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Témoignages

  • Italie Enzo Bianchi : « Le pape François est isolé. Sur les réseaux sociaux, l'aile traditionaliste de l'Église est beaucoup plus vivante"

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    Une interview (Giampiero Rossi, Corriere della Sera) d’Enzo Bianchi (fondateur agité de la communauté monastique œcuménique marginale remarquée de Bose, dans le nord de l’Italie) au « Corriere della Sera », reproduite par le site web « Sismografo »:

    Le moine et théologien : « Il y a un hiatus entre le pontife prophétique et son peuple. Je ne crois pas que nous nous dirigeons vers un schisme, mais je crains que l'Église ne glisse vers une perte dangereuse"

    « Le pape François est isolé, l'Église ne risque pas un schisme mais une perte dangereuse». Enzo Bianchi - moine de quatre-vingts ans, théologien, érudit de l'Église, fondateur de la communauté de Bose - ne cherche pas de tournures pompeuses pour dire ce qu'il pense. Il ne se réfugie pas dans les équilibristes, même lorsqu'il parle du pontife avec lequel il a eu un conflit ouvert dans un passé récent : il le critique et le défend sans réserve. Mais sa pensée principale, explique-t-il, est l’Église, son avenir dans un monde en rapide évolution.Son dernier livre, « Où va l’Église ? » est dédié à cela. (éditions San Paolo) qui sera présenté le jeudi 30 novembre à 18h au Centre Ambrosianeum (via delle Ore 3) en compagnie de Ferruccio de Bortoli et Don Antonio Rizzolo.

    Enzo Bianchi, la question est obligatoire. Où va l’Église ?

    « L'Église marche vers Jésus-Christ, vers le Royaume. Ou du moins c'est sa vocation, sa mission."

    Toutefois…?

    "Mais ces dernières décennies, elle s'est mise au centre, on parle trop de l'Église et moins de Jésus-Christ et de l'Évangile."

    Quand cette attitude a-t-elle commencé, à votre avis ?

    « Avec le Concile Vatican II, nous sommes arrivés à une réforme de l'Église pour apporter l'Évangile au monde, mais nous nous sommes ensuite fortement concentrés sur les activités mêmes de l'Église, qui s'est toujours positionnée comme maîtresse de l'histoire, estimant que tout dépendait sur elle-même, oubliant le choix de spoliation que le Christ lui-même a fait de sa condition de fils de Dieu. Ici, plutôt que d'avoir la prétention de devoir et de pouvoir tout dire sur tout et sur tout, d'être maître et guide des hommes, la L'Église devrait recommencer à se déshabiller et à marcher aux côtés des hommes, avec compassion et humilité, pour offrir à chacun le grand espoir de la résurrection. »

    Ne pensez-vous pas que depuis le pape Luciani, de nombreux gestes et pas ont été faits dans ce sens ?

    « Je les ai tous connus de près et je peux dire que oui, Jean-Paul Ier a commis des gestes de spoliation, qui étaient alors complètement absents dans le pontificat ultérieur et aussi dans celui de Ratzinger, qui n'avait pas suffisamment de force ni au sein de l'Église ni envers le peuple de Dieu, donc François a eu du courage et de la détermination, mais il faut dire une vérité que personne ne veut dire ouvertement...".

    Qui est?

    « François est isolé, mis à part ses plus proches, il n'est pas suivi par les cardinaux, les évêques, les prêtres et le peuple de Dieu lui-même semble sourd à sa proposition synodale, ils laissent tout passer presque dans l'indifférence. Et donc nous nous trouvons dans cette sorte de hiatus, entre un Pontife prophétique et son peuple, et cela m'inquiète beaucoup car dans la communication via les réseaux sociaux, l'aile traditionaliste est beaucoup plus vivante.

    Vous défendez donc la route tracée par le pape Bergoglio, même si vous avez eu des désaccords assez ouverts et durs avec lui ?

    « J'ai critiqué tout le monde, je n'ai jamais été enclin à idolâtrer un quelconque pape, mais maintenant je vois une situation très difficile. Je ne crois pas que nous nous dirigeons vers un schisme, mais je crains que l'Église ne glisse vers une perte dangereuse. »

    Mais n’existe-t-il pas déjà un conclave construit pour donner une continuité future au chemin indiqué par ce pape ?

    « Mais non, ce n'est pas du tout vrai que François a créé un conclave à son image, il a aussi nommé des cardinaux ennuyeux et traditionalistes, donc le risque pour l'avenir est justement que pour maintenir l'équilibre entre les différentes âmes, le conclave finit par choisir un père ennuyeux. On a vu d'ailleurs comment, à la même époque, il a été choisi de béatifier en même temps Jean XXII et Pie IX : un coup au cercle et un coup au tonneau."

    En parlant de cardinaux, ici à Milan, quelqu'un soulève cycliquement la question de l'échec de la nomination de l'archevêque Mario Delpini. Qu'en penses-tu?

    « Francis ne choisit pas les grandes villes, les grands personnages, mais suit plutôt une logique suburbaine. Il suffit de penser à la nomination de l'évêque de Mongolie, à l'extrême périphérie du monde et qui compte plus ou moins trois mille fidèles. Parce qu’il veut dire que même le petit, même le petit, compte. Et ce n’est pas un choix politique, mais évangélique. Autrement, il aurait fait de tout son peuple des cardinaux. » 

    Un autre sujet très sensible dans le diocèse ambrosien et dans toute l’Église est le déclin des vocations. Dans le livre, il en parle également, mais inverse le point de départ.

