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Livres - Publications - Page 113

  • La Lumière et les Lumières : compatibles ?

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    "C’est toute l’ambiguïté d’un mouvement intellectuel actuellement à l’œuvre et qui entend moins faire vaciller le navire que le remettre à flot. Tous sont habités intérieurement par la modernité, laquelle n’est pas simplement un moment historique, mais porte en elle une vision de Dieu, de l’homme et de la vie en société, contraire à la pensée chrétienne". Un éditorial de Philippe Maxence dans « L’Homme Nouveau » du 11 février 2017 :

    « L’émergence d’un courant

    Après des décennies de progressisme échevelé, le conservatisme est de retour. Certes, le mot a toujours mauvaise presse, mais il connaît aujourd’hui un regain de faveur, au moins au plan intellectuel. Des preuves ? Le philosophe conservateur Roger Scruton a été enfin traduit en France (De l’urgence d’être conservateur, L’Artilleur) pendant que deux autres ouvrages récents entendent présenter la pensée conservatrice (Vous avez dit conservateur ? de Lætitia Strauch-Bonart, Le Cerf ; Qu’est-ce que le conservatisme ? de Jean-Philippe Vincent, Les Belles Lettres).

    En 2002, l’essayiste de gauche Daniel Lindenberg avait pourtant sonné le tocsin : la réaction pointait à nouveau le nez. Il dénonçait donc la montée des nouveaux réactionnaires, censés incarner un retour au passé et aux idées nauséabondes

    Sus à la pensée progressiste !

    Depuis la parution du Rappel à l’ordre de Daniel Lindenberg (réédité en 2016), loin de refluer, le mouvement « néo-réactionnaire » n’a fait en quelque sorte qu’augmen­ter. Aux intellectuels alors visés, il convient d’ajouter aujourd’hui Éric Zemmour, Patrick Buisson, Élisabeth Lévy et ses amis de Causeur, Bérénice Levet, Natacha Polony, François-Xavier Bellamy ou Jean-Claude Michéa qui s’est fait une spécialité en tant qu’anarchiste anti-libéral de pilonner le progressisme de la gauche bobo et de la Fondation Terra Nova. De son côté, l’athée Michel Onfray joue une partition assez similaire.

    Peu à peu, le terme conservateur s’est substitué à celui de néo-­réactionnaire. Les intellectuels cités bénéficient, il est vrai, d’un public qui se reconnaît globalement dans leurs propos et leurs analyses. Les (gros) livres d’Éric Zemmour ne sont peut-être pas toujours lus intégralement, mais ils sont vendus en très grand nombre. Ses conférences attirent une foule suffisamment importante pour que l’on ait pu penser à lui comme candidat aux… élections présidentielles. Le désastre de l’école et de la transmission, contre lequel bataille Alain Finkielkraut, a certainement élargi l’audience du philosophe, bien au-delà de son (intéressante et souvent passionnante) émission Répliques, diffusée sur France-Culture. Dans ce sillon, une jeune garde monte aussi à l’assaut des bastions de la pensée progressiste et des citadelles de l’enfermement moral.

    Une ambiguïté de fond 

    Avec courage et talent, ces intellectuels « conservateurs » sont parvenus en raison de leur aura médiatique à enfoncer des coins dans le système intellectuel dominant en France. Ils s’expriment dans les « Tribunes » du Figaro, sont reçus à la télévision ou à la radio, agoras modernes dans lesquelles ils font entendre une voix dissonante. Ce qui, dans le même temps, n’empêche nullement le système dans un réflexe d’autodéfense de recourir à leur encontre à la dénonciation, l’amalgame ou la menace plutôt qu’au véritable débat d’idées. Finkielkraut ou Onfray se sont vus ainsi dénoncés comme des suppôts de Marine Le Pen. Zemmour s’est fait virer d’une chaîne de télévision et connaît l’ambiance des tribunaux. Pourtant, loin de diminuer leur succès, ces avanies renforcent l’adhésion de leur public, lequel ne cesse d’augmenter.

    Parmi ce public, les catholiques occupent une place importante. Peu importe qu’Éric Zemmour soit au fond un jacobin pour lequel les religions doivent se cantonner dans l’espace privé. Peu importe qu’Alain Finkielkraut ne voie de solution que dans la laïcité républicaine ou que Natacha Polony n’ait pour horizon que le monde des Lumières sans parler de Michel Onfray qui reste plus que jamais arc-bouté sur son athéisme épicurien. C’est toute l’ambiguïté de ce mouvement intellectuel actuellement à l’œuvre et qui entend moins faire vaciller le navire que le remettre à flot. Tous sont habités intérieurement par la modernité, laquelle n’est pas simplement un moment historique, mais porte en elle une vision de Dieu, de l’homme et de la vie en société, contraire à la pensée chrétienne. 

    Désespérer Billancourt ?

    Il n’est pas bien élevé de dire son malaise devant cette ambiguïté. Et de fait, un refrain semble constamment repris. Même si nous ne partageons pas entièrement leurs points de vue, ces intellectuels feraient trop de bien pour que l’on fasse apparaître clairement nos désaccords. C’est une version de droite du célèbre et sartrien « Il ne faut pas désespérer Billancourt ». Certes, dans une guerre, il faut savoir trouver des alliés, mais pas au point de se faire coloniser intérieurement et intellectuellement par eux. La réaction et le conservatisme sont aujourd’hui insuffisants pour remédier aux maux de notre société. Utiles comme alliés, ils n’en visent pas moins à redonner à la modernité et aux Lumières une visibilité qu’ils estiment trahies parce que d’autres sont allés trop loin. C’est une question de degré ou de curseur sur une échelle qui pourtant reste la même. Or, la bonne nouvelle, c’est que la modernité s’essouffle. Elle s’est emballée et a franchi des frontières que ses épigones n’imaginaient pas la plupart du temps. Faut-il donc se limiter à rêver au retour des Hussards de la République, au respect d’une laïcité originellement meurtrière, au réveil des Lumières dans une République restaurée ? Soyons sérieux ! Si nous nous félicitons des fissures provoquées dans le mur du mensonge et dans le retour d’un certain bon sens, il faut pousser plus loin. Porter la cognée sur les racines même de la destruction moderne et poser les fondements d’une restauration de ce que sont véritablement l’homme et la société. Oui, encore un effort, camarades ! »

    Ref. Notre quinzaine : Encore un effort, camarades !

