De Jean-Marie Guénois sur lefigaro.fr :
150 à 200 millions de chrétiens persécutés dans le monde
Un «livre noir» recense la dégradation de leur situation dans le monde à l'heure où le Vatican et le pape François s'inquiètent publiquement de leur sort au Proche-Orient.
Irak, Syrie… l'actualité est sombre pour les chrétiens. Et la publication cette semaine du Livre noir de la condition des chrétiens dans le monde, ouvrage collectif sous la direction du Français Mgr di Falco, de l'Anglais Timothy Radcliffe, ancien supérieur mondial des Dominicains, et de l'Italien Andréa Riccardi, et coordonné par notre confrère de La Croix Samuel Lieven, est très utile parce qu'il livre un panorama jusque-là seulement réalisé par des associations caritatives - les rapports annuels de l'Aide à l'Église en détresse, catholique, et de la Porte ouverte, protestante - ou par l'institut Pew Forum aux États-Unis.
De l'Irak à l'Arabie saoudite, du Nigeria au Soudan, de la Corée du Nord à la Chine, ce livre noir donne donc à voir où et comment «150 à 200 millions de chrétiens» subissent chaque année «une persécution», même si le mot ne figure pas en couverture, pour le seul fait de croire au Christ. L'ouvrage aborde ainsi ce que l'un des contributeurs américains, John Allen, dénonce comme «la guerre mondiale faite aux chrétiens». Ce tour du monde est magistral. Même s'il manque toutefois à cette œuvre, qui se veut constructive et bâtie dans l'esprit du dialogue entre les religions, une analyse sérieuse des racines de l'intolérance et de la violence contre les chrétiens nourries par une partie des musulmans.
Cette persécution fait sentir ses effets à tous les niveaux. Le Vatican a ainsi confirmé, mardi, le voyage de François en Turquie du 28 au 30 novembre prochain. Deux villes au programme, Ankara, la capitale, puis Istanbul. Un voyage qui a tardé à être confirmé en raison de la guerre et de la terreur semées par l'État islamique en Syrie et dans la zone kurde du nord de l'Irak, aux frontières sud-est de la Turquie.
Rien, donc, dans le programme officiel sur un projet d'incursion du Pape dans cette zone un moment envisagé. Il souhaitait se rendre dans cette région pour y affirmer symboliquement le soutien de l'Église catholique aux populations chassées et persécutées par les islamistes. On sait, depuis cet été, que le pape François attend la première occasion pour faire un tel geste.
À son retour de Corée, le 18 août dernier, son avion aurait d'ailleurs dû s'arrêter quelques heures à Erbil, dans le nord de l'Irak, où il aurait alors salué des réfugiés. Cette étape jusqu'au dernier moment envisagée fut jugée trop dangereuse. De ce point de vue, il est d'ores et déjà certain que ce sixième voyage de François, risqué, hors d'Italie s'accomplira sous très haute surveillance. Il a même failli être reporté à des jours meilleurs.
Des jours meilleurs… Beaucoup de chrétiens en Irak, en Syrie mais aussi dans tous les pays à dominante musulmane ne croient plus à ce retour-là. Ou n'osent plus y croire, comme au Liban, par exemple, stable mais très fragilisé. Avant le début du désormais étrange «printemps arabe», les chrétiens de Terre sainte avaient tiré la sonnette d'alarme à Rome devant la montée croissante du fondamentalisme musulman.
Depuis tout a empiré pour les chrétiens. Et partout. Pas seulement pour les catholiques. S'ils ne devaient pas être si discrets, les évangéliques protestants, très présents dans le Maghreb mais aussi jusqu'en Iran, parleraient. Pour un musulman, une conversion au christianisme est passible de mort. Et le climat s'est tendu.
La confiance, elle aussi, s'est perdue. Combien de familles chrétiennes, qui ont dû quitter Mossoul, en Irak, cet été, ont raconté les actes héroïques de voisins musulmans qui ont cherché à les protéger mais aussi les trahisons subites après des décennies d'apparente bonne entente?