Culture - Page 302
-
Un petit catéchisme des c...
Lien permanent Catégories : Actualité, Culture, Enseignement - Education, Jeunes, Livres - Publications, Médias, Politique, Société 0 commentaire -
Les derniers films sortis sur les écrans
Les dernières sorties sont analysées sur l'ECRAN -
Islam et printemps arabes : l'approche de Jacques Rifflet
Dans La Libre du 19 novembre dernier (cela nous avait échappé), Christian Laporte a recensé un ouvrage intéressant de Jacques Rifflet consacré à l'Islam, un ouvrage intelligent éloigné des platitudes islamophiles des uns et des poncifs islamophobes des autres. Nous aimons tout particulièrement cette insistance sur le désert et son lien avec la transcendance qui n'avait pas échappé à un Charles de Foucauld :
(...) Une nouvelle brique de près de 700 pages où Jacques Rifflet confronte ses découvertes récentes à sa très remplie vie de voyages et de reportages. L’islam avait déjà une place importante dans son ouvrage précédent mais, ici, il nous emmène des piliers de la foi musulmane aux origines des conflits du Proche et du Moyen Orient. La bonne plume de Rifflet est épaulée par une volonté récurrente d’expliquer simplement, sans tourner autour du pot, comment on en est passé d’une religion aux principes pacifiques et pacifistes aux situations actuelles inextricables.
De l’Histoire à l’actualité, il n’y a qu’un pas largement franchi par l’auteur qui, dans la seconde partie de son ouvrage, propose une explication et une interprétation des différents Printemps arabes. Avec, à la clé, une analyse de ses incidences sur les sphères d’influence russe et occidentale. Jacques Rifflet a donc dressé une fresque palpitante d’un courant religieux qui a connu, à l’instar des autres religions et des philosophies éclairées, des époques tantôt brillantes et de grande ouverture, notamment sur le plan scientifique et culturel, tantôt des temps plus sombres marqués par la violence et l’oppression.
Mais quelle est "la" marque de l’islam ? Pour Rifflet, c’est le désert. Là, sa plume s’envole car on y passe parfois de la plus grande solitude à un sentiment de plénitude absolue. Loin d’être une volonté d’ajouter une touche exotique à son travail, l’auteur nous montre que ceux qui professent cette conviction ont souvent la certitude d’être porteurs de l’exclusivité de l’authentique transcendance. C’est cette conviction qui dote les musulmans de ce qu’il appelle"une intense énergie prosélyte". Une énergie qui "submerge toute tentative d’établir un échange de conceptions religieuses diversifiées". Et, "plus encore, s’il s’agit de présenter une argumentation athéiste, une thèse inconcevable"
Mais qu’on ne se méprenne pas : tout au long de son analyse qui s’étend sur quatorze siècles, l’auteur dit avoir rencontré "la qualité des valeurs de cette religion, sa grandeur et ses excès, l’attitude arrogante où elle élève ses convictions, la générosité accueillante de ses ouvertures mais aussi l’implacabilité de ses enfermements et son incapacité à s’organiser en une vraie démocratie qui n’est pas verrouillée par les interdits de son sacré". A l’évidence, son livre suscitera le débat à l’heure où, après avoir été écartée pendant des siècles de la dynamique mondiale, cette croyance interpelle vivement aujourd’hui le monde occidental.
L’islam dans tous ses états - Jacques Rifflet - Editions Mols - Autres regards 685 pp., env. 38 €
-
Le Messie à Verviers (2/12) : l'Alleluia
Dimanche dernier (2 décembre), le choeur de l'Emulation et la chorale Sainte-Julienne, soutenus par un orchestre symphonique et avec la participation de très jeunes choristes, ont interprété le Messie de Haendel en l'église Sainte-Julienne à Verviers. L'église était comble et le public a été ravi par une interprétation magistrale de cette oeuvre majeure par des musiciens professionnels ou non. Il a fallu toute la maestria et l'énergie de Margaret Scott pour réussir à coordonner deux chorales, des solistes et un orchestre réunis pour un concert unique. Durant le concert, les textes étaient projetés sur un écran et ont permis au public d'entrer dans la compréhension d'une oeuvre profondément spirituelle. Ce concert a mis également en évidence la beauté d'un édifice en attente d'une restauration qui lui rendrait tout son éclat.
