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Culture - Page 94

  • Hurrah Raspail !

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    D'Aristide Leucate sur le Boulevard Voltaire :

    Livre : Hurrah Raspail ! Hommages, témoignages & études, sous la direction d’Adrien Renouard et Anne Letty

    -Il y a un peu plus d’un an, le 13 juin 2020, s’en allait, au Septentrion éternel, par-delà les mers, Jean Raspail, consul général de Patagonie, autoproclamé dans cette dignité par décision souveraine de Sa Majesté Orélie-Antoine de Tounens, roi d’Araucanie et de Patagonie.

    Nombre de Patagons à travers le monde se trouvèrent endeuillés, pour certains, inconsolables, pour d’autres, l’âme pesamment chagrinée et mélancolique. C’est que beaucoup le pensaient immortel, indestructible. Mais si l’éternité est le royaume des dieux, l’immortalité reste l’apanage des hommes.

    Alors, oui ! Raspail demeure, pour tout Patagon d’ici et des antipodes, l’immortel et altier seigneur, dans la tenue comme dans la fidélité, des hommes oubliés, Alakalufs de Terre de Feu, Peaux-Rouges d’Amérique du Nord, Guanaquis du Pérou, Aïnous du Japon, Ghiliaks des confins de l’Asie, Kalliganos des Caraïbes, Arawaks Taïnos esclavagisés d’Haïti, peuples kaléidoscopiques d’un camaïeu de peuplades, impitoyablement broyés par la modernité et perdus à jamais dans les obscures cimetières monographiques d’ethnographies poussiéreuses…

    Hurrah Raspail ! aurait-on envie de hurler à la face atalienne de ce monde hideux qu’est devenu le nôtre. D’autres l’ont poussé, ce cri. Et cela a donné, sous la direction d’Adrien Renouard – assisté d’Anne Letty –, ce vibrant recueil en hommage à l’un des derniers aventuriers du XXe siècle, après Monfreid, Saint-Loup ou Malraux. D’authentiques Patagons ont mêlé leurs plumes pour témoigner de leur affection, de leur peine, de leur admiration, de leur joie même – celle d’avoir croisé la destinée d’un écrivain-explorateur exceptionnel. De Philippe de Villiers à Jean Sévillia, de Jacques Terpant – « Raspail bis », selon le propre adoubement ubiquitaire de l’auteur des Yeux d’Irène – à Alain Sanders, d’Olivier Maulin à Renaud Camus, de François Bousquet – dynamique patron des Éditions de La Nouvelle Librairie qui offrent à ce livre son plus bel écrin – à Anne Brassié, de Jean des Cars à François Tully – vice-consul chancelier de Patagonie et rédacteur en chef du Moniteur de Port-Tounens, substantiel et incontournable Bulletin de liaison des amitiés patagones – de Jacques de Guillebon à Ivan Rioufol, etc.

    L’ouvrage devrait ravir les inconditionnels du dernier des hussards. Entre autres pépites, on y trouvera deux entretiens inédits, l’un conduit par Philippe Hemsen, précieux animateur d’un site Internet – qui ne l’est pas moins – consacré à l’écrivain, l’autre par Marie de Dieuleveult, chroniqueuse à La Nef mais surtout auteur, en France, du seul travail universitaire – qui plus est de belle qualité – portant sur « les causes perdues » de l’écrivain.

    Au sein de ce mélange commémoratif, Marie de Dieuleveult creuse davantage cette thématique des « causes perdues » et nous gratifie d’une remarquable étude sur « les jeux d’un roi ». Les récifs de l’imaginaire sont les seuls accostages où peuvent, désormais, s’amarrer le sacré et la beauté. Raspail, explique-t-elle, était perpétuellement en « quête » d’« ailleurs mythiques » et de « fidélités nouvelles ». C’est, à notre sens, ce qui le rend si passionnément attachant, bien loin des stupides caricatures journalistiques dans lesquelles s’acharnent à l’encaserner tant de mollusques polygraphes qui ne l’ont jamais lu. En outre, citant La Miséricorde, ultime livre de Raspail, paru en 2015, aussi bernanosien que bloyen, Dieuleveult livre la clé de compréhension d’une œuvre uniment traversée par « une profonde dimension sacrée dans un monde qui en a perdu le sens »« Sans ce dernier roman, conclut-elle, on ne peut comprendre Jean Raspail tout comme on ne peut comprendre ce dernier roman si on le détache du reste de son œuvre. »

    Nous ajouterons que ce livre, par la richesse de ses contributions, permet précisément de mieux comprendre et l’homme et l’œuvre. C’est dire que tout bon Patagon se doit de posséder ce monument.

  • Liège : Fête de l’Assomption le dimanche 15 août 2021 à 10h00 en l’église du Saint-Sacrement restaurée (Bd d’Avroy, 132)

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    Partageons une belle liturgie chantée en grégorien et motets classiques

    dédiés à la Madone de l’Assomption !

    Assomption Reni main-image.jpg

    La messe de la fête sera célébrée selon le missel de 1962

    Évangile du Magnificat (Luc, 1, 41-50)  

    Chants grégoriens

    Propre de la messe « Signum Magnum »

    Kyriale IX « Cum Iubilo »  

    Trois extraits du répertoire classiques 

    « Priez pour Paix, douce Vierge Marie » de Francis Poulenc (texte de Charles d’Orléans)

    « Er segnet die den Herrn fürchten » (Il bénit ceux qui craignent le Seigneur) - Aria extrait de la Cantate BWV 196 de JS Bach

    « Ave Maria » de Franz Schubert 

    A l’orgue, Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers et directeur du choeur universitaire de Liège

     Pour écouter des extraits sonores du programme, cliquez ici :

    http://eglisedusaintsacrementliege.hautetfort.com/archive/2021/08/02/fete-de-l-assomption-le-dimanche-15-aout-2021-a-10h00-en-l-e-6330298.html

    Livrets à votre disposition au fond de l’église pour suivre la messe

    _________________

    Journées patrimoine IMG_001_crédit Atelier Nord.jpegSursum Corda asbl, association pour la sauvegarde de l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy, 132 à Liège.