    JPSC

  • La publication d'un livre consacré au chapitre 8 d'"Amoris laetitia"

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    De zenit.org (Anita Bourdin) :

    Le card. Coccopalmerio, canoniste, consacre un livre au ch. 8 d’ «Amoris laetitia»

    Ou comment «accompagner, discerner et intégrer la fragilité»

    « Le huitième chapitre de l’exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia » : c’est le titre du livre du  cardinal italien, canoniste, Francesco Coccopalmerio, président du Conseil pontifical pour les textes législatifs, qui a été présenté à Rome, à Radio Vatican, ce mardi 14 février 2017, par Mgr Maurizio Gronchi, professeur ordinaire de christologie à l’Université pontificale Urbanienne et consulteur de la Congrégation pour la doctrine de la foi, par le journaliste italien, « vaticaniste », Orazio La Rocca, et par le p. Giuseppe Costa, directeur de la Librairie éditrice vaticane, éditeur de l’ouvrage. Une invitation à remettre « le Christ au centre ».

    «Accompagner, discerner et intégrer la fragilité»

    Le huitième chapitre d’Amoris Laetitia – intitulé « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité »est consacré aux « unions irrégulières », est celui qui a suscité le plus d’intérêt et d’interrogations sur l’exhortation apostolique post-synodale : le pape François y invite à « une pastorale plus attentive aux personnes individuelles, caractérisée par l’accompagnement, le discernement et l’intégration de la fragilité » sans pour autant entamer la doctrine traditionnelle de l’Église sur le sacrement du mariage, validement célébré.

    Le journaliste italien Orazio La Rocca s’avoue convaincu par le livre du canoniste: « Les doutes soulevés avaient suscité en moi quelques interrogations. Parmi celles-ci, l’idée que la doctrine était blessée. En fait, non : avec ce texte, le cardinal (Coccopalmerio) explique sous une forme didactique très pénétrante que la doctrine n’est pas touchée mais en même temps, les personnes blessées sont filles de l’Église qui s’ouvre comme une mère ».

    La question de la conversion

    Pour sa part, Mgr Gronchi montre, au micro de Radio Vatican, comment le card. Coccopalmiero aide à comprendre ce que le pape a écrit dans Amoris laetitia et qu’il existe des conditions sérieuses pour l’éventuel accès aux sacrements de baptisés mariés à l’Eglise puis divorcés et remariés : « Les choses « en plus » que dit le cardinal se trouvent page 27 et page 29 du livret. Ce sont exactement : « … l’Église pourrait donc admettre à la Pénitence et à l’Eucharistie les fidèles qui se trouvent dans une union non légitime, mais qui remplissent deux conditions essentielles : ils désirent changer de situation mais ils ne peuvent pas réaliser leur désir ». Et page 29 : « … cette intention est exactement l’élément théologique qui permet l’absolution et l’accès à l’Eucharistie, toujours, nous le répétons, en présence de l’impossibilité de changer immédiatement la situation de péché ». Ce sont les expressions avec lesquelles le cardinal fait un pas d’interprétation dans la ligne de l’exhortation. »

    Il précise : « Ici, changer est compris comme le désir de conversion. Il ne précise pas si cela signifie revenir à la situation précédente, en commettant peut-être une nouvelle faute, cela, le cardinal le dit ; il ne précise pas si cela veut dire chercher à s’abstenir des relations conjugales, comme indiqué dans Familiaris Consortio au numéro 84. Il est question de conversion. Et par conséquent, l’intention d’être plus conformes au Christ rend légitime, parce que c’est l’intention, l’accès à la grâce sanctifiante des sacrements. Cela ne contredit pas la doctrine du repentir, ni non plus la doctrine de la grâce sanctifiante. Ce sont les expressions du cardinal. »

    Hôpital de campagne et sécurité de doctrine

    Pour lui, « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » pourrait constituer un modèle culturel pour la société « … et aussi pour la politique. Que signifie, pour une communauté civile, sociale, politique, prendre en charge les situations de plus grande fragilité ? Je pense aux immigrés, aux pauvres, aux personnes handicapées, aux personnes socialement exclues… c’est le devoir de toute société, de la politique, de l’Église. Pensons à ce que cela signifie pour l’économie, pour les relations internationales, etc. »

    Il affirme aussi que l’Église comme « hôpital de campagne » mais qui n’est pas une alternative à la sécurité de la doctrine traditionnelle… « parce que l’Église a toujours été le refuge des pécheurs : « Je ne suis pas venu pour juger mais pour donner la vie ». Il faut comprendre si Jésus est considéré absolument comme le centre, et si sa mort et sa résurrection sont le centre de la doctrine autour desquelles les aspects doctrinaux s’organisent selon une hiérarchie de vérité, ou si nous mettons au centre un aspect quelconque qui, au contraire, est à la périphérie. Le pape met très souvent en évidence l’importance des périphéries quand il s’agit de situations de marginalité. Par conséquent, il invite à un décentrement. Mais il est intéressant que parfois, ce discours vaut aussi en sens inverse : il y a certaines périphéries doctrinales qui se font mettre au centre, en oubliant que le centre est Jésus. »

    Avec uen traduction de Constance Roques

  • Quand le monde occidental ne sait plus ce qu'il est

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    Lu sur Figaro Vox (lefigaro.fr) :

    Philippe Bénéton : «Le monde occidental ne sait plus qui il est»

    FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - A l'occasion de la sortie de son essai Le dérèglement moral de l'Occident, Philippe Bénéton a accordé un entretien fleuve au FigaroVox. Le philosophe en appelle à trouver un équilibre libéral-conservateur entre liberté et enracinement.


