur cette dévotion, après en avoir promulgué les Litanies.
Les fondements de ce culte sont bibliques. « Vous le savez : ce n’est pas par des biens corruptibles que vous avez été rachetés de la conduite superficielle héritée de vos pères ; mais c’est par un sang précieux, celui d’un agneau sans défaut et sans tache, le Christ », écrit saint Pierre. « Dieu a jugé bon qu’habite en Lui toute plénitude et que tout, par le Christ, Lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa croix », affirme saint Paul. « Il s’agit du sang versé à la circoncision d’abord, mais surtout de celui qui a coulé durant sa Passion : agonie à Gethsémani, flagellation, couronnement d’épines, crucifixion, et particulièrement du sang jaillissant de son cœur transpercé sur la croix, explique le Père Nicolas Buttet, fondateur de la Fraternité Eucharistein. La contemplation du sang du Christ inscrit la spiritualité chrétienne dans un réalisme inouï ! C’est la réalité même de ce sang versé qui authentifie notre salut. Il atteste la vérité de l’amour qui a pressé le Christ jusqu’à l’extrême, jusqu’au don total de sa vie. »
Le culte du Précieux Sang grandit au Moyen Âge. Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) s’en fait l’apôtre : pour elle, le sang du Christ « enivre, fortifie, réchauffe et illumine l’âme de vérité ». Elle encourage les fidèles à « se plonger » spirituellement dans le calice pendant la messe. Une autre mystique, sainte Marie-Madeleine de Pazzi (1566-1607), s’attache à cette dévotion. Plus tard, c’est un prêtre italien, saint Gaspard del Bufalo (1786-1837), qui consacre sa vie à la propager.

Une noble confrérie
Ce culte prend, dans l’Histoire, une forme très incarnée. À Bruges, un curieux édifice élève vers le ciel belge son fronton gothique. La basilique du Saint-Sang voit affluer les visiteurs : depuis le XIIIe siècle, elle abrite une relique du Précieux Sang, exposée à la vénération des fidèles. « Il s’agit d’une pièce de tissu tachée de sang, explique Noël Geirnaert, membre de la Noble Confrérie du Saint-Sang. L’échantillon n’a jamais été ouvert, donc jamais analysé. » D’après la tradition, c’est Thierry d’Alsace, comte de Flandre, qui rapporte la relique de Terre sainte, alors qu’il revient de la deuxième croisade (1150). Chaque année, à l’Ascension, le reliquaire est porté en procession à travers la ville. Le cortège, solennel et haut en couleur, attire des dizaines de milliers de pèlerins. « La relique a commencé à être vénérée par un pape au XIVe siècle, précise Noël Geirnaert. La vénération s’est interrompue quelques fois, comme au XVIe siècle, du temps de la république protestante à Bruges. Elle permet de méditer sur la passion du Christ. »