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Religions - Page 111

  • Irak : Déclaration du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, 12.08.2014

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    Testo in lingua originale :

    Le monde entier a assisté, stupéfait, à ce qu’on appelle désormais « la restauration du califat » qui avait été aboli le 29 octobre 1923 par Kamal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.

    La contestation de cette « restauration » par la majorité des institutions religieuses et politiques musulmanes n’a pas empêché les jihadistes de l’« Etat Islamique » de commettre et de continuer à commettre des actions criminelles indicibles.

    Ce Conseil pontifical, tous ceux qui sont engagés dans le dialogue interreligieux, les adeptes de toutes les religions ainsi que les hommes et les femmes de bonne volonté,ne peuvent que dénoncer et condamner sans ambiguïté ces pratiques indignes de l’homme:

    -le massacre de personnes pour le seul motif de leur appartenance religieuse;

    -la pratique exécrable de la décapitation, de la crucifixion et de la pendaison des cadavres dans les places publiques;

    -le choix imposé aux chrétiens et aux yézidis entre la conversion à l’islam, le paiement d’un tribut (jizya) ou l’exode;

    -l’expulsion forcéede dizaines de milliers de personnes, parmi lesquelles des enfants, des vieillards, des femmes enceintes et des malades;

    -l’enlèvement de jeunes filles et de femmes appartenant aux communautés yézidie et chrétienne comme butin de guerre (sabaya);

    -l’imposition de la pratique barbare de l’infibulation;

    -la destruction des lieux de culte et des mausolées chrétiens et musulmans;

    -l’occupation forcée ou la désacralisation d’églises et de monastères;

    -le retrait des crucifix et d’autres symboles religieux chrétiens ainsi que ceux d’autres communautés religieuses;

    -la destruction du patrimoine religieux-culturel chrétiend’une valeur inestimable ;

    -la violence abjecte dans le but de terroriser les personnes pour les obliger à se rendre ou à fuir.

    Aucune cause ne saurait justifier une telle barbarie et certainement pas une religion. Il s’agit d’une offense d’une extrême gravité envers l’humanité et envers Dieu qui en est le Créateur, comme l’a souvent rappelé le Pape François.

    On ne peut oublier pourtant que chrétiens et musulmans ont pu vivre ensemble - il est vrai avec des hauts et des bas - au long des siècles, construisant une culture de la convivialité et une civilisation dont ils sont fiers. C’est d’ailleurs sur cette base que,ces dernières années, le dialogue entre chrétiens et musulmans a continué et s’est approfondi.

    La situation dramatique des chrétiens, des yézidis et d’autres communautés religieuses et ethniques numériquement minoritaires en Irak exige une prise de position claire et courageuse de la part des responsables religieux, surtout musulmans, des personnes engagées dans le dialogue interreligieux et de toutes les personnes de bonne volonté. Tous doivent être unanimes dans la condamnation sans aucune ambiguïté de ces crimes et dénoncer l’invocation de la religion pour les justifier. Autrement quelle crédibilité auront les religions, leurs adeptes et leurs chefs ? Quelle crédibilité pourrait avoir encore le dialogue interreligieux patiemment poursuivi ces dernières années?

    Les responsables religieux sont aussi appelés à exercer leur influence auprès des gouvernants pour la cessation de ces crimes, la punition de ceux qui les commettent et le rétablissement d’un état de droit sur tout le territoire, tout en assurant le retour des expulsés chez eux. En rappelant la nécessité d’une éthique dans la gestion des sociétés humaines, ces mêmes chefs religieux ne manquerontpas de souligner que le soutien, le financement et l’armement du terrorisme est moralement condamnable.

    Ceci dit, le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux est reconnaissant envers tous ceux et celles qui ont déjà élevé leurs voix pour dénoncer le terrorisme, surtout celui qui utilise la religion pour le justifier.

    Unissons donc nos voix à celle du Pape François: « Que le Dieu de la paix suscite en tous un désir authentique de dialogue et de réconciliation. La violence ne se vainc pas par la violence. La violence se vainc par la paix!».

    [01287-03.01] [Texte original: Français]

    JPSC

     

  • "Les djihadistes sont des criminels qu'il faut arrêter et juger "

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    Le site web Aleteia a appelé  Mgr Lebrun, l'évêque de Saint-Etienne, actuellement à Erbil, pour faire le point sur la situation des réfugiés chrétiens en Irak. :

    Sa visite, quelques semaines après celle de Mgr Barbarin à Qaraqodh, a été programmée et annoncée au dernier moment. L’évêque de Saint-Étienne a interrompu ses vacances et est arrivé samedi matin dans la capitale du Kurdistan irakien autonome, avec Mgr Gollnisch, en charge de l'Oeuvre d'Orient. Aleteia l'a eu en ligne afin de partager son ressenti là-bas, à Erbil.

    Monseigneur, où en est l'aide aux chrétiens sur place ?

    Mgr Lebrun : Pour la première fois aujourd'hui, on a commencé à organiser un véritable centre d'accueil pour les réfugiés. L'aide aux chrétiens commence à se mettre en place. De l'aide est déjà arrivée de l'Unicef, du HCF, de l'état français, ce qui a permis de parer à quelques besoins essentiels : des tentes, des médicaments… Mais cela manquait un peu d'adéquation au réel, car cette aide était arrivée spontanément, ce qui est tout à fait naturel. Une deuxième vague d'aide est en train d'arriver. L'Oeuvre d'Orient travaille sur place à Erbil avec Mgr Gollnisch, qui a une connaissance plus fine de la diversité des communautés, des besoins…

    Pouvez-nous nous décrire Erbil ?

    Mgr Lebrun : Erbil c'est une grande ville, la capitale du Kurdistan. Mais il ya a aussi Ankawa (Ndlr : à quelques kilomètres au nord-ouest d'Erbil), la ville jumelle chrétienne d'Erbil, qui est Kurde. Les deux villes se sont rejointes.  A Ankawa, on trouve plusieurs églises, chaldéennes et syriaques, ainsi que le séminaire de Mossoul qui y a été transféré après la chute de la ville.

    Comment est le moral des réfugiés chrétiens sur place ?

    Mgr Lebrun : Aucun chrétien n'a abjuré, c'est admirable. Ils sont unis dans la prière. Mais leur désespoir, en toute honnêteté, est très grand. Si l'on écoute ce que disent les chrétiens réfugiés ici, si vous leur demandez ce qu'ils veulent faire, 90% vous diront qu'ils veulent quitter le pays. Cela fait un siècle que l'on subit cela, nous disent-ils, des humiliations, des persécutions… Ce n'est plus possible. En quelques décennies, l'Irak a perdu les deux tiers de ses chrétiens. En même temps, si vous leur dites que, dans huit jours ils peuvent retourner à Qaraqosh, qu'ils peuvent rentrer chez eux, la réponse sera certainement différente.

    Selon vous, que faut-il faire maintenant ?

    Mgr Lebrun : Après l'aide humanitaire, ce qu'il faut, c'est que la communauté internationale soit prête à agir pour stopper ces criminels. Ce soi disant califat n'a rien d'un état. M. Fabius l'a l'a dit losqu'il est venu à Erbil : il faut demander à  l'ONU d'intervenir. Je suis convaincu qu'ilt faut une intervention militaire, et à terme une solution irakienne.
    Il ne faut pas non plus oublier toute la tragédie des Yezidi qui subissent le même sort que les chrétiens : vous abjurez votre foi, vous mourez ou bien vous partez. Ils sont dans la montagne de Sinjar, c'est dramatique. On parle aussi de plus de 500 femmes enlevées, qui ont le choix entre être vendues ou être tuées. Il semble clair que l'armement des armées kurdes et irakiennes n'est actuellement pas suffisant pour faire face aux terroristes. Cela nous dépasse ; je peux simplement dire, en tant qu'évêque, que ce sont des criminels, et qu'il faut les arrêter et les juger. Pour l'avenir, si on ne bouge pas, c'est terrible. »

    Ref. : "Les djihadistes sont des criminels qu'il faut arrêter et juger "

    JPSC

  • Pourquoi le Vatican considère-t-il qu’une intervention militaire en Irak est « nécessaire » ?