    Philosophe, agrégé et docteur en Science politique, Philippe Bénéton est professeur émérite à l'Université de Rennes-1 et à l'Institut Catholique d'Etudes Supérieures. Auteur de plusieurs classiques sur les régimes politiques, les classes sociales et le conservatisme, il vient de publier Le dérèglement moral de l'Occident (éd. Le Cerf, 2017).


    FIGAROVOX. - Comment expliquez-vous la crise des démocraties libérales que nous traversons? Est-elle liée à ce que vous appelez «le dérèglement moral de l'Occident»?

    Philippe BENETON. - Oui, il me semble. La raison première est celle-ci: la pensée dominante ne reconnaît au fond que deux catégories légitimes d'êtres humains, l'humanité et l'individu. La société politique ne saurait donc s'appuyer sur ce qui est commun à tous ses membres: des mœurs, une histoire, des références. Au contraire la diversité est une richesse comme ne cessent ou ne cessaient de le dire le président Obama, le Premier ministre Trudeau et tant d'autres. Mais plus la diversité s'entend, plus se réduit ce que les hommes ont en commun. Comment alors faire en sorte que des hommes, qui à la limite ne partagent rien sinon une égale liberté, s'accordent pour vivre en paix et coopérer les uns avec les autres? La réponse élaborée par les Modernes et radicalisée à l'époque contemporaine est celle-ci: puisqu'il faut renoncer à tout accord sur les règles de vie, il faut tabler sur des règles du jeu. La démocratie libérale prend alors un nouveau sens, elle devient une simple mécanique, elle se définit uniquement par des procédures.

    Le multiculturalisme suppose que tout le monde peut s'entendre avec tout le monde, l'accord sur les règles du jeu suffit. Tout le monde vraiment? Voyez les Serbes et les Croates, les Israéliens et les Palestiniens, les Flamands et les Wallons, les Grecs et les Turcs, les hindous et les musulmans etc. Prenez par ailleurs l'exemple donné par l'Union européenne telle qu'elle est pensée à Bruxelles depuis les années 2000: ce qui unit les Européens, ce sont seulement les règles qu'impliquent les droits de l'homme et le principe sacro-saint de la «concurrence libre et non faussée». Pour le reste, qui fut une civilisation commune, la table rase s'impose. L'Europe a vocation à devenir l'Europe des individus, elle se doit d'être ouverte à tous les vents. Mais les peuples font de la résistance.

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  • Justo Ukon Takayama (1552-1615), seigneur féodal japonais, béatifié le 7 février dernier

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    De Philippe Maxence sur le site de l'Homme Nouveau :

    Justo Ukon : « le samouraï du Christ »

    Propos recueillis par Philippe Maxence le

    Justo Ukon : « le samouraï du Christ »

    La Croix et l’épée du Japonais Otohiko Kaga, proche de Shûsaki Endô, a pour héros Justo Ukon Takayama (1552-1615), seigneur féodal japonais, qui a été béatifié ce 7 février. Entretien avec Roger Mennesson, traducteur de ce roman d’Otohiko Kaga.

    Qui est Justo Ukon Takayama, le héros du roman d’Otohiko Kaga, La Croix et l’épéeque vous avez traduit ?

    Roger Menesson : Justo Ukon Takayama est un daimyô, un seigneur féodal japonais, né en 1552, à Haibara.

    Le père de Justo Ukon, Dario Hida no Kami Takayama, bouddhiste à l’origine, avait rencontré des missionnaires jésuites portugais et espagnols venus à la suite de François-Xavier évangéliser le Japon. Il invita le frère japonais non-voyant Lorenzo à venir l’entretenir lui et les siens de la foi chrétienne. C’est ce dernier qui le baptisa avec sa famille, et, comme c’était le cas à l’époque, un certain nombre de feudataires. Son fils Ukon reçut comme nom de baptême Justo, le juste.

    Il convient de rappeler que l’histoire de cette famille se déroule à la fin de la période dite des Royaumes combattants (1477-1568), où le pouvoir central devenu inexistant, les princes féodaux se faisaient la guerre pour agrandir leur fief. Le prince Nobunaga Oda (1534-1582) entreprit la réunification du pays dès 1560.

    Pour se consacrer entièrement à la mission, Dario, le père de Ukon confia le fief de Takatsuki en 1573 à son fils Justo âgé seulement de 21 ans. Marié très jeune à Justa, une chrétienne, il lui resta fidèle. Il vécut la vie d’un seigneur féodal et prenait soin des gens de son fief en vivant les œuvres concrètes de miséricorde jusqu’à enterrer aussi les morts avec son père. À son contact nombre de samouraïs et d’intellectuels se convertirent. Justo Ukon suivit Nobunaga en participant comme samouraï à toutes les batailles de cette époque.

