Le 15 juin 1520, Léon X signe la bulle Exsurge Domine contre Luther. Dès le 24, celui-ci rédige son Appel à la Noblesse chrétienne de la Nation Allemande pour l’amélioration de la Chrétienté. C’est une déclaration de guerre à la Papauté. Puis, il lance un violent réquisitoire contre l’Église et ses Sacrements, suivi de la revendication d’une totale liberté du chrétien par rapport à toute autorité ecclésiastique, et d’un appel à la libération des moines par rapport à leurs vœux. Le 10 décembre, à Wittemberg, il brûle la Bulle de l’Antéchrist !
Le Roi d’Angleterre a jugé de son devoir d’intervenir. Le 12 juillet 1521 paraît son Assertion des Sept Sacrements, en réponse au réquisitoire de Luther, et se voit décerner le titre de “Defensor fidei” par le pape Léon X.
Luther répond en lançant avec insolence et mainte grossièreté un défi au roi (…). Celui-ci ne peut décemment relever le défi sans déchoir : il en laisse le soin à son ami et conseiller l’honorable Sir Thomas More, qui, sans négliger aucune de ses charges publiques répond par un énorme pamphlet : l’Adversus Lutherum, sous le pseudonyme de Guilelmus Rosseus, le donneur de rossées. L’ouvrage parut en 1523. (…)
L’ADVERSUS LUTHERUM
Les sept premiers chapitres du Livre Premier nous apprennent beaucoup sur la personne de Luther. Pour y être vivement rossé, il n’en est pas moins fort exactement observé et critiqué. (…) More fustige l’incommensurable orgueil de ce Docteur. (…)
Mille détails le dépeignent dans sa pleine vérité, n’en déplaise à ses admirateurs. Thomas More lui reproche sa conduite vulgaire, nous le montrant écrivant ses livres dans la compagnie des buveurs de bière. Puis, plus sérieusement, il lui reproche, à lui qui n’est pas un saint et loin de là, de ne pas distinguer les vices répréhensibles des gens d’église de leurs fonctions toujours saintes et du dépôt de la doctrine et des sacrements qui sont choses divines.
More manie la langue verte, pour répondre à Luther en son propre langage, parce qu’il jugeait que l’autre le méritait.
Sur le fond doctrinal, More démontre l’absurdité d’un système selon lequel il ne faudrait rien tenir pour certain qui ne soit prouvé par un texte évident de l’Écriture. Et d’autant plus que Luther falsifie et truque les textes, les oublie ou leur fait dire le contraire de ce qu’ils signifient ! Avec force, More déclare qu’un tel principe autorise et provoque une destruction totale de l’Église, comme Magistère de vérité, Autorité législative, Dispensatrice des sacrements…
More défend la primauté et l’antériorité de la Tradition sur l’Écriture. (…) Là, il atteint la vérité la plus profonde : ce libre-examen fondé sur l’Écriture est une nouvelle forme de rationalisme !
Luther fait encore appel à « l’Église », mais « l’Église du Christ », qui n’est pas l’Église Catholique, devenue à ses yeux Babylone, la Synagogue de Satan. Son Église, c’est l’Église invisible, parce qu’elle doit être sans péché ? Mais, rétorque Thomas More, Luther veut une Église sans péché ? Mais pour lui toute œuvre bonne est péché et orgueil et damnation ; toute œuvre mauvaise au contraire est principe d’humiliation et de salut par la foi. La foi seule sauve, même sans confession ! Alors, l’Église romaine qui est saturée de péchés devrait être la vraie, dans la foi ! L’Église des Purs, selon Luther, n’en est que la diabolique caricature, pleine d’orgueil, qui n’a pas besoin de prier et ne peut avoir la foi ! L’Église romaine se sait pauvre et faible, elle croit, et elle prie…