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    Pourquoi-le-Vatican-considere-t-il-qu-une-intervention-militaire-en-Irak-est-necessaire_article_main (2).jpgLu sur le site de « La Croix » (extraits) :

    « Alors que depuis les années 1960, les positions du Vatican se caractérisent par une forte réticence face à l’usage de la force armée dans la résolution de conflits, Mgr Silvano Tomasi, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies, a déclaré samedi 9 août, qu’une intervention militaire en Irak est « nécessaire en ce moment pour arrêter l’avancée des djihadistes en Irak ». (…)

    Entretien avec Christian Mellon, jésuite, membre du Centre de recherche et d’action sociales (Ceras) :

    « Il est vrai que selon la ”doctrine de la guerre juste”, c’est-à-dire la position traditionnellement tenue par l’Église catholique sur la légitimité éthique de la guerre, une intervention militaire est rarement légitimée. Mais elle l’est en cas d’épuration ethnique ou de génocide, et plus généralement lorsque “des populations civiles risquent de succomber sous les coups d’une injuste agression”, comme l’avait dit Jean-Paul II le 16 janvier 1993 au corps diplomatique, lors des dramatiques événements de Bosnie.

    De même, le 1er  janvier 2000, à l’occasion de son message pour la journée de la Paix, Jean-Paul II rappelait que, “quand les populations civiles risquent de succomber et que les efforts de la politique et les instruments de défense non violente n’ont eu aucun résultat, il est légitime, et c’est même un devoir, de recourir à des initiatives concrètes pour désarmer l’agresseur. Toutefois, ces initiatives doivent être limitées dans le temps, avoir des objectifs précis, être mises en œuvre dans le plein respect du droit international, être garanties par une autorité reconnue au niveau supranational et n’être jamais laissées à la pure logique des armes.”

    Quant à la divergence d’expression entre Mgr Silvano Tomasi, qui parle d’intervention militaire, et le pape François qui évoque une “solution politique (une intervention militaire devant viser à une solution politique), elle peut surprendre en effet, car la position de Mgr Tomasi a sans doute été prise avec l’accord du pape. Mais cette différence peut se comprendre du fait des contextes respectifs de ces paroles : une prière place Saint-Pierre ne peut être comparée à une prise de parole dans l’enceinte de l’ONU. »

    RECUEILLI PAR CLAIRE LESEGRETAIN »

     Réf. Pourquoi le Vatican considère-t-il qu’une intervention militaire en Irak est « nécessaire » ?

    Si la différence d’expression entre le pape François et Mgr Tomasi, que nous avions déjà relevée,  n’est pas une divergence, on s’en réjouira, mais elle peut effectivement surprendre : laisser planer un doute ou une ambiguïté déforce évidemment le message. JPSC

     

  • Annie Laurent : les chrétiens d’Irak ne sont pas une minorité comme les autres

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    L’hebdomadaire « Famille chrétienne » a eu la bonne idée d’interroger l’une des personnes les mieux informées sur la question des chrétiens du Proche-Orient :

    0_Annie-Laurent.jpg« L’invasion de l’Irak par les jihadistes de l’État islamique s’inscrit dans l’affrontement sanglant que se livrent sunnites et chiites depuis des siècles. Dans ce conflit séculaire, les chrétiens essayent de jouer un rôle de médiateur. Éclairage avec Annie Laurent, docteur d’État en sciences politiques, journaliste et auteur en 2008 de Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? (éd. Salvator)

    Qui sont les jihadistes de l’État Islamique ? D’où viennent-ils et qui sont-ils ?

    Ce sont des combattants sunnites, qui émanent d’une dissidence d’Al Qaïda, apparue dans le nord de la Syrie, quelques mois après le début de la révolte contre le président Bachar el-Assad. Ils ont pris le contrôle d’une grande partie du nord-est de la Syrie à partir de la moitié d’Alep et jusqu’à la frontière irakienne. Ils ont sous leur contrôle un territoire assez important en Syrie, et contrôlent maintenant près de la moitié de l’Irak.

    Ils viennent des pays arabo-musulmans, dont la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak… Leur chef, Abou Bakr al-Baghdadi, alias calife Ibrahim, est lui-même irakien. Son nom signifie « de Bagdad ».

    Pourquoi ces jihadistes veulent-ils s’emparer de l’Irak ?

    Il faut situer ces événements dans le contexte régional de l’antagonisme séculaire entre le monde sunnite et le monde chiite. Pendant des siècles, les sunnites ont dominé la Mésopotamie, c’est-à-dire l’actuel Irak. En 2003, grâce à la guerre menée par les Américains contre Saddam Hussein, les chiites – devenus majoritaires dans le pays (+ de 60 % de la population) – ont pris leur revanche contre les sunnites.

    Furieux que le pouvoir leur ait échappé, les sunnites s’efforcent aujourd’hui de reconquérir le pouvoir. Le comportement sectaire de l’actuel Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a profondément choqué les sunnites. C’est la raison pour laquelle les jihadistes ont bénéficié, dans les premiers temps de leur offensive, du soutien des tribus traditionnelles et même d’anciens militants du parti baas de Saddam Hussein. Mais devant les horreurs perpétrées par les jihadistes, ces derniers commencent amèrement à regretter ce soutien.

    Peut-on parler d’un règlement de compte entre musulmans ?

    On passe sans cesse d’une revanche à l’autre. Les sunnites veulent briser l’arc chiite qui s’est formé après la révolution de Khomeini en Iran en 1979. Quand il a renversé le Shah, Khomeini a voulu étendre sa révolution en créant le Hezbollah au Liban, puis, pour assurer une continuité territoriale, il a conclu une alliance avec la Syrie de Hafez el-Assad, le père de Bachar. Non pour des raisons confessionnelles – la parenté chiite-alaouite n’était qu’un prétexte –, mais pour des raisons stratégiques. Dans cet axe Iran-Syrie-Liban, l’Irak occupe une place centrale : d’une part parce que la population y est majoritairement chiite, d’autre part car le pays abrite les deux principaux lieux saints des chiites où sont enterrés Ali, cousin de Mahomet, et son fils Hussein, assassinés tous les deux au VIIe siècle.

    L’origine du conflit irakien est donc la même qu’en Syrie.

    C’est la même chose. Les alaouites – branche dissidente des chiites – ont le pouvoir depuis 1970. Pendant des siècles, ils ont été persécutés jusqu’à ce qu’ils s’emparent du pouvoir en 1970 grâce à Hafez el-Assad. Ce fut pour les alaouites une revanche sur une histoire extrêmement douloureuse. Avec les révoltes arabes, le monde sunnite a pensé que le moment était venu d’en finir avec le régime alaouite.

    Qui finance les jihadistes de l’État Islamique ?

    Ce sont les autres pays sunnites – très riches – de la région, notamment l’Arabie Saoudite et les émirats de la péninsule (Oman…). Leur haine vis-à-vis des chiites et des alaouites, qui remonte aux origines de l’Islam, est à peine dissimulée. Ainsi, très peu de temps après la révolte en Syrie, tous les appels à la prière en Arabie Saoudite étaient complétés par l’invocation suivante : « Que Dieu nous envoie le moujahid (combattant) capable d’abattre le traitre Bachar el-Assad ».

    Faut-il pour autant regretter les dictatures arabes ?

