Lu sur le site du journal « Le Monde » :
« Le pape François siégerait-il sur les bancs démocrates ou avec les républicains s’il était membre du Congrès américain ? Le discours prononcé pour la première fois par un pape devant les élus des Etats-Unis réunis en session spéciale, jeudi 24 septembre, plaide plutôt pour la première hypothèse, même si François, en bon invité, s’est aussi efforcé de ménager les formes.
« Moi aussi, je suis fils de ce grand continent », a commencé le pape, entre deux ovations. C’est justement en s’appuyant sur cette histoire commune que François, « fils d’immigrés », a longuement plaidé en faveur des migrants, alors que ce dossier a suscité une surenchère de propositions radicales dans les rangs républicains. « Traitons les autres avec la même passion et compassion avec lesquelles nous voulons être traités », a conseillé le pape.
Le traditionnel appel à lutter contre les inégalités sociales a été accompagné de l’évocation d’un sujet considéré également avec réticence par les élus républicains : la lutte contre le réchauffement climatique. S’appuyant sur l’encyclique publiée en juin, Laudato si (« Loué sois-Tu »), François a rappelé avoir invité à « un effort courageux et responsable pour inverser les effets les plus graves de la détérioration environnementale causée par l’activité humaine ». Assis derrière lui en tant que président du Sénat, le démocrate Joe Biden a applaudi, au contraire de son voisin républicain, le président de la Chambre des représentants, John Boehner.
Plaidoyer pour l’« abolition totale de la peine de mort »
Les élus du Grand Old Party se sont montrés plus enthousiastes lorsque le pape a évoqué « notre responsabilité de protéger et de défendre la vie humaine à chaque étape de son développement ». Mais alors qu’ils s’attendaient sans doute à une critique de l’avortement, le pape a enchaîné en plaidant pour « l’abolition totale de la peine de mort », apportant son soutien aux évêques américains mobilisés sur ce sujet. « Une juste et nécessaire punition ne doit jamais exclure la dimension de l’espérance et l’objectif de la réhabilitation », a assuré François.
Artisan de la normalisation critiquée par les républicains entre les Etats-Unis et Cuba, où il était en visite avant d’atterrir à Washington, le pape y a fait allusion en saluant « les efforts réalisés […] pour aider à surmonter les différences historiques liées à de déplorables épisodes du passé ». « C’est mon devoir de bâtir des ponts et d’aider tous les hommes et toutes les femmes à faire de même », a-t-il dit. « Lorsque des pays qui avaient été en désaccord reprennent le chemin du dialogue, un dialogue qui aurait pu avoir été interrompu pour des raisons les plus légitimes, de nouvelles opportunités s’offrent pour tous », a-t-il ajouté dans une évocation qui peut aussi concerner l’accord conclu avec l’Iran sur son programme nucléaire, et que le Vatican a saluée.
Cette défense feutrée de son rôle de facilitateur a conduit François à une définition très politique du rôle d’un dirigeant. Le pape a assuré qu’« un bon dirigeant politique est quelqu’un qui, ayant à l’esprit les intérêts de tous, saisit le moment dans un esprit d’ouverture et de pragmatisme ». Il n’est pas sûr que cet appel-là résonne longtemps dans un Congrès paralysé au contraire par la polarisation politique.
Les thèmes développés jeudi avaient déjà été rodés la veille à la Maison Blanche, où M. Obama, qui partage les préoccupations du pape sur la pauvreté, l’environnement et l’immigration, leur avait fait bon accueil. Les deux hommes avaient défendu également la liberté religieuse, sans préciser ce qu’ils entendaient exactement par ce principe. Souvent compris comme une manière pour l’Eglise catholique de défendre les minorités chrétiennes à travers le monde, les conservateurs américains y voient davantage la possibilité pour tout citoyen de mettre en avant ses convictions religieuses pour refuser, par exemple, de servir un couple homosexuel ou de délivrer des moyens contraceptifs.
