Notre ami Ludovic Werpin a rencontré Marcel Otte qui lui a accordé un entretien autour de son livre "A l'aube spirituelle de l'humanité" (2012). Le point que l'auteur fait sur quelques questions préhistoriques et la position qu'il exprime sur l'origine de la spiritualité étant susceptibles de nourrir notre réflexion, nous les reproduisons ici, ce qui n'implique pas que les vues de Marcel Otte coïncident avec une vision catholique des choses telle qu'elle fut exposée, par exemple, dans les travaux du défunt cardinal Julien Ries sur l'émergence de l'Homo Religiosus.
Entretien avec Marcel Otte, le 12 décembre 2013, à Liège
Il y aura trois parties à cet entretien : la première concerne tout ce qui a trait à l’évolution de l’homme ; la deuxième portera sur quelques sites préhistoriques de la région wallonne où vous avez fouillé ; et la troisième partie, sur votre livre « à l’aube spirituelle de l’humanité ».
À propos de l’évolution de l’homme
L.W. Je souhaitais commencer par les découvertes récentes, au Tchad, de Michel Brunet et de son équipe, de Toumaï (Shahelanthropus Tchadensis) et d’australopithèque Bahrelghazali. Quelle est l’importance de ces découvertes ?
M.O. C’est fondamental, en tout cas Toumaï. Bahrelghazali n’est pas encore bien défini. Toumaï présente un intérêt fort important du fait qu’il est très ancien, 7 millions d’années, mais en même temps, très évolué. Ce n’est pas un australopithèque ; c’est déjà un primate orienté vers l’hominidé. On doit considérer, pour toutes sortes de raisons, que les australopithèques ne font pas partie des ancêtres de l’homme. Ce sont des primates anthropomorphes et bipèdes, mais qui ont disparu. Toumaï est plus proche de nous que les australopithèques, bien que nettement plus ancien. D’autre part, les australopithèques ont duré au moins jusqu’à un million d’années, ce qui est extrêmement récent par rapport à l’origine de l’homme qui se situe, au moins, à 3 millions, 3 millions et demi d’années. Donc, on a deux filières parallèles. Ceci pour dire que Toumaï a remis en question l’ancienne idée, mais qui était déjà caduque, que les australopithèques auraient donné les hominidés mais cela n’allait déjà pas, parce qu’il y avait une superposition de dates. L’idée que l’australopithèque Afarensis [Lucy] aurait été l’ancêtre de l’homme est tout à fait abandonnée ; l’intérêt de Afarensis c’est qu’il était bien connu, presque complet… en plus, il y a de nombreuses variétés à l’intérieur des australopithèques. Ce sont des primates anthropomorphes bipèdes, mais éteints. Il y a eu plusieurs lignées de primates qui se sont mis à marcher et pas seulement les hommes ; le phénomène se retrouve en Chine avec le gigantopithèque qui est également un grand primate, le plus grand qui ait jamais existé : il faisait trois mètres de hauteur ; il a disparu. Donc il faut bien voir que la belle théorie d’une seule évolution, ça ne va pas du tout. Juste avant (si l’on peut dire quand on travaille à cette échelle), avant 10 millions, les primates que l’on retrouve, donc le ramapithèque, le kényapithèque ne sont ni sur la lignée des primates actuels ni sur celle des hominidés ; donc avant 10 millions d’années, les 2 lignées ne se distinguent pas. Là, on serait sur un ancêtre commun.
Lire la suite