    «Bien sûr, car avant de s'interroger sur la crise des vocations, il faut s'interroger sur la crise de la foi. Et je reviens au point de départ : l'Église, trop concentrée sur ses propres activités - toutes belles et précieuses, toujours aussi nombreuses en deux mille ans d'histoire - a perdu de vue son message fondamental et extraordinaire : l'espérance que la mort ne soit pas le dernier mot, car avec le Christ il y a la résurrection. Revenons en arrière et disons ceci à l'humanité. »

    Bref, selon l’adage bien connu, un « pur » trouve toujours un plus pur qui l’épure…

  • Soudan : la destruction des églises à l'ordre du jour

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    De Vatican News (Jean-Benoît Harel) :

    Au Soudan, «la destruction des églises, c'est presque l'ordre du jour»

    Depuis avril 2023, le Soudan connait une guerre sanglante entre l’armée soudanaise et un groupe paramilitaire, les Forces de soutien rapide (FSR). Plus de 6 millions de personnes ont été déplacées selon l’ONU. Un prêtre missionnaire dans le sud du pays décrit les difficiles conditions de vie des déplacés et l’importance de la place de l’Église dans le soutien humanitaire et spirituel.

    «Il y a de la peur parce que nous ne savons pas quand nous serons attaqués.» C’est dans ce climat d’inquiétude permanente que vit le père Jean*, missionnaire dans le sud du Soudan. Des dizaines de milliers de déplacés ont afflué dans le sud du pays, trouvant un abri dans les écoles et les églises. Le père Jean témoigne du rôle de l’Église dans cette tragédie humanitaire: «De nombreuses personnes ont été traumatisées par des conflits armés dans les différents coins du Soudan. Notre rôle c’est avant tout la disponibilité pour accueillir les gens qui fuient pour les recevoir et les assister, financièrement et spirituellement.»

    Une situation humanitaire intenable

    Pour les déplacés soudanais, les structures d’aides sont peu nombreuses alors que la situation politique reste extrêmement volatile et dangereuse. Le conflit déclenché le 15 avril entre le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, a fait plus de 10 000 morts selon une estimation de l'ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), considérée comme largement sous-évaluée.

    Alors que les bombardements continuent de toucher durement des habitations civiles, le prêtre missionnaire depuis six ans dans le pays, affirme que seules l’Église, et quelques ONG n’ayant pas quitté le pays, peuvent répondre à la détresse des déplacés.  

    Toutefois, le conflit entre l’armée et les forces paramilitaires n’est pas le seul au Soudan. «Dans l’Ouest du Soudan, c'est devenu une sorte de conflit tribal: les populations d’origine arabe chassent ceux qui sont noirs» explique le père Jean.

    «Les églises ont été attaquées, pillées, vandalisées»

    Dans ce contexte difficile, les chrétiens ne sont pas épargnés. Comme lieu de rassemblement pouvant contenir des richesses, «les églises ont été attaquées, pillées, vandalisées» raconte l’homme d’Église. «Le système en lui-même persécute les chrétiens: sur le plan politique, c'est impossible d'avoir les chrétiens dans les hauts niveaux, et sur le plan éducatif, aucun chrétien n’enseigne dans les écoles de l'État».

    Les écoles n’ont pas ouvert leurs portes depuis le début du conflit, et la vie paroissiale est également bouleversée puisque certains déplacés sont logés dans les églises. Le missionnaire appelle à prier «pour que la paix puisse revenir au Soudan, parce que les gens sont fatigués. Notre souhait est que les belligérants puissent s'asseoir et discuter ensemble d’une solution possible pour le Soudan de demain».

    Témoignage d'un missionnaire au Soudan sur les exactions dont sont victimes les églises.

    *le prénom du père a été modifié pour des raisons de sécurité.

  • Emission KTO : "la foi prise au mot par Léon Bloy (1846-1917) ":

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    Bloy images (27).jpg« Figure souvent méconnue de nos jours, Léon Bloy fut pourtant une figure flamboyante de la littérature française du XIXe siècle. Profondément catholique, ne vivant que pour l'absolu et détestant le « Bourgeois » - ce « cochon qui voudrait mourir de vieillesse » - son oeuvre est marquée par un style violent, éclatant, volontiers pamphlétaire. On ne saurait, toutefois, minimiser l'incroyable drôlerie qui se dégage des critiques de ses congénères. « Dans son rapport à l'absolu et à la foi, Bloy s'est rendu insupportable à ses contemporains, avec beaucoup de méthode, d'énergie et de compétence. Mais, Bloy, au fond, c'est un peu le sel. S'il n'y a pas de Léon Bloy, avec quoi salera-t-on ? », s'amuse François Angelier, auteur et producteur de l'émission « Mauvais genre » sur France Culture. Ce nouveau numéro de La Foi Prise au Mot présente le portrait d'un esprit tourmenté mais aussi profondément mystique pour qui tout était symbole. »

  • Besoin de vitamines ? Faites le plein d'espérance avec "l'Esprit des lettres" (Jean-Marie Guénois)

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    De KTO Télévision :

    L’Esprit des Lettres de novembre 2023 : Jérôme Cordelier, Alexia Vidot, Frère Sylvain Detoc

    24/11/2023

    Jean-Marie Guénois se penche sur le passé de l’Europe avec Jérôme Cordelier (« Après la nuit » chez Calmann Levy). La Seconde Guerre mondiale terminée, tout est à reconstruire ; les chrétiens, qui furent parmi les premiers à résister à l’occupant nazi, sont aux avant-postes pour relever une France en ruines. Ils marquent cette ère nouvelle par leurs engagements dans les luttes économiques, sociales et spirituelles. Leur vision du monde oriente les combats politiques et intellectuels. Et ce sont eux, français, allemands et italiens, qui fondent une Europe de la paix. Voilà pour le passé. Et le présent ? Comment assumer nos limites au lieu de les masquer ? Comment s’aimer de façon juste sans se déprécier ou s’illusionner ? Alexia Vidot sonde notre coeur et dessille notre regard pour nous rappeler comment Dieu transforme notre boue en or, dans « Éloge spirituel de l’imperfection », chez Artège. Et l’avenir ? Le Christ n’a-t-il pas enseigné que sa résurrection inaugurerait des noces sans fin, demande le frère Sylvain Detoc ? A travers la fête de la Création, à travers l’histoire du salut, à travers la danse du Ressuscité et l’effervescence de son Esprit Saint, Dieu nous dit, comme au fils prodigue : « Toi, mon enfant, c’est toi que j’attendais pour faire la fête. ». Une émission coproduite par Le Jour du Seigneur, La Procure et KTO

  • Les saints martyrs du Viêt-Nam (24 novembre)

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    D'Evangile au Quotidien :

    Saints Martyrs du Viêt-Nam

    André Dung Lac, prêtre et ses compagnons martyrs entre 1745 et 1862

    Martyrologe Romain : Mémoire des saints André Dung Lac, prêtre, et ses compagnons, martyrs. Une célébration commune honore cent-dix-sept martyrs mis à mort entre 1745 et 1862 dans diverses régions du Viêt-Nam : le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine. Parmi eux, huit évêques, un grand nombre de prêtres et une foule considérable de laïcs chrétiens des deux sexes, de toute condition, de tout âge, qui ont tous préféré souffrir l’exil, la prison, les tortures et enfin les derniers supplices plutôt que de fouler aux pieds la croix et faillir à la foi chrétienne.