    Aussi bien en Syrie qu’en Irak, les régimes du Baas – que ce soit celui de Saddam Hussein en Irak ou Bachar el-Assad en Syrie – ont eu au moins le mérite de pacifier les relations entre des communautés qui ne s’aimaient pas. D’ailleurs, les chrétiens en ont bénéficié et certains regrettent ce temps-là.

    Les Occidentaux ont-ils intérêt à ce qu’un état sunnite émerge à côté de l’Iran ?

    Normalement, leur intérêt serait de rechercher la stabilité de ces États, avec leur dimension multiconfessionnelle. Mais je pense qu’il faut plutôt aborder la question du point de vue d’Israël. Le chaos du Proche-Orient peut être une occasion opportune pour l’État Hébreu de voir la région éclater en entités ethniques et/ou confessionnelles. Selon eux, cette nouvelle configuration les laisserait tranquilles en déplaçant le conflit.

    Comment jugez-vous l’absence de réaction des Occidentaux pendant plusieurs semaines vis-à-vis des chrétiens d’Irak ?

    Je suis très choquée par leur attitude. Les Occidentaux sont incapables de comprendre ce que les chrétiens au Proche-Orient ont de spécifique, et ce qu’ils peuvent et doivent apporter aux sociétés dans lesquelles ils vivent.

    Ils ne sont pas une minorité à côté d’une autre. Ils peuvent apporter le progrès, l’ouverture, les valeurs de l’Évangile – comme le pardon par exemple –, le sens de la gratuité ou encore celui du bien commun… Alors que les chrétiens sont minoritaires, leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs œuvres sociales attirent beaucoup de familles musulmanes. L’élément chrétien sert l’unité au Proche-Orient. Comment le faire comprendre à nos dirigeants aveuglés par leur laïcisme ?

    Les États-Unis ont-ils raison de procéder à des frappes aériennes ?

    Je crains que ces frappes n’aggravent encore plus le chaos. Les musulmans en Orient considèrent les chrétiens de leur pays comme des alliés de l’Occident. Quelle sera leur réaction ? Mais si l’Irak en est arrivée là aujourd’hui, c’est bien à cause des Américains. Ils ont commis leur plus grave erreur en 2003, lorsqu’ils ont engagé leur guerre contre Saddam Hussein et ont cru pouvoir imposer la démocratie. Ça ne s’impose pas la démocratie.

    Comment aider les chrétiens à rester ?

    Nous ne devons surtout pas, sous prétexte d’assurer leur protection, les cantonner dans des zones où ils seraient seulement entre eux. Ce serait criminel, car on empêcherait les chrétiens d’accomplir leur vocation qui est au service de tous. À terme, ce serait les conduire à leur disparition. Nos gouvernants doivent au contraire exiger de nos partenaires un statut de pleine citoyenneté pour les chrétiens.

    Ref. « Les chrétiens d’Irak ne sont pas une minorité comme les autres »

    Annie Laurent est titulaire d’une maîtrise en droit international et d’un doctorat d’Etat en sciences politiques pour une thèse sur « le Liban et son voisinage ». Connaissant le Proche-Orient (où elle a vécu) depuis 1980, elle s’est spécialisée dans les domaines touchant aux questions politiques de cette région, à l’islam, aux chrétiens d’Orient et aux relations interreligieuses. Auteur de plusieurs livres sur ces sujets, Annie Laurent est aussi à l’origine de l’association « Clarifier ». Le pape Benoît XVI l’avait nommée experte au Synode spécial des Evêques pour le Moyen-Orient, qui s’est tenu à Rome en octobre 2010. JPSC

  • Pourquoi il faut stopper l’État islamique

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    Lu sur le site web de « La Libre Belgique » cet éditorial de Christophe Lamfalussy :

    « Le sort réservé aux minorités chrétienne et yézidie d’Irak aura donc été l’ultime raison pour riposter aux forces de l’État islamique (EI). Vendredi, deux avions américains ont bombardé des pièces d’artillerie des jihadistes non loin de la ville kurde d’Erbil. Le message est clair : les Etats-Unis ne laisseront pas ce groupe de fanatiques faire fuir des dizaines de milliers de civils innocents et sans défense. Car en dépit du risque pris par le président Obama de "revenir" en Irak, il faut empêcher ce groupe d’instaurer un califat dans cette région comme les talibans l’ont fait dans les années 90 en Afghanistan et au Pakistan, avec les conséquences que l’on sait. L’État islamique se nourrit d’une idéologie totalitaire qui fait fi des différences d’opinion, de culture et de religion. Il est responsable de nombreux crimes de guerre qu’il expose dans les réseaux sociaux pour semer la terreur. D’inspiration takfiriste, il prend des otages dont il négocie la libération pour s’acheter des armes. Enfin, il militarise de nombreuses recrues belges qui finiront bien, un jour, par revenir au pays.

    Les Etats-Unis viennent au secours d’un État défaillant - l’Irak - dont ils ont eux-mêmes contribué à la fragilité. Après avoir conquis le nord de la Syrie et une quinzaine de villes en Irak, les jihadistes ont profité des divisions qui minent le gouvernement irakien et de son incapacité à rassurer les sunnites, minoritaires dans ce pays. Ce n’est donc pas uniquement en arrêtant l’État islamique (dont les forces ne comptent que 20 à 30 000 hommes) mais aussi en ayant un gouvernement d’union nationale, qui bannit les discriminations communautaires à Bagdad, que le pays pourra être stabilisé. »

     Ref. Pourquoi il faut stopper l’État islamique

    Au même titre que la « communauté » internationale (si elle existe), l’Eglise catholique au plus haut niveau doit élever la voix , pour que le pays qui a les cartes en main dans cette affaire prenne clairement ses responsabilités.

    JPSC 

  • Obama autorise des frappes aériennes contre les djihadistes en Irak

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    Dans le « Figaro » :

    « Trois ans après avoir ordonné le retrait des derniers boys d'Irak - le président Obama sollicite ses militaires sur le terrain irakien pour venir en aide aux populations civiles en danger et assurer la protection des installations et personnels américains, face à la terrifiante avancée de l'armée de l'État islamique en Irak.  «J'ai dit dans le passé que les États-Unis n'avaient pas vocation à intervenir partout, chaque fois qu'il y a une crise dans le monde», a-t-il déclaré jeudi soir, après avoir annoncé qu'il avait autorisé ses militaires à mener des frappes aériennes ciblées sur les positions de l'Armée islamique d'Irak et du Levant, si nécessaire. «Mais quand des innocents sont confrontés à un risque de violence sur une échelle horrible, quand nous avons une demande du gouvernement irakien et que nous avons la capacité d'agir, nous ne pouvons pas fermer les yeux», a expliqué le président… «L'Amérique vient pour aider», a-t-il ajouté.

    Obama a précisé qu'il avait chargé le Pentagone de mener une opération humanitaire de largage de nourriture et d'eau dans le Nord-Est, pour soulager les souffrances de plusieurs minorités, et tout particulièrement la minorité des Yazidis, une secte religieuse très ancienne apparentée aux Zoroastriens, dont près de 40.000 membres sont bloqués dans la région montagneuse de Sinjar, où ils se sont réfugiés. Trois avions cargos, escortés par des F18, ont mené l'opération avec «succès», larguant des cargaisons d'eau et quelque 8000 repas, en coordination avec les centres opérationnels américains qui avaient été installés en juin à Erbil et à Bagdad, a précisé un représentant du Pentagone jeudi soir. Parlant de «menace de génocide», le président a justifié sa décision par «des rapports effrayants» décrivant «des exécutions de masse et des femmes yazidis réduites en esclavage». «Les gens ont faim, et les enfants meurent de soif, a dénoncé Obama, précisant que les forces de l'Armée islamique avaient appelé à «la destruction totale du peuple yazidi». «Ces familles sont confrontées à un horrible choix: descendre de la montagne et se faire massacrer, ou rester en haut et mourir lentement de soif et de faim», a poursuivi Barack Obama.

