Du P. Serafino M. Lanzetta sur Res Novae :
Vatican II et le Calvaire de l’Église
15 septembre 2021
Récemment, le débat sur l’interprétation correcte du Concile Vatican II a été ranimé. Il est vrai que chaque concile pose des problèmes d’explicitation et en suscite très souvent de nouveaux au lieu de résoudre les précédents. Le mystère comporte toujours une tension entre ce qui est dit et ce qui est indicible. Il suffit de rappeler que la consubstantialité du Fils avec le Père qui fut affirmée contre Arius par le concile de Nicée (325) ne fut nettement déclarée que soixante ans plus tard avec le concile de Constantinople (381), lorsque la divinité du Saint-Esprit a également été définie. À notre époque, environ soixante ans après le Concile Vatican II, nous n’avons pas vu de clarification de la doctrine de la foi, mais son obscurcissement grandissant. La Déclaration d’Abu Dhabi (4 février 2019) prétend établir avec une certitude absolue que Dieu veut la pluralité des religions de la même manière qu’Il veut la diversité de couleurs, de sexes, de races et de langues. Comme l’a dit le Pape François sur le vol de retour après la signature de ce document: « Du point de vue catholique, ce document n’a pas dépassé d’un millimètre le Concile Vatican II. » Il y a plutôt un lien « symbolique » avec « l’esprit du Concile » dont se fait l’écho le texte de la « Déclaration sur la fraternité humaine ». Et pourtant, c’est bien un lien, et ce n’est certainement pas le seul qui existe entre Vatican II et l’Église d’aujourd’hui. Ce qui montre qu’entre le concile de Nicée et Vatican II il y a une différence qui doit être prise en considération.
Cet étrange concile, qu’il faut toujours interpréter
L’herméneutique de la continuité et de la réforme nous a donné l’espoir de pouvoir lire le nouvel enseignement de Vatican II en continuité avec le magistère précédent, au nom du principe de base de tout concile, que s’il se déroule selon les exigences canoniques, il est assisté par le Saint-Esprit. Ainsi, si l’orthodoxie n’est pas immédiatement perceptible, on la recherche. En attendant, cependant, il y a déjà ici un problème qui n’est nullement secondaire. Avoir besoin d’herméneutique pour résoudre le problème de la continuité est déjà un problème en soi. In claris non fit interpretatio, dit un adage bien connu, qui fait que c’est parce que la continuité a besoin d’être démontrée par l’interprétation, qu’il faut une herméneutique. Dans l’état actuel des choses, la continuité [de Vatican II avec la Tradition] n’est pas évidente mais doit être démontrée ou plutôt interprétée. Dès qu’on a recours à une herméneutique, on entre dans un processus toujours croissant d’interprétation dans la continuité, un processus qui, une fois engagé, ne s’arrête pas. Tant qu’il y aura des interprétations, il y aura un processus d’interprétation sans fin, et il y aura donc la possibilité que toute interprétation puisse être confirmée ou niée parce qu’elle apparaît adéquate ou préjudiciable aux yeux de l’interprète suivant.
L’herméneutique est un processus interminable; tel est celui de la modernité qui pose l’homme comme existant et l’enferme dans les limites de son existence présente, ici et maintenant. Cela se voit dans le Concile, qui essaie de dialoguer avec le monde moderne, qui à son tour implique lui-même un processus existentiel difficile à résoudre dans les cercles herméneutiques. Si nous nous appuyons sur l’herméneutique seule pour résoudre le problème de la continuité, nous courons le risque de nous enfermer dans un système qui suppose la continuité (ou, au contraire, la rupture) mais qui en fait ne réussit pas à la trouver. Et il ne semble pas que nous l’ayons trouvée du tout aujourd’hui, près de soixante ans après Vatican II.
Il y a besoin non d’une herméneutique qui nous garantisse la continuité, mais d’un premier principe qui nous dise si l’herméneutique utilisée est valide ou non: ce principe est la Foi de l’Église. Il n’est pas étonnant qu’à une telle distance de Vatican II, nous discutions encore selon l’herméneutique de la continuité, sur la continuité d’un concile avec les précédents et avec la Foi de l’Église, alors que la Foi elle-même nous a quittés depuis déjà de nombreuses années et ne montre aucun signe de retour.