Le Proche Orient en feu (Annie Laurent)
Article paru dans La Nef, n° 276 – Décembre 2015 (via "Clarifier")
« Je suis aujourd’hui d’un pessimisme total sur le conflit israélo-palestinien et pour l’ensemble du Proche-Orient », déclarait l’historien Henry Laurens, professeur au Collège de France, au quotidien libanais L’Orient-Le Jour du 28 octobre dernier. Comment ne pas partager de tels sentiments à l’heure où la violence domine partout au Levant, tandis que les grandes Puissances, frappées elles-mêmes par le terrorisme, embrouillées dans leurs options et intérêts divergents, se montrent incapables d’assumer leurs responsabilités en vue de la paix dans cette partie de la planète qui est la plus névralgique ? En cette fin d’année, c’est un bilan préoccupant qu’il convient de dresser.
La question palestinienne
Souvent présentée comme la matrice de toutes les guerres du Proche-Orient à cause de son ancienneté (le partage de la Palestine en deux Etats a été voté par l’ONU en 1947), la question palestinienne se noie dans l’injustice et l’indifférence mondiale. D’un côté, le gouvernement israélien, dirigé par un Benjamin Netanyahou sûr de lui, poursuit sans scrupule la colonisation juive de la Cisjordanie et la judaïsation de Jérusalem, ainsi que la construction d’un mur de béton qui empiète sur des propriétés arabes, violant ainsi le droit international et le droit privé ; de l’autre, l’Autorité palestinienne (AP), institution créée à la suite des Accords d’Oslo conclus en 1993 sous l’égide des Etats-Unis comme étape intermédiaire sur la voie de négociations avec Israël, est moribonde.
En 2012, son président, Mahmoud Abbas, a certes obtenu la reconnaissance par l’ONU de l’Etat de Palestine, avec rang d’observateur, ce qui a permis la signature, le 16 mai 2015, d’un accord global entre l’AP et le Saint-Siège donnant un statut juridique et fiscal à l’Eglise catholique sur le territoire palestinien. Mais ces victoires diplomatiques n’ont pas résolu le problème de la souveraineté, aucun pourparler avec Israël n’ayant abouti. L’actuel président israélien, Réouven Rivlin, est lui-même opposé à la création d’un Etat palestinien indépendant. L’impasse sur ce point crucial a conduit M. Abbas, dans son discours du 30 septembre dernier devant l’Assemblée générale de l’ONU, à annoncer qu’il se désengageait des Accords d’Oslo. Mais ses échecs sur l’essentiel ont fait perdre à l’AP toute crédibilité aux yeux de son peuple et la légitimité de son président est contestée, d’autant plus que son mandat a expiré il y a six ans sans qu’un successeur n’ait été choisi.