    L'église au Vietnam fécondée par le sang des Martyrs

    L'œuvre de l'évangélisation, entreprise dès le début, du XVIème siècle, puis établie dans les deux premiers Vicariats Apostoliques du Nord (Dâng-Ngoâi) et du Sud (Dâng-Trong) en 1659, a connu au cours des siècles un admirable développement. À l'heure actuelle, les Diocèses sont au nombre de vingt-cinq (dix au Nord, six au Centre et neuf au Sud). Les catholiques sont environ six millions (presque 10% de la population).

    Ce résultat est dû aussi au fait que, dès les premières années de l'évangélisation, la semence de la Foi a été mêlée sur la terre vietnamienne au sang abondamment versé des martyrs, tant du clergé missionnaire que du clergé local et du peuple chrétien du Viêt-Nam. Tous ont supporté ensemble les fatigues de l'œuvre apostolique et ont d'un même cœur affronté aussi la mort pour rendre témoignage à la vérité évangélique. L'histoire religieuse de l'Église du Viêt-Nam enregistre qu'il y a eu en tout cinquante-trois décrets, signés par les Seigneurs Trinh et Nguyen et par les Empereurs qui, du XVIIème au XIXème siècles, ont promulgué contre les chrétiens des persécutions plus violentes les unes que les autres. On compte environ 130.000 victimes tombées un peu partout sur le territoire du Viêt-Nam.

    Au cours des siècles, ces martyrs de la Foi ont été ensevelis d'une manière anonyme, mais leur mémoire est restée vivante dans l'esprit de la communauté catholique. Dès le début du XX siècle, dans cette foule de héros, 117 personnes - dont les épreuves sont apparues les plus cruelles - ont été choisies et élevées aux honneurs des autels.

    Ils furent tous canonisés en même temps par Saint Jean-Paul II (Karol Józef Wojtyła, 1978-2005)le 19 juin 1988, lors d'un de ses voyages en Asie, et déclarés Patrons du Viêt-Nam le 14 décembre 1990.

    Ces Saints peuvent être classés comme suit :

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  • Nigeria : de plus en plus de religieux sont kidnappés

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    Lu sur le Tagespost :

    Nigeria : de plus en plus de religieux sont kidnappés

    Dans ce pays africain, 23 prêtres, religieuses et séminaristes ont été kidnappés en 2023, soit plus que dans tout autre pays.
    Le séminariste Na'aman Danlami
    Le séminariste Na'aman Danlami a été tué lors d'une attaque contre le presbytère du village de Fadan Kamantan, dans l'État de Kaduna.

    Selon les informations dont dispose l'organisation humanitaire, il ne se passe pas un mois sans au moins un enlèvement depuis avril. L'un des incidents les plus récents s'est produit le 3 novembre lorsque le pasteur Andrew Anana a été enlevé à Godogodo, dans l'État de Kaduna. Il a pu s'enfuir au bout de quelques heures. Le prêtre avait déjà été kidnappé une fois en 2021. Quelques jours plus tôt, des hommes armés avaient enlevé trois religieuses, un séminariste et leur chauffeur. Ils ont été libérés au bout d'une semaine.

    Bien que la plupart des personnes enlevées ne soient entre les mains de leurs ravisseurs que pendant une courte période, il existe des exceptions tragiques. L'un des cas les plus dramatiques s'est produit le 17 octobre, lorsque Godwin Eze, un novice bénédictin , et deux candidats monastiques ont été enlevés à Eruku, dans l'État de Kwara, à l'ouest du Nigeria. Alors que les deux postulants étaient libérés, le frère Godwin a été abattu et son corps jeté dans une rivière, selon le monastère.

    Un séminariste meurt dans un incendie criminel

    Le 7 septembre, il y a eu deux agressions contre des aspirants prêtres, dont une mortelle. A cette époque, le séminariste Ezekiel Nuhu avait été enlevé dans l’État de Kaduna. Il a été libéré au bout de deux mois. Le même jour, le séminariste Na'aman Danlami a été tué lors d'une attaque contre le presbytère du village de Fadan Kamantan, dans l'État de Kaduna. Deux prêtres ont réussi à s'enfuir pour se mettre en sécurité, mais Danlami est mort brûlé vif dans le bâtiment qui a été incendié.

    « Church in Need » documente les cas de membres du clergé catholique assassinés, kidnappés ou emprisonnés à tort dans le monde entier depuis 2022. Les chiffres seront publiés à la fin de l'année. L'année dernière, il y a eu 118 incidents individuels, dont 16 prêtres et religieuses tués à cause des persécutions.

  • Saint Clément, troisième successeur de Pierre (23 novembre)

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    414.jpgLors de l'audience générale du mercredi 7 mars 2007, le pape Benoît XVI consacrait son enseignement à la belle figure du troisième successeur de saint Pierre, saint Clément, évêque de Rome à la fin du premier siècle :

    Chers frères et soeurs,

    Nous avons médité au cours des derniers mois sur les figures de chaque Apôtre et sur les premiers témoins de la foi chrétienne, que les écrits du Nouveau Testament mentionnent. A présent, nous consacrons notre attention aux Pères apostoliques, c'est-à-dire à la première et à la deuxième génération dans l'Eglise après les Apôtres. Et nous pouvons ainsi voir comment débute le chemin de l'Eglise dans l'histoire.