-
"Tintin au Congo" ne contient pas de propos racistes
Nous lisons dans la Libre :
La bande dessinée "Tintin au Congo" ne contient pas de propos racistes et n'est pas une œuvre "méchante", a estimé la cour d'appel de Bruxelles, confirmant le jugement de première instance rendu en 2011. La BD ne doit donc pas être privée de vente ni de diffusion, a-t-on appris mercredi auprès du conseil des éditions Casterman et de la SA Moulinsart, Me Alain Berenboom. L'association française Le Cran (Conseil Représentatif des Associations Noires) et Bienvenu Mbutu Mondondo demandaient aux éditions Casterman et à la SA Moulinsart de cesser toute exploitation commerciale de la bande dessinée.
Déboutés en première instance, ils avaient interjeté appel. La cour a suivi le tribunal de première instance et estimé qu'il n'y avait aucune volonté dans le chef d'Hergé de véhiculer des idées à caractère raciste, vexantes, humiliantes ou dégradantes à l'égard des Congolais ni d'inciter les lecteurs à la discrimination et à la haine. "Hergé s'est borné à réaliser une œuvre de fiction dans le seul but de divertir ses lecteurs. Il y pratique un humour candide et gentil", a noté la cour.
Lien permanent Catégories : Actualité, Belgique, Culture, Justice, Livres - Publications 0 commentaire -
Quand les Simpson se moquent de Dieu...
... le Haut Conseil Turc de l'Audiovisuel ne rigole pas (actualité chrétienne) :
-
A Looz : une église bâtie comme un mirage...
Une curieuse réalisation présentée ICI
"C'est une église qui selon le point de vue s'effacerait du paysage. Le projet du duo d'architectes belges, Pieterjan Gijs et Arnout Van Vaerenbergh, baptisé Reading between the lines -Lire entre les lignes- est plus esthétique que spirituel. Édifier une église dont les murs composés de lattes d'acier horizontales modifieraient la perception du bâtiment.
La collaboration entre les deux remonte à 2007, quand Gijs et Van Vaerenberghdécident de réaliser plusieurs projets dans l'espace public avec une portée architecturale et artistique. Leurs intentions ne sont pas motivées par des commandes de clients mais par une autonomie et une volonté d'expérimenter et de réfléchir. ...."
-
La vie d'un chef vendéen bien malgré lui
Dans La Libre, sous le titre "En révolte contre la Révolution", Paul Vaute recense un livre de Philippe de Villiers consacré à Charette :
La vie d’un chef vendéen bien malgré lui, fusillé à Nantes le 29 mars 1796.
Entre 1793 et 1796, le soulèvement de la Vendée "catholique et royale" et sa répression par la Convention se soldent par un nombre de morts estimé entre 120 000 et 600 000 selon les historiens. Les combattants républicains en représentent quelque 10 %. La presse officielle désigne alors la population de Vendée comme la " race rebelle ". Robespierre, dans le "Journal des Jacobins", a appelé à " exterminer tous ces êtres vils et scélérats ". Les "colonnes infernales" de Turreau et les noyades de Carrier à Nantes inaugurent des techniques d’extermination de masse bien avant le XXe siècle. Le général Santerre, dans une lettre au ministre de la Guerre, réclame, pour "nettoyer" les départements insoumis, des mines, " des fumées soporatives " ou encore une composition chimique " dont la vapeur, dégagée par le feu, devrait asphyxier tout être vivant fort loin à la ronde ".
Le peuple vendéen en révolte contre la Révolution a besoin de chefs. Les paysans du canton de Machecoul sont allés chercher un lieutenant de vaisseau, François Athanase Charette de la Contrie. Ils l’ont trouvé sous son lit, où il s’était caché, peu désireux de s’embarquer dans cette galère. Ainsi démarre bien peu glorieusement l’épopée qui a séduit Philippe de Villiers !
Homme politique mais aussi initiateur du parc et du spectacle historiques du Puy du Fou, où la Vendée se raconte, l’auteur a choisi de donner à sa biographie une forme romancée. Le vainqueur de Saint-Christophe près de Challans en 1794, capturé puis fusillé à Nantes le 29 mars 1796, s’exprime ici à la première personne. Impossible, dès lors, de discerner les détails réels ou les propos effectivement tenus de ceux qui résultent d’extrapolations. Restent la trame d’ensemble, le contexte, les figures principales et ce qui les anime, globalement bien conformes à l’histoire et traités par quelqu’un qui leur est familier.