    Réponse immédiate

    Alors que des sources kurdes avaient annoncé que des frappes avaient déjà été menées ce jeudi soir, le Pentagone a démenti avoir frappé l'Irak mais a souligné que toute menace sur les intérêts américains - notamment dans la région de Erbil, aujourd'hui à l'épicentre de la progression de l'armée islamique, provoquerait une réponse immédiate. De hauts responsables de l'administration n'ont pas exclu non plus des frappes destinées à soulager la pression sur les populations yazidis bloquées dans la montagne.

    Anxieux de montrer que l'Amérique ne va pas pour autant se laisser glisser dans une nouvelle campagne militaire, ces hauts responsables ont toutefois souligné que les États-Unis ne sont pas engagés dans une opération plus vaste visant à combattre l'armée islamique d'Irak, «mission qui relève de la responsabilité des forces irakiennes et des kurdes». «En tant que commandant en chef, je ne permettrai pas que les États-Unis soient entraînés dans une nouvelle guerre en Irak. Nos troupes ne retourneront pas y combattre, car il n'y a pas de solution militaire américaine au conflit en Irak», a insisté le patron de l'Amérique, rappelant qu'il avait été élu sur sa promesse de mettre fin à cette guerre. Il a toutefois garanti de continuer de fournir assistance, matériel et entraînement aux forces irakiennes et aux peshmergas kurdes.

    Les analystes soulignent que des frappes militaires même ciblées, marquerait un tournant important de la stratégie américaine, forçant l'administration Obama à s'engager plus clairement aux côtés d'un pouvoir irakien dont elle se méfie, le jugeant non inclusif. L'un des piliers de la politique américaine consiste à encourager la création d'un gouvernement mettant en sourdine ses divisions religieuses ou sectaires. Une véritable gageure. »

     Ref. Obama autorise des frappes aériennes contre les djihadistes en Irak

    Un début de réponse entortillé par un politicien bien embarrassé ?

     JPSC

     Mise à jour ce soir du vendredi 8/8/14 (extrait du site web du Figaro) :

      « Après avoir jeudi soir démenti de première frappes annoncées par des sources kurdes, le Pentagone a annoncé vendredi des bombardements dans la région d'Erbil, aujourd'hui à l'épicentre de la progression de l'armée islamique. La cible de deux chasseurs américains serait des pièces d'artillerie utilisées par l'État islamique contre les forces kurdes qui défendent la capitale du Kurdistan irakien autonome, où se trouve du personnel américain."

    La pression de l’opinion chrétienne doit être maintenue pour qu’Obama, ravalant les erreurs de sa stratégie politique, s’engage réellement dans la voie qui s’impose.

    JPSC. 

  • Chrétiens d’Irak : vœux pieux et inertie de la « communauté » internationale

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    Sous le titre  « Qaraqosh : les croix ôtées des églises, les manuscrits brûlés » le site web aleteia rapporte :

    « Fidèles à eux-même, les jihadistes prennent possession des lieux de cultes chrétiens de la ville. En profanant et en détruisant.

    "C'est une des plus grandes tragédies pour les chrétiens d'Irak depuis 2003", estime Faraj Benoit Camurat, président de l'association Fraternité Irak. En effet, alors que la communauté chrétienne d'Irak est estimée à environ 400 000 personnes, un quart à un tiers d'entre elle se retrouve prise dans la tourmente d'un nouvel exode, encore pire que celui connu à Mossoul il y a quelques semaines de cela, du fait du recul des troupes kurdes. L'Etat Islamique a pour sa part diffusé jeudi à Mossoul un communiqué victorieux pour saluer  "unenouvelle libération dans la province de Ninive, qui servira de leçon aux Kurdes profanes".

    C'est le patriarche chaldéen Louis Sako qui le confie : après la fuite des chrétiens et des minorités de la ville durant la nuit du 6 au 7 août,  les combattants de l'Etat Islamique n'ont pas tardé à prendre possession de Qaraqosh, désormais ville ouverte. Selon Mgr Sako, ils ont immédiatement entrepris d'ôter les croix d'églises, et de brûler documents et manuscrits chrétiens. Plus de 1500 manuscrits antiques seraient partis en fumée. Autant de pertes irrémédiables pour la mémoire des descendants directs de l'Eglise du Christ.

    Au désastre culturel s'ajoute un désastre humanitaire, avec plus de 100 000 chrétiens d'Irak, dont de nombreux réfugiés de Mossoul, de nouveau jetés sur les routes. Sans oublier, plus au nord, à Sinjar, les membres de la minorité Yezidi isolés dans les montagnes après la prise de la ville par les islamistes. "Les villes de Qaraqosh, Tal Kayf, Bartella et Karamlesh ont été vidées de leurs habitants et sont maintenant sous le contrôle des insurgés", a déclaré à l'AFP Mgr Joseph Thomas, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleimaniyeh. A Tal Kayf, tant les chrétiens que les membres de la minorité chiite Chabak onrt dû fuir dans la soirée, avant que l'Etat Islamique ne prenne le contrôle de la ville.

    Mais à qui profite cette défaite des Peshmergas et cet exode des chrétiens ? Comment ne pas se poser la question d'un double jeu de la part du pouvoir central irakien ? En effet, au-delà de l'erreur stratégique des forces kurdes, qui se sont attaquées à l'EI sur plusieurs fronts à la fois, l'absence de soutien aérien des forces gouvernementales irakiennes affaiblit les indépendantistes kurdes. Le pouvoir irakien, ou ce qu'il en reste, peut aussi laisser aux combattants islamistes le soin de mettre un terme aux rêves d'autonomie des kurdes tout en se débarrassant des minorités, tels des dommages collatéraux inévitables. Quitte à devoir, demain, s'en remettre à l'aide de la Ligue Arabe pour réduire les troupes de l'Etat Islamique. Fasse que la communauté internationale se réveille avant que le pire ne soit arrivé. Mais, en fait, il est déjà arrivé."

     

    INTER_201431_irak_karakosh.jpg

     

    Ref. Qaraqosh : les croix ôtées des églises, les manuscrits brûlés 

    Du pape au secrétaire général de l’Onu et des « puissances » qui se réclament de cette communauté mythique, que fait-on exactement?

    JPSC 

  • La Chine veut créer sa propre «théologie chrétienne»

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    L'État chinois a décidé de construire sa propre «théologie chrétienne», sur fond de tensions entre les autorités et les communautés chrétiennes. Lu sur le site du « Figaro » :

    « La Chine entend établir une «théologie chrétienne» compatible avec la «culture chinoise» et le «socialisme». Le dirigeant de l'Administration d'État pour les affaires religieuses, Wang Zuo'an, a en effet déclaré dans le journal China Daily que sera construite une «théologie chrétienne chinoise […] adaptée aux conditions nationales», devant «intégrer la culture chinoise» et «être compatible avec le chemin du socialisme» défini par le Parti communiste.

    Cette annonce survient dans un contexte de tensions croissantes entre les communautés chrétiennes de Chine - protestantes et catholiques - et les autorités du pays. Actuellement, les autorités chinoises enquêtent notamment sur un couple de militants chrétiens canadiens engagé auprès des réfugiés nord-coréens et soupçonné d'espionnage.

    L'établissement d'un dogme chrétien officiel pourrait être l'occasion pour les dirigeants chinois d'intensifier leur encadrement - déjà très strict - des organisations religieuses, perçues comme des contre-pouvoirs potentiels.