    Siège social: rue Albert et Louis Curvers, 32, 4053 Chaudfontaine (Embourg) Tel. +32 (0)4 344.10.89. 

    E-mail : sursumcorda@skynet.be 

    JPSC

  • En marge de « Traditionis Custodes » : regard sur les rites liturgiques dans l’Eglise

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    1 Définitions

    La messe est le rite liturgique par excellence, institué sur l’ordre du Seigneur.

    Un rite, selon la définition du juriste romain Pomponius Festus (IIe siècle après J.-C.) est « un usage confirmé (mos comprobatus) dans l’administration des sacrifices (in administrandis sacrificiis) » (1).

    Le mot liturgie puise son origine étymologique dans deux termes grecs : λαος (λαοί, au pluriel) : peuple et έργειν, agir, qui ont donné λειτουργια : action pour le peuple, action publique.

    Un rite liturgique est donc l’action confirmée par la coutume selon laquelle sont offerts des sacrifices pour le peuple, des sacrifices publics.

    Chrétien ou non, l’homme a toujours recherché la manière juste et digne de louer Dieu ou la divinité. Mais la foi catholique seule nous fait ce don en toute orthodoxie dans le sacrifice parfait accompli par le Christ, de la Cène à la Résurrection par la κενωσις (en grec: évidement, vidange) de la Croix (2).

    « Faites ceci en mémoire de moi ». Le témoignage des premières générations chrétiennes nous assure que cet ordre du Seigneur a été fidèlement suivi et l’Eglise n’a d’autre ambition que de transmettre ce dépôt sacré au long des siècles : par le rite de la messe qui célèbre dans l’Eucharistie le sacrement primordial du sacrifice de Jésus et par ceux des autres sacrements ou de l’office divin qui en découlent.

     2.Diversité des rites

    Chacun sait cependant qu’il existe de nombreux rites légitimes pour la célébration de l’Eucharistie, des autres sacrements et des heures.

    L’Apologie de saint Justin (en l’an 150) nous montre qu’au départ il y eut place pour une certaine improvisation, au sein d’un schéma invariable qui témoigne d’un grand respect pour l’idée de Tradition.

    A cette liberté relative a succédé (à partir de la fin du IIIe siècle) une période de fixation autour des grandes anaphores (prières eucharistiques) dont les textes avaient atteint leur maturité théologique et littéraire. La cristallisation de ces rites différenciés se fit sous l’influence de divers facteurs -culturels, politiques et doctrinaux- que l’on peut résumer comme suit :

    Les grandes métropoles du monde antique vont chacune marquer de leur influence propre les aires d’évangélisation, à partir des principaux patriarcats historiques de l’Eglise. Le premier concile de Nicée (325) proclama leur ordre de préséance en se fondant sur leur apostolicité : Rome, deuxième siège de saint Pierre, à la fois siège de l’Eglise latine et siège universel ; Alexandrie, siège de saint Marc ; Antioche, premier siège de saint Pierre. S’y ajouta le patriarcat honorifique de Jérusalem, ville sainte et siège de saint Jacques. Plus tard encore, Constantinople, siège sans origine apostolique directe, devint également patriarcat à titre honorifique (3).

    Autres sources de diversité : l’évangile gagne des territoires - Ethiopie, Arménie, Perse, Inde même…- situés en dehors de la Βασιλεια Ρωμαιων et, en Occident, à partir de 250, le grec, qui était la langue culturelle véhiculaire de tout l’Empire (la « κοινη ») décline au profit du latin.

    A ces causes, il faut sans doute ajouter aussi l’incidence des querelles christologiques qui ont fortement marqué l’histoire de l’antiquité tardive (4)

    Si les familles liturgiques orientales sont aujourd’hui encore bien vivantes, y compris au sein des Eglises « uniates » (unies à Rome) (5), il n’en va pas de même pour l’Occident où, dès avant la fin du premier millénaire, Rome absorba progressivement tous les rites (gallican, celtique, wisigothique, nord-africain…) apparentés au sien, dans un mouvement spontané d’intégration qui s’est poursuivi jusqu’au concile Vatican II (1962-1965). Des autres familles liturgiques occidentales subsistèrent néanmoins quelques particularités locales (rite mozarabe à Tolède, rite ambrosien à Milan, rite de Braga, rite lyonnais) ou liées à l’histoire de certains ordres religieux (rite dominicain, rite cartusien…).

    3. Requiem pour la forme extraordinaire du rite romain ?

    Plus significative fut la persistance obstinée de la forme traditionnelle du rite romain lui-même après la publication d’un « nouvel ordo missae » par le pape Paul VI en 1970.

    A cette réforme correspondit en effet, pour des raisons qui lui sont aussi (6) extrinsèques, un phénomène de « dissolution du rite » (7) face auquel l’usage de la forme antérieure apparut à un nombre grandissant de personnes comme une sorte de valeur-refuge.

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  • Un "Pacte Catholique Mondial sur la Famille"

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    De Vatican News :

    Vers un "Pacte Catholique Mondial sur la Famille"

    L'Année de la Famille - Amoris Laetitia sera l'occasion d'élaborer un document mondial sur la valeur de la famille, à la lumière de la Doctrine sociale de l'Église.

    À l'occasion de l’Année de la Famille - Amoris Laetitia voulue par le Pape François, le Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie (DLFV) et l'Académie Pontificale des Sciences Sociales (PASS), avec la collaboration du CISF (Centre International d’Études sur la Famille), ont lancé ces dernières semaines une enquête pour construire un Pacte Catholique Mondial sur la Famille, c'est-à-dire un programme commun d'actions pour promouvoir la famille dans le monde à la lumière de la Doctrine sociale de l'Église.

