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Ethique - Page 287

  • Du mythe de l'enfant parfait à l'eugénisme : une émission éclairante sur ARTE

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    De genethique.org :

    "BÉBÉS SUR MESURE" SUR ARTE : DU MYTHE DE L'ENFANT PARFAIT À L'EUGÉNISME

    Arte proposait mardi soir un documentaire : « Bébés sur mesure », qui balayait l’ensemble des techniques issues de l’assistance à la procréation, une « véritable révolution » où la science entend se substituer à la nature.

    Aujourd’hui, 350000 enfants naissent par Fécondation in Vitro, soit 3% des naissances dans les pays occidentaux, mais 3‰ dans le reste du monde. En 2020, la fabrication de bébés représentera un marché d’environ 20 milliards de dollars.

    PMA, GPA, don de gamètes, ventes de gamètes, sélection embryonnaire, CRISPR, FIV à trois parents, rajeunissement des ovocytes... questions éthiques, casse-tête juridique, manipulations médicales, l’argent, tout est passé en revue. Avec plus ou moins de bonheur.

    Le reportage a l’avantage de mettre des images sur un business. Des images chocs comme celles de ces embryons surveillés sur écran d’ordinateurs qui grandissent en laboratoire avant d’être implantés, les larmes d’une mère porteuse indienne qui accouche par césarienne d’un bébé dont elle ne verra jamais le visage, des paroles chocs : « Si vous voulez un bébé, allez chez un professionnel, vous aurez un bébé en pleine santé ! ». Sur toile de fond d’eugénisme, le monde de Gattaca est déjà à portée de main.

    Astrid Marais est professeur de droit, spécialiste de la procréation assistée, elle pousse le bouchon : « La génétique fait peur. (…) Est-il possible d’arrêter le progrès scientifique ? Sans doute pas. (…) Ce qui est sans doute possible de faire, c’est par le droit de mettre des garde-fous ». Elle poursuit : « Peut-être que demain avec le sperme artificiel je pourrais faire un enfant toute seule, voire avec le clonage, je pourrais avoir un enfant qui est moi, voire, si on m’implante ce clone, je pourrais accoucher de moi-même. Et je pourrais dire à cet enfant : je suis ton père, je suis ta mère, je suis moi-même ».

    Il y a ceux qui se frottent les mains, qui font jouer le tiroir-caisse, et ceux qui tirent le signal d’alarme. Sans grand espoir d’être entendu. Parmi eux, Jacques Testart, mais aussi Laurent Alexandre qui affirme : « On n’a pas vu arriver le bébé à la carte. Nous sommes désormais lancés dans le toboggan eugéniste ». La technique ne s’opposera pas à ces évolutions, seul un sursaut philosophique et une volonté politique remettront en cause ces pratiques, selon le médecin.

    A travers cette heure et demie d’émission, les bouleversements dramatiques de la maternité et de la paternité sont passés en revue.

    La FIV à 3 parents, « une technique directement issue du clonage », est traitée sous l’angle de l’histoire d’un couple qui a eu trois enfants, tous atteints d’une maladie mitochondriale « qui aurait pu être évitée » grâce à cette nouvelle technique. Présentée comme solution miracle. Pourtant, « modifier la lignée germinale humaine c’est le grand tabou de la génétique ». Ce qui n’a pas empêché le Parlement anglais d’autoriser « le protocole du bébé à 3 parents » (cf. Les essais de FIV à 3 parents autorisés au Royaume Uni et Deux ans après l'autorisation de la FIV à 3 parents en Angleterre, les bémols d’une décision hâtive). Même si le père de cette famille éprouvée reconnait qu’en abordant ces questions, on glisse toujours vers le bébé à la carte. Quelle humanité fabriquons-nous ?

    Le reportage fait un détour par l’Allemagne pour interroger Emmanuelle Charpentier qui est, avec Jennifer Douma, à l’origine de la découverte du ciseau CRISPR-Cas 9 : « Je me sens particulièrement concernée par l’utilisation future qui sera faite de cette technologie ». Elle ajoute : « Personnellement, je pense que le but de cette technologie n’est pas de toucher à la lignée germinale. Et je suis assez réservée sur l’utilisation de cette technologie sur les embryons humains. Quand vous commencez à travailler sur ce type de cellules, la ligne rouge est vite franchie. Et je pense aussi que la technique n’est pas assez aboutie aujourd’hui pour être utilisée à ces fins-là. En aucun cas ». Une ligne rouge fragile que les expériences chinoises ont déjà franchie (cf. Chine : l’incontrôlable déploiement de la sélection embryonnaireChine : premiers essais cliniques utilisant des cellules souches embryonnaires humainesModification génétique de l'être humain : la Chine en première ligne, et  Etats-Unis : premiers embryons humains modifiés génétiquement).

    Le fantasme du bébé à la carte est déjà bien présent et pourrait être une menace. Gregory Kart, Directeur de la recherche et de l'innovation chez ELSAN, explique que : « L’évolution nous apprend que la mutation est un facteur de stabilité dans l’évolution. La mutation est le moteur de l’évolution. Vouloir se débarrasser des mutations, c’est quelque part prendre un risque ou un pari sur l’évolution, pari qui ferait que l’humain pourrait subitement se trouver inadapté par rapport à son environnement ». Faut-il couper avec un ciseau ADN le fil du destin génétique ?