    La religion chrétienne strictement encadrée

    En Chine, les pratiques cultuelles sont étroitement surveillées: seuls les lieux religieux reconnus officiellement par l'État chinois sont autorisés, et les forces de l'ordre dissolvent régulièrement des églises chrétiennes «souterraines». Ce contrôle rigoureux n'empêche pas le Parti communiste chinois de s'inquiéter du développement du christianisme dans le pays: en avril, une église monumentale pourtant reconnue par les autorités a été détruite dans la ville de Wenzhou, où résident un million de chrétiens, sur ordre du gouverneur local.

    Cette crispation des dirigeants chinois sur la question religieuse s'accompagne d'un essor bien réel de la population chrétienne. Actuellement, la Chine compte entre 23 et 40 millions de protestants et 12 millions de catholiques, appartenant à l'Église catholique reconnue par l'État ou à celle, souterraine, fidèle à Rome.

    Ces chiffres restent relativement faibles au regard de la population totale du pays, supérieure à 1,4 milliard d'individus. Toutefois, selon une étude de l'université de Purdue (Indiana) relayée par le Telegraph en avril, le nombre de fidèles du Christ en Chine pourrait dépasser 247 millions en 2030 - soit plus qu'au Mexique, au Brésil ou aux États-Unis.

    Des mesures anti-islam dans le Xinjiang

    La religion chrétienne n'est pas la seule à préoccuper Pékin. L'islam fait également l'objet d'un contrôle particulier de la part des représentants de l'État, allant parfois jusqu'à l'interdiction de coutumes et d'usages vestimentaires liés à cette religion.

    La ville de Karamay, dans le Xinjiang (nord-ouest de la Chine), a par exemple décidé de prohiber le temps d'une compétition sportive locale le port du voile islamique - le niqab, couvrant tout le visage hormis les yeux, mais également le hijab, couvrant les cheveux et le cou. Cette année, au début du ramadan en juillet, les autorités dans cette région ont également fortement limité la possibilité pour les musulmans d'observer certains rites: les fonctionnaires, enseignants et étudiants se sont vu interdire de pratiquer le jeûne durant la journée en se forçant à se rendre à la cantine, et l'accès aux mosquées a été restreint.

    Ces mesures anti-islam sont justifiées par les autorités chinoises par la lutte contre les revendications indépendantistes d'une partie des Ouïghours - une ethnie musulmane turcophone qui compte entre neuf et dix millions d'individus dans la région. Pékin accuse les militants ouïghours d'être responsables des attentats sanglants commis ces derniers mois dans le Xinjiang. Dernièrement, lundi 28 juillet, des affrontements ont causé la mort de 59 «terroristes» et 37 civils.

    Thomas Eustache »

     Ref. La Chine veut créer sa propre «théologie chrétienne»

    Sale temps pour les chrétiens sur la planète. Il leur manque aujourd’hui une grande voix prophétique pour les confirmer dans la foi reçue du Seigneur. Demeure la petite fille Espérance, dont a si bien parlé le poète Péguy mort au front, voici juste un siècle,  à l’aube d'une guerre qui fit des millions de morts...

     JPSC

  • Quand de jeunes réfugiés chrétiens d’Irak découvrent en Europe un monde relativiste et indifférent

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    Lu sur le site de l’hebdomadaire  Famille chrétienne  sous le titre  « Réfugiés en France, les chrétiens d’Irak se heurtent à l’indifférence ». Extraits.

    Réfugiés politiques en France depuis l’attentat contre la cathédrale syriaque de Bagdad, en octobre 2010, trois jeunes Irakiens racontent sans concession la manière impersonnelle, voire glaciale, dont ils ont été accueillis en France.

    Leur parole est franche envers le pays qui les a accueillis en octobre 2010, après l’attentat perpétré contre la cathédrale syriaque de Bagdad. La France, Pierre, Mariam et Benoît, jeunes réfugiés politiques irakiens, lui doivent énormément. Ils le savent. Le mouvement de solidarité qui s’est mis en place ces dernières semaines pour soutenir les chrétiens d’Orient les touche. « Je veux dire merci aux chrétiens, ici, en France, qui organisent des manifestations. Si elles ne changent rien à la situation en Irak, au moins elles ont le mérite de dire : on ne vous oublie pas. C’est très important », témoigne Pierre.

    Comme Michèle Alliot-Marie l’avait fait en 2010, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, et son homologue de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ont proposé le 28 juillet l’asile aux chrétiens irakiens. « Si Mgr Sako a raison de dire que les chrétiens d’Irak doivent rester sur leur terre historique, explique Benoît, les familles doivent aussi prendre une décision pour sauver leur vie ! La meilleure solution pour les chrétiens, aujourd’hui, c’est de partir », poursuit le jeune hommene cachant pas les faibles chances qu’il a un jour de revoir son pays.

    Mariam, jeune lycéenne qui vient de passer son bac de français avec un brillant 19 à l’oral, se montre plus sceptique :« La France accepte de les accueillir. Mais comment pourront-ils venir ici ? », s’interroge-t-elle. Et surtout, comment seront-ils réellement accueillis ?

    Car pour eux, comme pour de nombreuses autres familles irakiennes, arriver à Paris à l’automne 2010 ne fut pas simple. Loin de là. Ce fut, d’abord, le choc de découvrir une France qui n’est pas celle où ils avaient cru se réfugier. Non pas une société chrétienne, mais multiculturelle et athée. « J’avais imaginé la France et quand je suis arrivé à Paris, j’ai trouvé tout autre chose… », témoigne Benoît.

    Ce choc, dont ils parlent volontiers, cache une autre amertume : celle de ne pas se sentir accueillis par les Français, particulièrement les chrétiens. Sur place, ils ont trouvé le traitement de l’administration française « froid et compliqué ». Aucune structure performante n’était présente pour les aider à s’insérer. Mariam se souvient : « On a trouvé de l’aide auprès des Arabes, qui croyaient que nous étions musulmans. Mais quand ils apprenaient que nous étions chrétiens, ils partaient ».

    Est-ce plus difficile pour un chrétien de s’installer en France ? « Nous rencontrons beaucoup de difficultés, alors que nous sommes chassés de notre pays », répond la lycéenne. « Nous ne sommes pas venus par envie, mais parce que nous y étions obligés. Les Algériens, les Marocains, les Turcs viennent ici pour trouver un travail, et ils sont presque mieux traités par l’État », dénonce-t-elle sans concession.

    Alors, quand ils entendent certains discours politiques, comme la réaction de Louis Aliot (FN) à la proposition de M. Fabius d’ouvrir l’asile aux chrétiens orientaux, les jeunes Irakiens voient rouge. « Selon lui, il n’y a plus de place en France pour les immigrés. Il nous a comparés à la misère, alors que nous n’étions pas pauvres dans notre pays. Étrangement, il y a toujours de la place pour les autres mais pas pour les chrétiens, alors qu’eux, ils ont vraiment besoin de se réfugier. J’ai toujours de la famille en Irak : ils sont morts de peur, et ne savent pas quoi faire. » (…)

    Les beaux discours sont aussi souvent synonymes, ensuite, d’abandon. C’est l’avis d’Arnaud Duroyaume, qui s’occupe d’aider les Irakiens chrétiens. « Combien de fois on leur a dit : « On s’occupe de vous » ? Mitterrand a fait la même chose avec les Libanais : « Venez dans les hôpitaux ». Et après, c’était « Débrouillez-vous ». Combien de Libanais se sont retrouvés à la rue, alors qu’on leur avait fait miroiter un vrai accueil ? » Selon lui, cette froideur s’explique par une gêne envers les Arabes chrétiens.