    Le Pacte impliquera les Centres d'études et de recherches sur la famille présents dans les Universités catholiques des cinq continents, à travers la collecte d'informations et de recherches effectuées sur l'importance culturelle et anthropologique de la famille, avec un regard particulier sur les relations familiales, la valeur sociale de la famille et les bonnes pratiques de politique familiale au niveau international. Le Pacte Catholique Mondial sur la Famille sera présenté dans le cadre d'un événement de clôture, avant la Rencontre Mondiale des Familles en juin 2022.

    (Communiqué du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie)

  • Où s’arrêtera la spirale infernale du « non-art » ?

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    De Jean Staune sur "La Sélection du Jour" :

    La douteuse alchimie de l’art contemporain

    Salvatore Garau est un artiste. Du moins c’est ainsi que les médias le présentent. Récemment, il a vendu pour 15.000 € une « sculpture invisible ». En quoi consiste cette œuvre ? C’est très simple : pour l’installer chez l’heureux propriétaire, « l’artiste » viendra avec un rouleau de sparadrap qu’il découpera et collera au sol pour former un carré d’1m50 sur 1m50.

    La fameuse « œuvre invisible » trônera au centre de ce carré. Certains trouveront qu’il s’agit d’une façon un peu trop facile de faire de l’art, et accessoirement, de gagner de l’argent. A cela, Salvatore Garau répond que : « Ne rien voir rend fou. S’il est mal interprété, le vide crée des angoisses », sous entendant que la béance de son œuvre crée des angoisses auprès de ceux qui n’ont pas assez d’imagination pour se représenter au centre de son carré une œuvre qui n’existe pas. Après tout, Saint Exupéry, faute de pouvoir représenter correctement le mouton demandé par le petit prince, n’avait-il pas dessiné une boite en lui expliquant que le mouton était dans la boite ? Mais lui au moins n’avait pas eu l’outrecuidance d’essayer de vendre son mouton en boite aux enchères… 

    Salvatore Garau est le lointain continuateur d’un autre artiste italien, Piero Manzoni, qui voulait concevoir des peintures invisibles. L’œuvre la plus connue de celui-ci est intitulée Merda d'artista, ce qui ne nécessite pas de traduction. Elle est composée de 90 petits pots de 30 grammes, soigneusement remplis par l’auteur, avec une signature qui garantit l’authenticité de la provenance des 30 grammes d’excréments que contient chaque boite. Manzoni voulant probablement imiter les opérations alchimiques qui transforment ou qui prétendaient transformer le plomb en or, expliquait que le prix de vente de chacune de ces boites devait correspondre au prix de 30 grammes d’or au jour de la vente.

    Le 16 octobre 2015, l’une de ces boites a été adjugée pour 203.000 € lors d’une vente aux enchères chez Christie’s et comme le cours de l’or, ce jour-là, était de 33,4 €/gramme, cela représentait 203 fois le prix de 30 grammes d’or. Piero Manzoni n’était pas là pour assister à ce grand moment, il est mort à 30 ans de la suite de ses excès et de ses débauches, ayant écrit qu’il voulait faire de sa mort elle-même une œuvre d’art. Mais ses boites sont désormais exposées dans les plus grands musées du monde dont le Centre Beaubourg

    Certes, la critique de l’art est un domaine difficile. Cézanne, Van Gogh, Picasso et tant d’autres ont été vilipendés et humiliés pour des œuvres dont tout le monde reconnaît aujourd’hui le génie. Mais ce n’est pas pour cela que toute œuvre critiquée aujourd’hui devrait être considérée comme potentiellement géniale. Une des façons les plus faciles de réussir à faire parler de soi est de produire une œuvre blasphématoire, telle que le « Piss Christ » par exemple, où Andres Serrano exposait la photo d’un crucifix immergé dans son urine. Notons au passage que n’étant pas suicidaire, il n’aurait jamais osé faire la même chose avec un Coran. C’est en général toujours la religion chrétienne qui fait les frais de ce genre de démarche.

    Parfois on assiste néanmoins à des situations intéressantes : Cy Twombly est un artiste connu pour exposer, entre autres, des toiles entièrement blanches. C’est également une façon assez simple de faire fortune. Un jour, une jeune cambodgienne aspirant à devenir elle aussi une artiste, Rindy Sam, déposa lors d’une exposition à Avignon un bisou au cœur de l’une de ces toiles entièrement blanches, avec des lèvres bien chargées en rouge à lèvres.

    Le propriétaire de l’œuvre comme l’artiste crièrent à la destruction d’ouvrage et affirmèrent être horrifiés. La pauvre femme, qui vivait du RMI fut condamnée non seulement à 1.500 € d’amende, mais pire encore, à 18.800 € pour rembourser les frais de restauration de la toile. Oui, vous avez bien lu, une restauratrice d’art a fait payer 18.800 € le fait d’enlever des traces de rouges à lèvres sur une toile entièrement blanche ! Comme l’ont fait remarquer certains commentateurs, il ne serait pas exagéré de dire ici que c’est Rindy Sam qui est l’auteure d’une véritable performance artistique, et non pas Cy Twombly.

    Enfin, on peut détester le positionnement politique du mystérieux Bansky, mais l’on doit reconnaître que c’est un des rares artistes contemporains à exprimer une pensée cohérente à travers son œuvre. Voulant prendre les marchés de l’art à leur propre jeu, il avait caché au cœur de l’une de ses toiles un système d’autodestruction qui fut activé à distance juste après que l’œuvre ait été adjugé 1,185 M€. Eh bien, c’est raté, la propriétaire est ravie de recevoir une œuvre déchirée en morceaux, et l’œuvre détruite se vendra demain encore plus chère que l’œuvre originale ! 