Issu d’une lignée de soldats, Charette a grandi "sous un modeste toit d’ardoises breton", en lisière du bourg de Couffé. Dans la Marine du Roi, il a participé à l’indépendance de l’Amérique et à d’autres grands événements de son temps, des pays baltes à l’Empire ottoman. Il aurait pu passer le reste de sa vie à raconter ses souvenirs, entre deux chasses à la perdrix. "Les convulsions du pays et la fuite des hiérarchies" en ont décidé autrement.
Philippe de Villiers ne le cache pas : son héros est un meneur d’hommes qui ne sont pas tous des anges. Mais à ses trousses, un général Rossignol, parfaite illustration du monde nouveau, rendant compte au Comité de salut public de ses efforts pour détruire les ennemis de la Liberté, ajoute : "Mais il y a encore des hommes humains et, en révolution, c’est un défaut selon moi". Et c’est encore d’un basculement prémonitoire de bien des Big Brothers à venir que Charette témoigne quand, après que les conventionnels aient rebaptisé la paroisse de Bouin "L’Isle-Marat" et Noirmoutier "L’Isle-de-la-Montagne", cette réflexion lui est prêtée : "Ils veulent prendre nos vies et effacer jusqu’à nos souvenirs".
Le roman de Charette Philippe de Villiers Albin Michel 480 pp., env. 22 €
-
Parier avec Pascal
"Parier avec Pascal" est le livre que l'abbé de Tanoüarn vient de publier, dans le but, affirme-t-il, de "faire comprendre que le pari n'est pas un calcul de probabilité mais une quête de l'évidence de Dieu..."
François Bousquet, dans le numéro de novembre de Spectacle du monde, rencontre l'auteur :
Prêtre traditionaliste, philosophe et homme de foi, directeur du Centre Saint-Paul, l’abbé Guillaume de Tanoüarn publie aux éditions du Cerf (318 pages, 28 €), un Parier avec Pascal.
Pourquoi Pascal est-il si crucial ?
Il l’est parce qu’il a en quelque sorte ressenti à l’avance, comme aucun autre, la montée en puissance du rationalisme moderne. Son but dans les Pensées ? Trouver une parade à ce rationalisme, au nom de la plus grande intelligence. Du fond de son scepticisme naturel, c’est la raison elle-même qu’il va scruter - les pouvoirs de la raison - en distinguant d’un côté l’esprit de géométrie, fondée sur le principe d’identité, et de l’autre l’esprit de finesse, fondée sur « la grande pensée de la ressemblance ». Que peut dire Pascal à Monsieur Homais, le pharmacien ratiocineur de Flaubert ? La raison ne fonctionne pas uniquement à travers le principe d’identité, il ne suffit pas d’écrire : A = B, B = C, donc A= C ; la raison n’est pas seulement mesurante, elle s’exerce aussi à travers des intuitions et des ressemblances ; nous dirions : des analogies. Pour Pascal, Dieu – l’Infini - est la plus évidente de ces intuitions. Le problème qui se pose à lui, c’est que cette évidence de Dieu n’est pas assez forte dans nos vies. D’où le pari par lequel il veut donner force à l’évidence de Dieu.
Mais réduit à sa plus simple expression, en quoi consiste le pari ?
Ce que l’on appelle pari est en réalité un fragment – un manuscrit de quatre page, raturé et annoté - que Pascal a intitulé : « Infini-rien ». Pascal est hanté par cette idée de l’infini, cette idée des deux infinis, le grand et le petit, si disproportionnés au regard de l’homme. Le pari, stricto sensu, c’est qu’il vaut toujours mieux vivre pour l’infini que de vivre sans l’infini. Pascal le présente comme un calcul, mais on est au-delà du calcul. Il dit d’ailleurs - comme Platon au fond - que si Dieu n’existait pas, il vaudrait mieux être un homme de bien de toutes les façons que de s’être laissé porter par nos désirs.
Peut-on dire de l’œuvre de Pascal qu’elle est un dialogue entre la foi et scepticisme, entre lui et Montaigne ?