    Du coup, les Irakiens souffrent de vivre dans un contexte très éloigné du leur, déspiritualisé et parfois violent, comme les banlieues. Pour Arnaud Duroyaume, la solution consiste à sortir du ghetto communautaire, à s’ouvrir à la diversité dans l’Église. « Les Irakiens envoyés dans les banlieues, s’ils ne vont pas à la messe à côté de chez eux, au bout d’un moment, ils n’y vont plus. Je vois plein de jeunes livrés à eux-mêmes. Le père de famille, dans la culture orientale, est très important. Il y a un gros problème d’adaptation : soit le père verrouille tout, et ce n’est pas bon dans la société où l’on vit, soit il abandonne. Il y a beaucoup de jeunes qui sont livrés à eux-mêmes, et commencent à avoir des comportements choquants. » Et Mariam de confirmer : « On était dans un pays avec énormément de règles. Vivant en France, je découvre qu’en fait, les règles, j’aimais bien ».

    Quand Arnaud Duroyaume est allé à la rencontre des rescapés de la cathédrale, il a réalisé qu’il était l’un des seuls chrétiens non orientaux à avoir eu cette démarche. L’accueil dans les paroisses n’a pas été non plus à la hauteur. « J’ai essayé de les intégrer dans diverses structures comme le scoutisme ou les Béatitudes, mais ça n’a pas marché », regrette-t-il. Ceux qui les reçoivent souvent et avec joie font partie de la frange la plus traditionnelle, comme la paroisse Saint-Eugène, le centre Saint-Paul ou encore la communauté Saint-Martin. « Au pèlerinage de Chartres, je me suis dit : enfin, je suis en France. Je me suis sentie intégrée ! On est mieux accueillis chez les traditionnalistes qu’ailleurs », confirme Mariam. « Je ne sais pas pourquoi, mais on a senti quelque chose de différent. » (…) . Pauline Quillon.

    Ref. Réfugiés en France, les chrétiens d’Irak se heurtent à l’indifférence

    C’est que la mentalité « traditionaliste » est, comme dirait Monsieur de la Palice, la plus proche de celle des chrétientés traditionnelles…

    JPSC 

  • Abbé Grosjean : «Les chrétiens doivent investir la cité »

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    Le grand entretien sur « Figaro-Vox » :

    PHO9c6d70f6-197b-11e4-8bee-3fa0b97b13ef-805x453 (1).jpgFigaro Vox: Que vous inspire la situation des Chrétiens d'Orient? Trouvez-vous que les politiques français se mobilisent assez sur le sujet?

    Pierre-Hervé Grosjean: La persécution des chrétiens d'Orient, et particulièrement ceux d'Irak, est une tragédie qu'on ne peut ignorer. Le Cardinal Barbarin a posé un geste prophétique et fortement symbolique en se rendant lui-même sur place, à leurs côtés. Le Primat des Gaules rappelle ainsi non seulement la communion spirituelle, mais aussi le lien historique qui existe entre la France et les chrétiens d'Orient. Je me réjouis de voir se mobiliser peu à peu des politiques de tout bord. Mais comme le disait l'un d'eux, les paroles ne suffisent plus, il faut des actes pour sauver ces chrétiens et leur permettre de rester dans leur pays. C'est maintenant au Président de la République de s'engager. Nous savons défendre nos intérêts économiques et stratégiques partout dans le monde, et c'est bien. Mais saurons-nous protéger nos frères persécutés? Leurs regards sont tournés vers la France, protectrice des minorités.

     L'Opinion a titré le 28 Juillet «le lobby catho sur tous les fronts» pour décrire la mobilisation intense des catholiques français au sujet des chrétiens d'Irak. Reconnaissez-vous l'existence de ce lobby catho? Les catholiques français ont-ils aussi tendance à se «communautariser»?

    Ce mot lobby n'est pas tout à fait juste, car les catholiques ne défendent pas des intérêts particuliers, mais le bien commun. Ils ont conscience que leur foi les engage à servir la dignité de la personne humaine, à protéger les plus fragiles, du migrant à l'enfant à naître, en passant par le malade en fin de vie, le chômeur ou l'enfant au cœur des débats sur la famille. Les catholiques, loin de tout communautarisme qui les ferait se replier sur eux-mêmes, ont au contraire moins de complexes à assumer ce qu'ils sont et le message qu'ils portent. Ils prennent leur place dans la vie de la cité et dans les débats qui peuvent l'animer. C'est leur droit, et même leur devoir.

    Vous animez l'association «Acteurs d'avenir», qui a pour ambition de former des jeunes chrétiens des grandes écoles à une conscience politique, en les faisant notamment rencontrer des «décideurs publics». Quel est l'objectif à long terme? Former des chrétiens politisés qui puissent envahir la cité et se réapproprier le débat public?

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  • Revisiter Péguy (1873-1914)

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    4133_peguy_440x260 (1).jpgLu sur le site du « monde des religions ». Questions au philosophe Camille Riquier  (extraits) :

    Il y a cent ans mourait Charles Péguy (1873-1914). Camille Riquier, agrégé de philosophie, docteur en philosophie et maître de conférences à l’Institut Catholique de Paris, oriente actuellement ses recherches sur la figure de l’écrivain, socialiste sincère et catholique passionné (…)

    Comment caractériser en quelques mots les rapports de Péguy à la foi et à la religion ? On le présente souvent comme un écrivain « catholique ». Peut-on dire qu’il était un mystique ?

    Ces rapports sont complexes comme le reste ; et en lisant l’œuvre de Péguy, l’athée comme le croyant trouveront de quoi ébranler leurs siennes convictions plus encore que celles de leur adversaire. On m’a rapporté un jour d’un vieux péguyste qu’il disait n’avoir pas de religion, à moins, ajoutait-il, qu’on ne l’entende au sens de la religion de Péguy ! Péguy s’est converti d’abord au socialisme et baigna dans un climat familial et culturel qui favorisait la libre-pensée. La maison Baudouin/Péguy avait accueilli l’anarchiste féministe Louise Michel comme l’une des leurs et vivait encore du souvenir de la Commune. Parce qu’il rejetait l’Église et son autorité, Péguy pensait devoir rejeter le christianisme et la foi, sans s’apercevoir encore combien le combat qu’il mena avec les dreyfusards et plus généralement combien ses convictions de jeunesse étaient portés par un élan d’enthousiasme qui le rapprochait bien plus de la religion que de la politique.

    Le socialisme était alors un mouvement d’idées et de sentiments si intenses que Péguy investissait spontanément un vocabulaire religieux pour s’exprimer. Par la suite, après avoir trouvé la foi, entre 1905 et 1909, il dira de son socialisme et de son dreyfusisme qu’ils étaient déjà une mystique, et que ce ne fut qu’au bout du socialisme qu’il avait trouvé le christianisme – par « voie d’approfondissement », – non pas en rebroussant chemin. Aussi, peut-on dire naturellement de Péguy qu’il est un mystique, qu’il fut un mystique, mais au sens qu’il a lui-même donné au mot, à prendre dans une acception très large que d’aucuns ont fini par dire vague, puisqu’à ses yeux il existait autant de mystiques qu’il y avait d’idées : une mystique républicaine, une mystique royaliste, une mystique hébraïque, une mystique chrétienne, etc. Par mystique, il entend moins un contenu de pensée que le moment inaugural de sa venue dans le monde, accompagné de l’émotion qu’il suscite. Pour Péguy, seul le commencement est digne, parce qu’il est jeune, frais et vif tout à la fois.

    Une mystique indique un mouvement d’idées ou de sentiments à son point de naissance, quand les idées, encore incandescentes, brûlent des hommes qui s’apprêtent à mourir pour les défendre. Elle déborde donc très largement la religion confessionnelle, et loin de s’opposer à elle, la mystique s’oppose bien plus généralement à la politique, aux politiques qui vivent de leur mystique propre, comme des parasites : « Tout commence en mystique et finit en politique », retient-on de Notre jeunesse (1910). Et parce qu’il voulait rester fidèle au commencement, à tous les commencements, Péguy fut bien au bout un catholique, mais il fut avant tout et pour tout un mystique, de bout en bout.