    Il fut confronté à trois grandes épreuves durant sa vie qui lui ont fait approfondir sa foi. Durant la première en 1578, Justo Ukon se trouva devoir choisir entre Murashige Araki son suzerain qui avait pris en otage son fils aîné et sa sœur et lui demandait de résister à Nobunaga en défendant le château de Takatsuki que ce dernier lui demandait de lui rendre.

    Laisser entrer Nobunaga c’était trahir Murashige et donc risquer la vie des deux otages, mais garder le château c’était la mort assurée de nombreux chrétiens, que Nobunaga avait promis de massacrer. À l’époque, un chef réduit à toute extrémité, n’avait que deux moyens de sauver son honneur : faire seppuku en s’ouvrant le ventre, ou bien quitter le monde et devenir bonze. Justo Ukon, sur les conseils du Père Organtino, choisit de se livrer à Nobunaga.

    En 1587, la seconde épreuve eut lieu lorsque Hideyoshi Toyotomi (1537-1598) publia un édit bannissant les missionnaires car l’emprise que le christianisme commençait à avoir dans le pays l’inquiétait fortement. Il envoya un émissaire à Justo Ukon en lui demandant d’abjurer la foi. Il ne renia pas sa foi, mais abandonna honneur, château et terres pour partir sur les routes avec ce qu’il portait sur le dos. Sa femme et ses enfants le suivirent dans ce qui est devenu une vie errante, parsemée d’épreuves. Il fut accueilli par Toshiie Maeda (1539-1599) le daimyô suzerain du pays de Kaga (Kanazawa). Durant quelque vingt années, il vécut sous la protection du clan Maeda. Mais quand en 1614, Iesayu Tokugawa interdit le christianisme, Justo Ukon vécut la troisième épreuve en étant banni aux Philippines le 8 novembre 1614 en compagnie de 300 missionnaires et chrétiens japonais. Parvenu à Manille pour Noël il mourut le 5 février 1615.

    Justo Ukon était par ailleurs un homme de culture, maître de thé, pratiquant la calligraphie, très attaché à la culture de son pays en cherchant à la valoriser. Parlant les langues étrangères (portugais et latin), il avait également travaillé à la construction de châteaux grâce à ses connaissances en architecture.

    Le parcours de Justo dans l’évolution de sa foi l’a conduit à renoncer à tout pour l’amour de Dieu et c’est cela que les évêques japonais ont retenu comme exemplaire pour les croyants du Japon en demandant sa béatification comme martyr.

    Justement, Justo Ukon a été béatifié comme martyr alors qu’il est mort de maladie et en exil. Comment expliquer ce fait ?

    En partant en exil, Justo Ukon a choisi délibérément de tout laisser. Il s’est dépouillé de son honneur, de ses titres, de ses terres, de tous ses biens pour le Christ. En fait, c’est l’Église japonaise qui a demandé qu’il soit déclaré martyr. Selon Mgr Kikuchi, évêque de Niigata, « Ukon n’a pas été mis à mort comme ont pu l’être les autres martyrs du Japon. Nombreux sont les catholiques japonais aujourd’hui à penser que le martyre n’a rien à voir avec leur vie dans le Japon contemporain car ils ne risquent pas d’être mis à mort au nom de leur foi en Christ. Mais ce que nous dit la vie d’Ukon, c’est que la mort par haine de la foi “in odium fidei” n’est pas la seule voie vers le martyre : une vie de martyr, c’est aussi une vie par laquelle on donne tout à Dieu, on renonce à tout pour l’amour de Dieu. »

    Ce roman historique qu’est La Croix et l’épée, constitue-t-il une exception dans l’œuvre d’Otohiko Kaga, romancier catholique japonais ?

    Plus qu’une exception dans son œuvre, les ouvrages littéraires de Otohiko Kaga de ces dernières années sont plutôt dans le prolongement de sa conversion au christianisme. Il dit lui-même que c’est grâce à son ami Shûsaku Endô (cf. p. 15), autre romancier catholique, qu’il s’est fait baptiser avec son épouse en 1987, à l’âge de 58 ans. Kaga avait déjà écrit la plus grande partie d’une œuvre littéraire très engagée, notamment avec La condamnation, également traduite en français. Comme médecin psychiatre, il a étudié auprès des condamnés à mort l’influence qu’avait sur eux cette condamnation. En devenant catholique (moins de 1 % des 127 millions de Japonais) il a choisi la situation de la minorité.

    Quelles sont selon vous les ressemblances et les dissemblances entre Kaga et Endô ?

    Shûsaku Endô a écrit une œuvre où il s’interroge pour savoir si le Japon peut faire une place au christianisme. Ainsi dans Silence, il cherche jusqu’où la foi exige que s’engage le croyant, en se demandant si le christianisme ne s’ajuste pas au Japon comme une veste mal taillée et si les « lapsi », les chrétiens qui ont foulé une image pieuse et ainsi renié leur foi, peuvent être sauvés, etc.

    Otohiko Kaga souhaite offrir, à travers la vie de Justo Ukon, un exemple pour les gens d’aujourd’hui en retraçant la vie de ce personnage à son époque et dans son milieu. Il n’a pas vis-à-vis de la foi chrétienne la même approche qu’Endô. Kaga considère la foi chrétienne telle qu’elle est, telle que l’a vécue Justo Ukon, telle que les catholiques japonais essayent de la vivre aujourd’hui et telle que le Japon ferait bien, selon lui, de la découvrir. Malgré ces différences, la filiation existe réellement entre les deux écrivains.

  • Le nouveau juge de la Cour Suprême des Etats-Unis : un prophète clairvoyant

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    51ZIsu9LJcL._UY250_.jpgNeil Gorsuch, un prophète ?