    Saint Clément, Evêque de Rome au cours des dernières années du premier siècle, est le troisième Successeur de Pierre, après Lin et Anaclet. Sur sa vie, le témoignage le plus important est celui de saint Irénée, Evêque de Lyon jusqu'en 202. Il atteste que Clément "avait vu les Apôtres", "les avait rencontrés", et avait "encore dans les oreilles leur prédication, et devant les yeux leur tradition" (Adv. haer. 3, 3, 3). Des témoignages tardifs, entre le quatrième et le sixième siècle, attribuent à Clément le titre de martyr.

    L'autorité et le prestige de cet Evêque de Rome étaient tels que divers écrits lui furent attribués, mais son unique œuvre certaine est la Lettre aux Corinthiens. Eusèbe de Césarée, le grand "archiviste" des origines chrétiennes, la présente en ces termes:  "Une lettre de Clément reconnue comme authentique, grande et admirable nous a été transmise. Elle fut écrite par lui, de la part de l'Eglise de Rome, à l'Eglise de Corinthe... Nous savons que depuis longtemps, et encore de nos jours, celle-ci est lue publiquement au cours de la réunion des fidèles" (Hist. Eccl. 3, 16). On attribuait à cette lettre un caractère presque canonique. Au début de ce texte - écrit en grec - Clément regrette que "les adversités imprévues, qui ont eu lieu l'une après l'autre" (1, 1), ne lui aient pas permis une intervention plus prompte. Ces "adversités" doivent être comprises comme la persécution de Domitien:  c'est pourquoi la date de la rédaction de la lettre doit remonter à l'époque qui suivit immédiatement la mort de l'empereur et la fin de la persécution, c'est-à-dire tout de suite après 96. 
    L'intervention de Clément - nous sommes encore au I siècle - était rendue nécessaire par les graves problèmes que traversait l'Eglise de Corinthe:  en effet, les prêtres des communautés avaient été déposés par plusieurs jeunes contestataires. Cet événement douloureux est rappelé, encore une fois, par saint Irénée, qui écrit:  "Sous Clément, un conflit important étant apparu parmi les frères de Corinthe, l'Eglise de Rome envoya aux Corinthiens une lettre très importante pour qu'ils se réconcilient dans la paix, qu'ils renouvellent leur foi et annoncent la tradition, qu'ils avaient reçue des Apôtres depuis peu de temps" (Adv. haer. 3, 3, 3). Nous pourrions donc dire que cette lettre constitue un premier exercice du Primat romain après la mort de saint Pierre. La lettre de Clément reprend des thèmes chers à saint Paul, qui avait écrit deux longues lettres aux Corinthiens, en particulier la dialectique théologique, éternellement actuelle, entre l'indicatif du salut et l'impératif de l'engagement moral. Il y a avant tout l'heureuse annonce de la grâce qui sauve. Le Seigneur nous prévient et nous donne le pardon, il nous donne son amour, la grâce d'être chrétiens, ses frères et soeurs. C'est une annonce qui remplit notre vie de joie et qui donne de l'assurance à notre action:  le Seigneur nous prévient toujours avec sa bonté et la bonté du Seigneur est toujours plus grande que tous nos péchés. Il faut cependant que nous nous engagions de manière cohérente avec le don reçu et que nous répondions à l'annonce de salut par un chemin généreux et courageux de conversion. Par rapport au modèle paulinien, la nouveauté est que Clément fait suivre la partie doctrinale et la partie  pratique, qui étaient constitutives de toutes les lettres pauliniennes, par une "grande prière" qui conclut pratiquement la lettre.

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  • Espagne : 20 martyrs de la Guerre Civile béatifiés à Séville

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    De Vatican News :

    Martyrs de la guerre civile espagnole béatifiés.

    Vingt martyrs de la guerre civile espagnole béatifiés à Séville

    Dans la cathédrale de Séville, le cardinal Semeraro a élevé aux honneurs des autels Don Manuel González-Serna Rodríguez, ainsi qu'un groupe de compagnons tués pour la haine de leur foi en 1936.

    Le Pape François a évoqué, après l'angélus du dimanche 19 novembre, les nouveaux bienheureux que le cardinal Marcello Semeraro a élevé aux honneurs des autels samedi à Séville. «Tués en 1936 dans un climat de persécution religieuse de la guerre civile espagnole, ces nouveaux martyres ont témoigné du Christ jusqu’à la fin. Que leur exemple réconforte les nombreux chrétiens de notre temps persécutés pour leur foi».

    Messe à Séville

    Présidant au nom du Pape François la béatification du père Manuel González-Serna Rodríguez et de dix-neuf autres martyrs, samedi à Séville, le préfet du Dicastère pour la cause des saints a souligné que la vie chrétienne «n'est pas une promenade, mais une mission risquée», et personne n’est «payé pour applaudir, comme dans les spectacles terrestres». En effet, Jésus «prévient que même les liens familiaux peuvent être compromis par le fait de le suivre».

    Sainteté du martyre

    Les vingt nouveaux bienheureux, a expliqué le cardinal, sont un nouvel exemple de la «sainteté du martyre» dont le pape François a parlé jeudi dernier dans son allocution aux participants à la conférence sur la dimension communautaire de la sainteté. Leur mort violente, a-t-il rappelé, a eu lieu dans un contexte de persécution religieuse en 1936 en Espagne.

    La majorité des martyrs étaient des prêtres; les autres étaient des fidèles laïcs et, parmi eux, l'un d'entre eux avait un fils encore séminariste. Il y a aussi une femme qui, très «active dans les œuvres de charité, était une collaboratrice du curé», Don Manuel González-Serna Rodríguez. Ce dernier, «pour témoigner de sa foi, a voulu être fusillé à côté de l'Évangile». Un autre prêtre, Miguel Borrero Picón, «au moment du martyre, a voulu porter la soutane pour montrer publiquement son identité». L'assassinat des autres a pris «des formes différentes, mais tous, au moment décisif, ont accepté la mort comme expression de leur fidélité au Christ». Le père Juan María Coca Saavedra, pendant les cinq jours de captivité auxquels il a été soumis, a exercé le ministère de la réconciliation; les autres, alors, «ont prié et se sont réconfortés les uns les autres, exprimant même des paroles de pardon à l'égard de leurs assassins».