    Où s’arrêtera la spirale infernale du « non-art » et qui osera dire un jour que le roi est nu ? Quand certaines personnes, même du niveau de Luc Ferry, veulent dénoncer ce type excès, ils se font quasiment insulter…

    Jean Staune

    Pour aller plus loin : En Italie, une sculpture invisible achetée près de 15.000 euros >>> Lire l'article sur : Le Monde

  • Le "wokisme", le nouvel opium des intellectuels

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    Du site "Pour une école libre au Québec" :

    « Le wokisme, un opium des intellectuels »

     Illustration pour ordination d’un évêque luthérien transgenre 
    Le chapeau est celui du chapelier fou
    d’Alice au pays des merveilles

    Dans deux notes pour le réseau pensant Fondapol, Pierre Valentin, étudiant en maîtrise ès sciences politiques à l’université Paris-2 Panthéon-Assas, diplômé en philosophie et politique de l’université d’Exeter, trace les contours du nouveau militantisme de gauche aux États-Unis comme en France. Rencontre.

    Mouvement idéologique venu des campus états-uniens, le « wokisme » est au centre des débats médiatiques et intellectuels. Pourtant, une majorité de Français n’en a jamais entendu parler et peu de gens qui emploient le mot sont capables de le définir précisément. De quoi faire dire à certains que le woke n’existe pas, si ce n’est dans les fantasmes de la droite et de la gauche républicaine.

    Deux notes publiées par Fondapol, intitulées « L’idéologie woke. Anatomie du wokisme » et « L’idéologie woke. Face au wokisme », réussissent à tracer les contours de ce mouvement qui tend à prendre de l’ampleur. L’auteur, Pierre Valentin, étudiant en master science politique à l’université Paris-II Panthéon-Assas, diplômé en philosophie et politique de l’université d’Exeter au Royaume-Uni, revient avec nous sur le contenu de son étude.

     — Comment définiriez-vous « l’idéologie woke » ?

    Pierre Valentin — La traduction littérale « stay woke » signifie en anglais « restez éveillés ». Cette expression s’est d’abord popularisée aux États-Unis dans la communauté afro-américaine, où elle fait des apparitions sporadiques tout au long du XXe siècle. Elle ne devient un slogan politique à grande échelle que lorsque le groupe Black Lives Matter s’en revendique en 2013 et 2014.

    Deux critiques sont régulièrement formulées à l’encontre de ceux qui analysent le « wokisme ». La première est de critiquer la rigueur de ce terme, qui serait « fourre-tout » et « flou ». Chacun serait le woke de quelqu’un d’autre. La seconde — dans la même veine — est de dire que ce terme est une création inventée post-hoc par des gens de droite et les détracteurs de ce mouvement.

    Prenons ces critiques dans l’ordre. La définition donnée par Radio-Canada, citée Mathieu Bock-Côté (La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, 2021, p. 72.), est la suivante : « Dans un contexte de combat en matière de justice sociale, cette expression définit quelqu’un qui est sensibilisé aux injustices qui peuvent avoir lieu autour de lui. »

    Source : « Notoriété et adhésion aux thèses de la pensée “woke” parmi les Français », sondage Ifop pour L’Express, février 2021, p. 36.

    Ce terme renvoie à l’imaginaire de la gnose, hérésie chrétienne qui conceptualise une petite élite qui posséderait un savoir qualitativement supérieur ; une paire de lunettes qui permettrait de voir comment la réalité quotidienne est en réalité entachée par la trace du mal partout présent. Ailleurs, la notion de wokisme a été traduite sous le nom de « vigilitantisme ».

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  • La rupture ?

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    De Pierre Nespoulos sur la Semaine de Castres et du Tarn :

    La rupture ? 

    Le « motu proprio » (décret pris par le pape François) « Traditionis custodes » soit « Les gardiens de la tradition » (!) secoue ces temps derniers les milieux catholiques, voire au-delà. La possibilité ouverte par Jean-Paul II et libéralisée par Benoît XVI en 2007 de célébrer la messe communément appelée « messe en latin » est désormais abrogée, du moins soumise à de multiples autorisations, doublées de vexations. Le 7 juillet 2007 en effet, Benoît XVI avait ouvert un nouvel horizon à la liturgie traditionnelle et son « Introibo ad altare dei » (je m’approcherai de l’autel de Dieu). Dans un décret devenu célèbre, le motu proprio « Summorum pontificum », il accordait une place nouvelle à l’« ancienne messe » qui avait été marginalisée par le Concile Vatican II, avec l’argument : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous ». D’ailleurs, n’est-il pas paradoxal que ce qui était le rite millénaire soit désormais appelé « extraordinaire » ?

    La stupéfaction, l’indignation et la colère ont envahi une partie de l’Eglise pour qui cette remise en cause est pour le moins déconcertante, outre le fait qu’elle est une insulte à la face du prélat en retraite. Elle semble ajouter du sel sur des plaies dont on avait l’impression qu’elles étaient cicatrisées. Le compromis de Benoît XVI visant à apaiser le débat entre les diverses sensibilités catholiques est remis en cause de manière absurde, bien plus menée par une volonté disciplinaire que doctrinale. Le message de François est inacceptable tel qu’il est formulé. L’unité de l’Eglise ne peut être visée par des oukases mais par le dialogue fraternel. Je pensais naïvement que l’épithète « conciliant » dérivait de « concile ». L’interprétation (jésuistique?) me semble ici éloignée. Les tenants du courant moderniste imposent leur ligne, pourtant dénoncée par les critiques comme responsable de l’effondrement de la pratique religieuse, car cela ne répond pas à leurs attentes de transcendance, de sacralité, de recueillement, de mystère…

    Il faut que ce soit l’écrivain et philosophe Michel Onfray qui, bien que se revendiquant athée, explique pourquoi la décision du pape François de porter atteinte à la messe en latin dans le patrimoine liturgique le consterne : « La vie de l’Eglise catholique m’intéresse parce qu’elle donne le pouls de notre civilisation judéo-chrétienne bien mal en point. Le christianisme a façonné une civilisation qui est la mienne et dont j’estime que je peux l’aimer et la défendre ». Avant lui, Georges Brassens avait donné son avis de manière plus triviale dans une chanson célèbre « Sans le latin, la messe nous em…, à la grande fête liturgique plus de pompes soudain, plus de mystère magique et les fidèles s’en f… »