On peut évidemment penser que c’est un dialogue entre la foi et le scepticisme, Montaigne n’étant pas uniquement du côté du scepticisme, mais aussi du côté de la foi, puisqu’il meurt au cours d’une messe célébrée dans sa chambre, dans une sorte d’étonnante extase au moment de la consécration. Montaigne et Pascal ont en commun d’avoir posé la relation du scepticisme et de la foi. C’est parce que la raison humaine est impuissante que la foi est nécessaire. Dit autrement : le scepticisme ouvre le vaste champ de la foi.
Quel est le génie de Pascal ?
On pourrait dire du génie de Pascal que c’est celui de la vérité contraire. Vous savez qu’il dit à propos de l’hérésie qu’elle n’est pas le contraire de la vérité, mais l’oubli de la vérité contraire. Il donne ainsi une image de la foi catholique faite de deux vérités contraires. Par exemple, la grâce et la liberté humaine sont les deux vérités contraires autour desquelles, en tant que janséniste, Pascal a tourné, sans jamais sacrifier l’une à l’autre.
Une sorte de dialectique pré-hégélienne ?
Non, parce que la dialectique hégélienne produit une synthèse qui n’est, Dieu me pardonne, qu’une foutaise, alors que Pascal laisse ouverte la dualité de toute approche. Avec lui, le choix n’est jamais fermé. Ainsi cela reste-t-il un pari.
Lien permanent Catégories : Actualité, Culture, Eglise, Foi, Idées, Livres - Publications 0 commentaire -
L’anarchisme chrétien ou l’épée de Perceval
“Voici le peuple immense de ceux qui t’ont cherché”, chante la liturgie de la Toussaint. Cette exclamation tirée du psaume 23 pourrait résumer L’anarchisme chrétien de Jacques de Guillebon et Falk van Gaver. Oui, voici le peuple immense, turbulent et bariolé des chercheurs de Dieu, tel qu’il défile sous nos yeux étonnés au long des 400 pages de cet ouvrage dont le titre est un paradoxe et un défi. En effet, comment peut-on être en même temps anarchiste et chrétien? Comment réconcilier Ni Dieu ni maître avec Mon Dieu et mon tout (S. François d’Assise)? Comment prétendre faire marcher ensemble les poseurs de bombes et les semeurs de joie? Réponse : en retournant à la source de toute révolte pure : la soif de justice. Pas seulement la soif, mais aussi la faim, telles que Jésus les proclame en S. Matthieu (5, 6) : “Heureux ceux qui ont faim et soif de justice : ils seront rassasiés!” La soif et la faim signifient que l’être tout entier est mobilisé par le désir infini de justice. Et ce désir n’est pas sans conséquence politique, car “la foi chrétienne, qui est accidentellement politique, est intimement subversive des pouvoirs aliénants éternellement constitués” (p. 11).
Jacques de Guillebon; Falk van Gaver
Or, les âmes ardentes et les esprits passionnés ne peuvent que se fracasser contre l’ordre d’airain des sociétés humaines.
Le croyant sait que la justice des hommes n’est pas forcément celle de Dieu, il est même invité par le Christ à “dépasser la justice des scribes et des pharisiens” sous peine de ne pas entrer dans le Royaume des Cieux (Mt 5, 20), saint Pierre engage même les croyants à “obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes” (Actes 5, 29) ; quant aux hommes de bonne volonté, ces “saints laïcs” mus par la seule justice, ils devront faire l’expérience douloureuse de la résistance aux commandements du monde.
On connaît la recommandation de saint Paul enjoignant aux chrétiens de se “soumettre aux autorités en charge, car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu” (Rom. 13, 1). Toute révolte contre un ordre inique serait-elle dès lors interdite? Non, bien sûr, au contraire. L’Eglise invite même les chrétiens à la résistance “si l’autorité viole gravement et de façon répétée les principes du droit naturel” et saint Thomas d’Aquin précise qu’ “on n’est tenu d’obéir... que dans la mesure requise par un ordre fondé en justice” (Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, Cerf, p. 225). Si donc l’ordre des hommes en vient à s’opposer frontalement à l’ordre divin, l’insoumission devient un droit, voire un devoir. Les martyrs des premiers siècles ont été principalement condamnés pour le simple motif qu’ils refusaient de sacrifier aux idoles et de reconnaître la divinisation du pouvoir politique. Dans nos sociétés, où les nouvelles idoles se présentent à l’adoration sous des formes multiples et où l’Etat en vient à règlementer l’espace de la conscience et à déplacer d’autorité les fondements immémoriaux de l’ordre social, cette résistance peut prendre deux formes principales : l’engagement chrétien radical ou l’insurrection comme étape vers la sainteté.