    Le reportage se termine avec « la Boite de Pandore », une œuvre de l’artiste handicapée anglaise, Esther Fox, « qui n’aurait jamais dû passer l’étape du tri des embryons ». L’œuvre est exposée au musée des Sciences de Londres. Elle interroge sur les sujets éthiques et la valeur de la vie humaine. Quelles seront les conséquences sur la société si nous poursuivons sur cette voie ? « Ce qui me gêne,explique l’artiste, « c’est que la vie d’une personne pourrait avoir moins de valeur que celle d’une autre ». A propos d’une de ses œuvres, elle interroge : « La vie est basée sur le hasard. Le hasard est-il une si mauvaise chose ? J’ai une vie très riche, je suis très occupée, je suis très heureuse, je suis mariée, j’ai une vie de famille bien remplie et je n’ai pas du tout l’impression d’avoir une qualité de vie limitée. Mais sur le plan médical, mon état est considéré comme un état que personne ne souhaiterait à son enfant. Et c’est ça que j’essaie de rééquilibrer (…) Si on me disait, on peut changer ta vie, tu peux être guérir, ne plus être dans cet état, mais tu pourrais ne pas être la même personne qu’aujourd’hui. Je ne prendrais pas ce risque. (…) Le plus douloureux, c’est l’environnement, les attitudes auxquelles il faut faire face. Si on commençait par regarder tout ça, on aurait une société plus équilibrée, plus tolérante et plus vivante. Je pense qu’il est temps de penser l’humanité en ces termes ».

  • L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe met en garde contre l’utilisation des nouvelles technologies génétiques chez l'embryon humain

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    Une information de genethique.org :

    CONSEIL DE L'EUROPE : VERS L'INTERDICTION DE L'UTILISATION DES TECHNOLOGIES GÉNÉTIQUES CHEZ L'EMBRYON HUMAIN ?

    L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a adopté hier une recommandation concernant « le recours aux nouvelles technologies génétiques chez les êtres humains ».

    L’Assemblée parlementaire rappelle que « les découvertes récentes en matière de génome humain ont ouvert la voie à des opportunités nouvelles et des préoccupations éthiques sans précédent ». L’utilisation de ces nouvelles technologies génétiques soulève aussi des questions liées aux « droits humains », et interroge « quant aux préjudices involontaires pouvant découler des techniques utilisées, de l’accès et du consentement à ces techniques, et des abus potentiels à des fins d’amélioration du capital génétique ou d’eugénisme ».

    La recommandation souligne que les interventions sur la lignée germinale des êtres humains auront des « conséquences imprévisibles dans la mesure où leur descendance est également concernée ». Aussi, « selon le consensus scientifique, ces techniques ne sont pas ‘sûres’, ce qui conduit à un moratoire de fait ». Elle demande l’interdiction « des grossesses induites à partir de cellules germinales ou d’embryons humains dont le génome a été modifié de manière intentionnelle ».« La modification intentionnelle du génome humain franchirait des limites jugées éthiquement inviolables ».

    Elle dénonce l’utilisation de la technique de la « FIV à trois parents » (cf. Un bébé, 3 ADN, 3 transgressions) utilisée « malgré les grandes controverses éthiques et les grandes incertitudes scientifiques quant aux effets à long terme ».

    La recommandation adoptée, sur la base d’un rapport préparé par Petra De Sutter (cf. Conseil de l’Europe : vers une régulation internationale de l'édition du génome ?), demande au Comité des Ministres d’exhorter les Etats membres « qui n’ont pas encore ratifié la Convention d’Oviedo à le faire le plus rapidement possible » ;  « d’encourager le débat public sur cette question ; de demander au Comité de Bioéthique du Conseil de l’Europe d’évaluer les enjeux éthiques et juridiques ; et de développer un cadre réglementaire et législatif commun » relatif à la modification du génome et aux interventions sur la lignée germinale des êtres humains. Enfin, les États membres « devraient élaborer une position claire sur l’utilisation des nouvelles technologies génétiques, en fixant les limites et en promouvant de bonnes pratiques ».

  • Une lecture apaisée d'Amoris Laetitia

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    D'Antoine Pasquier sur le site de l'hebdomadaire "Famille Chrétienne" :

    Pour une interprétation positive d’Amoris Lætitia

    Dans un ouvrage (1) paru début septembre en France, trois professeurs de l’Institut pontifical Jean-Paul II offrent une lecture constructive et apaisée de l’exhortation apostolique Amoris Lætitia pour en dégager des pistes concrètes d’actions pastorales. Entretien avec l’un d’entre eux, le père José Granados.

    Qu’apporte Amoris Lætitia de nouveau pour la pastorale de la famille, et pour les acteurs de cette pastorale ?

    Je crois que la grande nouveauté d’Amoris Lætitia est son chapitre IV. La pastorale familiale naît de l’hymne à la charité de saint Paul, qui est le centre de la foi chrétienne. La pastorale avec les familles est le centre de la vie de l’Église, parce qu’au sein de la famille, on apprend à aimer et parce que l’amour est la vocation de l’homme.

    Cette nouveauté se complète d’une condamnation claire du « sentimentalisme », c’est-à-dire de l’assimilation du fait « d’être bon » avec un sentiment (cf. AL 145). Au contraire, l’amour est lié à la vérité, la charité « trouve sa joie dans la vérité » (1 Cor 13, 6). L’amour est vrai, selon le pape François, parce qu’il est capable de traverser toute la vie, tandis que le sentiment s’éteint en un instant. Cette dimension « narrative » de l’amour est une grande nouveauté d’Amoris Lætitia. C’est pourquoi le pape nous demande de préparer au mariage, mais aussi d’accompagner les jeunes familles, d’éduquer avec patience les enfants, et de se pardonner mutuellement quand l’amour diminue.

    Les conséquences sont très grandes pour la pastorale. Amoris Lætitia dit que le « sujet » de la pastorale familiale est, en premier lieu, la famille (AL 200). Elle est « sujet pastoral » et pas seulement « agent pastoral », parce que ce qui est fondamental n’est pas de « faire » des choses, mais « d’être » une famille. La mission principale de la pastorale familiale consiste à former des familles en Christ, qui édifient une famille de familles. Dans ce périmètre entre aussi l’accompagnement de ceux qui vivent un « amour blessé et égaré » (AL 291).

    L’exhortation fait l’objet de nombreuses critiques (cf. la correction filiale et les dubia). Ce n’est pas l’objet de votre ouvrage, mais quelle lecture faites-vous d’Amoris Lætitia ?

    On doit sans doute ces critiques aux différentes interprétations de l’exhortation. On voit des lectures d’Amoris Lætitia qui se centrent uniquement sur le chapitre VIII et sur les normes pour accéder aux sacrements. Il y a des réponses très variées, quelques-unes sont très problématiques, ou qui paraissent tendre vers une vision subjective des sacrements. Que répondre à cela ?

