De Philippe Maxence sur Res Novae :
Pie XI, Pie XII et le concile qui n’a pas eu lieu
Il importe de savoir qu’un nouveau concile fut envisagé bien avant que Jean XXIII sautât le pas et lançât l’Église dans une ère totalement nouvelle, en rupture à plus d’un titre avec l’héritage tridentin. L’idée était tellement dans l’air du temps que Pie XI puis Pie XII, papes réformateurs s’il en fût, l’avaient envisagée.
Rien d’étonnant dans ces projets puisque le précédent concile, organisé par Pie IX, avait dû être interrompu en raison de l’invasion des États pontificaux et de la prise de Rome. Deux constitutions dogmatiques seulement avaient pu être votées et ratifiées. Pas n’importe lesquelles cependant puisqu’ils s’agissaient de la constitution Dei Filius sur les rapports entre la foi et la raison et la constitution Pastor Æternus, qui aurait dû former un traité complet sur l’Église mais qui se contenta, en raison des événements, de formuler l’infaillibilité pontificale solennelle. Il restait donc beaucoup à faire. Tout le monde était conscient qu’il fallait achever le premier concile du Vatican et même plus que cela.
Pourquoi alors fallut-il attendre 1962 pour convoquer un nouveau concile ? Tant que la situation romaine n’était pas réglée – elle ne le sera qu’avec les accords du Latran en 1929 – les papes se considérèrent comme « prisonnier » à l’intérieur du Vatican. Difficile dans ces conditions d’inviter l’ensemble de l’épiscopat à rejoindre Rome pour un concile. La Première Guerre mondiale puis la Seconde empêchèrent également de concrétiser ce projet.
Le projet de Pie XI : un concile de la royauté du Christ
Il n’est pourtant pas étonnant que Pie XI, le pape des accords du Latran, ait eu une telle idée. À vrai dire, il n’attendit pas 1929 pour en parler. L’historien Yves Chiron, dans son Histoire des conciles[1], remarque que dès sa première encyclique, Ubi arcano (1922), le pape Ratti en formulait l’idée sans employer le mot. Évoquant l’exemple du congrès eucharistique qui s’était tenu à Rome, il écrivait : « Cette assemblée de pasteurs, à laquelle leur renom et leur autorité donnaient tant d’éclat, Nous a suggéré l’idée de convoquer en temps opportun ici à Rome, capitale de l’univers catholique, une assemblée solennelle analogue, chargée d’appliquer les remèdes les plus appropriés après un pareil bouleversement de la société humaine ; et le retour prochain de l’Année Sainte est un heureux augure qui confirme encore les grands espoirs que Nous mettons en ce projet. » Cependant, il admettait clairement ne pas « oser » reprendre les travaux laissés en suspens de Vatican I : « Toutefois, Nous n’osons point Nous résoudre à procéder sans délai à la reprise du Concile œcuménique ouvert par le très saint Pape Pie IX — ce souvenir remonte à Nos jeunes années, — qui ne mena à terme qu’une partie, fort importante, d’ailleurs, de son programme. Le motif de Notre hésitation est que Nous voulons, comme le célèbre guide des Israélites, attendre dans l’attitude suppliante de la prière que le Dieu bon et miséricordieux Nous manifeste plus clairement sa volonté (Juges, VI, 17). »
Il n’est peut-être pas inutile de s’arrêter un instant sur cette encyclique très clairement programmatique de Pie XI. Elle indique à sa manière la direction qu’auraient pris les travaux des pères conciliaires, réunis à Rome, sous l’autorité du Pontife romain.