    Neil Gorsuch est le nouveau juge de la Cour Suprême des Etats-Unis désigné par D. Trump. Il a étudié avec un très bon professeur d’Oxford, John Finnis. En 2009, il publiait : 'The Future of Assisted Suicide and Euthanasia' (New Forum Books).

    'L'avenir du suicide assisté et de l'euthanasie' fournit le panorama le plus complet des questions éthiques et juridiques soulevées par le suicide assisté et l'euthanasie - ainsi que l'argument le plus complet contre leur légalisation - jamais publié.

    En termes clairs et accessibles au lecteur général, Neil Gorsuch évalue minutieusement les forces et les faiblesses des principaux arguments éthiques contemporains pour le suicide assisté et l'euthanasie. Il explore les preuves et les cas des Pays-Bas et de l'Oregon, où les pratiques ont été légalisées. Il analyse les arguments libéraux et autonomistes en faveur de la légalisation ainsi que l'impact des principales décisions de la Cour suprême des États-Unis sur le débat. Et il examine l'histoire et l'évolution des lois et des attitudes concernant le suicide assisté et l'euthanasie dans la société américaine.

    Après avoir évalué les forces et les faiblesses des arguments en faveur du suicide assisté et de l'euthanasie, Gorsuch construit un argument moral et juridique nuancé, nouveau et puissant contre la légalisation, basé sur un principe qui, étonnamment, a été largement négligé dans le débat - Que la vie humaine est intrinsèquement précieuse et que le meurtre intentionnel est toujours mauvais. Parallèlement, l'argument développé par Gorsuch laisse une large latitude pour l'autonomie individuelle du patient et le refus du traitement médical non désiré et des soins de survie, permettant l'intervention seulement dans les cas où l'intention de tuer est présente.

    Ceux des deux côtés de la question du suicide assisté trouveront l'analyse de Gorsuch comme une contribution réfléchie et stimulante au débat sur l'un des sujets de politique publique les plus controversés de nos jours.

  • Giorgio La Pira : un maître à penser dans la culture catholique européenne

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    Giorgio La Pira

    Un mystique en politique (1904-1977) (Desclée de Brouwer)

    AGNÈS BROT

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    Date de parution : 01.02.2017; nombre de pages : 228

    Présentation :

    Qui, en France, se souvient de Giorgio La Pira ? Et pourtant, cet acteur important de la vie politique italienne du siècle dernier reste un maître à penser dans la culture catholique européenne.

    Très investi auprès des pauvres, maire de Florence pendant de nombreuses années, l'admirateur de Dante et de Savonarole demeure un exemple de chrétien entré en politique, cohérent avec sa foi. Sa vie publique, témoignage de probité, de générosité et d'oubli de soi, a été celle d'un frère universel cherchant, envers et contre tout, le bien commun.

    Homme d'une foi profonde, nourri par une vie spirituelle intense, voire contemplative, le « saint maire » aura été un infatigable artisan de paix, réfléchissant et oeuvrant dans les débats de la politique internationale, du Moyen-Orient à l'Europe, des processus de décolonisation au conflit vietnamien. Contre vents et marées, sa vie fut une vivante illustration de sa devise : « Espérer contre toute espérance ». Son procès en béatification a été ouvert le 9 janvier 1986.

    Agnès Brot dresse un portrait original de ce témoin pour notre temps, mettant la pensée et l'action du tertiaire dominicain en résonance avec l'enseignement et le témoignage du pape François. Une autre façon d'affirmer, à la suite de Giorgio La Pira, qu'entrer en politique peut aussi être un chemin de sainteté.

    Diplômée de l'Institut d'études politiques de Toulouse, Agnès Brot a dirigé le Centre d'études Edmond Michelet. Elle est l'auteur, avec Guillemette de La Borie, de Héroïnes de Dieu. L'épopée des missionnaires au XIXe siècle(Artège Poche, 2016) et de À la recherche d'Edmond Michelet (Le Passeur, 2014).

  • Film « Silence » de Scorcese : questions et ambiguïtés

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    "Silence", la dernière œuvre cinématographique de Martin Scorsese, réalisateur du film blasphématoire "La dernière tentation du Christ", a été projeté en avant-première au Vatican au début du mois de décembre 2016, en présence de quelques 300 jésuites du monde entier et de quelques autres invités du pape. Le pape François, qui a eu une entrevue très cordiale avec le réalisateur et sa famille, et le supérieur des Jésuites, retenus l’un et l’autre par d’autres obligations, n’ont toutefois  pas assisté à la projection. Dans le n° 289 - février du mensuel « La Nef », Christophe Geffroy analyse le film qui sort en France le 8 février prochain :

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    "Avec Silence, le cinéaste américain Martin Scorsese nous offre un film à la fois grandiose et terriblement ambigu sur le martyre et l’apostasie.

    Point de vue 

    Le film que Martin Scorsese a tiré du roman de Shûsaku Endô, Silence (1), paru en 1966, est à la fois grandiose, exceptionnel et en même temps oppressant et éprouvant avec un message plus qu’ambigu ! Il faut reconnaître au metteur en scène d’avoir été très fidèle au roman et d’avoir admirablement rendu l’atmosphère accablante dans laquelle vivaient les catholiques japonais persécutés au XVIIe siècle. La caméra est superbe et le jeu des acteurs parfait. L’histoire, inspirée de faits réels, est celle des deux derniers jésuites portugais à être envoyés au Japon après les grandes et féroces persécutions perpétrées dès la fin du XVIe siècle et qui prirent une ampleur encore plus cruelle lorsque le catholicisme fut officiellement interdit en 1614. Deux jeunes jésuites portugais, le Père Sebastiao Rodrigues (inspiré de la figure historique de Giuseppe Chiara et joué par l’excellent Andrew Garfield qui crevait déjà l’écran dans Tu ne tueras point de Mel Gibson) et le Père Francisco Garupe (Adam Driver) sont envoyés au Japon où tous les prêtres ont été massacrés. Leur but, outre de conforter les chrétiens japonais laissés sans pasteur, est d’enquêter pour connaître la vérité sur l’apostasie du supérieur jésuite sur place, le Père Cristovao Ferreira (Liam Neeson), qui était leur mentor et dont on dit qu’il vit désormais, sous le nom de Sawano Chuan, avec une épouse et qu’il écrirait même contre la foi catholique.