    Je crois qu’Amoris Lætitia doit être interprétée dans le grand courant de la tradition et du Magistère. C’est-à-dire que, si un texte présente une ambivalence, il faut alors l’interpréter à la lumière d’autres textes du magistère antérieur, plus clairs. Car Amoris Lætitia n’est pas un livre isolé, mais le chapitre d’un grand livre, comme l’indique très bien le chapitre III.

    Quelle est la spécificité de « l’accompagnement pastoral » proposé par le pape François ?

    En premier lieu, tout accompagnement de l’Église est de l’ordre d’un suivi. L’Église accompagne parce qu’elle suit quelqu’un, et ce quelqu’un est le Christ. Amoris Lætitia commence en nous parlant précisément de l’amour de Jésus selon la Bible et selon la tradition de l’Église. Saint Paul lui-même, dans son hymne à la charité, ne fait pas référence à un amour idéal, mais à l’amour de Jésus. Quand il dit : « l’amour rend service, l’amour ne se gonfle pas d’orgueil, l’amour prend patience. »

    L’accompagnement signifie qu’il y a, en plus, une communauté qui accompagne. Et cette communauté est une famille, une famille de familles. Pour accompagner, l’Église est appelée, en premier lieu, à prendre soin du climat au sein de chaque famille, pour que celle-ci s’édifie sur l’amour de Jésus. Que l’on puisse y vivre un amour vrai, fidèle, qui pardonne.

    L’accompagnement signifie, enfin, cheminement qui traverse les étapes de la vie avec patience. Le pape François est très sensible aux processus de maturation, tant en ce qui concerne la préparation au mariage que les premières années de l’éducation des enfants et aussi en vue de ramener à la vie ecclésiale ceux qui s’en sont éloignés.

    Quelle doit être le parcours à suivre pour des pasteurs qui souhaitent aider des personnes « en situation irrégulière » ?

    En premier lieu, il nous est demandé de ne pas condamner la personne qui vit un amour « blessé et égaré » (AL 291). Beaucoup de ces personnes sont victimes d’une société qui ne protège pas la famille. Il y a un premier temps pour l’accueil.

    La méthode adéquate est celle de Jésus avec la Samaritaine (AL 294). En toute personne il y a quelque chose de bon et le pape nous invite à fortifier cette bonté présente. Cette bonté reflète le désir d’amour vrai que Dieu a placé dans le cœur de chacun. À partir de là un chemin peut être initié qui aille pas à pas, sans jamais perdre de vue l’objectif final. Ce qui impliquera d’inviter les personnes à changer leurs désirs. C’est une régénération du désir, pour que nous désirions ce qui embellit et déploie notre vie. Rappelons-nous comment saint Paul dénonce ceux qui « s’entourent de maîtres à la mesure de leurs propres désirs » (2 Tim 4, 3).

    Qu’en est-il de la question de l’accès aux sacrements pour les personnes « en situation irrégulière » ? Peuvent-elles y avoir accès, et si oui, de quelle manière ?

    Amoris Lætitia aborde le sujet seul en une note de bas de page (note 351, Ndlr). Cette note est formulée au conditionnel de façon très vague. C’est pourquoi il ne me semble pas qu’il y ait de quoi fonder, sur cette note, un changement de discipline, alors que d’autres textes magistériels affirment cette même discipline de façon claire. Jean-Paul II et Benoît XVI ont tous deux affirmé que cette discipline s’appuie sur des raisons doctrinales mais aussi sur les Écritures saintes elles-mêmes.

    Je crois qu’il est bon de saisir pleinement que la grâce de Dieu ne se limite pas aux sacrements. Dieu aide les personnes à cheminer de bien des façons ainsi qu’à participer à la vie de l’Église.

    En outre, les sacrements ne sont pas une union privée avec Dieu : à travers eux, nous nous incorporons à l’Église et nous rendons visible à la face du monde le modèle de vie que Jésus a vécue et qu’il nous a enseigné à vivre. Suivant une idée de saint Augustin, quand nous disons « Amen » avant de communier, nous ne disons pas seulement « oui, ceci est le corps du Christ. » Nous disons : « Oui, je veux vivre comme vivent les membres du corps du Christ. » C’est pourquoi il n’est possible de manger le corps du Christ que lorsque l’on est prêt à manger aussi ses paroles.

    Mais le chemin en lui-même est plus important que l’accès aux sacrements. Le petit pas en avant, comme dit le pape. Rappelons-nous que le sacrement de réconciliation est un sacrement qui traverse le temps. La réconciliation est entamée dès lors que le pécheur décide de revenir au Christ et amorce un chemin de retour. Dans ce cas on pourrait dire que celui qui se met en chemin est déjà sous l’influence du sacrement de réconciliation, bien que n’ayant pas encore reçu l’absolution. Ne pourrait-on pas inventer des itinéraires concrets de retour, avec des rites de passage, comme une catéchèse de la parole de Dieu focalisée sur le projet de Dieu pour la famille ?

    Certains affirment que l’exhortation relativise l’enseignement de l’Église sur le mariage. Le pape, au contraire, ne rappelle-t-il pas, l’importance du lien matrimonial et d’une bonne préparation au mariage ?

    L’exhortation est très claire en ce qui concerne le respect de la doctrine sur le lien indissoluble et sur le sacrement du mariage, qui prend racine dès la création. Si certains se sont plaints de ce qu’Amoris Lætitia change la doctrine, c’est à cause du sujet de l’accès aux sacrements. Si la célébration des sacrements changeait, cela aurait aussi des conséquences sur la doctrine, parce que la doctrine de l’Église n’est pas qu’une idée : c’est quelque chose qui se transmet au moyen de signes visibles que sont les sacrements. Saint Thomas, par exemple, disait que l’on ne peut accorder les sacrements à quelqu’un qui souhaite continuer à vivre dans le péché, parce que ce serait une « contrefaçon des signes sacramentels ». Ce serait comme si quelqu’un écrivait « pour toujours », mais en l’écrivant sur le sable de la plage ; nous nous méfierions de ce qu’il a écrit.

