De Paul Sugy sur le site du Figaro Vox :
Jean-Pierre Denis: «Les évangéliques de Mulhouse ont servi de bouc-émissaire»
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le directeur de l’hebdomadaire La Vie estime que le procès intenté aux participants du rassemblement chrétien à Mulhouse, notamment par Jean-Luc Mélenchon dimanche, est injustifié, car dans le même temps les élections municipales ou les matchs de football étaient maintenus eux-aussi.
7 avril 2020
Jean-Pierre Denis est directeur de l’hebdomadaire La Vie et auteur d’Un catholique s’est échappé, paru aux éditions du Cerf.
FIGAROVOX.- Peut-on rapprocher, comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon dans l’émission «Le Grand Jury» dimanche, l’attaque de Romans et le rassemblement évangélique de Mulhouse, qui a sans doute contribué à répandre le virus en Alsace?
Jean-Pierre DENIS.- La réponse se trouve dans la vidéo de l’émission. Quand on la regarde attentivement, on y voit un Jean-Luc Mélenchon curieusement déstabilisé par la question de Guillaume Roquette. Il semble s’embarrasser dans les ficelles de sa propre réponse, sentant bien qu’elle n’a aucun sens. Et elle en a d’autant moins qu’il confond encore une fois les «évanglistes», auteurs il y a deux mille ans des quatre évangiles, et les «évangéliques», une branche du protestantisme contemporain. Mais c’est troublant surtout pour qui croyait que Jean-Luc Mélenchon était de gauche. Si c’est toujours le cas, quitte à chercher des boucs-émissaires, il en trouverait de bien meilleurs parmi les élites qui se sont mis au vert ou au bleu après nous avoir invités à la distanciation sociale et au civisme. Le Guardian, par exemple, a publié une enquête montrant comment le rassemblement des hyper-riches dans le club le plus sélect du Brésil a diffusé le virus dans tout le pays. Voilà une info de gauche!
Plusieurs commentateurs moquent avec mépris les responsables religieux qui voient dans cette épidémie un «signe de Dieu». Vous êtes un journaliste et essayiste catholique: jugez-vous, pour votre part, que l’on peut avoir une lecture spirituelle de la crise actuelle? Peut-on concilier cette approche avec une attitude raisonnable à l’égard des recommandations scientifiques?
Penser que la science et la foi s’opposent, c’est insulter la mémoire de Louis Pasteur, ce fervent catholique qui, me semble-t-il, s’y connaissait vaguement en épidémies et même en vaccins. Et quant à se demander s’il s’agit d’un signe de Dieu… comment en douter, si l’on est croyant? Comment penser que le Dieu qui s’est fait homme puisse se désintéresser de l’homme? Le Deutéronome, les psaumes, les prophètes, la Bible entière ne parlent que de cela, jusqu’aux événements qui accompagnent la mort de Jésus, que commémorera cette semaine le Vendredi Saint. «L’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps, et de les interpréter à la lumière de l’Évangile», disait encore le concile Vatican II, en 1965. Ce qui était vrai en une ère gentiment optimiste ne peut pas l’être pas moins dans une épreuve comme celle que nous traversons.