D'Aldo Maria Valli en traduction française sur le site "Benoît et moi" :
"CHRISTUS VIVIT" ET CETTE AVERSION INSIDIEUSE POUR LA DOCTRINE
De l'exhortation post synodale Christus vivit, dédiée "aux jeunes et à tout le peuple de Dieu", émerge un aspect: l'aversion, de la part de celui qui a rédigé le document, pour le contenu doctrinal et moral.
Il suffit de lire ici : «Concernant la croissance, je veux faire une mise en garde importante. Dans certains endroits, il arrive que, après avoir suscité chez les jeunes une expérience intense de Dieu, une rencontre avec Jésus qui a touché leur cœur, on leur offre ensuite seulement des réunions de "formation" où sont uniquement abordées des questions doctrinales et morales : sur les maux du monde actuel, sur l’Eglise, sur la Doctrine sociale, sur la chasteté, sur le mariage, sur le contrôle de la natalité et sur d’autres thèmes. Le résultat est que beaucoup de jeunes s’ennuient, perdent le feu de la rencontre avec le Christ et la joie de le suivre, beaucoup abandonnent le chemin et d’autres deviennent tristes et négatifs. Calmons l’obsession de transmettre une accumulation de contenus doctrinaux, et avant tout essayons de susciter et d’enraciner les grandes expériences qui soutiennent la vie chrétienne. Comme l’a dit Romano Guardini: "dans l’expérience d’un grand amour […] tout ce qui se passe devient un évènement relevant de son domaine"» [n. 212].
Ce passage est significatif parce qu'il montre que le document a été écrit non pas tant en tenant compte des besoins et des exigences des jeunes d'aujourd'hui, mais sur la base des idiosyncrasies de certains anciens jeunes, aujourd'hui âgés, liés à l'idée que "les questions doctrinales et morales" ne comptent pas et ne font qu'ennuyer.
Ceux qui travaillent avec les jeunes savent qu'à notre époque, le problème n'est pas d'offrir des "expériences intenses" et des occasions de rencontres fortes d'un point de vue émotionnel. Ils peuvent en trouver partout parce que le monde les offre en abondance. Ce que les jeunes demandent, peut-être d'une manière confuse mais non moins évidente, c'est le contraire. Puisqu'ils vivent dans une société "liquide", pleine d'expériences possibles mais sans repères moraux et sans sens rationnel, ils ont soif de doctrine, de pensée structurée, de contenu, de règles, et quand ils trouvent quelqu'un qui puisse satisfaire leur soif, ils ne s'ennuient pas du tout, mais sont reconnaissants, car ils découvrent de nouveaux horizons, dont on ne leur a jamais parlé. Et ils découvrent la valeur de l'autorité.
Écoutez ce qu'un éducateur catholique m'écrit: «Dans mon expérience de plusieurs décennies de travail avec les jeunes d'abord du lycée, puis les étudiants et les travailleurs, j'ai fait l'expérience du contraire de ce que Christus vivit prétend. J'ai été témoin de la demande de la part des jeunes d'être aidés pour porter un jugement sur des questions dont l'école, l'université et d'autres endroits ne parlent pas. Mais quels jeunes ont écouté les évêques et le pape pour en arriver à des affirmations de ce genre?»