    Comme je l’ai déjà dit, Amoris Lætitia ne change pas la discipline eucharistique et, à ce titre, préserve la doctrine. Sa nouveauté est, plutôt, un changement de regard sur la famille et son cheminement, et un changement d’action pastorale pour accompagner toutes les familles.

    Le pape François a donné de nouvelles orientations à l’Institut Jean-Paul II. Leur objectif est-il de prendre mieux en compte cette action pastorale développée dans Amoris Lætitia ? Comment analysez-vous cette refondation ?

    Pour analyser la refondation, il me semble que la clé réside dans les paroles du grand chancelier Mgr Paglia et dans celles du président Mgr Sequeri. D’après eux, le pape François a voulu « mettre sa signature » au projet entrepris par Jean-Paul II, en conservant tout son héritage. C’est pourquoi le pape accorde toujours sa confiance à tous les professeurs et au travail qu’ils ont réalisé jusqu’à maintenant. La refondation ne signifie pas oubli du passé, mais élargissement du regard, surtout pour cultiver les sciences humaines. Au milieu de tant de discussions au sujet d’Amoris Lætitia, je crois que notre service à l’Église passe par la démonstration de la cohérence avec le magistère antérieur de Jean-Paul II.

    Antoine Pasquier

    (1) Amoris laetitia. Accompagner, discerner, intégrer. Vademecum pour une nouvelle pastorale familiale, Artège, 186 pages, 16 euros.

  • Martin Luther ou le chant du coq de la modernité

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    De Philippe Maxence sur le site de l'Homme Nouveau :

    Martin Luther, le chant du coq de la modernité

    Martin Luther, le chant du coq de la modernité

    Sous ce titre, les éditions de L'Homme Nouveau viennent de faire paraître un livre de Danilo Castellano qui, dans une approche novatrice, ausculte la Réforme protestante, principalement dans ses conséquences politiques et montre ainsi la place déterminante qu'occupe l'esprit protestant dans notre monde actuel.

    Doyen émérite de la Faculté de droit de l’université d’Udine (Italie), membre correspondant de deux académies royales espagnoles, Danilo Castellano est un philosophe connu et reconnu aussi bien dans son propre pays que dans ceux de langue hispanique. Auteur de très nombreux ouvrages, son travail porte essentiellement sur la philosophie politique et le droit. À ce titre, il est aujourd’hui l’un des plus éminents représentants des défenseurs du droit naturel classique qu’il illustre de façon aussi originale qu’incisive.

    Un auteur à découvrir

    En France, pourtant, à l’exception notable de la revue Catholica, dont il est membre du Conseil scientifique, il reste encore trop méconnu. Martin Luther, le chant du coq de la modernité, essai profondément novateur, est le premier livre qui paraît en français sous son seul nom et vient ainsi compléter les livres collectifs auxquels il a contribués. Publié à l’origine en 2016, simultanément en Italie et en Espagne, cet essai aurait dû voir le jour beaucoup plus tôt en langue française, si une série de difficultés ne s’étaient pas mises en travers pour en retarder la publication.

    Fallait-il, pour autant, renoncer à sa publication ? Nous ne le croyons pas. Les analyses qu’offre dans ce petit livre le professeur Danilo Castellano dépassent de très loin le seul moment d’une commémoration, en l’occurrence celle de la Réforme protestante. Pour Danilo Castellano, la Réforme de Luther pose, en effet, les prémisses et les fondements du monde dans lequel nous vivons. Habités par la modernité, l’Europe et les États-Unis, et non les seuls États-Unis, en sont directement issus. Saisir ce lien revient donc à mieux comprendre ce que les Allemands appellent la Weltanschauung, cette conception du monde qui préside à nos destinées. L’enjeu n’est pas mince. Il est même déterminant si l’on entend sortir des conséquences que celle-ci a produites et dont nous constatons chaque jour les méfaits.

    Extrait de la préface de l'auteur :

    Il semble plus opportun d’examiner les conséquences des théories et des choix de Luther sur le plan éthique, politique, juridique, les conséquences sur le plan de la philosophie pratique. Aussi bien l’Europe moderne et contemporaine que l’Amérique du Nord et même, en partie, l’Amérique du Sud sont filles du protestantisme, même si elles présentent certaines caractéristiques particulières qui les rendent en partie différentes. Même l’Espagne, qui a cherché à s’opposer à la culture protestante, en est restée partiellement victime. Il suffit de voir par exemple que la Seconde Scolastique chercha à y résister, à s’y opposer, mais à la fin en resta considérablement marquée malgré la persistance de cette opposition. Il suffirait de penser, en particulier, aux doctrines politiques de Suarez pour comprendre cette affirmation qui peut sembler paradoxale et certainement inhabituelle. (…)

    Luther joue un rôle important en ce qui concerne les doctrines politiques qui entrèrent rapidement dans l’histoire, même si elles se traduisirent en pratique avec des contradictions.

    C’est pourquoi le poids qu’a eu le luthéranisme ne concerne pas seulement la question religieuse : c’est surtout dans le domaine mondain qu’il s’est révélé considérable et même déterminant.

    En revanche, on peut peut-être affirmer qu’il a imprimé un « tournant » à la politique, laquelle, a « transformé » (c’est-à-dire, trahie dans sa nature et dans sa finalité), a caractérisé toute la Modernité. À tel point qu’on pourrait dire que le protestantisme s’est rapidement diffusé non pour des raisons religieuses (du moins, pas principalement), mais pour des raisons mondaines : son expansion ne s’expliquerait pas autrement. Luther, en effet, est incohérent sur le plan théorique (ainsi que sur le plan moral), même s’il y a au fond de sa doctrine un choix qui lui donne une unité. Sa pensée, considérée en soi et pour soi, ne peut exercer aucune fascination. À tel point qu’il faudra attendre Hegel pour lui donner une structure, laquelle, toutefois, en est aussi en fait une transformation, bien qu’elle en soit le développement cohérent : l’ordonnance hégélienne de la doctrine luthérienne marque l’abandon définitif des résidus religieux en faveur des justifications rationalistes

    Ce livre est disponible en librairie et à la boutique de l'Homme Nouveau (236 pages, 12 €).