    Si vous deviez conseiller un seul livre de Péguy à quelqu’un qui ne l’aurait jamais lu, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

    L’œuvre de Péguy présente de nombreuses poignées pour s’y accrocher et autant de portes par où y entrer, tant les sujets abordés sont nombreux et variés. Malheureusement, peu de ses ouvrages sont encore disponibles en poche, ce qui limite également le choix de celui qui veut la découvrir. L’édition Pléiade, bien souvent, consacre l’homme mais enterre l’œuvre, désormais à prendre ou à laisser, d’un bloc. Celle de l’œuvre en prose, réalisée par Robert Burac (en trois volumes), n’en est pas moins remarquable à tous points de vue et très vite indispensable, chacun de ses livres nous invitant à ouvrir les autres et à la fin à étreindre l’homme lui-même qui se raconte en tous. L’édition des œuvres poétiques et dramatiques viendra en septembre prochain la rejoindre avec bonheur.

    S’il faut désigner un ouvrage néanmoins, Notre jeunesse (1910) ressort, souvent désigné comme son chef-d’œuvre, y compris par ses amis, par les frères Tharaud, par l’historien Daniel Halévy lui-même contre qui il l’avait pourtant été écrit – sursaut d’orgueil de Péguy, fier du combat qu’il avait mené pour l’innocence de Dreyfus et réagissant aux remords qui assaillaient Halévy et beaucoup d’autres anciens dreyfusards. Publié en « Folio », accessible même en ligne, le texte est plus qu’un plaidoyer pro domo. En parlant de lui-même et de sa maison (« Les Cahiers de la Quinzaine »), il offre également à cette période de l’histoire de France – la fin du XIXe siècle et le début du XXe – l’un de ses témoignages les plus émouvants et passionnés. Péguy y a la même puissance évocatrice que Jules Michelet, le modèle du vrai historien à ses yeux, l’auteur de Ma jeunesse à qui il rendait par son titre indirectement hommage.

    Pour aller plus loin 

    > « Charles Péguy, l’éternel marginal », un article d'Henri de Monvallier paru dans Le Monde des Religions de juillet-août 2014, p. 58-61.
    Charles Péguy, Camille Riquier (dir.), Éditions du Cerf, « Les Cahiers du Cerf », 300 p., 29 €.

    Ref. : Lire Péguy aujourd’hui : trois questions au philosophe Camille Riquier

    Elève admirateur du philosophe Henry Bergson et apprécié lui-même par son maître, Péguy, poète mystique, retrouve la foi de son enfance en 1907. Le 16 janvier 1910 paraît Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc, qui manifeste publiquement sa conversion. La réaction du public catholique est plutôt méfiante, même si La Croix fait une critique élogieuse de l'ouvrage. Son intransigeance et son caractère passionné le rendent suspect à la fois aux yeux de l'Église, dont il attaque l'autoritarisme, et aux yeux des socialistes, dont il dénonce l'anticléricalisme ou, un peu plus tard, le pacifisme, pour lui inopérant et, qui plus est, à contre-sens, quand l'Allemagne redevient menaçante.

    En 1912, touché par la maladie de l'un de ses enfants, il part en pèlerinage à Chartres, du 14 au 17 juin, parcourant 144 kmen trois jours ; Alain-Fournier l'accompagne sur une partie du chemin. Il fait à nouveau ce pèlerinage en 1913, du 25 au 28 juillet. Il écrit : «… J'ai tant souffert et tant prié… Mais j'ai des trésors de grâce, une surabondance de grâce inconcevable… ». Pourtant, il ne devient pas catholique pratiquant. En effet, Charles Péguy n'aurait jamais communié adulte et n'aurait reçu les sacrements qu'un mois avant sa mort sous l’uniforme, au champ d’honneur de la « Grande Guerre », tué d'une balle au front, le samedi 5 septembre 1914  à la veille de la première bataille de la Marne.,.

    Qui de nous n’a jamais lu ces vers célèbres, qui font écho aux Béatitudes :

    « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle/Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. (…)

    Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles/Couchés dessus le sol à la face de Dieu (…)

    Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »

    "Profondément antimoderne, l'œuvre de Péguy célèbre avec flamme des valeurs qui pour lui sont les seules respectueuses de la noblesse naturelle de l'homme, de sa dignité et de sa liberté : d'abord, son humble travail, exécuté avec patience, sa terre, cultivée avec respect, sa famille : « Il n'y a qu'un aventurier au monde, et cela se voit très notamment dans le monde moderne : c'est le père de famille », écrit-il. Ce sont là ses valeurs essentielles, liées à son patriotisme et à sa foi dans une République qui serait enfin forte, généreuse et ouverte. Et c'est précisément là, pour lui, que dans une action résolue, se rencontre Dieu. À ce titre Péguy peut apparaître comme un théologien, chantre des valeurs de la nature créée par un Dieu d'amour. D'où aussi son attachement profond à Marie : il aurait passé la nuit précédant sa mort à fleurir la statue de la Vierge dans la petite église du village où stationnait son unité" (Charles Péguy, Wikipedia)

    JPSC

  • De retour d'Irak, la délégation de l'épiscopat français témoigne

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    Communiqué de presse

    Paris, le vendredi 1er août 2014

    Chrétiens d’Irak : retour de la délégation de la CEF

    Le Cardinal Barbarin, Mgr Dubost et Mgr Gollnisch sont de retour ce 1er août de leur voyage comme émissaires de l'Eglise catholique en France auprès des chrétiens d'Irak, accueillis par le Patriarche Chaldéen Louis-Raphaël Sako.

    Dans une interview, recueillie sur place par Natalia Trouiller, responsable de la communication du diocèse de Lyon, et publiée sur le site eglise.catholique.fr, ils reviennent sur ces nombreuses rencontres, qui les ont profondément marqués. (...)

    Ce qui a beaucoup frappé Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry et Président du Conseil pour les relations interreligieuses de la CEF, « c’est de trouver des gens qui ont tout perdu en raison de leur foi : ils demandent justice, mais sans haine ni appel à la vengeance. L’immense solidarité du peuple irakien m’a aussi frappé : paroisses, écoles, salles communes, maisons, toutes les portes se sont ouvertes pour les déplacés ». (...)

    C’est bien pour être à l’écoute des chrétiens en Irak que cette délégation de l’Eglise en France a été organisée mais plus que jamais, tout est à poursuivre ! N’oublions pas les chrétiens d’Orient !

    Merci de relayer dans vos medias ces témoignages.

    Mgr Bernard Podvin - Porte-parole des évêques de France

    Interview des trois membres de la délégation de la CEF auprès des catholiques irakiens

    Que souhaitiez-vous faire par ce voyage auprès des communautés chrétiennes d’Irak ?

    Mgr Dubost : Personnellement, j’avais 4 buts : tout d’abord, porter à la connaissance des catholiques irakiens l’immense souci des catholiques français à leur égard. Ensuite, nous mettre à l’écoute de ce qu’ils ont vécu et de leurs besoins immédiats. Puis aider à la mobilisation de ce qui est à faire maintenant. Enfin, aider à une réflexion à long terme sur l’avenir de l’Irak multiculturel. (...)

    Considérez-vous que vous avez accompli votre mission ?

    Mgr Barbarin : Nos espérances ont été dépassées. Nous voulions écouter les gens, nous avons entendu des témoignages tous les jours, plusieurs fois par jour. Quantité d’histoires personnelles bien concrètes. Nous en avons plein les yeux, les oreilles et le coeur, à raconter !

    Ce qui me touche, ce que je garde de ce voyage, ce sont 2 remarques : une du patriarche, « De jour en jour, grâce à votre venue, on voyait leur espérance grandir » ; et une de Mgr Youssef Thomas, « Avant nous étions sans voix ; maintenant, enfin, nous avons une voix».