C’est à partir de ce tronc commun que les auteurs nous invitent à considérer les pensées et les actes des anarchistes.
Ils démontrent ce que l’anarchisme et le premier socialisme doivent au christianisme plus qu’à n’importe quelle autre doctrine ou philosophie.
En nous plongeant dans les eaux profondes de l’insoumission à l’ordre des hommes, les auteurs nous font découvrir une foule de personnages originaux, étonnants, extraordinaires, connus ou méconnus, une troupe d’assoiffés et d’affamés de justice, quelquefois très éloignés de Dieu, en apparence, quelquefois très proches de Lui, mais à leur manière.
Les auteurs ne canonisent personne, ce n’est pas leur moindre mérite ; ils analysent les ressorts de l’âme, les fondements des actes, la volonté droite. Ils posent en définitive un regard pénétrant et miséricordieux sur la vie de ces défunts qui forment la cohorte tempétueuse et haute en couleurs de ceux qui cherchent Dieu à travers la Justice, en piétinant quelquefois nos pelouses sacrées ou zigzagant à travers les transepts en heurtant les chaises alignées. Ainsi Proudhon (“L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir” ou encore “Il est surprenant qu’au fond de notre politique, nous trouvions toujours la théologie”) voisine avec Tolstoï (“La grande révolution, c’est le véritable christianisme, base de l’égalité entre les hommes et de la vraie liberté”) qui fraternise avec le prince noir Kropotkine (“Du berceau à la tombe, l’Etat nous étrangle dans ses bras”); Barbey d’Aurevilly, Claudel, Hello, Bloy, Péguy, Bernanos, Thibon forment la procession chrétienne de ces cavaliers de l’Apocalypse ; puis viennent les errants, les clochards, les fols en Christ, les dandies : l’archimandrite Spiridon, figure brûlante et exaltée de la foi russe, S. Benoît Labre, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Oscar Wilde, Adolphe Retté (athée, matérialiste militant, anarchiste et jouisseur, auteur de Contes blasphématoires et qui décrit sa conversion incroyable dans Du diable à Dieu) ; les pages consacrées à Gandhi sont d’une stupéfiante luminosité évangélique ; et l’on ne s’étonnera pas de retrouver notre cher G. K. Chesterton en si tonifiante compagnie.
On voudrait s’attarder sur tous les personnages décrits dans ce livre, tant chacun d’eux devient attachant et fraternel, fût-ce à travers ses errances et ses maladresses.
Le trait commun de tous ceux qui forment ce “peuple immense” est la recherche éperdue de justice et de vérité - jusqu’à la résistance passive, jusqu’à la désobéissance, jusqu’à rupture sociale voire la prise de maquis (le “recours aux forêts” : Thoreau, Jünger, Hainard). Un fil rouge traverse cet ouvrage, et ce fil relie entre elles toutes ces personnalités diverses et contradictoires en une sorte de tapisserie mystique en laine brute, une communion des saints tout étonnés d’être là : à la noce divine, seront conviés “les mauvais comme les bons”, trouvés sur les chemins (Mt 22, 10), “les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux ramassés sur les places et les rues de la ville” (Lc 14, 21).
On aura compris que l’anarchie analysée dans ce livre n’est pas celle des assassins ni des déséquilibrés. L’anarchisme est ici présenté dans son processus intellectuel et affectif, quand il procède d’un sentiment quasi océanique, c’est-à-dire “tributaire de forces parfois inconscientes, parfois mises au jour, que meut pourtant toujours un désir de s’extraire de la fausse contradiction moderne imposée par la domination des ethos socialiste et libéraux” (p. 12), contradiction à masque d’alternance, dont le seul point commun est le “narcissisme anthropocentrique et la même négation de la nature” (p. 315).
Il y a pourtant bien une troisième voie (qui est en réalité la première et la plus éternellement moderne) : l’amour de Dieu et du prochain comme source de subversion par le bien, comme seule alternative aux culs-de-sac idéologiques de tous les temps. La vraie et seule révolution ne commence-t-elle pas dans le cœur de l’homme, avec les premiers mots de Jésus dans l’Evangile selon S. Marc : “Convertissez-vous!”
