Depuis une bonne dizaine de jours, le Cardinal guinéen Robert Sarah, préfet de la Congrégation du culte divin, séjourne en France, visite des paroisses, rencontre des communautés religieuses et se répand dans les médias, à l’occasion de la sortie de presse de son livre d’entretiens avec Nicolas Diat : Dieu ou rien. L’autre visage de Rome?
A découvrir dans l’interview qu’il vient d’accorder à « Atlantico » :
Jean-Sébastien Ferjou : Eminence, le livre d’entretien avec Nicolas Diat que vous publiez s'appelle « Dieu ou rien ». Etant donné que l'Europe a largement perdu le sens de Dieu, diriez-vous donc que l'Europe est dans le rien ?
Cardinal Robert Sarah : Je ne peux que répondre oui. Sans Dieu, c'est le néant. Sans Dieu, il n'y a rien. Sans Dieu, qu'est-ce que je suis, qu'est-ce qui me maintient en vie ? Et après cette vie, qu'y-a-t-il ? Si Dieu n'est rien, il n'y a pas de vie éternelle.
...Dans le livre, on sent que vous pensez que les Européens devraient comprendre que leur histoire et leur héritage spirituel et culturel ne sont pas forcément la cause de troubles et que l'on pourrait garder la paix sans avoir à y renoncer. Mais comment en convaincre les Européens ?
[...]Regardons les guerres actuelles : le fondamentalisme n'est pas né de rien. On a attaqué l'Irak. On a créé un chaos total entre chiites et sunnites. On a attaqué la Libye et c'est aujourd'hui un pays dans une situation explosive.
Le fondamentalisme islamique ne serait donc qu'une réaction à des actions européennes ? Ou a-t-il aussi une part d'essence propre ?
Le sujet est complexe. Pour autant, il ne faut pas exclure que le fondamentalisme soit une réaction culturelle. En face de la religion islamique, il y a une religion sans Dieu, mais morale. Bien sûr, il y a un extérieur de progrès, mais c'est une façade.
C'est ce que Jean-Paul II appelait la culture de mort ?
Exactement. On se moque de ceux qui croient, on les caricature. Ca provoque une réaction, peut-être excessive, mais je pense qu'il ne faut pas nier qu'il s'agisse d'une réaction contre une société athée, sans Dieu, qui n'a pas peur de ridiculiser ses martyrs. Ils l'ont fait avec Jésus-Christ. Il y a eu des films abominables. On n'a pas la même réaction que les musulmans. Mais il ne faut pas croire que toutes les civilisations acceptent qu'on se moque de choses qui sont fondamentales pour elles.
Vous venez de Guinée, un pays à majorité musulmane, où l'on pourrait observer deux courants comme ailleurs dans le monde : l'islam traditionnel, local, et celui financé par les Pays du Golfe et qui pose problème. Vous parlez dans votre livre d'un néo-colonialisme idéologique de l'Europe qui tente d’imposer au reste du monde ses idées, sur la théorie du genre notamment. Pour autant, n'y a-t-il pas aussi une volonté d'expansion politique d'un certain islam ?
L'islam traditionnel africain, venant du Sud, est très religieux, et très tolérant. Je n'ai jamais vu pour ma part une difficulté entre chrétiens et musulmans. Quand je dirigeais la cathédrale pour la fête de Noël, il y avait beaucoup de musulmans qui venaient y assister, entendre le message.
Nous avons toujours vécu dans une paix fraternelle. Bien sûr, depuis les années 1970, beaucoup de musulmans ont reçu des bourses pour aller étudier en Arabie saoudite ou ailleurs et en sont revenus fanatisés. Ces derniers ne s'en prennent pas uniquement aux chrétiens, ils s'en prennent surtout aux musulmans.