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  • Il est possible de contester les fondements de Mai 68

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    Mathieu Bock-Côté :
    Il est possible de contester les fondements de Mai 68

    Propos recueillis par Philippe Maxence le dans Culture sur le site de l'Homme Nouveau

    Auteur d’un essai percutant, Le multiculturalisme comme religion politique, Mathieu Bock-Côté décrypte avec bonheur le stade contemporain d’un progressisme à bout de souffle. Nous l’avons rencontré en décembre après qu’il ait fait un tabac à la Fête du livre de Renaissance Catholique. Québécois déterminé, souverainiste impénitent, Mathieu Bock-Côté est un sociologue hors norme : il ne récite pas une leçon, mais vit, au rythme de l’accent délicieux de nos cousins d’Amérique, chaque parole qu’il prononce. Ne le cherchez pas trop loin : il est sur la barricade pour renverser les derniers murs de Berlin de la pensée unique.

    Comme sociologue, vous êtes un observateur de ce qui se passe en France où vous êtes d’ailleurs un acteur du débat intellectuel par vos chroniques. Quel regard portez-vous sur la France actuelle ?

    Matthieu Bock-Côté : Nous assistons actuellement à une mutation de l’espace public en France.

    La révolution 68 est contestée dans ses fondements mêmes et les gardiens de cette révolution sont saisis de frayeur. Ils hurlent, ils insultent, ils crachent : on l’a vu notamment entre le premier et le deuxième tour de la primaire de la droite, où la gauche médiatique n’avait pas de mots assez durs pour François Fillon. Ce qu’on lui reprochait, manifestement, c’était de ne pas représenter l’ethos soixante-huitard, de témoigner de la permanence d’une certaine France historique qu’on croyait pourtant vaincue.

    Mais restons dans le domaine des idées : la véritable nouveauté, c’est qu’il est possible aujourd’hui de contester les fondements de la révolution 68 et non pas uniquement ses dérives. On se délivre ainsi du dispositif idéologique progressiste – j’entends par là que le progressisme n’accepte généralement d’être critiqué qu’à partir de ses propres principes. Il est permis de lui reprocher d’aller trop loin ou d’aller trop vite, mais on ne saurait lui reprocher dans la mauvaise direction. Ceux qui veulent faire autrement sont diabolisés. La droite avait accepté l’interdiction au point de consentir à évoluer dans le périmètre de respectabilité tracé par le progressisme.

    C’est peut-être ce qui éclate en ce moment. On ne se contente plus de dénoncer les effets pervers et les conséquences désastreuses de Mai 68. On remonte directement aux causes : on le critique dans ses fondements anthropologiques. Quelle conception de l’homme s’est imposée dans la dynamique des radical sixties ? On commence à comprendre que l’homme ne court pas seulement derrière l’accroissement des biens matériels ou des prestations sociales.

    On redécouvre la figure de l’homme comme héritier et les vertus de la continuité historique. C’est ce qui se trouve derrière la fameuse question identitaire, qui fait resurgir, si vous me passez l’expression, l’impensé de la modernité : le monde ne saurait être intégralement contractualisé, rationalisé, judiciarisé. Mais ne nous enthousiasmons pas trop vite : le progressisme est fragilisé mais il demeure dominant.

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  • Actrices ou spectatrices, les femmes oubliées de 1830

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    Actrices ou spectatrices, les femmes oubliées de 1830

       "Pourquoi pas ?" Ce fut notre première réaction quand Soraya Belghazi nous fit part de l'essai qu'elle a consacré aux femmes dans la Révolution de 1830. En même temps, nous ne pouvions ...
     
  • Une histoire secrète de la Révolution russe

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    Lu sur aleteia.org (Philippe Oswald) :

    FIC125057HAB40.jpgDans la terrifiante intimité des bolcheviks

    C’est dans une plongée au cœur des ténèbres que nous entraîne cette enquête historique et quasi policière, à l’occasion du centenaire de la révolution russe.

    Qui a joué le rôle décisif dans la Révolution bolchevique de 1917 ? Incontestablement Léon Trotski, répond, documents à l’appui, Victor Loupan, spécialiste reconnu de l’histoire russe et du communisme. Son enquête, nourrie notamment par de nouvelles sources russes et anglo-saxonnes, rend la primauté  au fondateur et premier chef de l’Armée rouge dans la réalisation du coup d’État du 25 octobre. Elle met aussi en lumière l’aide financière, venue principalement d’Outre-Atlantique, dont Trotski profita pour la cause de la Révolution, sans oublier de se servir lui-même généreusement.

    Lénine avait bénéficié de la complicité des Allemands qui avaient cru faire un bon calcul en permettant à cet agitateur de traverser en pleine guerre le territoire du Reich pour se rendre de Suisse jusqu’en Russie (c’est le fameux épisode du « wagon plombé »). Trotski, lui, avait compte ouvert chez des banquiers de Wall Street, acharnés à faire tomber le tsarisme accusé d’être responsable de pogroms récurrents en Russie (Soljenitsyne a rendu justice au pouvoir impérial à ce sujet dans son essai historique : Deux siècles ensemble (Fayard) dans lequel il montre au contraire le rôle émancipateur des derniers tsars à l’égard des juifs, qui n’est pas sans évoquer celui de Louis XVI avant la Révolution française ).