  • La maladie de Charcot

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    Sur RCF, le docteur Xavier Mirabel évoque la maladie de Charcot :

  • Le triomphe du nihilisme est-il inéluctable ?

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    Dans son numéro d'octobre consacré au nihilisme, la Revue Catholica publie cet éditorial de Bernard Dumont :

    Numéro 137 : Face au nihilisme

    Le psaume 126 célèbre la fin de la captivité à Babylone. Il s’achève ainsi : « Ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans l’allégresse. Ils vont, ils vont en pleurant, portant et jetant la semence ; ils reviendront avec des cris de joie, portant les gerbes de leur moisson. » La grande prophétie moderne, formulée à l’époque des […]

    Le psaume 126 célèbre la fin de la captivité à Babylone. Il s’achève ainsi : « Ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans l’allégresse. Ils vont, ils vont en pleurant, portant et jetant la semence ; ils reviendront avec des cris de joie, portant les gerbes de leur moisson. » La grande prophétie moderne, formulée à l’époque des Lumières, lorsque Kant annonçait l’arrivée de l’humanité à l’âge adulte et Hegel l’épiphanie universelle de la liberté, se réalise maintenant en sens rigoureusement inverse : elle a commencé en chantant l’avenir radieux, elle finit aujourd’hui dans les angoisses et à certains égards dans la folie. Même si l’appareil politique, économique, technique, culturel de la modernité dans sa phase tardive s’autocélèbre en permanence, il faut être aveugle volontaire pour ne pas voir que le programme annoncé ne s’accomplit pas sans dégâts tout autres que collatéraux. De cela, tout le monde a en fait une conscience au moins diffuse, mais celle-ci est étouffée ou contrebalancée par la gestion collective des préoccupations à court terme et l’automatisme de la fuite en avant.

    Une esthétique nouvelle est élaborée et diffusée par le système des médias, entendu au sens le plus large, tendant à relancer perpétuellement cette fuite en avant. Elle opère à travers la publicité, les circuits de production littéraire, le cinéma, la mode, la musique populaire, le simple mimétisme social. Sont ainsi banalisés, banalisés voire donnés en exemple à satiété la grossièreté de langage, la pornographie, la drogue, les tatouages, toutes les formes de déviance, les cultes sataniques, les vies familiales désaxées, le suicide comme acte de suprême liberté… L’activité déployée sous la dénomination abusive d’« Art contemporain » est particulièrement représentative de l’exaltation démonstrative du mal et du néant. Même si cette pédagogie du sacrilège ne mobilise directement qu’un milieu restreint, elle n’en a pas moins une force symbolique du fait qu’elle est imposée sur les lieux publics comme le furent auparavant monuments aux morts et statues de héros. Dans un ordre différent, la licence totale, l’incitation même laissée à l’avortement, aux manipulations sur l’être humain, le retour en force de l’eugénisme, la légitimation de l’euthanasie s’inspirent de la même « valeur » centrale : la transgression. Transgression de la loi naturelle, de la dignité humaine, de la simple raison, de la décence élémentaire. Présente sous des formes multiples, la transgression envahit d’autant plus le corps social qu’elle est suivie et souvent précédée par la législation étatique, sanctionnée et aggravée par les décisions des tribunaux, qu’elle fait l’objet des pressions exercées par les plus puissantes des organisations mondiales, les grands groupes financiers, les obédiences maçonniques et autres entités activistes dites issues de la société civile.

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  • Chiffres et pratique de la procréation médicalement assistée (PMA) en Belgique

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    Du Bulletin de l'Institut Européen de Bioéthique :

    Chiffres et pratique de la Procréation Médicalement assistée en Belgique

    Dossier de l'IEB

    Depuis 1978, année de naissance du premier bébé né par fécondation in vitro, le nombre d’enfants conçus de cette manière s’élève à 5,4 millions dans le monde entier. La grande majorité des traitements de PMA est réalisée en Europe. En 2014, il y eut 707.171 cycles entrepris sur le continent, donnant lieu à 146.232 naissances.

    Les techniques de procréation médicalement assistée se sont beaucoup développées depuis 40 ans en Belgique, pays pionnier dans la pratique. Il compte aujourd’hui 18 centres de Procréation Médicalement Assistée (PMA), soit un par hôpital universitaire et un centre non-universitaire par province et 16 banques d’ovocytes et de sperme.

    En 2014, 33.790 cycles de PMA ont été entrepris, ce qui a conduit à 5.774 naissances, soit 4,6% du total des naissances. En comparaison, aux Etats-Unis, les enfants conçus en 2015 par FIV représentent 1,7% du nombre total des naissances6, soit 67.818 nourrissons. Au Japon, ce chiffre atteint 5% des naissances !

    A l'heure où la France se questionne sur la PMA pour toutes les femmes, ce nouveau Dossier de l'IEB aborde différents aspects de la PMA: juridiques, économiques, éthiques et psychologiques.

    Il ne fait pas l'impasse sur des données sensibles telles que le nombre d'embryons détruits, donnés, congelés chaque année et aborde aussi l'aspect budgétaire et les coûts que représentent ces techniques de procréation.

    D’après l’INAMI, la totalité des dépenses liées à la PMA aurait coûté à la sécurité sociale 72.969.000€ pour la seule année 2013.

    Télécharger le Dossier : ICI

  • La peine de mort est inhumaine et inadmissible selon le pape François

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    De Radio Vatican

    La peine de mort est inhumaine et inadmissible, réaffirme le Pape François

    (RV) «La condamnation à la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle». Le Pape François s’est exprimé ce 11 octobre 2017 à l’occasion du 25ème anniversaire du Catéchisme de l’Église Catholique promulgué par Saint Jean-Paul II le 11 octobre 1992. Devant les participants à cette rencontre organisée par le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation dans la salle du Synode au Vatican, le Saint-Père a réaffirmé l’évolution de la position de l’Église sur la peine capitale: «la peine de mort est inadmissible car elle attente à l’inviolabilité de la personne».

