Ce que les dirigeants actuels au sommet l’Église n’ont pas été capables de dire, – avant, pendant et après le sommet du Vatican des 21-24 février sur les abus sexuels commis par des ministres consacrés – le « pape émérite » Benoît XVI l’a dit et l’a écrit dans les « notes » qu’il a rendues publiques le 11 avril, après en avoir informé le secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin ainsi que le pape François en personne.
Joseph Ratzinger est remonté à la racine du scandale: à la révolution sexuelle de 1968, à « l’effondrement » de la doctrine et de la morale catholique entre les années soixante et quatre-vingt, à perte de la distinction entre le bien et le mal et entre vérité et mensonge, à la prolifération dans les séminaires de « clubs homosexuels », à « un soi-disant garantisme » qui rendait intouchables ceux qui justifiaient de telles nouveautés y compris la pédophilie elle-même, et dans une dernière analyse à un éloignement de de Dieu qui est la raison de vivre de l’Église et le sens de l’orientation de chaque homme.
Il en découle, selon le pape Ratzinger, qu’il en va du devoir de l’Église d’aujourd’hui de retrouver le courage de « parler de Dieu » et de faire passer Dieu « avant tout », de croire de nouveau qu’Il est réellement présent dans l’eucharistie plutôt que de la « réduire à des gestes rituels », de voir que l’Église est pleine d’ivraie mais aussi de bon grain, de saints de martyrs, et qu’il faut la défendre du discrédit du Malin, sans se bercer de l’illusion de croire que nous pourrions en construire nous-même une meilleure, uniquement politique, qui « ne peut représenter aucune espérance ».
Cette analyse du pape Ratzinger fera certainement couler beaucoup d’encore vu comme elle est éloignée de ce qui se dit et de ce qui se fait aujourd’hui au sommet de l’Église concernant le scandale des abus sexuels, dans une optique essentiellement judiciaire et qui balance entre ces deux pôles que sont la « tolérance zéro » et le garantisme.
Un garantisme très différent de ce « soit-disant garantisme » évoqué par Benoît XVI puisqu’il concerne plutôt les droits des accusés à se défendre, la présomption d’innocence jusqu’à la sentence définitive et la proportionnalité de la peine, et qu’il est intéressant de constater la manière dont celle-ci est utilisée aujourd’hui pour des cardinaux et des archevêques impliqués dans des abus.
Si nous focalisons à présent notre analyse sur ce dernier point, voici ce qu’il en ressort :
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Jusqu’à l’automne dernier, la « tolérance zéro » était l’une des expressions qui revenait le plus souvent dans les discours et les écrits du pape François pour expliquer comment combattre les abus sexuels du clergé sur des victimes mineures d’âge.