    Du passé faisons table rase. Offrons à l’avenir un monde banalisé à coup de cantiques débiles. Quand on pense au sublime héritage de la musique liturgique en latin, Mozart, Haydn, Haendel, Bach ! Est-il urgent de les remplacer par du moderne consensuel bâclé, voire du rap ? Est-ce l’Eglise de la synodalité, du décolonialisme et du paupérisme face à l’Eglise du sacré, de l’identité chrétienne assumée et de l’évangélisation ? La théologie de la Libération était une façon de comprendre le catholicisme fortement coloré de communisme : cela pouvait s’expliquer à défaut de se justifier au regard des régimes très durs d’Amérique latine dont Bergoglio eut à souffrir, mais on ne peut de notre côté ignorer les bases du christianisme qui ont façonné l’Europe. Peu concerné par le destin de l’Europe, le sud-américain François est très préoccupé par les questions sociales et peu par les questions liturgiques. Mais le pape n’est pas le président d’une ONG écolo-humanitaire !

    Je me garderai bien de décerner des brevets de catholicité en fonction d’une pratique liturgique, vivant en outre dans un diocèse où il n’y a pas de guerre ni ouverte ni larvée entre les rites. Mais je trouve excessif d’imputer aux tenants d’une fidélité à l’Histoire du catholicisme des velléités séparatistes en filigrane, comme, récemment, l’évêque de Dijon ou le Conférence des évêques de France, dans son retour sur expérience du « Summorum pontificum ».

    Si j’étais athée, il me semble qu’un appel vers le catholicisme ne viendrait certainement pas de son modernisme (pour cela j’ai Netflix!) mais par un besoin de sublime, de transcendance et de l’exemple de ceux qui s’agenouillent plus devant la croix que devant l’esprit du temps. Ce « motu proprio » liquidant l’héritage de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI  (du vivant de celui-ci, dernier irrespect) réveille les consciences endormies, devant un fallacieux progressisme dont le cheminement suicidaire n’est plus à démontrer : les églises se vident. Dans ces conditions, pousser quelques brebis vers la sortie n’est guère ni habile ni miséricordieux. L’Eglise doit-elle être « dans le vent » de l’évolution sociétale ?  Dans le vent, c’est le destin des feuilles mortes…

  • Pourquoi il faut prendre le projet antispéciste au sérieux

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    De  sur le site de la Revue des Deux Mondes :

    Paul Sugy : « Il faut prendre le projet antispéciste au sérieux »

    Dans « L'Extinction de l'Homme : Le projet fou des antispécistes » (Tallandier, 2021), Paul Sugy fait un tour d'horizon de la pensée antispéciste et alerte sur le péril anthropologique qu'elle constitue.

    Paul Sugy : C’est une idéologie qui a été forgée par des militants afin de servir la cause de la libération animale. Cette idéologie s’oppose à ce qu’elle appelle le « spécisme », autre néologisme qui désigne la discrimination des espèces et la préférence accordée aux humains par rapport aux autres formes de vie. L’antispécisme s’oppose à cette discrimination, en se calquant sur le modèle de la lutte contre le racisme ou le sexisme, et considère que tous les animaux sensibles ont un intérêt vital à ne pas souffrir. Par conséquent, pour eux, faire souffrir des animaux pour notre bien-être, pour notre consommation personnelle, correspond à une forme d’injustice et à une discrimination. Pour eux, c’est parce que les cochons ne sont pas des humains que nous nous permettons de les tuer.

    L’antispécisme prône une plus large inclusion des animaux sensibles dans notre société, pour mettre fin à ce qu’ils appellent « l’oppression spéciste ». On peine évidemment à mesurer les conséquences politiques et juridiques que cela pourrait avoir, puisque cela supposerait de changer du tout au tout notre rapport aux animaux.

    Revue des Deux Mondes : Quelles sont les racines intellectuelles de ce mouvement ?

    Paul Sugy : L’antispécisme prolonge la très longue histoire du végétarisme, qui a au fond toujours existé. Depuis que les civilisations humaines ont fait de la viande non seulement un objet de consommation mais aussi un objet culturel et parfois, à l’époque, un objet religieux, il y a eu des contestations de ces traditions. Par exemple, le végétarisme antique a poussé Pythagore à s’en prendre très violemment à la consommation de viande, quasiment de manière blasphématoire puisqu’il remettait en cause les sacrifices d’animaux. Plus récemment, on a retrouvé cette critique chez les Lumières, précisément chez Voltaire qui prônait la fin de l’anthropocentrisme. Ce décentrement prépare l’arrivée au XIXe siècle de penseurs moralistes qui vont opérer un tournant radical dans la morale en décrétant que le bien correspond au plaisir et au bien-être, tandis que le mal correspond à la souffrance : c’est l’utilitarisme de Jeremy Bentham.

    Peter Singer, l’un des initiateurs de la cause antispéciste, reprend à son compte cette philosophie en 1975 dans son livre La Libération animale. Il en fait le fondement de ce qui deviendra le mouvement antispéciste. Et aujourd’hui, l’antispécisme, après le stade moral et philosophique qu’il a passé ces dernières décennies, est rentré dans un stade politique, c’est-à-dire qu’il veut faire aboutir sa réflexion dans un projet de société révolutionnaire qui mènerait à la libération animale et à un nouveau système qui serait « zoopolitique », dans lequel les droits et les devoirs des animaux seraient garantis par la loi.

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  • "Cancel culture" : les nouveaux iconoclastes

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    De Guillaume Bonnet sur le site de France Catholique :

    La «  cancel culture  », des États-Unis à la France

    Les nouveaux iconoclastes

    19 mars 2021

    Inconnue il y a encore quelques mois, l’expression «  cancel culture  », importée des États-Unis, s’est imposée dans l’actualité. Cette «  culture de l’effacement  » entend reformater les esprits, pour les couler dans une idéologie dont le seul moteur semble être le nivellement des consciences. Au prix d’un déracinement systématique.