    «Le Catéchisme de l’Église Catholique est un instrument important», a d’abord rappelé le Pape François, puisque c’est lui qui expose «l’enseignement de toujours pour que grandisse la compréhension de la foi», mais aussi parce qu’il entend «s’adresser à nos contemporains, avec leurs questions à la fois diverses et nouvelles». C’est le rôle même du Catéchisme de l’Église Catholique, poursuit François avec les mots de Saint Jean-Paul II: «qu’il aide à éclairer de la lumière de la foi les situations nouvelles et les problèmes qui ne s’étaient pas encore posés dans le passé», autrement dit, «enseigner la nouveauté, sans abandonner l’ancien».

    La promulgation du Catéchisme de l’Église Catholique, trente ans après l’ouverture du Concile Vatican II, se devait en effet de respecter le désir de Saint Jean XXIII qui ouvrit ce Concile : «se tourner vers les temps présents» et «se mettre au travail qu’exige notre époque», tout en s’appuyant sur le passé et «poursuivant la route sur laquelle l'Église marche depuis près de vingt siècles». «Garder» cet héritage et «poursuivre» le chemin, voilà l’objectif de l’Église résume le Pape François, «un but et une mission dont nous sommes responsables, pour annoncer de façon renouvelée et davantage exhaustive l’Évangile de toujours à nos contemporains».

    Finalement, ce n’est pas une question de renouvellement du langage «pour exprimer la foi de toujours», mais bien une question de «nouveauté de l’Évangile du Christ, pas encore mise en lumière» que l’Église doit exposer de façon urgente et nécessaire face aux nouveaux défis et perspectives de l’humanité, estime le Pape. Ce n’est pas non plus une question de raison car «connaître Dieu, ce n’est pas d’abord un exercice théorique», mais c’est une question d’amour, de «désir inépuisable présent au cœur de chacun. C’est la connaissance qui vient de l’amour». Voilà pourquoi le Catéchisme est à voir «à la lumière de l’amour, comme une expérience de connaissance, de confiance, et d’abandon au mystère».

    La peine de mort est inadmissible

    L’amour comme fondation du Catéchisme de l’Église Catholique. C’est à partir de cette explication, que le Pape François a souhaité aborder le sujet de la peine de mort. «Un thème qui devrait trouver dans la Catéchisme de l’Église Catholique, un espace plus approprié et plus en adéquation avec cette finalité». Car jusqu’à aujourd’hui, cette sentence n’était pas formellement exclue par l’Eglise. En effet, dans le Catéchisme de l’Église Catholique de 1992, il est stipulé : «L'enseignement traditionnel de l'Église n'exclut pas, quand l'identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort si celle-ci est l'unique moyen praticable pour protéger efficacement de l'injuste agresseur la vie des êtres humains» (Catéchisme de l’Église Catholique, IIIè partie. La vie dans le Christ - deuxième section. Les dix commandements - chapitre 2 "Tu aimeras ton prochain comme toi-même " - article 5. Le cinquième commandement - I. Le respect de la vie humaine - alinéa 2267).

    Le Pape François, dans ce discours, réaffirme ainsi l’évolution de la position de l’Église sur la peine capitale. Après Saint Jean-Paul II et Benoît XVI, François veut redire «avec force que la condamnation à la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle, quel que soit son mode opératoire». Décider «de supprimer une vie humaine» est «inadmissible», «quelque puisse être la gravité de la faute commise» a répété avec fermeté le Saint-Père, car c’est une décision par elle-même contraire à l’Évangile. Seul Dieu peut se faire «le véritable juge et le garant» de cette vie sacrée, d’autant que pas même le meurtrier ne doit perdre sa dignité personnelle, «car Dieu est un Père qui attend toujours le retour du fils qui, conscient de ses erreurs, demande pardon et commence une nouvelle vie».

    La peine capitale est «un remède extrême et inhumain» dicté «par une mentalité plus légaliste que chrétienne» qui faisait ainsi «disparaître le primat de la miséricorde sur la justice» a déploré le Saint-Père qui assume la responsabilité de ce passé. Mais aujourd’hui, «le développement harmonieux de la doctrine demande cependant d’abandonner des prises de position liées à des arguments qui apparaissent désormais réellement contraires à une nouvelle compréhension de la vérité chrétienne». Car la Tradition de l’Église est une réalité dynamique, toujours vivante, qui progresse. «La Parole de Dieu ne peut être conservée dans la naphtaline comme s’il s’agissait d’une vieille couverture dont il faudrait éloigner les parasites !» a lancé le Pape, qui appelle, non pas à changer la doctrine, mais à changer de lecture sur la doctrine, en adoptant une «religieuse écoute» de l’Église d’aujourd’hui pour la faire avancer.

  • L’Europe revient dans le discours politique et social

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    La Salle des Professeurs, qui est l’une des deux salles de prestige de l’Université de Liège, était bienIMG_8232.JPG remplie, hier soir, pour accueillir un échange remarquable sur l’avenir de l’Europe qui eut lieu entre Pierre Defraigne (Collège de l’Europe, ancien directeur général à la Commission européenne, ci-contre à droite) et Alfred Steinherr (directeur académique du John F. Welsch College of Business à Luxembourg et ancien directeur général de la Banque Européenne d’Investissement, ci-dessous à gauche).

    IMG_8231.JPGL’enregistrement intégral de cette rencontre, organisée par le Groupe Ethique sociale et  l’Union des étudiants catholiques de Liège sera bientôt disponible.

    Dans la même perspective, le site web « cath.net » publiait, hier aussi, cette interview que le Père Olivier Poquillon, secrétaire général de la COMECE (Commission des Episcopats de la Communauté européenne, a accordée à Bernard Litzer (extraits) :

    « L’Europe revient dans le discours politique, notamment chez Emmanuel Macron et Angela Merkel. L’esprit européen fait-il un retour contraint ou bienvenu?