Pierre René Mélon
__________
Jacques de Guillebon et Falk van Gaver, L’anarchisme chrétien, Editions de l’Œuvre, 2012, 411 p., 29 €.
Lien permanent Catégories : Actualité, Culture, Ethique, Foi, Jeunes, Livres - Publications, Société, Spiritualité 1 commentaire -
Quand une nouvelle année liturgique ravive la douce mémoire du Christ
La préparation à Noël dans la tradition occidentale et la tradition byzantine (Osservatore Romano)
Une mémoire douce et vivante
Toute la vie de l’Eglise se déroule dans le souvenir du Christ, dans sa « douce mémoire – une memoria suavitatis, pour reprendre l’expression de saint Bernard – sans que le temps, qui passe, ne parvienne jamais à l’épuiser ou à l’atténuer. Et en effet, Jésus est le contemporain de l’étendue des siècles, qui se déroulent tous en sa présence.
L’Eglise le rencontre en particulier dans l’Ecriture, née comme réévocation des « événements » du Seigneur (cf. Luc, 1, 1). L’Eglise le rencontre dans les signes sacramentaux qui, à leur tour, sont valables et efficaces grâce à la présence actuelle de celui qui en a été et continue d’en être l’auteur. Les croyants retrouvent le Seigneur sous diverses autres formes, mais c’est ici au caractère de signe sacramentel de l’année liturgique elle-même que nous nous intéressons. Avec ses festivités, l’Eglise a comme refaçonné les jours et les semaines ; elle a incliné et plié au service de Jésus les mois et les années.
Et la tradition liturgique byzantine elle aussi – bien qu’elle n’ait pas en elle-même une période liturgique précédant Noël, avec des particularités eucologiques propres – dans la période allant du 15 novembre au 24 décembre encadre ce qui s’appelle le « Carême de Noël », où nous trouvons une série de tropaires appelés theotòkia — c’est-à-dire dédiés à la Mère de Dieu – très riches d’un point de vue théologique.
La liturgie byzantine prépare à la Nativité de manière très discrète, très humble. Une très belle série de tropaires nous fait goûter par anticipation le mystère de l’Incarnation : l’attente confiante, la pauvreté de la grotte, les personnages ainsi que les lieux vétérotestamentaires qui apparaissent à cette période. A travers des images poétiques et des réminiscences bibliques nous sommes placés face au mystère de notre salut, au mystère indicible de Dieu qui, par amour, s’incarne, se fait l’un de nous, se fait homme, « se fait petit » comme les Pères aiment à le dire.
source : osservatoreromano.va
Lien permanent Catégories : Au rythme de l'année liturgique, Culture, Eglise, Foi, Spiritualité 0 commentaire -
« Comme dans des bâtiments en béton sans fenêtres »
Un message magnifique de Benoît XVI au « Parvis des Gentils » (référence au parvis du temple de Jérusalem qui dans l'antiquité était accessible aux païens), une structure vaticane voulue par Benoît XVI et destinée à faire dialoguer croyants et non croyants, Dans un contexte de forte sécularisation. Cette structure est pilotée par le cardinal Gianfranco Ravasi, président du conseil pontifical de la culture,
« Chers amis,
C’est avec une vive gratitude et avec affection que je salue tous les participants au "Parvis des gentils" qui va avoir lieu au Portugal, les 16 et 17 novembre 2012, et qui réunira des croyants et des incroyants autour de l’aspiration commune à affirmer la valeur de la vie humaine face à la vague montante de la culture de la mort.
En réalité, la conscience du caractère sacré de la vie qui nous a été confiée, non pas comme quelque chose dont on peut disposer librement mais comme un don qu’il faut garder fidèlement, appartient à l’héritage moral de l’humanité. "Malgré les difficultés et les incertitudes, tout homme sincèrement ouvert à la vérité et au bien peut, avec la lumière de la raison et sans oublier le travail secret de la grâce, arriver à reconnaître dans la loi naturelle inscrite dans les cœurs (cf. Rm 2, 14-15) la valeur sacrée de la vie humaine depuis son commencement jusqu’à son terme" (Encyclique "Evangelium vitæ", n° 2). Nous ne sommes pas un produit accidentel de l’évolution, mais chacun d’entre nous est le fruit d’une pensée de Dieu : nous sommes aimés par Lui.
