FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - A l'occasion de la fête de Noël, l'historien Jean-Christian Petitfils a accordé un entretien fleuve au FigaroVox. L'auteur du Dictionnaire amoureux de Jésus dresse un portrait historique de celui dont les Chrétiens célèbrent chaque année la naissance. Jean-Christian Petitfils, historien et écrivain, est notamment l'auteur de Jésus (éd. Fayard, 2011/éd. Livre du Poche, 2013) et du Dictionnaire amoureux de Jésus (éd. Plon, 2015).
FIGAROVOX. - La fête de Noël célèbre la nativité de Jésus. L'existence historique de Jésus est-elle avérée?
Jean-Christian PETITFILS. - L'existence au Ier siècle de notre ère d'un rabbi juif nommé Ieschoua (Jésus) - contraction de Yehoshoua' (Josué), «Dieu sauve» -, qui attirait les foules par son charisme et son enseignement, et sa crucifixion à Jérusalem par ordre de Ponce Pilate, préfet de Judée de 26 à 36, à la demande des grands prêtres Hanne et de son gendre Joseph dit Caïphe, ne posent aucun problème aux historiens.
Son existence se trouve attestée par plusieurs auteurs extérieurs au christianisme, indépendamment des sources chrétiennes (les Evangiles canoniques - dont celui d'un exceptionnel témoin oculaire, Jean -, les Actes des apôtres, les lettres de Paul, de Pierre et celles du même Jean…): Tacite, ancien gouverneur de la province d'Asie, Pline le Jeune, proconsul de Bithynie au début du IIe siècle, Suétone, chef du bureau des correspondances de l'empereur Hadrien un peu plus tard…
Un texte capital est celui d'un écrivain juif romanisé, Flavius Josèphe, né en 37 de notre ère, quatre ans après l'exécution de Jésus, qui avait connu à Jérusalem les premières communautés judéo-chrétiennes: «A cette époque, écrit-il, vivait un sage qui s'appelait Jésus. Sa conduite était juste et on le connaissait pour être vertueux. Et un grand nombre parmi les juifs et les autres nations devinrent ses disciples. Pilate le condamna à être crucifié et à mourir. Mais ceux qui étaient devenus ses disciples continuèrent de l'être. Ils disaient qu'il leur était apparu trois jours après sa crucifixion et qu'il était vivant: ainsi, il était peut-être le Messie au sujet duquel les prophètes ont raconté des merveilles.»
Le Traité Sanhédrin du Talmud de Babylone, réceptacle des anciennes traditions juives, évoque également son nom: «La veille de la Pâque, on pendit (à la croix) Yeshû ha-notsri (Jésus le Nazaréen) parce qu'il a pratiqué la sorcellerie, a séduit et égaré Israël.» Même le philosophe platonicien Celse (IIe siècle), violent polémiste qui haïssait le Christ, «un personnage qui termina par une mort infâme une vie misérable», ne contestait nullement son existence. Ce qu'il mettait en cause, c'étaient ses miracles et sa Résurrection. Le christianisme, religion de l'Incarnation, se fonde donc sur l'existence d'un homme véritable et non sur une créature mythique, accomplissant fictivement les prophéties de l'Ancien Testament, comme quelques penseurs marginaux l'ont prétendu à partir du XIXe siècle, comme aujourd'hui encore le prétend Michel Onfray.