    O. Poquillon: Les Allemands et les Français n’ont peut-être pas oublié les carnages des deux dernières guerres mondiales. Dans une période anxiogène comme la nôtre, il est vital de mettre en place un cadre qui permette d’éviter aux égoïsmes nationaux et corporatistes de prendre le pas sur la recherche du bien commun. Qu’ils le veuillent ou non, nos pays et nos peuples sont en Europe, même la Suisse!

    «L’Union européenne est partie assez loin dans l’économie de marché en donnant souvent l’impression de privilégier les profits financiers au détriment d’une économie au service des personnes», estime Olivier Poquillon. 

    La question n’est donc pas de savoir si nous voulons en faire partie ou pas, mais comment nous voulons y vivre ensemble. C’est sans doute ce constat qui explique le retour de ce thème sur le devant de la scène. Pour l’Eglise, la construction européenne est d’abord vue comme un projet de paix. Et c’est dans cet esprit que la COMECE et le Saint Siège organisent un dialogue entre politiques et religieux de haut niveau, fin octobre au Vatican.

    La poussée migratoire a plongé le Vieux-Continent dans une crise politique, entre les tenants de l’ouverture et les pays de l’Est, réticents. Comment concilier ces deux positions

    Cette crise est surtout politique avant d’être migratoire. Si on regarde les chiffres, l’Europe a connu des mouvements migratoires bien plus importants au cours du siècle passé, notamment autour des deux guerres mondiales et des décolonisations. Aujourd’hui, on entretient dans les populations un sentiment d’impuissance face à des «hordes» allogènes qui déferleraient sur nous pour bouleverser nos sociétés, piller nos biens et faire de nous des étrangers dans notre propre pays. Comme l’ont montré de récentes études, ce sentiment est d’autant plus fort qu’on n’a pas de contact direct avec les migrants. Lorsqu’on connait un visage, un nom, une histoire, on peut sortir de la confrontation de masse pour rencontrer l’autre comme une personne et trouver avec lui des solutions.

    L’Eglise catholique n’est pas utopique sur la question des migrants et réfugiés. Elle rappelle seulement aux politiques leurs propres engagements à considérer tous les hommes libres et égaux en droit, comme ils le sont aux yeux de Dieu. Face aux peurs et au sentiment de perte de contrôle de nos concitoyens, à l’Est comme à l’Ouest, cela implique de trouver de nouvelles façons de gouverner, non pas pour les gens mais avec les gens.

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  • Hérétique, le pape ? Bien sûr que non !

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    D'Antoine Pasquier sur le site de l'hebdomadaire "Famille chrétienne" :

    Correction filiale : « les accusations d’hérésie ne sont pas fondées »

    Le texte (voir ici) a fait grand bruit. Dans une correction filiale adressée au pape François le 11 août, rendue publique le 24 septembre, un groupe de laïcs, de clercs et de théologiens l’accuse de propager sept hérésies avec son exhortation Amoris Lætitia. Ces accusations sont-elles fondées ? Amoris Lætitia porte-t-elle atteinte au magistère de l’Église ? Éléments de réponses du père Thomas Michelet op., professeur à l’Angelicum, l’Université Pontificale Saint-Thomas d’Aquin à Rome.

    La correction filiale affirme que le pape François a propagé sept hérésies. Il s’agit d’une accusation grave. Est-ce une première ?

    N’exagérons rien. Ce n’est pas la première fois que des chrétiens accusent le pape d’hérésie. C’est même habituel de la part de groupes schismatiques, ou en passe de le devenir, qui justifient ainsi leur rupture.

    Dans le cas d’Amoris Lætitia, il y avait déjà eu en juin 2016 un texte de 45 signataires auquel celui-ci fait d’ailleurs référence. Il dressait une liste de 19 propositions assorties de censures : 11 jugées hérétiques et contraires à la Révélation (scandalosa, prava, perversa, perniciosa, impia, blasphema, etc.) ; d’autres tombant sous des qualificatifs moins graves (contraires à la foi, téméraires, ou simplement fausses). La presse s’en était fait un peu l’écho à l’époque, puis on n’en a plus du tout parlé. C’est retombé comme un soufflé.

    Le présent texte constitue une sorte de relance, 18 des premiers signataires étant les mêmes. Pour l’instant, il semble avoir plus de succès. Peut-être est-ce dû à un « choc de simplification » : de onze hérésies, on passe à seulement sept (excusez du peu !) Il y a la force du symbole, le chiffre sept ayant des résonances apocalyptiques. Sans doute aussi le fait qu’il s’agit d’une pétition que l’on peut signer sur un site internet dédié (233 signataires à ce jour). Mais souvenons-nous qu’une « supplique au pape François en vue du Synode » à l’initiative du cardinal Burke avait recueilli en 2015 près de 500 000 signatures…

    On pourrait se laisser impressionner par la qualité des signataires, souvent des autorités académiques ou civiles, ou des pasteurs. Mais à y regarder de plus près, il ne s’y trouve aucun théologien de renom, aucun évêque en poste. Les fameux dubia des quatre cardinaux étaient autrement plus sérieux, s’agissant de proches collaborateurs du pape. Accuser le pape d’hérésie, c’est évidemment grave. Mais ça le serait beaucoup plus si ces accusations étaient fondées ; ce qui n’est pas le cas.

    Le pape a-t-il « directement ou indirectement approuvé les croyances selon lesquelles l’obéissance à la loi de Dieu peut se trouver être impossible ou non souhaitable » comme le laisse entendre la correction ?