Eviter le « langage belliqueux »
A plusieurs reprises au cours de cette première journée, le pape avait évoqué les scandales de pédophilie, dont les révélations à répétition ont déstabilisé l’Eglise catholique aux Etats-Unis ces vingt dernières années. Alors que plusieurs évêques ont été démis de leurs fonctions pour avoir couvert de tels faits, François avait félicité l’épiscopat pour ses efforts « afin que de tels crimes ne se répètent plus jamais ». Les associations de victimes, qui demandent davantage de sévérité, ont rappelé que le Vatican et la hiérarchie catholique n’avaient agi que sous la menace de poursuites en justice.
Le pape s’était également exprimé devant les évêques américains, les incitant à développer « une culture du dialogue et de la rencontre » avec toutes les composantes de la société et à faire vivre une Eglise plus inclusive. « Jésus ne nous donne pas une liste sélective de celui qui est digne ou pas de recevoir son message », avait-il dit. Alors que certains se montrent plus conservateurs que lui sur les questions de société, il les avait exhortés à éviter « le langage aigre et belliqueux de la division ». Dans le même esprit, jeudi soir à New York, la nouvelle étape de son voyage aux Etats-Unis, il a rendu un hommage vibrant à des religieuses critiquées sous le pontificat précédent pour leurs positions jugées trop libérales sur l’ordination des femmes, l’homosexualité et l’avortement. Gilles Paris (Washington, correspondant) »
Ref. Le discours engagé du pape face aux élus américains
JPSC
« Dans un pays blessé par l’immoralité croissante et les divisions politiques, qu’attendait-on sur place du Pape François à la veille de son séjour du 22 au 27 septembre ? Trois étapes : Washington (premier discours d’un pontife face au Congrès), New York (assemblée générale de l’Onu), Philadelphie (rencontre mondiale des familles).
« Il a 21 ans. Demain, si rien n'est fait, il sera décapité, puis son corps sera exposé crucifié, «jusqu'au pourrissement». Par les barbares de Daech? Non. Par un de nos alliés. Un de nos partenaires commerciaux les plus importants. Un de nos «pays amis» que nos présidents successifs visitent souvent. Par l'Arabie saoudite.
La rencontre d’une icône médiatique avec un pays où les catholiques sont aussi de plus en plus formatés par les contre-valeurs de la mentalité occidentale « post-moderne ». Lu sur le site « chiesa », sous la signature de Sandro Magister :
« On a dit que chaque Concile engendre un profil spécifique de sainteté. C’est ainsi que le Concile de Trente, en redéfinissant le sacerdoce catholique, a engendré une lignée de saints prêtres et évêques. Je pense en particulier à ces saints pasteurs qui ont éclairé le grand XVIIe siècle français et qui ont fondé l’École Française de spiritualité : saint François de Sales, Monsieur Vincent, saint Jean Eudes, saint Louis-Marie Grignon de Monfort... Ils ont en commun d’avoir été attentifs aux grandes pauvretés de leur temps, à la fois matérielles et spirituelles, parfois en fondant des oeuvres de charité gigantesques – les filles de la charité de saint Vincent de Paul, pour endiguer le paupérisme de son siècle, la congrégation de Notre-Dame de charité de saint Jean Eudes pour recueillir les prostituées repenties – et des sociétés de prêtres pour la formation du clergé, qui laissait tant à désirer, et pour l’évangélisation des campagnes, par la mise en oeuvre de missions populaires – comme la congrégation de la mission, plus connue sous le nom de lazaristes, ou la congrégation de Jésus et de Marie, appelée plus communément les eudistes. Qui ne verrait d’ailleurs l’actualité pour aujourd’hui de ces grandes intuitions du XVIIe s., en particulier pour ce qui est de la formation du clergé et des missions populaires, pour nous aider à relever le défi de la nouvelle évangélisation propre à notre époque ?
Le 8 décembre prochain débutera pour l’Église l’année de la Miséricorde. Sans attendre cette date, il m’a paru important de souligner l’importance de celle-ci pour la vie des croyants. De plus, ayant besoin d’un angle d’approche très précis pour ce court article, j’ai choisi d’aborder le sujet de la miséricorde dans son rapport avec la justice.