    Mgr Dubost : Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est de trouver des gens qui ont tout perdu en raison de leur foi : ils demandent justice, mais sans haine ni appel à la vengeance. L’immense solidarité du peuple irakien m’a aussi frappé : paroisses, écoles, salles communes, maisons, toutes les portes se sont ouvertes pour les déplacés. « Ils me demandent même ce que je veux manger !» témoignait une femme reçue dans le village de Malabrwan. Cela apporte quelque chose de fondamental dans le témoignage de la foi.

    Mgr Gollnisch : Moi ce qui me frappe, ce sont ces gens qui ont accepté de tout perdre en raison de foi. Nous n’avons reçu aucun témoignage d’apostasie, pas même une rumeur. On sent aussi que beaucoup de musulmans sont choqués par ce qui se passe à Mossoul. L’un d’eux l’a même payé de sa vie : le professeur Mahmoud Al-Asali.

    Nous avons été aussi les témoins complices du ministère paternel du patriarche Sako, un homme exceptionnel. On sent force des liens qui l’unissent à son peuple.

    Mgr Dubost : …et la force et le courage de cet homme qui appelle sans cesse à se battre sans les armes de la violence, et qui se fait applaudir par ces gens qui ont tout perdu !

    Mgr Gollnisch : Ce voyage nous a permis aussi de percevoir à quel point ces gens sont très proches de nous. Il y a la barrière de la langue, mais on les sent dans une grande proximité avec nous, au niveau de la foi.

    Mgr Barbarin : On a entendu l’expression de vraies souffrances, de blessures profondes : « Pourquoi ils nous persécutent ? Pourquoi ils ne nous aiment pas ? » Mais pas de désir de vengeance. De la lassitude, oui : ils ont été chassés du Kurdistan, puis de Mossoul… certains ont vécu trois, quatre, cinq exils… Ils se demandent : « Jusqu’à quand ? »

    Mgr Dubost : Il y a un dilemme profond dans le coeur de beaucoup : partir ou rester ? Le patriarche Sako leur dit : « Vous êtes libres, mais c’est notre pays ». Les personnes que nous avons rencontrées ne veulent pas partir, elles subissent l’idée de devoir partir. Ce n’est pas du tout la même chose.

    Mgr Barbarin : Nous avons été touchés aussi par ces députés chiites, sunnites qui disent : « Vous devez rester, nous avons besoin des chrétiens pour reconstruire notre pays ».

    Mgr Dubost : Ils ont perdu papiers, travail, maison, argent, bijoux, souvenirs, logement, avec une question de survie immédiate : hier nous avons vu 24 personnes logées dans une salle de classe : où seront-elles dans un mois, quand l’école fera sa rentrée ?

    Mgr Gollnisch : Contrairement aux rumeurs qui ont pu circuler, les chrétiens n’ont pas été tués. Ils ont en revanche été profondément traumatisés, atteints dans leur dignité.

    Mgr Barbarin : Une coiffeuse, qui a sauvé ses bijoux en profitant de l’heure de la rupture du jeûne de Ramadan pour quitter Mossoul est aussi abîmée que ceux qui ont tout perdu. Mais toujours cette dignité : « je veux travailler, je ne veux pas l’aumône ».

    Mgr Dubost : Le souci des enfants. Je pense à cet homme à qui on a refusé de rendre son fils tant qu’il n’aurait pas retourné la moindre de ses poches. Il a dû arracher son enfant à ses bourreaux.

    Mgr Gollnisch : Ce voyage permet aussi de remettre les pendules à l’heure : non, ce n’est pas un combat des musulmans contre les chrétiens. C’est bien plus complexe. Le dernier attentat qui ait visé les chrétiens, avant la prise de Mossoul, c’est en 2010 dans la cathédrale de Bagdad : mais depuis, il n’y a pas eu d’attentat contre eux. En revanche, il y a une bombe par semaine dans les mosquées. Certains, chrétiens ou non, irakiens ou pas, appellent à créer des zones basées sur l’ethnie ou la religion : une région sunnite, une région chiite, une région kurde, une turkmène, et pourquoi pas une enclave chrétienne (bien qu’ils soient si peu nombreux que c’est impensable). Ce n’est pas la solution. Si l’on se met à créer des enclaves monoethniques ou monoreligieuses, forcément cela débouchera tôt ou tard sur la guerre. Regardez l’exemple de la Première guerre mondiale : en 1918, on dit « plus jamais ça », et on redessine l’Europe en mettant les Italiens avec les Italiens, les Allemands avec les Allemands, etc. Le résultat ? Moins de 30 ans plus tard, une nouvelle guerre terrible. C’est obligé : si une nation se base sur une culture rigoureusement unique, elle va forcément à un moment ou à un autre réclamer tel ou tel morceau de territoire qui lui a appartenu à un moment de son histoire.

    La beauté et la force des chrétiens d’Orient, c’est qu’ils permettent un dialogue.

    Maintenant que vous êtes rentrés, que va-t-il se passer ?

    Mgr Gollnisch : Il y a trois niveaux d’action. Le premier, c’est l’aide d’urgence : il faut appeler aux dons des fidèles en concertation avec la Congrégation pour les Eglises orientales. Il faut trouver des structures d’accueil d’ici l’hiver.  

    Ensuite, ce n’est pas à l’Eglise seule d’assumer des dizaines de milliers de personnes déplacées. Il faut mobiliser l’opinion et les structures internationales. Communiquer sur ce qui se passe.

    Enfin, on ne pourra pas faire l’économie d’un travail en profondeur qui est aussi un travail de mémoire. Il faut qu’ils écrivent ce qui s’est passé. On ne peut que remarquer que nous allons célébrer le centenaire du génocide arménien et que nous assistons à des attitudes qui s’apparentent à ce qui s’est passé. Cette fois il n’y a pas de morts, mais il y a bel et bien épuration. Ce travail de mémoire est essentiel car c’est lui qui nous aidera à ne pas considérer que la situation à Mossoul est définitive. Regardons les choses en face : Il n’y a aucun Etat islamique à Mossoul, il y a un Etat islamique autoproclamé. Ce sont des bandes qui se proclament propriétaires de Mossoul, ce sont des occupants sans titres, illégitimes. Il est hors de question de les reconnaître ni de sembler accréditer la thèse selon laquelle ils sont chez eux !

    Mgr Dubost : Cette actualité dramatique a révélé la capacité de prière des catholiques français. Il faut montrer que cette capacité est pérenne. Il faut aussi que nous réfléchissions au lien social dans notre propre pays. Si nous montrons que nous sommes capables de vivre ensemble, ce sera un témoignage pour eux. Enfin, je suis frappé par le nombre d’analyses basées sur du ressenti plus que sur des faits. Chacun utilise les chrétiens d’Orient contre quelque chose : contre les évêques, contre les musulmans, etc. Il nous faut nous former, et ne pas instrumentaliser. La situation à Mossoul est suffisamment tragique pour qu’on ne raconte pas n’importe quoi, par exemple que des chrétiens y ont été tués ! Nous devons éduquer à la paix en étant le plus vrai possible (...)

    Mgr Gollnisch : J’ai fait plus de 40 conférences sur les chrétiens d’Orient, et à chaque fois les églises étaient pleines. On sent bien que les catholiques français s’interrogent sur leur propre foi à la lumière du témoignage de nos frères irakiens. Comme l’a dit le patriarche Sako : « Vous les Français, soyez forts dans votre foi ! »

    En guise de conclusion, que diriez-vous ?

    Mgr Dubost : Soutenons l’OEuvre d’Orient. Nous avons vu l’immensité de leur travail, le réseau de liens tissés de longue haleine, l’estime dont ils jouissent sur place, l’intelligence des projets qu’ils portent. Il faut absolument les soutenir.

    Propos recueillis par Natalia Trouiller