    L’Abbé Guillaume de Tanoüarn, de l’Institut du Bon Pasteur, déclarait récemment sur les ondes : « Tout cela me semble disproportionné et déplacé. Le pape est le pape […] Je n’ai jamais vu sous sa plume, ou entendu dans sa prédication, la moindre chose qui puisse ressembler à une hérésie. En réalité, on juge un silence. […] On peut contester les raisons pour lesquelles le pape garde le silence, mais on ne peut pas de ce silence tirer une hérésie. Cela ne me semble pas logique. »

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  • Il n’y a pas de place pour l’euthanasie dans les institutions des Frères de la Charité

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    Euthanasie chez les Frères de la Charité ?

    par le Frère René Stockman, Supérieur général des Frères de la Charité

    Les derniers mois, on a beaucoup débattu de la question de savoir si l’euthanasie sera permise ou non dans les institutions de santé mentale des Frères de la Charité en Belgique. Jusqu’à présent, ils avaient appliqué la règle stricte de prendre au sérieux chaque demande d’euthanasie, de tout faire pour accompagner le malade qui le demande et d’essayer de lui offrir de nouvelles perspectives de vie. Mais si la question d’euthanasie restait présente et si toutes les conditions concernées étaient présentes, l’euthanasie ne serait pas appliquée dans les murs de l’institution, mais avec le patient et sa famille on chercherait un autre lieu où l’euthanasie pourrait être réalisée. Avec ce mode de travail, ils n’agissaient pas contre la loi et en même temps ils restaient conformes à la vision de l’Église catholique qui désapprouve l’euthanasie, parce que la vie doit être défendue dans toutes les circonstances de manière absolue. Certains qualifiaient cette méthode de travail comme ambiguë et hypocrite, parce que les patients sont enlevés à leur environnement familial afin de subir l’euthanasie hors des institutions des Frères de la Charité. Nous ne trouvions cela ni ambigu, ni hypocrite, car dès le début, il est clairement communiqué au patient et à sa famille que l’euthanasie ne serait pas appliquée à l’intérieur des institutions des Frères de la Charité, mais que nous ne jugeons pas la décision éventuelle du patient. Nous demandions en d’autres mots que le patient et la famille respectent notre vision en tant qu’institution catholique. Il s’agissait dès lors d’un acte de respect mutuel.

    Nous savons que cette vision et cette méthode de travail ont été critiquées de l’extérieur, surtout par ceux qui sont partisans fervents de l’euthanasie, mais aussi par l’organisation des hôpitaux catholiques, qui désapprouve l’euthanasie en principe mais l’admettait dans certains cas. En même temps, nous savons que dans différents hôpitaux soi-disant catholiques l’euthanasie est admise comme si de rien n’était, tandis que dans d’autres hôpitaux des procédures claires ont été développées pour gérer la question de l’euthanasie, sans exclure l’euthanasie radicalement. Mais aussi à l’intérieur de la propre organisation Frères de la Charité nous n’étions pas toujours épargnés par la critique, bien que la grande majorité des psychiâtres partageait la vision selon laquelle l’euthanasie pour des patients non-terminaux se trouvant dans une situation médicale sans issue, n’était pas appropriée. Que certains politiciens ne cachaient pas leur critique mais allaient ouvertement et souvent à la charge, cela est connu.

    Est-ce que, avec tout cela, les institutions des Frères de la Charité se plaçaient sur une hauteur solitaire ? Peut-être que oui. Mais est-ce que cela était une bonne raison pour modifier la vision et élaborer une vision qui met bien l’accent sur l’agir prudentiel lors de la demande d’euthanasie, mais laisse néanmoins la porte entrouverte pour l’exécution de l’euthanasie entre les murs de l’institution ? Je ne pense pas. Peut-être qu’il est mieux que, dans une société pluraliste, la diversité soit et reste présente, où des organisations comme la nôtre gèrent d’une manière consciencieuse cette loi, dans le cadre législatif qui est créé autour de l’euthanasie et conforme à l’image chrétienne de l’homme, comme organisation catholique, tout comme pour les soignants individuels: ouvertes à la demande, ouvertes à l’accompagnement, mais pas ouvertes à appliquer et exécuter effectivement l’euthanasie. Pour mentionner une citation d’une interview avec le professeur Willem Lemmens : « Je trouvais remarquable que Othman El Hammouchi, un jeune philosophe musulman, ait dit que l’Église ne doit pas plier pour des « évolutions » sociales, mais qu’elle doit être une source de stabilité au milieu de ces changements. Cela, les Frères de la Charité auraient pu le faire : utiliser le ‘momentum’ pour expliquer leur refus ».

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  • Le christianisme contre le capitalisme ?

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    2017-10-van-gaver-christianisme-4-5971fa52d8826.jpgDe Mahaut Herrmann sur le site de l'hebdomadaire "La Vie" :

    “Christianisme contre capitalisme ?“ de Falk van Gaver

    « “Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent.” De quel côté êtes-vous ? » Christianisme contre capitalisme ? interpelle ainsi le lecteur dès la première page ; c’est le livre d’un chrétien insurgé par les complaisances envers l’économie de marché et les dégâts qu’elle inflige aux hommes et à la Création. Falk van Gaver pointe impitoyablement du doigt les décalages ostensibles entre le discours social catholique millénaire et trop d’habitudes des fidèles. Rien n’est oublié, ni la dépendance des communautés occidentales aux ressources des grandes fortunes, ni la lecture spiritualiste de l’épisode du jeune homme riche.

    Essayiste, journaliste, collaborateur de l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon, Falk van Gaver a été témoin de nombreuses manières d’édulcorer l’appel évangélique à la pauvreté et à la sobriété. Pour répondre à toutes ces objections, il a donné pour titre à chaque chapitre une question : « Un pape de gauche ? », « Malheur aux riches ? », « Heureux les pauvres ? », etc.

    Riche en références et en citations, son essai est tout sauf un livre savant écrit à bonne distance du champ de bataille. Il s’appuie autant sur son expérience et ses rencontres marquantes que sur ses lectures. Une telle perspective pourrait sembler rebattue. Mais Falk van Gaver n’a pas écrit une introduction supplémentaire à la longue tradition sociale catholique. En grec, fait-il remarquer, le même mot, anastasis, désigne chez ­Thucydide l’insurrection – soulèvement politique – et, dans les Évangiles, la résurrection du Christ. Partant de là, son livre devient progressivement un appel à une insurrection catholique bibliquement et théologiquement fondée.

    “Christianisme contre capitalisme ?“ de Falk van Gaver, Cerf, 14 €.