    Difficile de ne pas songer à la «  novlangue  », le sabir inventé par Orwell dans 1984 pour asseoir la domination totalitaire de Big Brother, quand on considère l’afflux de néologismes, d’acronymes et d’anglicismes – façonnés dans les universités, les salles de rédactions et les ONG – qui trouvent leur terreau dans les réseaux sociaux.

    Déjà, ils s’épanouissent dans le discours public et ne tarderont peut-être pas à s’imposer dans l’intimité des foyers. Dans le camp du bien : les «  wokes   » (comme «  éveillés  »), les «  SJW   » («  social justice warriors  » ou combattants de la justice sociale), les décoloniaux, le mouvement #MeToo…

    Dans le camp du mal : le système patriarcal, l’hétéronormativité, le «  male gaze  » (regard masculin dominateur), les «  Karen   » (les femmes blanches d’âge mûr complices du système-hétéronormé-et-du-racisme-systémique)… Vous ne comprenez rien à ce jargon ? C’est normal. Et tout est fait pour interdire le moindre débat. Le «  Wokistan   » – surnom péjoratif donné à cette nébuleuse idéologique, militante et sentencieuse – a mis au point un outil très efficace pour imposer sa vision du monde : la «  cancel culture  » qui vise à retrancher du paysage, de l’histoire et des cerveaux toute survivance d’un passé honni et tout individu vecteur de schémas archaïques.

    L’horizon indépassable ? Un «  espace de sécurité  » global, d’où serait bannie toute «  micro-agression  », c’est-à-dire toute parole et tout geste qui pourraient blesser telle ou telle communauté – ethnique, sexuelle et autre. Un cauchemar digne de la pire des fictions totalitaires ? Il est déjà réalité dans les universités anglo-saxonnes et le phénomène commence à poindre en France, avec les «  espaces non mixtes  », réservés à seulement à ceux qui peuvent s’estimer ciblés par une «  phobie  » quelconque…

    Les États-Unis en première ligne

    Pas un seul jour sans que l’on n’apprenne un nouvel «  effacement  ». C’est aux États-Unis que se déroulent les opérations les plus spectaculaires. Fin janvier, une commission de San Francisco a décidé de débaptiser 44 établissements qui portent le nom de personnalités supposées avoir «  pratiqué l’esclavage, opprimé les femmes, empêché le progrès social, mené des actions ayant conduit à un génocide  ».

    Dans le collimateur de la commission, non pas d’affreux séides du Ku Klux Klan ou des nostalgiques de la ségrégation, mais Washington, le père de la démocratie américaine, accusé d’avoir possédé des esclaves. Ou Lincoln, qui a aboli l’esclavage mais a ordonné la pendaison de 38 Sioux en 1862. L’univers du sport connaît des purges lexicales majeures, en particulier celui du base-ball avec deux équipes mythiques, les Redskins de Washington et les Indians de Cleveland, rebaptisées car leurs noms étaient jugés offensants pour les populations indiennes.

    L’univers marketing n’est pas en reste. La marque de riz Uncle Ben’s n’a pas manqué d’en faire les frais. Exit l’attachant grand-père noir qui l’incarnait, véhiculant avec lui l’atmosphère des grandes plantations du Sud. Mars, l’actionnaire de la marque, l’a rebaptisée Ben’s Original, et s’est engagé à financer un programme de soutien aux communautés afro-américaines du Mississippi…

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  • Traditionis Custodes : pour l’historien Christophe Dickès, spécialiste du Vatican, « La diversité des rites fait la richesse de l’Église »

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    Pourquoi les remous suscités par le motu proprio du pape François dépassent-ils largement le monde des traditionalistes? voici un décryptage très complet  paru sur le site web « Aleteia :

    « Pour l'historien et spécialiste du Vatican Christophe Dickès, en mettant fin à la libéralisation de la messe dite de saint Pie V, le pape François exprime très clairement le souhait qu’à terme, la forme extraordinaire du rite romain disparaisse. Il ne croit pas que cela soit possible.

    La publication du motu proprio Traditionis Custodes, le 16 juillet dernier, a provoqué de vives réactions au sein de l’Église de France. Si beaucoup d’évêques ont tenu à réitérer leur confiance aux communautés traditionnalistes de leurs diocèses, ces dernières se disent « profondément attristées » par le contenu du texte et de la lettre explicative du pape François. Pour le spécialiste du Vatican Christophe Dickès, il est « heureux » que « tous les conciles dans l’histoire, surtout ceux des premiers siècles, aient été aux centres de grands débats et de vastes discussions ». S’il se montre lui-même critique à propos de la décision du pape François, il rappelle l’importance « d’être constructif et respectueux dans sa critique ».

    Aleteia : En quoi le motu proprio Traditionis Custodes est-il en rupture avec les précédentes règles édictées par Benoît XVI ?

    Par son motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, le pape Benoît XVI libéralisait la messe dite de saint Pie V. Il permettait à des « groupes stables » de paroissiens de demander à leur curé ce qui serait désormais appelé la « forme extraordinaire du rite romain ». Dès les deux premiers mots de son texte, il justifiait son acte en faisant appel à l’ensemble de l’histoire de l’Église, de Grégoire le Grand à saint Pie V, en passant par Clément VIII, Urbain VIII, saint Pie X ou encore saint Jean XXIII. Écrire un texte en prenant à témoin l’ensemble des « Summorum pontificum » (en français, « Souverains pontifes ») nous dit toute l’importance de la liturgie pour ce pape théologien. Dans la lettre aux évêques qui accompagnait le texte, Benoît XVI ajoutait : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste ». De fait, la messe dite de saint Pie V n’a jamais été abrogée (Summorum Pontificum, art 1.)

    Or, le texte du pape François met non seulement fin à cette libéralisation, mais exprime très clairement le souhait qu’à terme, la forme extraordinaire du rite romain disparaisse. On a beau le prendre dans tous les sens, il souhaite son abrogation dans le temps en restreignant drastiquement sa pratique dès aujourd’hui. Alors qu’elle est un droit inaliénable.