    Souffrance, pardon, miséricorde

    Le cardinal Semeraro a rappelé un ancien hymne chrétien en l'honneur des martyrs, qui «commence par faire l'éloge de ces témoins du Christ». Il dit d'eux que, «enflammés par un véritable amour, ils ont été plus forts que la peur humaine de la mort et que, ayant souffert le martyre, ils sont maintenant au ciel et jouissent d'une joie sans fin». Immédiatement après, cependant, l'hymne passe à l'examen de la situation dans laquelle chacun se trouve: «il affirme qu'il existe pour chacun une condition de martyre et en énumère trois formes». La première est pro fide mortis passio, c'est-à-dire «souffrir la mort à cause de la foi chrétienne». Le deuxième martyre que le croyant est appelé à vivre est iniuriae remissio, c'est-à-dire «pardonner les offenses». La troisième forme est proximi compassio, c'est-à-dire «la miséricorde».

    De l'un de ces martyrs, le père Francisco de Asís Arias Rivas, «les témoins ont explicitement déclaré que, bien qu'il ait dû subir une humiliation particulière de la part de ses persécuteurs, il est mort en pardonnant». De même, Don Mariano Caballero Rubio et Don Pedro Carballo Corrales sont morts en invoquant la miséricorde de Dieu et le pardon de leurs agresseurs. «Le martyr, en fin de compte, a conclu le cardinal, n'est pas seulement celui qui souffre de la persécution, mais aussi celui qui, comme Jésus sur la croix, est capable de dire : "Père, pardonne"».

  • Les "crimes de haine anti-chrétiens" en Europe ont augmenté de 44% l'année dernière

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    De Daniel Payne sur Catholic News Agency :

    Les "crimes de haine anti-chrétiens" en Europe ont augmenté de 44% l'année dernière, selon un groupe de surveillance

    17 novembre 2023 Catholic News Agency The Dispatch 7Print

     17 nov. 2023.

    L'Europe a connu une augmentation de 44 % des crimes de haine antichrétiens dans plus de deux douzaines de pays européens au cours de l'année écoulée, selon un groupe qui surveille la discrimination à l'égard des chrétiens.

    L'Observatoire de l'intolérance et de la discrimination envers les chrétiens en Europe (OIDAC Europe), basé à Vienne, a publié jeudi son rapport annuel détaillant le pic des incidents antichrétiens, qui, selon lui, est "lié à une augmentation de la motivation extrémiste et à une plus grande acceptation du ciblage des églises".

    L'OIDAC Europe indique sur son site web qu'elle recherche, analyse, documente et rapporte "les cas d'intolérance et de discrimination à l'encontre des chrétiens en Europe".

    Les enquêtes de l'association sur "l'intolérance et la discrimination" à l'égard des chrétiens font état "d'attaques physiques et de menaces contre des chrétiens individuels ou des communautés chrétiennes, de profanation et de vandalisme de sites chrétiens" et de "violations de la liberté de religion, d'expression, d'association et de conscience", parmi d'autres incidents.

    Dans son rapport publié jeudi, l'OIDAC Europe indique que les "incendies criminels d'églises" ont augmenté de 75 % entre 2021 et 2022. Le rapport révèle également une "discrimination légale à l'encontre des chrétiens qui expriment une vision traditionnelle du monde chrétien".

    Les cinq premiers pays pour les crimes de haine anti-chrétiens, selon le rapport, sont l'Allemagne, l'Italie, la France, l'Espagne et la Pologne. Le Royaume-Uni et l'Autriche sont également en tête de liste.

    Dans l'ensemble, "en 2022, l'OIDAC Europe a recensé 748 crimes de haine antichrétienne dans 30 pays différents, allant des incendies criminels, des graffitis, des profanations et des vols aux agressions physiques, aux insultes et aux menaces", précise le communiqué.

    Le groupe a noté que ces chiffres correspondent étroitement à ceux rapportés par l'Organisation intergouvernementale pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L'OSCE a recensé 792 crimes de haine antichrétiens dans 34 pays européens, ce qui fait des chrétiens le groupe religieux le plus visé après les juifs.

    Le rapport examine également des cas de chrétiens qui auraient "perdu leur emploi, auraient été suspendus ou auraient fait l'objet de poursuites pénales pour avoir exprimé des opinions religieuses non violentes en public", ainsi que des "violations du droit des parents d'éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses".

    Le communiqué indique notamment que la plupart des crimes de haine commis l'année dernière "ont été perpétrés par des membres radicalisés de groupes idéologiques, politiques ou religieux qui suivent un discours anti-chrétien".

    Regina Polak, professeur et directrice du département de théologie pratique à la faculté de théologie catholique de l'université de Vienne, qui travaille également avec l'OSCE, a déclaré dans le communiqué de presse de jeudi que le "nombre croissant de crimes de haine anti-chrétiens en Europe" détaillé par le rapport est "profondément inquiétant".

    "Il est absolument nécessaire de sensibiliser les gouvernements et la société à ce problème", a déclaré M. Polak dans le communiqué, "et d'entreprendre des mesures politiques pour s'y attaquer et le combattre résolument".

    Le rapport complet est disponible ici.

     

  • L'Opus Dei entame les préparatifs pour célébrer son centenaire

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    Lu dans le site web sismografo :

    OCARIZ cq5dam.thumbnail.cropped.750.422.jpeg« Les semaines de travail avec lesquelles l'Opus Dei va préparer le Congrès général ordinaire de 2025 se dérouleront dans le monde entier tout au long de l'année prochaine. 