    Pour autant, Trotski n’a nullement « renvoyé l’ascenseur » à ses financiers, jugeant lui aussi que  « Les capitalistes nous vendront la corde avec laquelle nous les pendrons », selon la célèbre citation attribuée à Lénine. Seule la Révolution mobilisait son énergie, et pour y parvenir, tous les moyens étaient bons ! Son absence totale de scrupule et d’empathie le met, si l’on peut dire, au-dessus de Lénine quant à la cruauté et à l’acharnement à éliminer tout adversaire réel ou supposé. S’il fait aujourd’hui figure de victime en raison de son exil puis de son assassinat au Mexique en 1940 sur ordre de Staline, Trotski ne fut pas moins impitoyable que le « petit père des peuples ». Mais face à « l’homme de fer » Staline, sa morgue et sa mégalomanie lui ôtèrent toute prudence et causèrent sa perte.

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  • Messe selon la forme ordinaire : pas de retour vers des traductions plus proches des textes latins de référence.

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    L’instruction « Liturgiam authenticam » publiée en 2001 par la SC du Culte divin pour mettre en œuvre une application  correcte de la constitution conciliaire de Vatican II sur la liturgie  est, selon le pape François, « la source de nombreux blocages ». Il vient de créer  une Commission pour la réviser . Sur le site du journal « La Croix »,  le correspondant à Rome de ce journal  commente :

    "Une commission a été constituée au sein de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements en vue de faire évoluer l’instruction Liturgiam authenticam sur la difficile question des traductions des textes liturgiques, a appris La Croix.

    Publiée en 2001 à la demande de Jean-Paul II, Liturgiam authenticam, « instruction pour la correcte application de la constitution sur la sainte liturgie du concile Vatican II », demandait notamment que le texte latin d’origine soit « traduit intégralement et très précisément, c’est-à-dire sans omission ni ajout, par rapport au contenu, ni en introduisant des paraphrases ou des gloses ».

    Traductions bloquées

    Dans les faits, cette exigence romaine entraîna de grandes difficultés pour la traduction de l’édition de 2002 du Missel romain. La Congrégation pour le culte divin, présidée par le cardinal Robert Sarah s’appuyait sur Liturgiam authenticam pour exiger des épiscopats des traductions littérales de l’original latin. Mais la traduction anglaise, entrée en vigueur en 2011, a été rejetée par la moitié des fidèles et 71 % des prêtres à cause de son style « trop formel » et « pompeux ».

    > LIRE AUSSI : Le nouveau Missel anglais demeure contesté

    Les traductions espagnoles et italiennes sont bloquées, de même que la traduction française, dont une première version avait déjà été rejetée par Rome en 2007.

    > LIRE AUSSI : Missel romain, bisbilles autour d’une traduction

    En Allemagne, les évêques, s’opposant « à un langage liturgique qui ne serait pas le langage du peuple », avaient refusé en 2013 le travail de la commission imposée par Benoît XVI et entamé leur propre travail. Celui-ci aurait récemment été rejeté par la Congrégation pour le culte divin.

    Ce serait justement après que les évêques de langue allemande se sont plaints auprès de lui que le pape François, qui a déjà profondément remanié la composition de la congrégation, a demandé à son secrétaire, Mgr Arthur Roche, de constituer une commission pour dépasser les blocages.

    « La rigidité dont la congrégation a fait jusqu’ici preuve vis-à-vis des traductions réalisées par les différents épiscopats a été la source de blocages et de paralysies, souligne un observateur. Il faut admettre des traductions qui tiennent compte à la fois de la fidélité aux sources et de la culture de ceux qui les reçoivent. »

    L’information de la constitution de cette commission avait déjà été annoncée le 11 janvier par le vaticaniste Sandro Magister (lire l’article en italien) […]"

    Ref. Une commission pour assouplir les règles de traduction des textes liturgiques

    Les préconisations actuelles de la SC du culte divin tendent à rendre les traductions vernaculaires en usage dans la forme ordinaire de la messe plus proches des textes latins de référence : elles s’inscrivent dans un certain esprit de « réforme de la réforme » conciliaire voulue par Benoît XVI. Mais le pape François estime que cette orientation est une erreur,  comme il le déclare sans ambages dans un livre que vient de publier le P. Antonio Spadaro, directeur de la revue jésuite « Civilta cattolica ». L'espoir s'éloigne donc de rapprocher les deux formes de la messe romaine voire d'en réunifier un jour le rite. 

    JPSC

  • Le christianisme survivra, n'en déplaise à Michel Onfray

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    De Vincent Morch en Tribune sur le site du Figaro (Vox) :

    «N'en déplaise à Michel Onfray, le christianisme survivra !»

    FIGAROVOX/TRIBUNE - Dans Décadence, Michel Onfray annonce la fin de la civilisation judéo-chrétienne. Pour Vincent Morch, le sort de celle-ci n'est pas joué, même s'il est vrai que le christianisme, fondé sur la faiblesse et la liberté de l'homme, est intrinsèquement fragile.


    Diplômé de philosophie, Vincent Morch a enseigné en Afrique avant de travailler dans l'édition.