    Pourquoi le pape François cherche-t-il à contrôler plus strictement les messes en rite préconciliaire ?

    Le pape François justifie sa décision en évoquant un danger pour l’unité ecclésiale. Mais je souhaiterais tout d’abord rappeler qu’il existe de très nombreuses formes du rite romain : les rites anglican et zaïrois, les rites ambrosien et cartusien. Sans compter les rites spécifiques aux ordres religieux. Et je ne parle même pas des rites non latins : les rites byzantins, arméniens ou antiochiens qui eux-mêmes comportent des sous-ensembles. Bref, il existe une diversité de rites, ce qui fait la richesse de l’Église, de son histoire et de ses traditions liturgiques.

     Lire aussi :L’histoire agitée de « Summorum Pontificum », le motu proprio qui a libéralisé la messe en latin

    Par ailleurs, d’un point de vue plus terre à terre, le motu proprio Traditionis Custodes fait suite à une enquête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi auprès des diocèses du monde entier. Or, sur l’ensemble des évêques, il semble que seuls 15% aient montré des sentiments défavorables à l’ancienne messe, quand 15% se révélaient neutres ou favorables. Les 70% n’ayant pas répondu, nous pouvons estimer qu’ils sont sans avis, ni pour, ni contre. Voir donc un texte pontifical répondre aux inquiétudes de 15% des évêques me laisse songeur… L’Église peut-elle s’offrir le luxe d’une crise dans le contexte que l’on sait, alors que tant de choses sont à faire et que ces communautés, contrairement à ce qu’en dit le motu proprio, ont montré leur fidélité à Rome dans le cadre offert par le pape Jean-Paul II puis Benoît XVI ?

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  • Répondre à la "cancel culture" par la transmission et l'enracinement

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    De Véronique Jacquier sur le site de France Catholique :

    «  Répondre par la transmission et l’enracinement  »

    26 juillet 2021

    L’historien Jean-Christian Petitfils fustige une «  cancel culture  » qui se répand jusque dans l’Université et rappelle l’importance de la transmission et de l’enracinement. Entretien.

    Quel regard l’historien que vous êtes porte-t-il sur la «  cancel culture  » ?

    Jean-Christian Petitfils : Initiée en France après la mort tragique de George Floyd en mai 2020 par des associations antiracistes ou des groupuscules de «  défense noire africaine  », la campagne passionnelle et outrancière destinée à abattre les statues, à débaptiser les lycées, les places et les rues portant le nom de grands hommes de notre Histoire, soupçonnés d’esclavagisme ou de colonialisme, est au cœur de cette «  culture de l’effacement  » qui se répand dans le monde occidental.

    Dans ce délire idéologique, où le souci de la vérité historique ne pèse pour rien, on ne sait trop lesquels sont le plus à blâmer, indigénistes, ultra-féministes, militants antiracistes et décoloniaux, islamo-gauchistes, qui ne rêvent que de déconstruire l’histoire de notre pays, ou les hommes politiques et les édiles tétanisés qui mettent genou à terre et se prêtent complaisamment aux injonctions terroristes des discours antiblancs.

    Y a-t-il des statues qu’il serait légitime de déboulonner ?

    Sans doute a-t-on exalté par le passé des individus qui ne le méritaient guère. Le mieux dans ce cas est de condamner leurs statues à l’oubli plutôt que d’agir «  à chaud  » sous l’injonction des manipulateurs. Sinon, où arrêter le curseur ? Quelles victimes choisir ? Jeanne d’Arc, récupérée par l’extrême droite ? Jean-Baptiste Colbert, pour avoir ordonné la rédaction du Code noir ? Louis XIV, pour l’avoir signé ? Voltaire, pour son antijudaïsme enragé ? Napoléon, pour avoir rétabli en 1802 l’esclavage en Guadeloupe et à Saint-Domingue ? Le maréchal Bugeaud, partisan et acteur de la «  terre brûlée  » en Algérie ? Le colonialiste Jules Ferry pour son mépris des «  races inférieures  » ? Charles de Gaulle, qualifié intensément «  d’esclavagiste  » et dont des statues ont été vandalisées ?

    Quels sont les précédents dans l’histoire ?

    Ces précédents, très nombreux, semblent constitutifs de l’histoire de l’humanité. Certains pharaons n’ont-ils pas fait marteler les effigies et les cartouches de leurs prédécesseurs ? Les chrétiens n’ont-ils pas détruit, pour la bonne cause disaient-ils, les idoles païennes, sans se soucier de la culture des peuples indigènes ?

    Faut-il rappeler aussi la grande crise iconoclaste de l’empire romain d’Orient, à partir de Léon III l’Isaurien (VIIIe siècle), qui, interprétant strictement l’interdit biblique de toute image divine, ordonna la destruction massive des icônes du Christ et de la Vierge. Cette crise dura plus d’un siècle.

    La fureur iconoclaste reprit – avec quelle âpre intensité ! – dans l’Europe du XVIe siècle au moment de la Réforme. La déprédation de l’art statuaire catholique s’accompagna de nombreux massacres. Durant les guerres de Religion, le mouvement s’intensifia en France, chaque camp cherchant à éliminer l’autre par la pierre renversée et le sang versé.

    Sous la Révolution, l’abbé Grégoire créa un mot pour dénoncer le phénomène : «  le vandalisme  ». Par fanatisme idéologique, haine de la religion ou de la monarchie, on détruisit des églises, des chapelles, on incendia des châteaux, on abattit des statues de rois, de princes, d’évêques, on vida jusqu’aux tombeaux royaux de Saint-Denis… «  Du passé faisons table rase  », clamera plus tard l’Internationale.

    Plus près de nous, le monde garde en mémoire les sinistres exactions de la Révolution culturelle chinoise, la destruction en 2001 des bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan ou la démolition en 2012 des mausolées de Tombouctou au Mali. Personne, en revanche, ne pleure le déboulonnage des statues des dictateurs : Hitler, Staline, Mao, Ceausescu, Saddam Hussein… Heureusement.

