De l'abbé Jean-Luc Maroy sur didoc.be :
Dieu au cinéma
Comment la question de Dieu est-elle traitée au cinéma ? On le pressent, Dieu ne se laisse pas capturer par l’image. Pourtant les histoires bibliques, la vie de Jésus, les faits de société, les enjeux de la vie morale, l’art lui-même, invitent à la production de films religieux qui tentent de rejoindre croyants et non-croyants dans leurs questionnements sur Dieu.
Quelques points de repères historiques
Si on regarde l’histoire du cinéma, pendant longtemps, les réalisateurs et producteurs présentent des films ou la dimension religieuse est naturelle, simple, en un temps où elle fait encore partie du quotidien des hommes. Elle imprègne le scénario, le jeu d’acteurs, et montre une société qui, du plus riche au plus pauvre, ne peut ignorer Dieu et les exigences de la vie morale. Les films de John Ford participent de ce courant. Dans Les raisins de la colère (1943), inspiré du roman de John Steinbeck, le réalisateur parvient à exprimer la dimension de la « grande âme du peuple », pauvre mais digne dans les épreuves.
La Seconde Guerre mondiale va bouleverser la donne. Les années de privation et souffrance encouragent les films musicaux et de divertissement de qualité. Les années 1950 sont aussi celles des films historiques, du genre peplum, qui mettent en scène de grandes fresques bibliques, avec des moyens financiers considérables. Tout le monde a à l’esprit l’affiche du film des Dix commandements de Cecil B. De Mille (1956) avec Moïse (Charlton Heston), brandissant les Tables de la Loi pour les précipiter en bas de la montagne.
Quelque chose est en train de se briser, c’est sûr, qui n’apparaîtra que plus tard : la Loi ne suffit pas, l’homme attend la grâce, et celle-ci n’arrive pas. Peut-être parce que Dieu, lui, attend la foi, qui naît du silence et de l’écoute, du repentir aussi sans doute… En attendant, mais on y reviendra, c’est « le vide » qui s’installe et Antonioni, au début des années 1960, l’a très bien évoqué avec L’Avventura (1960), La notte (1961), L’Eclisse (1962). La ruche bourdonnante de la société des Trente Glorieuses ne sait plus écouter, s’arrêter, prier… « On ne sait même plus prier » dira Alexandre dans Le Sacrifice de Tarkovski (1986). Fellini filme la « vanité », et les fêtes tourbillonnantes de la bourgeoisie romaine comme dans La dolce Vita (1960). Il faudra attendre les années 1980 pour voir surgir tout à coup nombre de films religieux comme Mission de Roland Joffé (1986), qui interroge la place de la religion dans la culture, l’histoire, la vie en société, et jusqu’au sens de la vocation...
La figure de Jésus
Les films qui mettent en scène Jésus ont une fortune variable ; qu’ils soient l’œuvre personnelle de cinéastes ou films controversés qui ne manquent pas de séduire (L’Evangile selon saint Matthieu de Pasolini, 1964 ; Jésus Christ superstar, de Norman Jewison, 1973) ou qu’ils correspondent davantage à une sensibilité religieuse populaire (Jésus de Nazarethde Zeffirelli, en 1977), aucun ne nie le mystère d’un homme en tous cas remarquable qui (au jugement du spectateur) pourrait être le Fils de Dieu. Il faudra attendre encore quelques années pour que la figure de Jésus soit actualisée avec des problématiques psychologiques, mais aussi sociales (Jésus de Serge Moati, 1999, inspiré du livre de Jacques Duquesne ou encore Son of Man de Mark Dornford, 2006). Des réalisateurs explorent alors « l’homme Jésus » au regard des progrès des sciences humaines mais en laissant parfois de côté sa nature divine. Ailleurs, nombre de personnages évoquent la figure du Christ, comme celui de John Coffey dans La ligne verte de Frank Darabont (1999), qui « absorbe » (et guérit) la souffrance des autres. Enfin, il y a aussi les relations de Jésus avec ses disciples avérés ou supposés, ce qu’évoque Risen de Kevin Reynolds (2016) ou Mary d’Abel Ferrara (2005).