    Le christianisme est une religion fondée sur la foi en la résurrection et en la divinité de Jésus de Nazareth. Cette foi née au seuil d'un sépulcre et bâtie sur des idées qui se situent aux limites de ce qu'il est possible d'admettre n'aura, pour de multiples raisons, jamais cessé d'être agonisante. Que ce soit à cause de ses ennemis déclarés, comme dans le cas des persécutions perpétrées par les empereurs romains ou par les républicains fanatiques de 1793, ou sous le poids de ses propres errances (songeons à la corruption de la Rome des Borgia), il n'est pas un siècle où elle n'aura été confrontée à des périls mortels - il n'a jamais existé, il ne pourra jamais exister, de «chrétienté triomphante». La réelle nouveauté de la période qui s'ouvre avec la Révolution française est la prolifération des déclarations de morts imminentes: le christianisme doit être prochainement aboli par une nouvelle religion (Robespierre, Hugo), par la science (Comte, Marx) ou par un nouveau type humain (Nietzsche). Lorsque Michel Onfray, dans son nouvel ouvrage Décadence, prétend faire le constat de la mort du christianisme, il se situe donc dans une tradition déjà longue. Or, en dépit de son incontestable déclin en Occident, il existe encore à ce jour des chrétiens. Il en existe même suffisamment pour remplir massivement, au grand étonnement de ceux qui les croyaient déjà six pieds sous terre, les rues des grandes villes françaises. Sont-ce là les derniers spasmes d'un cadavre? Ou les prémisses d'une résurrection?

    Le christianisme est né au seuil d'un tombeau. Et il y demeurera à jamais. Depuis deux mille ans il ne cesse d'osciller entre le Royaume des morts et le Royaume des cieux, entre la nuit du néant et la joie du Salut. Annonçant un Messie crucifié, il ne joue pas le jeu habituel qui régit la vie des humains, celui de la réussite et du pouvoir. Il ne flatte pas les instincts. Il ne surfe pas sur les appétits. Il place la révélation ultime du Dieu tout-puissant entre la faiblesse d'un nouveau-né et l'effroyable spectacle d'un innocent sacrifié. Il est une religion de la faiblesse. Il est donc, en lui-même, intrinsèquement fragile. Et fragile, il l'est d'autant plus qu'il proclame que les êtres humains sont fondamentalement libres, et que c'est librement qu'ils doivent se positionner par rapport à lui. Lors de son face-à-face avec Ponce Pilate, le Christ, le Fils de Dieu, n'a pas daigné faire ployer devant lui celui qui le jugeait en lui révélant toute sa gloire. Il a laissé se détourner de lui celui qui se demandait ce qu'était la vérité alors qu'il était la vérité même. Il l'a laissé face à sa conscience, son intelligence et son cœur, au risque de la croix, au risque de sa mort.

    Parce que, selon les chrétiens, c'est en se livrant pleinement à la liberté humaine que le Christ a opéré le salut du monde - une liberté réelle, effective, matérialisée par la croix, mais transfigurée, par-delà ses propres intentions et sa propre compréhension d'elle-même, par la grâce du matin de Pâques - leur religion constitue une avancée inédite et décisive dans l'histoire de l'humanité, et un leg infiniment précieux pour l'ensemble de celle-ci. En effet, il faut se souvenir qu'il est apparu dans un monde où la culture gréco-romaine dominante imaginait que les hommes comme les dieux étaient soumis au pouvoir inflexible de la fatalité. C'est cette intuition religieuse fondatrice qui a donné naissance au théâtre tragique où les spectateurs voyaient se nouer des intrigues dont ils connaissaient déjà le terme. Œdipe, quoi qu'il puisse faire, finira toujours par tuer son père et épouser sa mère. C'est aussi cette intuition qui, alliée au génie intellectuel grec, a donné naissance à la science. La raison, le logos, est en effet une conceptualisation de la fatalité: une chaîne de nécessités à laquelle il est impossible de contrevenir. Si l'on a dessiné un triangle sur le sable, alors il est nécessaire que la somme de ses angles soit égale à deux angles droits. Anodin appliqué aux mathématiques, ce principe s'avère hautement problématique à mesure que l'exigence de scientificité s'élargit à des domaines qui touchent à l'existence concrète des hommes - et, en premier lieu, à la politique et l'histoire.

    De fait, la conséquence la plus remarquable de la mise en retrait du christianisme dans la vie des idées est la prolifération concomitante de discours fatalistes. De toutes parts, on cherche à nous convaincre que tout est déjà écrit: le milieu de notre naissance conditionne notre vie ; la mondialisation est inévitable ; le capitalisme est voué à l'échec ; la Grande-Bretagne restera dans l'UE. Et si l'Islam correspond à un certain «air du temps», c'est précisément en ce sens qu'il est une religion fataliste. Il se révèle ainsi comme le surprenant pendant religieux d'une rationalité qui prétend enchaîner toute la destinée humaine dans des préceptes intangibles. Or, devant toutes ses injonctions aussi impérieuses que contradictoires, les derniers événements témoignent que les consciences se révoltent, et cette révolte - aussi absurdes et dangereuses que ses manifestations puissent revêtir - manifestent une immense aspiration à la liberté. Et cette liberté pratique objective n'est compréhensible qu'à partir d'une philosophie de la liberté, qui elle-même n'a pu naître que dans un environnement judéo-chrétien. Notre civilisation est judéo-chrétienne en ce qu'elle croit que l'être humain est un être libre, jusques et y compris dans les critiques et les reniements qu'elle a pu formuler envers ses racines.

    Non, n'en déplaise à Michel Onfray, le sort de notre civilisation n'est pas joué. Et tant que des hommes voudront être libres, ils puiseront, consciemment ou pas, à ses racines judéo-chrétiennes. Aux chrétiens, quant à eux, de se montrer dignes de l'héritage qu'ils ont reçu, en témoignant de la capacité de la foi à déplacer des montagnes, à faire advenir la Nouveauté qui libère et qui sauve.