    C'est ce qu'a annoncé mercredi le prélat de l'Opus Dei, Fernando Ocáriz, dans un message adressé à ses fidèles. La devise choisie par l'institution pour préparer cet événement est Chemin vers le centenaire de l'Œuvre. Approfondir le charisme et renouveler notre désir de servir Dieu, l'Église et la société .

    Les Semaines de Travail sont un outil prévu dans les statuts de l'Opus Dei afin que, dans chaque région, puissent être étudiés les thèmes les plus pertinents pour la formation et la mission apostolique de ses membres. Depuis la première convoquée par saint Josémaria en 1943, elles ont lieu tous les dix ans et constituent le forum qui permet de recueillir les réflexions et les opinions des membres de l'Œuvre à travers le monde.

    Le congrès qui se tiendra dans deux ans vise ainsi à célébrer le centenaire de l'Opus Dei, qui s'étendra du 2 octobre 2028 – un siècle après le moment fondateur qui a donné naissance à l'institution – jusqu'au 14 février 2030. Cela fera 100 ans depuis le début de son travail avec les femmes.

    "Nous commençons ainsi la préparation la plus concrète du centenaire, à laquelle je souhaite que vous participiez tous", déclare Fernando Ocáriz dans son message. "Ce sera l'occasion d'approfondir le don de l'Esprit reçu par saint Josémaria, la beauté de la mission de service de l'Église et de la société et le désir d'accompagner de nombreuses personnes sur le chemin du ciel", ajoute le prélat. Ce sera également l'occasion "de réfléchir sur la manière de répondre aux défis du temps présent dans l'esprit de l'Opus Dei et sur la manière de préparer le centenaire dans chaque lieu", précise Ocáriz.

    Pour la célébration des semaines de travail, une grande partie des contributions que les fidèles ont apportées au Congrès général extraordinaire que la Prélature a tenu au premier semestre 2023 seront utilisées pour répondre à la demande du Pape d'adapter ses statuts aux indications du motu. proprio Ad charisma tuendum . Ce sont des suggestions qui n'étaient pas directement applicables à la demande du Saint-Siège concernant les statuts.

    Les propositions liées à ce sujet se reflètent dans un texte qui "sera remis au Saint-Siège dans les prochains mois", a alors déclaré Ocariz . Le résultat final, qui n'a pas encore été rendu public, "ne pourra être connu qu'après étude du Saint-Siège, à qui revient le dernier mot", a expliqué le prélat. »

    ***

    Le charisme essentiel du fondateur de l’Opus Dei, saint Josemaría Escrivá de Balaguer, portait sur la revalorisation du rôle novateur donné aux laïcs (près de cent mille) dans l’Oeuvre spirituelle que celui-ci a voulu fonder. L’étrangeté de la réforme voulue par le pape actuel porte, en revanche, sur son désir de recadrer l’Oeuvre dans des structures cléricales.

    La question reste encore de savoir aussi en quels termes exacts, et dans quel laps de temps, le Prélat obéissant de l’Opus Dei formulera sa réponse au Souverain Pontife Romain. (ndBelgicatho JPSC).

  • La leçon arménienne

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    Le-mont-Ararat-vu-de-lArmenie-©Wikimedia-620x330.jpeg

    De quoi l’abandon de l’Arménie par l’Europe est-il le nom ? Que dit-il de nous ? Il pourrait bien nous révéler la mort de nos nations, dissimulée derrière la survivance des « États ».

    Lu (JPS) dans le mensuel « La Nef » (novembre 2023 *) :

    « Je reviens d’Arménie. Cette petite république lovée dans un cirque montagneux à 1750 mètres d’altitude moyenne mais privée d’accès à la mer, entourée de quatre pays limitrophes dont trois surarmés et pratiquant une démographie conquérante sinon hostile, libérée du joug soviétique mais toujours fidèle à l’amitié et l’influence russes, abrite une nation.

    Et assurément, l’Arménie est une nation. Les Arméniens parlent et écrivent une langue multimillénaire, avec un alphabet inventé il y a 1600 ans. Ils prient ensemble le Dieu unique et trinitaire depuis 1700 ans quand le roi Tiridate se convertit au christianisme. Ils professent la fierté de leur noble histoire leur ayant permis de hérisser leurs montagnes de forteresses, d’églises, de monastères et de khatchkars médiévaux, et de résister aux périls sismiques comme aux empires byzantin, sassanide puis seldjoukide qui cherchaient à les dominer et à leur imposer une autre religion. Ils communient avec ferveur dans le cadre d’une civilisation vigoureuse, constituée par un État de droit unique dans la région, par l’amour de la grande musique qui nourrit des compositeurs, un opéra et des conservatoires de qualité internationale, leur cuisine aux saveurs subtiles, et par le partage de mœurs et de valeurs issues d’une tradition ouverte. Ils ambitionnent de construire une société moderne, assurant la prospérité collective et le bien commun, tout en faisant reconnaître leurs droits historiques sur les territoires qui leur ont été arrachés et le génocide dont le peuple a été victime il y a plus de cent ans.

    On retrouve bien là les cinq éléments majeurs de l’identité et de la culture des hommes qui forment une nation : la langue, la religion, l’appropriation de l’histoire passée, le désir de communion collective, et l’adoption d’un même projet d’avenir. Cela n’obère pas la diversité, dans l’harmonie cependant, car pour faire nation, il faut a minima réunir quatre de ces cinq ingrédients, or les Arméniens partagent les cinq.

    Un État-nation ?

    Mais les Arméniens forment-ils pour autant un État ? Ou du moins, est-il réellement viable, ce petit État de 30 000 km2 qu’ils ont pu édifier en 1991, dénué de tout accès à la mer, amputé de son emblème millénaire du mont Ararat, rabougri de ses provinces historiques de l’ouest et du sud qui ont subi l’épuration ethnique post-génocidaire, privé de ses provinces orientales peuplées d’Arméniens mais occupées par le voisin azéri ? L’Arménie est un pays pauvre, dont le PIB le situe au 136e rang mondial (111e si on retient le PIB par habitant), bien loin de ce qu’on pourrait imaginer pour un peuple cultivé, courageux et travailleur, ayant généré une diaspora dynamique et solidaire.