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  • Qu’est-ce que l’homme ? La question fondamentale que le prochain pape ne pourra plus esquiver

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, en traduction française sur Diakonos.be :

    Qu’est-ce que l’homme ? Une question que le prochain pape ne pourra plus esquiver

    L’article de Settimo Cielo « Conclave en vue, tout le monde prend ses distances avec le Pape François » a eu un certain retentissement, aussi bien par ses conjectures sur la succession que, plus encore, parce qu’il a mis en évidence les silences singuliers des deux livres jumeaux au départ de cette chronique, l’un et l’autre rédigés par des auteurs prestigieux connus aussi bien en Italie qu’à l’étranger, Andrea Riccardi et Giuseppe De Rita, et tous deux dotés de titres résolument alarmistes sur l’état de santé de l’Église catholique, pour la huitième année du pontificat de Jorge Mario Bergoglio : « La Chiesa brucia » [L’église brûle] et « Il gregge smarrito » [Le troupeau dispersé].

    Le premier silence relevé par Settimo Cielo dans ces deux ouvrages concerne justement le Pape François, et il est d’autant plus significatif qu’ils sont l’œuvre de deux personnalités qui l’ont jusqu’ici soutenu, comme s’ils voulaient à présent prendre leurs distances et penser davantage au successeur qu’à lui.

    Le second silence – certainement le plus évocateur – fait quant à lui l’impasse sur les réels défis que l’Église auxquels l’Église est appelée à faire face aujourd’hui. Dans ces deux livres, quoique riches d’idées intéressantes, on ne trouve rien ou presque, en particulier, sur cette mutation de l’idée de l’homme qui constitue l’apport le plus révolutionnaire de la culture actuelle et qui se trouve aux antipodes de l’anthropologie chrétienne.

    C’est précisément sur cette question que le très réputé Sergio Belardinelli (photo), professeur de sociologie de processus culturels à l’Université de Bologne, mais sans doute plus philosophe que sociologue, nous écrit l’article qui suit.

    Ses intérêts scientifiques portent principalement sur les dynamiques socio-culturelles liées au développement des sociétés complexes, avec une référence particulière à la religion, à la politique, à l’identité culturelle et à la bioéthique. Parmi ses livres les plus récents, on peut citer : « L’altro Illuminismo. Politica, religione e funzione pubblica della verità », Rubbettino 2010; « Sillabario per la tarda modernità », Cantagalli 2012; « L’ordine di Babele. Le culture tra pluralismo e identità », Rubbettino 2018; « All’alba di un nuovo mondo », Il Mulino 2019 (avec Angelo Panebianco).

    Settimo Cielo avait d’ailleurs publié quelques extraits de ce dernier livre lors de sa sortie, ils concernaient eux aussi la question abordée dans cet article et les incertitudes de l’Église quant aux réponses à apporter à ces nouveaux défis :

    > L’Europe vote. Mais l’Église aussi doit décider de son destin

    Entre 2008 et 2012, Belardinelli a également été coordinateur scientifique du « Comitato per il Progetto Culturale » présidé par le cardinal Camillo Ruini.

    *

    Une inattention qui peut coûter cher

    de Sergio Belardinelli

    J’ai lu moi aussi les deux livres dont parle Sandro Magister, mais je n’aurais jamais été capable les raccrocher comme il l’a fait à la perspective d’un prochain conclave. Une piste très alléchante et convaincante qui ne manquera pas de capter l’attention de nombreux vaticanistes et autres experts de questions qui concernent le présent et l’avenir de l’Église catholique.

    Ce qui m’a en revanche frappé également, c’est le peu d’attention que ces deux livres réservent à ce qui constitue pourtant le défi des défis pour l’Église et pour le monde : la question anthropologique.

    Comme Magister le souligne très justement, nous sommes face à une véritable « révolution » concernant notre compréhension de la naissance, de la génération, de la mort, du libre arbitre, qui n’a que peu de choses en commun avec le modèle que l’on trouve dans la Bible.

    Il n’est plus seulement question d’avortement, d’euthanasie ou de procréation artificielle ; mais c’est la spécificité même de la nature humaine, son primat sur les autres êtres vivants et donc la place que l’homme occupe dans ce monde qui sont sérieusement remis en question.

    Il n’est plus simplement question de sauvegarder et de préserver le monde que nous partageons avec les autres êtres vivants, un devoir auquel nous ne pouvons plus nous soustraire de quelque manière que ce soit ; mais selon une certaine culture toujours plus virulente, c’est un peu comme si, en tant qu’hommes, nous aurions en quelque sorte usurpé quelque chose, lésé les doits de quelqu’un d’autre, qu’il s’agisse d’animaux ou de plantes. Sans parler de ce qui pourrait se produire sur les fronts de ce qu’on appelle le « big data » et des intelligences artificielles.

    Étant donné les implications culturelles, sociales et politiques de tous ces aspects, il est frappant qu’on n’en parle presque pas voire pas du tout dans des livres qui prétendent pourtant relancer le rôle de l’Église dans le monde contemporain. S’il est pourtant vrai que l’Église est « experte en humanité », alors le moins que l’on puisse dire c’est que c’est le moment de le démontrer, parce que c’est précisément l’humanité de l’homme lui-même qui est sérieusement remise en question.

    Même si ce point peut sembler discutable, je considère qu’il s’agit pourtant d’un thème sur lequel l’Église aurait beaucoup à dire au monde et qu’elle pourrait même retrouver un certain impact susceptible de mitiger cette dramatique difficulté de parler au cœur des hommes dont parle le livre de Riccardi.

    Mais naturellement, le magistère de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI pèse lourdement sur cette importante question anthropologique, avec cette aura de « principes non-négociables » qui l’entoure et l’on préfère donc l’esquiver. Un « vide programmatique », comme l’appelle Magister, qui n’aidera certainement pas le Pape François, et encore moins son successeur.