Cependant, si la raison peut percevoir cette valeur de la vie, pourquoi mettre Dieu en cause ? Je réponds en citant une expérience humaine. La mort d’une personne aimée est, pour ceux qui l’aiment, l’événement le plus absurde que l’on puisse imaginer : cette personne est inconditionnellement digne de vivre, il est bon et beau qu’elle existe (l’être, le bien, le beau, comme le dirait un métaphysicien, sont transcendantalement équivalents). Mais en même temps, la mort de cette même personne apparaît, aux yeux de ceux qui ne l’aiment pas, comme un événement naturel, logique (pas absurde). Qui a raison ? Celui qui aime ("la mort de cette personne est absurde") ou celui qui n’aime pas ("la mort de cette personne est logique") ?
Le premier point de vue n’est défendable que si toute personne est aimée par un Pouvoir infini ; c’est là la raison pour laquelle il a été nécessaire de faire appel à Dieu. Effectivement, ceux qui aiment ne veulent pas que la personne aimée meure ; et, s’ils le pouvaient, ils l’empêcheraient toujours. S’ils le pouvaient... L’amour fini est impuissant ; l’Amour infini est tout-puissant. Eh bien, c’est cette certitude que l’Église annonce : "Oui, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle" (Jn 3, 16). Oui ! Dieu aime chaque personne et celle-ci, de ce fait, est inconditionnellement digne de vivre. "Le sang du Christ, qui révèle la grandeur de l’amour du Père, manifeste que l’homme est précieux aux yeux de Dieu et que la valeur de sa vie est inestimable". (Encyclique "Evangelium vitae", n° 25).
Mais, à l’époque moderne, l’homme a voulu se soustraire au regard créateur et rédempteur du Père (cf. Jn 4, 14), en se fondant sur lui-même et non sur le Pouvoir divin. C’est presque la même chose que dans les bâtiments en béton armé dépourvus de fenêtres, où c’est l’homme qui assure l’aération et la lumière ; et, semblablement, même dans un tel monde auto-construit, on puise dans les "ressources" de Dieu, qui sont transformées en produits qui sont les nôtres. Que dire, alors ? Il est nécessaire de rouvrir les fenêtres, de voir à nouveau l’immensité du monde, le ciel et la terre, et d’apprendre à utiliser tout cela comme il faut.
En effet, la valeur de la vie ne devient évidente que si Dieu existe. C’est pourquoi il serait beau que les incroyants veuillent vivre "comme si Dieu existait". Même s’ils n’ont pas la force de croire, ils devraient vivre sur la base de cette hypothèse ; dans le cas contraire, le monde ne fonctionne pas. Il y a beaucoup de problèmes qui doivent être résolus, mais ils ne le seront jamais complètement si l’on ne place pas Dieu au centre de tout, si Dieu ne devient pas de nouveau visible dans le monde et déterminant dans notre vie. Celui qui s’ouvre à Dieu ne s’éloigne pas du monde et des hommes, mais il trouve des frères : en Dieu nos murs de séparation tombent, nous sommes tous frères, nous faisons partie les uns des autres.
Mes amis, je voudrais conclure par cette phrase du concile Vatican II destinée aux penseurs et aux hommes de science : "Heureux ceux qui, possédant la vérité, continuent à la chercher pour la renouveler, pour l’approfondir, pour en faire don aux autres" (Message, 8 décembre 1965). C’est là l’esprit et la raison d’être du "Parvis des gentils". À vous qui êtes engagés de diverses manières dans cette initiative significative, j’exprime mon soutien et j’adresse mes encouragements les plus sincères. Que mon affection et ma bénédiction vous accompagnent aujourd’hui et à l’avenir.
BENEDICTUS PP XVI , Au Vatican, le 13 novembre 2012 »
Ici : "COMME DANS DES BÂTIMENTS EN BÉTON SANS FENÊTRES..."
Puisse cette "structure" de dialogue (une de plus) s'en inspirer dans ses initiatives...
Lien permanent Catégories : Actualité, Culture, Débats, Eglise, Foi, Idées, Société, Spiritualité 0 commentaire