    Et en effet, il n’est plus possible à la fin du XXe siècle de créer un État, fût-ce pour y abriter une nation, sans le soutien actif de puissances mondiales et régionales. Car si elles sont sensibles à la géographie et l’autodétermination des peuples, elles le sont davantage encore à la démographie et aux rapports de force générés par les lobbys comme par certains fanatismes qui ne dédaignent pas de recourir, parfois, à la violence.

    Il en allait autrement au XIXe siècle où, à l’exemple de la France et de l’Angleterre, l’Europe avait popularisé le concept d’État-nation, afin d’optimiser les facteurs de paix intérieure et donc d’assurer le bonheur des peuples. Une nation regrouperait donc sur un territoire harmonieux des hommes partageant au moins quatre des cinq composants mentionnés plus haut et hérités du principe ancien « Cujus regio, ejus religio » qui avait mis fin aux guerres de Religion. On peut qualifier cette initiative des puissances européennes, qui dominaient alors le monde, de sagesse pragmatique en matière de relations internationales : elle avait permis de constituer de nouveaux ensembles stables, dont la cohésion fut longtemps fondée sur la culture et donc les valeurs communes de ces États-nation : Belgique, Grèce, Italie, Allemagne, Petit Liban. Mais à côté de ces succès pérennes, parfois facilités par la dislocation des empires, l’agonie de ces derniers s’accompagna aussi de grandes tragédies, comme les massacres collectifs perpétrés par les Ottomans à l’endroit de certaines de leurs populations chrétiennes.

    La fin de l’État-nation

    Si donc on s’en tient, comme définition pratique d’un État-nation, à la conjugaison d’une nation cohésive et d’un État prospère, la plupart des constructions du XIXe et du XXe siècles sont en régression, voire en train de s’effondrer.

    En effet, les pays européens, sous l’influence de la pensée dominante en provenance d’outre-Atlantique, se sont lancés dans la mondialisation tout en pratiquant la déconstruction de leur corpus civilisationnel, alors même que, déjà sécularisés, ils étaient moins enclins à promouvoir leur propre modèle. Cette double peine grippe et même bloque le processus d’assimilation à la nation des populations nouvelles, faute de leur appropriation d’au moins quatre des cinq composants : défaut de maîtrise de la langue, bellicisme religieux, détestation de l’histoire ancienne commune, effondrement du patriotisme au quotidien, et dérision devant les projets fédérateurs. Finalement, même si l’État reste fort, la nation devient faible car divisée. Et même si cet écartèlement ne conduit pas nécessairement à la guerre civile, du moins à court terme, on trouve désormais au sein d’enclaves extraterritoriales, et même dans certains quartiers bourgeois, des hommes qui détestent le pays où ils vivent et dont parfois ils possèdent le passeport. Et qui se victimisent et revendiquent.

    Les exemples de revendications ayant divisé et affaibli ces pays ne manquent pas : les Palestiniens du Liban affirmant que la route de Jérusalem passait par Jounieh ; les grands partis « islamo-progressistes » qui, en 1958 puis en 1975, refusèrent, voire combattirent la souveraineté libanaise au profit d’une solidarité arabe ; les mouvements « Woke » et « Black lives matter » qui pratiquent l’anachronisme, déboulonnent les statues, censurent les films et réécrivent les livres aux États-Unis d’Amérique ; les viols de Noël 2015 commis contre des femmes allemandes après l’arrivée de deux millions d’immigrés moyen-orientaux et africains ; les violentes émeutes à répétition en France, en 1993, 2005 puis 2023 ; les attaques au couteau dans plusieurs pays européens.

    Qu’en conclure simplement, pour être audible ? On retrouve désormais sur un même territoire, un peuple qui n’est plus une nation, divisé entre des habitants anciens qui n’admirent plus leur civilisation et des habitants nouveaux qui la rejettent. Ces lézardes fissurent les pays démocratiques, jamais les dictatures.

    Aussi, lorsque les grands États-nation brandissent la nécessité de valeurs partagées sans en mentionner l’origine, louent la tolérance, bégaient sur le vivre en commun et promeuvent le métissage et le multiculturalisme, sans rappeler les fondamentaux qui les ont enfantés, ils reconnaissent implicitement que s’il reste un État, il n’y a plus de nation. Et certainement pas de « civilisation judéo-chrétienne », le mot qui fâche.

    Alors comment qualifier les pays d’Europe ? 

    Les Arméniens que j’ai rencontrés redoutent un nouvel affrontement armé avec leurs deux voisins surarmés, Azerbaïdjan et Turquie, dont la population cumulée dépasse trente fois la leur. Et ces deux voisins peuvent compter, par surcroît, sur la bienveillance d’Israël et des États-Unis – un allié régional et un allié mondial –, et sur la disqualification de facto de l’arbitre russe, durablement affaibli par le conflit ukrainien. Alors, ils m’ont interpellé, en tant que citoyen français : nous comptons sur le support de l’Europe, car ce sont des pays chrétiens comme nous. N’est-ce pas, ajoutent-ils pour se rassurer ?

    Cette assertion, sous sa forme interrogative, m’a été répétée entre les pierres basaltiques du monastère de Tatev, sous la coupole en croix de l’église Sainte-Hripsimé, au fond de la fosse de Saint-Grégoire à Khor Virap, dans la chapelle troglodyte du couvent de Geghardt, face à la majestueuse crinière blanche d’Ararat contemplée depuis les ruines de Zvartnots ou la forteresse d’Amberd, devant les cartes anciennes du plateau arménien exposées au musée Matenadaran, et au son des musiques des compositeurs européens faisant chanter et virevolter les fontaines de la place de la République. Oui, elle m’a été demandée avec insistance devant ces joyaux du patrimoine de l’humanité. Pourquoi ne nous aide-t-on pas ? Nous voulons la paix avec nos voisins, et nous voulons vivre avec tous nos frères arméniens demeurés fidèles dans les villages du plateau. Nous voulons préserver notre civilisation. Elle est tellement proche de la vôtre. Vous êtes chrétiens comme nous : aidez-nous ! Vous le devez puisque vous le pouvez !

    Mais ils sont fous ces Arméniens : nous chrétiens ? La constitution européenne non seulement ne le proclame pas, mais elle ne consent même pas à reconnaître – que dis-je ? nommer – les racines de l’Europe. Par honte, dégoût, peur ? Les Turcs ont beau jeu de fustiger ce qu’ils appellent un « club chrétien », car les membres du club protestent vertueusement : « Non, nous ne sommes pas chrétiens ; peut-être quelques rares nostalgiques nationalistes rances. » Et lorsque la France, attaquée par des hordes d’émeutiers, se rebiffe en parlant de valeurs communes, elle les qualifie de « valeurs républicaines », jamais de « valeurs françaises ». De quoi cet abandon est-il le nom ?

    D’une désagrégation de la nation. Il n’y a plus d’État-nation, cette organisation redoutablement efficace qui avait fondé la prospérité de l’Europe et ses convictions civilisatrices – d’ailleurs, cet adjectif est honni, dans le « gloubi-boulga » des opinions qui se valent toutes et de l’égalitarisme des civilisations. On peut classer les sportifs par leurs victoires, les scientifiques par leurs prix Nobel, les peintres par leur cote chez Sotheby’s, les musiciens par leurs disques d’or, les écrivains par le nombre de lecteurs, les hommes par leur taille, les femmes dans les concours de beauté, les universités par le classement de Shangaï, les entreprises par leur valorisation boursière, les pays par le PIB. Mais pas les civilisations ! On aurait pourtant pu comparer leur apport à l’humanité en matière de systèmes de valeurs, d’aspirations eschatologiques, de découvertes scientifiques, d’innovations technologiques, de patrimoine architectural et artistique. Pourquoi en ce nouveau siècle une telle honte de ce que nous sommes ?

    Question sans réponse. Alors venir en aide à trois millions d’Arméniens qui nous empêchent de bien dormir ? On a déjà milité pour la reconnaissance de leur génocide par les Turcs – dont le nom n’est pas explicitement mentionné. Nous ne sommes d’ailleurs que trente pays à l’avoir reconnu – sur 193 au total, représentés à l’ONU. Même Israël, issu d’un autre génocide, ne le reconnaît pas. On a bien fait notre devoir.

    Alors non, foutez-nous la paix, les Arméniens. Laissez-nous jouir sans entrave, face à notre écran et nos réseaux sociaux, entre un Big Mac bien dodu et une canette de Coca-cola sans sucre. Nous revendiquons le droit à l’abrutissement total et à l’amnésie collective. Khalas ba’a. Vous nous rappelez trop nos racines que nous avons oubliées et notre christianisme que nous avons bradé pour une goutte de pétrole.

    Rideau. »

    (*) Farid Élie Aractingi

    Farid Elie Aractingi, ancien cadre dirigeant dans l’industrie informatique et automobile, est engagé dans des œuvres bénévoles au service de la relation franco-libanaise.

    © LA NEF n°363 Novembre 2023

  • Sud Liban : un message de l'Oeuvre d'Orient

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    Une image contenant livre, texte

Description générée automatiquementChère Madame, cher Monsieur,

    Je suis Vincent Gelot, directeur pays pour L’Œuvre d’Orient en Syrie, au Liban et en Jordanie. Comme vous le savez, la situation au Proche-Orient est extrêmement inquiétante. Je me permets de vous communiquer des informations du terrain concernant le Sud Liban.

    Accompagné par Mgr Abdallah, archevêque maronite de Tyr, j’ai visité quatre villages de son diocèse : Qaouzah, Debel, Rmeich et Aïn Ebel. Les villages que nous avons visités étaient vidés à 60 % et les écoles étaient toutes fermées. À chaque point d’étape de cette tournée, presque tous les habitants demeurés sur place sont venus nous rencontrer. Ces derniers nous ont fait part de leur détresse, de leur angoisse et de leurs besoins.

    Leur premier problème est sécuritaire. L’armée libanaise a quitté les lieux, la population a peur d’être embarquée dans une guerre dont elle ne veut pas. Le deuxième problème est économique. La plupart des habitants restés dans ces villages sont des personnes modestes, souvent des agriculteurs. Or, presque toute l’activité économique a cessé depuis le début du conflit : les récoltes d’olives ne peuvent pas avoir lieu car les champs peuvent être ciblés par des tirs, les déplacements sur certaines routes sont dangereux, et beaucoup de commerces ont dû fermer boutique. De plus, comme une grande partie des femmes et enfants se sont déplacés vers Beyrouth, les hommes doivent payer des loyers importants pour la famille déplacée. Si le conflit dure, beaucoup d’entre eux craignent de ne pas être en mesure d’assurer leur survie.

    J’ai également rencontré les sœurs directrices des écoles chrétiennes de la région. Les écoles étant fermées, ces dernières font face à l’absence de perception des scolarités et aux salaires des professeurs qu’il faut payer pour réaliser l’enseignement à distance. Dans cette zone périphérique, les écoles jouent un rôle central. Si l’école ferme trop longtemps, plusieurs habitants ont annoncé qu’ils seraient contraints de quitter leur village. Si les villages chrétiens se vident, les habitants craignent qu'ils ne soient occupés par d'autres. Les gens sont totalement laissés à leur sort.

    J’étais parmi les premiers humanitaires à venir les visiter depuis le début du conflit. Si je vous écris ce message, c'est pour vous donner des informations mais aussi pour solliciter votre soutien. Avec l’appui des diocèses maronite et melkite de Tyr, nous allons débloquer une aide d'urgence pour apporter aux habitants des biens de première nécessité : médicaments, nourriture, aide pour l’essence. Nous apporterons également une aide financière aux écoles chrétiennes de la région. Aidez-nous à les aider via ce lien : https://secure.oeuvre-orient.fr/soutenir

    D’avance, je vous remercie pour votre précieux soutien qui nous porte pour agir.

    Vincent Gelot

    Directeur pays Liban, Syrie, Jordanie